Deuce Roadster Shane Wright
D’après le Dictionnaire culturel de la Langue française, le nom et l’adjectif « marginal » sont apparus au XVe siècle du latin margo, marginis, « marge d’une page ». Le premier sens de ce mot se réfère d’ailleurs à cette origine, « qui est mis dans la marge ». Le sens figuratif du mot n’apparaît qu’au milieu du XX e siècle, notamment chez l’ethnologue et africaniste George Balandier (1960) et vient à signifier « qui n’est pas central, principal », se posant en synonyme d’accessoire ou secondaire. Ce n’est qu’après 1960 que le mot se met à désigner une personne qui vit en marge de la société parce qu’elle en refuse les normes ou n’y est pas adaptée. Cette évolution sémantique s’était d’abord produite au sein de la langue anglaise. C’est un sociologue américain, Robert Park, qui en 1928, augmente l’acception purement typographique et spatiale de l’adjectif « marginal » d’une dimension culturelle et sociale.
Il suggère en effet d’employer ce mot pour désigner l’entre-deux culturel dans lequel s’inscrivent les populations: migrantes des États-Unis. Selon lui, les Juifs, les travailleurs noirs ou les Montagnards des Appalaches sont des « marginaux » (marginal men) parce qu’ils sont à mi-chemin entre une culture traditionnelle et une culture urbaine et moderne. Ces analyses sont développées par Everett Stonequist dans The marginal man. La mise en évidence de la marginalité a lieu à un moment où les valeurs de la société occidentale sont de plus en plus contestées: ce concept permet de montrer la faillite structurelle de l’organisation socio-économique de l’Occident, incapable d’assurer le bien-être collectif. Après 1968, le terme de marginal vient à s’appliquer pas tant aux laissés pour compte du système qu’à ses détracteurs qui ont choisi d’exprimer leur désaccord en menant une existence anticonformiste (beatniks, hippies).
D’expérience subie ou douloureuse, la marginalité devient choisie et libératrice. Un certain flou entoure la définition de la marginalité, souvent confondue avec d’autres concepts proches. Marginalité, exclusion et déviance sont trois notions voisines et souvent entremêlées, mais elles renvoient néanmoins à des réalités qui ne sont pas superposables. L’exclusion résulte d’une volonté de mettre un individu ou un groupe au ban de la société, tandis que la marginalité est le fruit d’une incapacité du système à intégrer certaines personnes. Si la marginalité génère de l’exclusion, tous les exclus ne sont cependant pas des marginaux (les pauvres et les minorités peuvent exclus dans une société sans pour autant devenir des marginaux : ils y ont une place et y jouent un rôle, même s’ils sont peu enviables). Quant à la déviance, elle constitue un écart patent vis-à- vis d’une norme, qu’elle soit explicite ou implicite.
Tandis que la marginalité est un état qui peut ou non advenir en réaction à cet écart. Si la marginalité résulte bien de la déviance, elle ne saurait s’y résumer. La marginalité apparaît en fonction des attentes du groupe « normal » vis-à-vis du groupe « différent », et non pas seulement à cause de l’identité ou du comportement des membres « différents ». La marginalité est donc toujours relative : on est marginal par rapport à un groupe institutionnalisé, à une époque, dans un lieu donné et en référence à une norme sociale, morale ou intellectuelle. Le marginal est celui qui vit en marge du groupe, en dehors de son époque ou de son lieu d’origine, qui ignore la norme ou la remet en cause. La marginalité renvoie donc à des contenus et des définitions très variables, mais implique toujours une forme de transgression par rapport à une norme. Ce qui amène à s’interroger sur l’idée de « norme ».
La norme, c’est la conformité d’une situation ou d’un comportement à ce qui est attendu par un groupe social. Mais qui définit la norme ? Et à qui s’impose-t-elle comme force de coercition ? En face des règles dont les créateurs sont les sujets, il existe des lois créées par un groupe d’individus pour un autre groupe exclusivement (règles dictées par les hommes aux femmes, Apartheid, etc.). La marginalité est souvent subie, en particulier lorsque la « transgression » est involontaire voire existentielle (imposée par la naissance, le sexe, l’origine sociale ou ethnique), mais elle est parfois pleinement assumée, et même revendiquée et considérée comme un signe d’élection par des personnes qui franchissent la ligne par choix (intellectuels, artistes). La marginalité peut remplir une fonction positive si, grâce aux ébranlements qu’elle provoque, de nouvelles formes sociales et culturelles apparaissent et s’imposent peu à peu.
Révoltés, révolutionnaires et prophètes viennent briser l’ordre ancien tout en apportant une légitimité nouvelle qui peut aller jusqu’à provoquer une inversion des valeurs. Subie ou voulue, cette rupture est le plus fréquemment douloureuse, car elle isole l’individu « déviant ». Les normes ne sont pas contraignantes uniquement à cause des sanctions qu’elles prévoient en cas de désobéissance : notre dépendance vis-à-vis d’un certain nombre de personnes dont l’attitude compte pour nous, les contenus de la marginalité, toujours relative, varient en effet dans le temps et dans l’espace, la multitude des situations s’inscrivant entre une limite supérieure et inférieure variable d’une société à l’autre. Les clochards, les immigrés sont perçus comme des marginaux mais les dandys, aristocrates enviés, sont aussi des marginaux. Ils ne subissent pas mais revendiquent avec orgueil leur marginalité.
Les libres penseurs, les créateurs de toutes sortes, en avance sur leur temps, font partie de cette élite marginalisée par sa différence, non plus économique ou ethnique, mais intellectuelle. La frontière entre marginalité et exclusion est donc fragile. Hors la norme, le marginal est toléré, à l’opposé de l’exclu qui est banni. Mais ses différences le font apparaître subversif, car il ne s’oppose pas seulement à l’ordre établi pour des motifs psychologiques ou idéologiques. Il est porteur d’une contestation plus profonde et durable qui affecte le vécu. C’est en quoi le marginal se distingue de l’anticonformiste ou de l’original dont la particularité peut choquer tout en restant plaisante. A. Bouloumiéétablit une typologie des marginaux en fonction des domaines de la transgression :culpabilité en cas de transgression sont des facteurs importants de notre conformité.
Que l’on soit marginal par la limite inférieure ou par la limite supérieure, cette « différence » ne laisse jamais indifférent, même si le degré de tolérance varie selon les époques, les lieux et les types de marginalité, oscillant de la mise à mort à l’admiration en passant par l’enfermement, le rejet et la mise à l’écart, la suspicion, la crainte, la pitié. Certaines sociétés sont plus « marginalisantes » que d’autres : Claude Lévi-Strauss oppose les sociétés centrifuges qui tendent à rassembler, et les sociétés centripètes qui excluent, qui rejettent à l’extérieur tout individu qui s’écarte de la norme pour faire de la cohésion, le meilleur moyen est de désigner les méchants, ceux qui nous veulent du mal, les « étrangers », ceux qui sont « différents ».Le rôle d’un constructeur automobile va bien au-delà de la fabrication et de l’assemblage de pièces. Un bon constructeur doit également servir de chef de projet, de consultant en conception.
Mais parfois plus important encore, de motivateur pour le propriétaire de la voiture. Chad Adams d’Adams Hot Rod Shop a rempli tous ces rôles sur le roadster Ford Highboy 1932 de Shane Wright, une voiture qui a nécessité trois décennies de planification et seulement neuf mois pour être terminée. « J’achète des pièces depuis 1991 pour construire cette voiture », explique Shane. « J’ai travaillé un peu au fil des ans, puis j’ai arrêté de roder pendant un moment. Mon père est décédé il y a trois ans. Je connaissais Chad et je l’ai appelé au sujet d’une autre voiture. Il m’a demandé si j’avais encore les pièces de 32 et a dit qu’il les construirait pour moi, alors nous y voilà ». Les hot rods Deuce sont un territoire familier pour Adams, il a donc pu modifier rapidement le cadre et l’assembler avec un essieu Super Bell abaissé et percé, des épingles à cheveux Pete & Jakes et une suspension arrière à quatre barres triangulaires.
Les freins à disque à l’avant (cachés dans des tambours de style Buick) et les tambours arrière ont été assemblés derrière des roues en acier Wheelsmith de 16×4 et 16×6 pouces enveloppées de caoutchouc à plis diagonaux Firestone. Ni Shane ni Chad n’ont ressenti le besoin de faire quoi que ce soit d’exotique pour la puissance, donc une 350c.i. fiable et solide. Le petit bloc Chevy a été installé dans le châssis et soutenu par une transmission TH350. Un carburateur Holley gère le dosage du carburant, les collecteurs de bloc expulsent les fumées, et tout est joliment détaillé et peint en noir brillant. La carrosserie en acier de Brookville a reçu l’ajustement et la mise au point nécessaires pour obtenir des espaces uniformes et un alignement précis des panneaux. Chad et Shane se sont ensuite mis d’accord sur une teinte beige de style vintage appelée Classic Clay qui a été appliquée à l’aide de matériaux PPG.
Un pare-brise fortement incliné, des phares commerciaux et des feux arrière Ford 37 ont aidé à finir l’extérieur. L’un des avantages d’Adams Hot Rod Shop est que les travaux de rembourrage peuvent être effectués sur place sans quitter l’atelier. Sur le roadster de Shane, cela comprenait une sellerie en cuir brun avec des inserts cousus en losange sur une banquette personnalisée, avec de simples panneaux latéraux rembourrés pour être assortis et ornés de garnitures. Des instruments classiques ont été utilisés pour remplir le tableau de bord tourné par le moteur, un volant à quatre branches percé a été boulonné au sommet d’une colonne de direction en acier inoxydable et un levier de vitesses Lokar a aidé à terminer le tout. Shane dit que prendre la décision d’appuyer sur la gâchette et de confier la construction à Chad a été la partie la plus difficile du projet.