Hot Rod Art Déco Voisin Le Corbusier
Phare d’un premier XXème siècle tout acquis aux chimères d’un progrès idéalisé, l’automobile s’est nichée dans les moindres recoins de notre vie. Naturellement, elle a halluciné artistes, philosophes ou architectes. Parmi eux, le plus célèbre de nos panbétonistes, Charles-Edouard Jeanneret dit “Le Corbusier”, comparait le Parthénon à un torpédo Delage grand-sport !
Ce que l’on sait moins, c’est que ce “Plus grand architecte du XXème siècle” outre avoir envisagé de raser complètement le vieux Paris sur quatre arrondissements pour ériger une armée de gratte-ciels géants… avait créé des automobiles “Art-Déco” dont une préfigurait un Hot-Rod ! Je l’ai découvert avec stupéfaction.
De cet architecte de Chaux-de-Fonnier, nous connaissons tous ses bâtiments précurseurs de l’architecture “Moderne” et ses meubles aussi iconiques qu’épurés, toujours édités par Cassina presque un siècle plus tard. Mais des automobiles, point. Cette découverte révolutionne ce qui apparaissait comme définitif concernant les Hot-Rods : “On nous a trompé !”...
Né en 1887 à La Chaux-de-Fonds, Charles-Edouard Jeanneret dit “Le Corbusier” a, en faits, émaillé une grande partie de son travail architectural de références automobiles. En 1923, il écrivait dans “Toward an Architecture” que si les maisons étaient bâties industriellement, produites en séries comme un châssis automobile, il serait beaucoup plus aisé de créer une esthétique forte !
Dans sa phase dite “blanche” entre 1920 et 1930, il insistait pour que ses bâtiments soient toujours photographiés avec des voitures modernes en premier plan. Finalement en 1936, il outrepasse la théorie et, avec son cousin Pierre Jeanneret, intègre un concours de design automobile en soumettant les plans d’un véhicule minimaliste à fonctionnalité maximisée.
La “Voiture Minimum” est ainsi née bien avant la Smart… Et quand vous découvrez l’automobile “Art-Déco” qui est un Hot-Rod bien avant son temps avec utilisation d’une partie de la carrosserie d’une Ford’T , la réaction ne peut être que de stupéfaction… La “Voiture Minimum” était un élément important dans les visions urbanistes futuristes de l’architecte Le Corbusier.
D’autres parmi ses confrères, comme Walter Gropius et Frank Lloyd Wright, ont aussi nourri des projets automobiles dans la même veine. Le Corbusier va tenter par tous les moyens de faire fabriquer sa création en grand volume et approchera pratiquement toutes les grandes marques de l’époque. En vain. Aucune ne voudra prendre le risque de la produire. Encore une grande idée trop novatrice tuée dans l’œuf.
Quelques années plus tard, une voiture en forme de ce même œuf extrapolée des visions de Le Corbusier verra le jour : la fameuse Volkswagen (la voiture du peuple), plus connue chez nous comme la Coccinelle. Le plus grand succès et la plus longue longévité de l’histoire de l’automobile du 20 ième siècle. Deux idées révolutionnaires, une sera soutenue pour devenir réalité, l’autre restera un dessin faute d’appuis.
D’une rare brutalité formelle, Le projet arhitectural dit plan Voisin (Il aura d’ailleurs réussi à faire financer ce projet par le fabricant d’avions et d’automobiles Gabriel Voisin, qui donne son nom au plan Voisin)…, fut exposé sous forme de maquette à l’exposition des Arts Déco de 1925. “C’est de la barbarie”... fut l’injonction que le vainqueur du concours pour le Palais de la SDN, M. Nénot, qualifia la proposition de Le Corbusier, en 1927.
C’est qu’étant l’apôtre d’un purisme totalitaire rejetant toute ornementation classique, Le Corbusier faisait polémique. Sous couvert de fonctionnalisme, il réduisait l’habitation à sa raison d’être, rangeait les hommes dans des “machines à habiter”, des “boîtes à foyer” uniquement faites de pilotis, de proportions et de vitres. Comme une usine “à humains”. C’était la préfiguration et la réutilisation de celles-ci en “LOFT”...
Certains rétrogrades croyaient y voir une scène du cauchemar d’anticipation de Fritz Lang “Metropolis”. Dès les années 20, les bases des “unités d’habitation”, surnommées “cités radieuses”, étaient déjà bien ancrées dans le cerveau de Le Corbusier. Ses détracteurs y voyaient une brutalité formelle avec la primauté du collectif sur l’individu.
C’était une vision d’apocalypse n’étant pas sans rappeler les projets architecturaux des régimes totalitaires. Cheval de Troie du Bolchevisme pour les uns, architecte simplement douteux pour les autres, le Corbusier prétendait ne s’adresser ni à la société capitaliste, ni à la IIIème Internationale. Le Corbusier n’étant somme toute que le fils de son époque.
Nourri des théories fonctionnalistes du Bauhaus, il rejetait la décadence ornementale de l’art nouveau et s’inscrivait dans le “mouvement moderne” surnommé “style international” qui s’imposait à l’aube des années trente avec “l’Art Déco”. Et en bon fils de son époque, il vouait un culte au parangon de la modernité qu’était de plus en plus “la machine”…
Il discourait que ; “Les machines conduisent à un ordre nouveau du travail, du repos La mécanique porte en soi le facteur d’économie qui sélectionne. Il y a dans le sentiment mécanique du sentiment moral”. Il l’a ensuite écrit dans son livre-manifeste “Vers une architecture nouvelle”. Transatlantiques, aéroplanes et surtout, automobiles, ne pouvaient exercer sur lui que de la fascination.
Il va ensuite sans cesse multiplier les clins d’œil à l’invention du siècle en baptisant “Citrohan” son modèle de maison-standard (1922). Il l’appellait aussi “Maison Automobile” et n’hésitait pas non plus à immortaliser, devant ses réalisations, les fameuses Voisin C7 et C11 Art Déco… A l’image du style international, l’auto de l’entre-deux-guerres celles-ci se voulaient autant rationnelles dans leur forme que dans leur fabrication.
A tous les niveaux de gamme, les carrosseries aérodynamiques, “streamline” et autres “fuseaux Sochaux”, aux formes idéalisées pareilles à la goutte d’eau sculptée par le vent, condamnaient les dernières carrosseries caisses/carrées d’inspiration hippomobile dont les fiacres d’Ettore Bugatti furent les derniers soubresauts. Parallèlement, les idées de Taylor et Ford faisaient des émules sur le vieux continent.
Les cathédrales industrielles de béton et de verre succèdaient aux petits ateliers au fond du jardin, les presses hydrauliques remplaçaient les gabarits en bois, les caisses tout acier supplantaient les structures mixtes bois et cuir. Partout, la fabrication en série marginalisait l’artisanat de luxe, condamné à s’adapter ou à disparaître…
“Si le problème de l’habitation, de l’appartement était étudié comme un châssis automobile“, écrivit alors Le Corbusier, “On verrait se transformer, s’améliorer rapidement nos maisons. On verrait subitement surgir des formes inattendues, mais saines“… Qu’importait ! Anticipant l’addiction future du vulgum pecus à la bagnole, Le Corbusier va concevoir sur pilotis la villa Savoye afin d’amener l’auto de l’habitant jusqu’à ses pénates…
Mieux, il va imaginer une ville intégralement façonnée par l’auto qu’il propose à Citroën d’en parrainer le projet. Suite à l’indifférence du père André il reçoit paradoxalement la caution de l’exact-opposé de Citroën, Gabriel Voisin, connu pour son élitisme technique et son mépris de la production de masse. Le plan Voisin est né ainsi… Le Corbusier y travaillera de 1922 à 1925.
Son autre objectif était de raser le centre de Paris entre l’île de la Cité et Montmartre pour la livrer sans entrave à la circulation automobile. L’espace s’organisant autour de deux autodromes géants de 120 mètres de large qui traverseraient la capitale d’est en ouest et du nord au sud, se prolongeant au-delà et se connectant au réseau national et européen.
L’intersection de ces deux déversoirs à bagnoles déterminaient le centre de Paris et donc, en bon esprit jacobin, de la France. La population trouvait refuge dans dix-huit gratte-ciels cruciformes (ou “villes-tours”) censés contenir 500.000 à 700.000 personnes, le tout entrecoupé de jardins. Ponts et plateformes permettant aux flux automobiles de s’écouler sans garde-fou.
La Défense + la dalle d’Argenteuil en plein Paris, ou le triomphe absolu d’une architecture d’avenir dont l’esthétique se formulerait avec une précision surprenante. Les détracteurs imaginèrent en suite, avec effroi, l’automobiliste seul au volant de son “déplaçoir thermoformé à la chaîne”… Les polémistes détracteurs décrivirent la ville telle que Le Corbusier la préconisait de manière apocalyptique…
Les invectives visant à détruire cette vision d’avenir se résumaient ainsi : “Les gens sont ahuris, le regard blasé, sans autre horizon que le béton brut à perte de vue et le regard agressé par les publicités criardes qu’il ne remarque même plus à force d’abrutissement, d’autant plus que les bas-côtés des bretelles d’accès pourrissent dans les relents d’urine le rebut humain que la société a jeté par dessus-bord. Bienvenue dans la plus belle ville du monde” ! Il est temps de se réveiller !”...
Fi de tout ce mic-mac, “la voiture minimum” de le Corbusier, abandonnée pour la casse a été reconstruite façon Hot-Rod par un Franco-Américain sur base des archives de Charles-Edouard Jeanneret dit “Le Corbusier”, et affiche une carrosserie personnalisée et une caisse de pick-up entre la Ford T et les Ford “B’32”... Elle est finie en peinture argent et dispose d’ailes et de marchepieds gris contrastants.
La puissance qui à l’origine venait d”une VOISIN “Lumineuse” 6 cylindres provient maintenant d’un moteur Ford V8 350ci jumelé à une transmission automatique à quatre vitesses Art Carr 200R4, l’équipement supplémentaire comprenant des jantes American Racing de 17 pouces, des freins à disque aux quatre roues, une suspension hélicoïdale, un train avant Mustang II, une capote noire, un plancher en bois, et une sellerie en cuir bicolore…
L’instrumentation a été fournie par Dakota Digital, principalement une unité à écran tactile Pioneer. Les vitres sont électriques et un double système d’échappement avec embases Dynatech permet de rester en dessous des tolérances. Ce pick-up Hot-Rod “Le Corbusier” se trouve au Nevada monté sur un châssis “Heidts” et dispose d’une carrosserie personnalisée extrapolée de la création “Le Corbusier”...
Les phares à DEL sont montés sur les ailes, Les feux arrière sont encastrés, les jantes chromées American Racing de 17 pouces sont montées avec des pneus Toyo et la puissance de freinage est fournie par des freins à disque aux quatre roues. Les sièges baquets personnalisés sont rembourrés en cuir gris bicolore qui s’étend jusqu’aux panneaux de porte. Le volant à trois branches est monté sur une colonne de direction Ididit.
Le tableau de bord Dakota Digital monté au centre comprend un compteur de vitesse de 160 mph, un tachymètre, une horloge et des compteurs supplémentaires. Le moteur V8 350ci provient d’ATK High Performance Engines de Grand Prairie, au Texas. Le moteur est équipé d’un système d’allumage MSD ainsi que de collecteurs d’échappement Dynatech Pro Cruiser Block Hugger. Un carburateur Edelbrock a été installé. Voilà, vous savez tout…
Le Corbusier, n’existait que pour créer des embellies et poursuivre ses rêves pour ne pas s’attarder pesamment de peur qu’ils ne s’achèvent mal. Pourtant, le plus souvent il s’épuisait avant même qu’ils n’aboutissent mais ne consentait pas à conclure qu’à la fin, ils puissent s’avérer d’impardonnables échecs. Il ne supportait la sphère rougeâtre qui se joue sans cesse de l’horizon parce qu’il savait que demain elle réapparaîtrait, fidèle, là-bas, de l’autre côté.
Ce qui tournait ainsi sempiternellement pouvait, à l’occasion, l’angoisser mais recélait pourtant des trésors de consolations. D’entre ces deux écueils, il s’insinuait, ballotté, manquant cent fois de chuter mais se relevant, de plus en plus mal pourtant, avant de ne le même plus désirer. Les anciens avaient imaginé ce détroit où d’entre Charibde et Scylla, il nous faudra tous cheminer sans plus être engloutis par l’une que pourfendus par les cris de l’autre.
Tel était Le Corbusier, tels nous sommes aussi, déchirés entre l’impossible ascension d’une paroi lisse d’autant plus fièrement dressée qu’elle n’offre aucune aspérité d’où la saisir… et la spirale vertigineuse et fatale qui aspire dans le gouffre épais et noir. Nos révolutions racontent les mêmes histoires, qui se piquent d’être des ruptures quand en réalité elles se contentent de refermer l’orbe et regagner leur point de départ.
Serait-ce seulement un des chemins qui n’hésitent pas d’entre la ligne et la courbe en nous faisant prendre l’une pour l’autre, quiqu’en contrefaisant l’autre croyant emprunter l’une ? Il n’est pas vrai que vivre avilisse : tout au plus est-ce nous qui, souvent, dérogeons plutôt à la dignité de l’existence. Mais même de ceci je ne suis pas certain.
Sachant à peine d’où nous venons, ignorant totalement où nous nous rendons, comment se pourrait-il être pour nos souillures ou exhaussements ? Les grandes histoires débutent souvent dans le désert et l’errance du désert, et je gage que l’entrée nous en demeure interdite. Nous n’en avons pas fini encore avec notre préhistoire.
Sénèque n’avait pas tort de suggérer qu’il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. Il serait ridicule de nous rengorger de fierté, absurde de nous mortifier. C’est bien ainsi que nous vivons : comme des pèlerins, épuisés, perclus et hagards gardant l’obsession pourtant d’un scintillement, là-bas du côté de l’horizon. A tort ? D’un temps déraisonnable ?
Mais en aura-t-il jamais été qui ne le fût point ? Entre guerres et passions fanatiques, misères, épidémies et catastrophes, l’humain semble peu avoir cédé au calme et quand il s’en offre enfin, telles les fameuses Trente Glorieuses, ce fut absurdement pour se croire maître suffisant pour saccager son jardin entre sécheresse, canicule et pollution, dans un univers dont on perçoit confusément qu’il ne tient plus qu’à peu !
Il ne cesse depuis un moment de se fissurer pour craqueler de toutes parts, entre les incantations sibyllines des uns et les objurgations acrimonieuses des autres, tout le monde vaque obstinément à ses empressements ordinaires comme si de rien était. Les uns traquent une forme de sagesse en des postures d’un autre temps et venues de si loin qu’on les croirait presque sacrées…
Tandis que les autres, fût-ce sous la forme et le prétexte d’un sport supposé maintenir en forme, pratiquent celui-là même qui met en scène la violence combative quand bien même celle-ci se targue d’être maîtrisée. Jamais autant qu’en ces temps de bords de gouffre ou qu’au moins nous ressentons tels, nous ne faisons si cruellement montre de notre incapacité à regarder notre avenir en face ni n’offrons si implacable illustration de la théorie du divertissement.
Contrairement aux récriminations des idolâtres de la modernité, nous ne sommes une société ni du loisir, ni de la fainéantise ; uniquement du regard jeté ailleurs comme le fait tout jeune enfant se cachant les yeux espérant ainsi n’être pas repéré. Nous avons appris que la modernité avait débuté subrepticement lors de l’inversion d’un âge d’or placé désormais, non sans ruse ni orgueil, à la fin de l’histoire plutôt qu’au début.
Mesure-t-on assez ce que de replis sur soi, de craintes, acrimonies et haines recuites se paie désormais, comme autrefois, cet horizon que ne dessine plus l’espoir, le progrès, le mieux, mais les affres et tremblements eschatologiques qui ne préfigurent nul nouveau départ, seulement l’inanité vaine de tous nos actes ? Grouillent les Cassandres, pullulent les donneurs de leçons, croassent les inquisiteurs impatients d’en découdre, dérangeant plus qu’ils n’inquiètent.
Encore, pour cela faudrait-il les écouter. Qu’ils courent, pédalent ou marchent ils n’éviteront ni que la souillure ambiante ne corrode leurs corps plutôt que ne les aguerrisse ni que le monde, que pourtant ils proclament défendre et dont ils arguent vouloir se mieux rapprocher, ne se dépenaille plus avant. Rome, en ces rares occurrences où plus aucune main ne semblait pouvoir l’extirper de ses crises, savait, en presque dernier recours, tenir table ouverte !
Elle invitait les dieux à ce grand banquet qu’on appelait lectisterne. C’était au moins en appeler à la grande réconciliation avec le monde, prélude obligé de celle, nécessaire, d’avec les hommes. Pourquoi ai-je la désagréable sensation que de ce geste, pourtant simple mais humble, nous avons cessé depuis longtemps d’être capables ?
Vous qui aimez l’ambiance intimiste du Marais, le projet de réaménagement de Paris baptisé le Plan Voisin de Le Corbusier vous aurait-il convenu ? Pour construire son Paris idéal, l’architecte né en Suisse ne voulait pas trop s’embêter : en 1925, il proposait sans complexe de raser une bonne partie de la rive droite de la ville, soit les quartiers du Marais, du Temple et des Archives. Des quartiers au charme historique qui font aujourd’hui tout le sel de Paris !
Oubliés les bâtiments haussmanniens, les hôtels particuliers et les musées… Le Corbusier proposait une approche beaucoup plus pratique pour faciliter le logement, les déplacements et l’ouverture de Paris sur la France : construire à la place un immense quartier d’affaires composé de 18 immeubles de 60 étages, entouré d’espaces verts et relié à la banlieue par deux autoroutes de 120 mètres de large.
Côté look, une géométrie stricte et des bâtiments cruciformes. Selon ses plans, qui ne montrent que des constructions en hauteur, seuls 5% de la surface du sol du centre de Paris auraient dû être bâtis. La très grande majorité de l’espace aurait été consacrée aux jardins et aux lieux de stationnement. L’architecte voulait aussi y faire construire des îlots d’immeubles d’une douzaine d’étages à proximité, histoire de limiter le temps de trajet entre le bureau et la maison;
Et ce à des centaines de milliers de travailleurs. En périphérie, il prévoyait un secteur d’usines, ainsi qu’une zone résidentielle baptisée les cités jardins, destinée à ceux qui y travaillaient. Durant toute sa carrière, Le Corbusier n’a jamais eu de cesse d’innover dans le domaine du logement collectif, pour offrir de bonnes conditions de vie à la classe populaire, même en plein cœur de Paris. Une intention louable…