The BEAST 1934 Coupe 512ci 1000cv
Accélérer la machine de l’histoire, accélérer sur les routes… Tout à coup, un plan fixe cadre l’image floue d’un Hot Rod, de loin, allant dans le sens inverse d’une autre voiture, puis le Hot Rod est cadré de plus près. Une indication spatio-temporelle apparaît, communiquant les coordonnées de l’action, comme une légende, mais, toujours dans le même plan fixe, le Hot Rod se dissout lentement dans le cadre.
Pareil pour son conducteur qui, en accélérant dans une direction contraire à celle des autres, sera bientôt effacé. Je ne m’appuie pas sur des interprétations psychologiques, je ne suis pas dans l’urgence. Rien ne motive l’ambigu. Je fais surtout la pleine expérience du potentiel de vitesse frénétique et surhumaine qu’offre le Hot Rod, comblant un besoin de “speed” comme de la drogue.
Je continue ma progression et tapote mon texte… Cependant, plus je conquiers l’espace rapidement, plus l’ordre social resserre son étreinte autour de moi et tente d’interrompre mon expérience excentrique remplie de symboles de la contre-culture et du politiquement-incorrect. Ce qui est punissable n’est pas seulement la vitesse excessive, mais l’hédonisme subversif de l’accélération qui confine à la violence contre l’ordre social.
Aller vite, trop vite, signifie mettre en danger. La vitesse obscurcit la perception exacte des choses, empêche le calcul précis des distances et tend à faire perdre son chemin, transportant vers l’inconnu. L’excitation modifie les sens, et avec des sens altérés, nous pouvons finir par nous perdre hors du monde vers une liberté absolue, tout comme la volonté égotiste de se séparer de la structure sociale, et se confronter à un monde devenu trop étroit.
Un million de dollars ? Une fois qu’elle est terminée, un client manifeste sa volonté de l’acheter pour deux millions de dollars à condition qu’elle dépasse au moins 370 km/h. Ainsi, le potentiel “accélérationniste” passe de l’expérience interne, mystérieuse et difficilement exprimable à une vérification calculable et externe d’une machine intégrée dans une économie de luxe et une logique de consommation.
La vitesse appelle la vitesse. Je ne fais que commenter l’histoire, ne manques que les références à la fin d’une époque de liberté et à la volonté de traverser toutes les frontières possibles, comme le faisait poétiquement Super Soul dans “Vanishing Point”. Le désir d’accélérer la machine et d’échapper de la société cède la place au culte de la personnalité du nouveau héros américain, qui renforce les valeurs de cette société…
L’accélération n’est plus un acte d’émancipation qui déstabilise l’ordre, mais une manière de remédier au désordre moral en se battant gratuitement contre le temps, confrontation classique entre le bien et le mal, là où l’accélération joue le rôle de la police des mœurs. S’enfuir, accumuler, mettre de l’ordre ou punir, l’accélération joue divers rôles, sorte d’intermédiaire tiraillé entre l’individu et l’ordre social.
Elle souligne aussi les sphères d’influence de la liberté individuelle qui se heurte au pouvoir de police constitutif de l’existence, et exprime une relation anxieuse avec l’espace, lequel, débordé, peut à tout moment échapper à tout contrôle, et nous menacer tous de l’impossibilité de retourner à un monde décéléré reconnaissant l’inéluctabilité de l’accélération, crée un monde alternatif, souterrain et illicite…
Tout ça pour se mettre au niveau de la croissance économique à travers la jouissance sexuelle… De même, les accélérateurs qui s’organisent, qui connaissent bien leurs machines, qui maîtrisent la ville et savent comment s’enfuir, rendent nécessaires un pouvoir limitatif et une censure de ces activités illégales en déstabilisant la société entière. Dans cette ambiance de tension, le rêve de liberté sans entrave semble s’éloigner de plus en plus.
La machine Hot Rod est donc à la fois une merveille mécanique par sa capacité à devancer les obstacles, et un cimetière sur roues qui peut mener à la mort sans salut. La succession des films automobiles est celle de nostalgies en chaîne : “Need for Speed” se noie dans des rendus de course qui multiplient les références à “Vanishing Point”, film lui-même nostalgique du temps de Marinetti et de la splendeur des voitures.
Le culte de la personnalité héroïque, la confrontation du bien et du mal et la disparition de la culpabilité font de l’accélération un agent aligné sur le consensus moral. Peut-être le désir d’accumulation économique est-il plus pardonnable que le désir de liberté, mais “The Fast and the Furious” nous offre néanmoins une fin optimiste : “Et si la possibilité existait d’échapper à l’ordre social tout entier, le prix à payer pour réussir étant l’excommunication ?”...
Avant qu’il n’y ait des voitures dragsters quotidiennes et des normes d’économie de carburant extrêmes, il y avait la bonne vieille vitesse. En 1920, l’économie américaine d’après-guerre battait son plein et Ford produisait des automobiles pour des millions d’Américains. En 1934, Ford a sorti une nouvelle collection de beaux modèles de véhicules. Le mélange de nouvelles voitures combiné à des mécaniciens militaires a façonné un nouveau style de vie…
On l’a appelé Hot Rodding. À ce jour, l’ère des Hot Rods est forte, car elle représente le début de la culture automobile modifiée. L’intérêt d’Eric Beast, propriétaire du Hot-Rod Ford coupé’34, nommé “The BEAST’s”, pour le Hot Rodding remonte à son plus jeune âge. Eric a été entouré d’une variété de voitures et de motos classiques. Il a grandi à Flint, dans le Michigan, une véritable ville automobile.
Son intérêt, malgré la variété de voitures américaines modernes dans son environnement, est toujours resté fidèle aux coupés Ford ’30 à ’34. Même enfant, il gravitait autour des Hot Rod’s lorsqu’il parcourait l’allée des jouets Hot Wheels. En vieillissant, Eric est resté le même. Il rêvait d’un coupé légendaire, noir comme la nuit, équipé de jantes chromées et d’un énorme moteur chromé a compresseur (Blower).
Il l’imaginait plutôt simple, mais classique. Les années passèrent, mais le rêve et la motivation d’Eric n’avaient pas changé. Il ne savait pas que son rêve allait bientôt se conformer à la réalité. Comme beaucoup d’entre nous, il cherchait un projet dans les petites annonces. En faisant du shopping, Eric est tombé sur un Ford coupe’34 qui lui a inculqué la curiosité. Le vendeur de la voiture était un artisan intelligent avec un don pour construire des moteurs de course.
C’était un véritable maître des moteurs. Mieux encore, la voiture était à dix heures de route, ce qui signifiait un voyage en voiture pour Eric et sa petite amie. Après leur arrivée, ils ont passé un peu de temps avec le vendeur et en ont appris davantage sur l’origine de la voiture. Eric a malheureusement été informé que le constructeur original de la voiture était décédé la veille de sa réception.
On lui a également dit qu’il avait investi près de quatre ans pour la mettre à jour avec toutes les meilleures pièces disponibles à l’époque. Surement que c’était dans le but d’en justifier le pris excessif demandé… Qu’importait, Eric à payé, a emporté le Hot Rod et à partir de ce jour, a travaillé fébrilement pour le restaurer et le modifier afin qu’il corresponde davantage à son rêve.
La voiture a acquis une nouvelle forme, un moteur démoniaque et une peinture noire avec flammes tons sur tons. Le moteur 512ci lui-même a été reconstruit. Il l’a équipé des meilleures pièces du marché secondaire des cames Eagle, des pistons racing et plusieurs autres “goodies” dont un compresseur 8-71 surpassant le moteur montagneux et occultant la vision d’Eric.
Pour célébrer l’accomplissement de posséder la voiture de ses rêves, Eric a présenté sa “BEAST” en avant-première lors de l’Autorama de Detroit en 2020. Ce qui devait à l’origine être un geste de soutien à la cérémonie de leur ami s’est transformé en surprise lorsque le coupé d’Eric et Becky a remporté la première place de sa catégorie ! Le Hot Rod BEAST est en effet un véritable reflet de ce que le Hot Rodding a toujours été…
Et pas seulement des cruising’s mais le rêve et les visions qui font exister ces voitures. Eric le vit, car c’est un esprit comme le sien qui maintient la culture du Hot Rodding en vie. Il prouve que même à 50 ans, il a toujours un cœur de Hot Rodder. Ce Hot Rod Ford Coupe’34 est en effet aussi méchant et irrationnel que possible. Avant qu’il n’y ait des Hot Rod’s dragsters quotidiens et des normes d’économie de carburant extrêmes, il y avait la bonne vieille vitesse…