Hot-Rod Ford’29 Pickup 239ci / 36.500$
Le trait essentiel de mes créations textuelles, littéraires, artistiques, c’est mon arbitraire total : en tout, dans l’essentiel comme dans le détail. Etant artiste de mes textes, sculpteur de mes phrases et magicien entre mes lignes, j’habille à mon gré mes faire-valoir d’aventures, brosse leur caractère, viole mes héroïnes selon ma fantaisie. Je crée un ciel serein de nuages d’orage où fais gicler les éclairs dans un ciel d’azur, briller le soleil de nuit. Je crée le froid, où il fait chaud.
L’action se déroule souvent dans d’improbables ailleurs, tantôt au sud, parfois au nord, souvent à l’ouest, rarement à l’est. Dans de grands espaces et dedans le glauque. Cela se passe de notre temps, ou en mon temps d’avant temps, mais rien de préhistorique. J’aime puis je hais quoi et qui je veux sans rendre de comptes, me moquant des décomptes… Aujourd’hui, je suis sensible à la beauté, demain je peux me délecter de monstruosités voire en créer !
Je me révolte, m’émeut, espère, me désespère, me venge, pardonne, n’obéissant qu’à mon bon vouloir, autrement dit, n’obéissant à rien ni personne. Ce qui maintenant me semble être un acte impardonnable, inqualifiable de vices, m’apparaîtra ensuite comme un grand mérite. Pourquoi ? Mais il s’agit ici d’ajouter un nouveau pourquoi au pourquoi habituel, et qui sera celui-ci : pourquoi croyons-nous qu’il soit toujours nécessaire de rechercher des explications ?
Est-ce que cette curiosité personnelle de l’impersonnalité des misérables qui cachent leurs dessous, sied à toutes les circonstances de la vie ? Kant a bien enseigné que l’idée de la causalité ne peut s’appliquer qu’au monde phénoménal. Et si elle n’était même pas toujours applicable à ce monde phénoménal ? Si la liberté et l’arbitraire pénétraient dans un monde phénoménal qui restait inaperçu uniquement parce que nous ne pouvons aucunement nous en servir ?
Nous voulons tout expliquer, commenter, même la création artistique avec ses caprices connus de tous et ses élans qui n’obéissent à aucune prévision. Quand disons-nous la vérité ? Nous avons l’habitude de croire que de deux affirmations contraires l’une est vraie, l’autre fausse, qu’il faut choisir, et une fois qu’on a choisi se tenir toute sa vie à la conviction choisie. Pour ma part je ne crois plus aux dogmes établis pour diriger les incultes et les désespérés !
Mais, sans consulter personne et sans prendre les habitudes des autres en considération, j’agis autrement. J’écris comme me semble selon mon inspiration. Après des heures, des jours, des semaines, des mois et des années je peux revenir à un ancien texte à un autre thème et re-écrire en comblant vides et supprimant lacunes. Ajoutant des oublis et des manques retrouvés, supprimant des vides de sens, avec une fermeté inébranlable.
Même à l’œuvre la plus grande, j’ose recomposer mes hésitations et contradictions. Est-ce l’apothéose d’un don prophétique, le persiflage d’un prophète ? Qu’on essaie donc d’expliquer ces contradictions à ma place ! Mon lectorat m’écrit parfois ne pas comprendre… Qui peut comprendre l’incompréhensible ? Il faut seulement oser dire et écrire qu’on n’a jamais compris un véritable artiste. Nulle part dans le monde particulièrement les musées mouroirs !
En son temps, Gœthe suscitait non moins de perplexité que maintenant. Personne aujourd’hui encore ne comprend le second Faust. Que de commentaires a fait naître Hamlet ! Combien Byron a révolté les Anglais ! On pourrait trouver des exemples innombrables. On ne peut comprendre ni Shakespeare, ni Byron, ni Gœthe, on ne peut ni les comprendre ni les expliquer. Me comprenez-vous toujours au gré de mes textes ? Je le voudrais mais j’en doute…
Un poète expliqué est pareil à une fleur fanée : absence de couleur, de parfum ; sa place est dans le tas de balayures. La critique ne peut ni ne doit être scientifique, c’est-à-dire s’embourber dans un système de données logiquement reliées entre elles. Le critique voit de ses propres yeux ce dont parle le poète, il a donc le droit d’user de tous les privilèges tel qu’Apollon accordait à ses élus. Avez-vous lu Homère, les épopées, les destinées héroïques ?
Si l’arbitraire est permis au poète, en d’autres termes si la grande charte de la liberté appartient au poète, s’il est autorisé à chercher la liberté dans notre pauvre monde emprisonné dans ses lois de fer, le critique veut et peut exiger le même droit. Tout ça pour ne rien dire puisque c’est de l’écriture… Ils ne sont pas nombreux ceux qui oseraient répéter, aujourd’hui, la parole de Hegel affirmant que la philosophie manifeste les degrés de l’évolution de l’esprit.
Avez-vous lu Hegel ? Les historiens contemporains de la philosophie traitent de haut ses constructions abstraites. Ils veulent être avant tout des historiens, c’est-à-dire raconter avec véracité ce qui est supposé arrivé, et rejettent d’avance toute prémisse capable d’entraver la liberté de l’investigation. S’il fallait croire ce que les hommes, surtout les juges corrompus, imposent et affirment , on peut penser que jamais l’élan vers le libre examen ne sera jamais atteint.
Le premier commandement de la philosophie contemporaine devrait ordonner qu’il faut se libérer de toute espèce de prémisse, et que ceux qui les acceptent sont des ennemis de la vérité. On rencontre en ce sens d’esprit, chez Saint-Paul, cette parole énigmatique : “La loi est venue pour que le crime soit augmenté”… Et en effet, où est la loi, là est aussi le crime. S’il n’y avait pas de lois il n’y aurait pas de crimes ! Les guerres sont issues de mauvais jugements.
Dans le cas présent, des gens disent ouvertement que pour eux leurs prémisses sont plus importantes que leur philosophie, qu’elles sont la chose la plus importante au monde, que toute la tâche de leur vie consiste dans la proclamation et la défense de ces prémisses. Balivernes ! Descartes, père de la nouvelle philosophie, qui proclama le premier que les prémisses n’avaient pas de place dans la philosophie (de omnibus dubitandum) avait certainement sa prémisse.
Ce devait être une force irrésistible, innommable et dont il ne recherchait pas le nom, mais qui le possédait tout entier, l’entraînait irrésistiblement vers ce seul but : chasser à tout prix le mystère de notre vie. “La vérité, disait-il, ne se trouve que dans ce qui peut être conçu clairement et distinctement. Tout ce qui est conçu d’une façon obscure, tout ce qui est mystérieux ne saurait être vrai”. Ce qui est faux, prémisse de ce qui est maintenant qualifié d’escroquerie au jugement…
Et cette affirmation, d’après lui, n’était pas une prémisse mais la chose dont personne et nulle part ne pouvait douter. Pour écarter d’avance toute possibilité de reproches et d’objections, il commença lui-même, ainsi qu’il l’affirme, par douter de tout. Et ce n’est que lorsqu’il eut acquis la certitude qu’il y avait une vérité qui supportait l’assaut de n’importe quels doutes, qu’il commença à philosopher ! Peut-on juger ainsi quiconque sur des errements de pensées ?
Il avait la ferme conviction que de cet instant le philosophe ne pouvait plus s’égarer de son chemin, ayant enfin acquis non un talisman, mais une boussole, dont les hommes avaient rêvé : cogito, ergo sum velle fallere vel malitiam vel imbecillitatem testatur ! Est arrivé alors Descartes… Celui qui n’a pas lu les œuvres de Descartes ne peut se représenter l’élévation et l’enthousiasme extraordinaires, ainsi que l’agitation intérieure dont elles sont remplies.
Malgré le caractère visiblement abstrait de sa thèse, ce ne sont pas des traités, mais des poèmes inspirés. Même le poème célèbre de Lucrèce, De rerum natura, est loin de cette manière d’écrire forte et enflammée, quoique, les érudits le savent, Lucrèce a eu sa prémisse, qui rappelait, sous beaucoup de rapports, celle de Descartes et qui lui était également beaucoup plus proche que l’atomisme épicurien à l’exposition duquel l’œuvre était consacrée.
Descartes, je le répète, ne poursuivait qu’un but : celui de délivrer le monde, la vie des hommes du mystère et des forces mystérieuses qui tenaient tout en leur pouvoir. La dépendance, même d’un être absolument parfait, lui paraissait infiniment pénible et torturante. Il n’avait confiance qu’en lui-même. Et à la pensée qu’il n’y avait personne dans l’univers, qui voudrait, qui pourrait le tromper, qu’il n’y avait personne en qui il devrait avoir confiance !
Il croyait qu’il devrait croire… qu’il était dorénavant lui-même (en lui-même il avait une confiance absolue) le maître et le créateur de son destin, son âme se remplissait ainsi d’une joie extatique, les traités se transformaient en poèmes, en chants triomphants et joyeux de la victoire : “Chaque philosophie, précisément parce qu’elle est l’expression (Darstellung) d’un degré particulier de l’évolution, appartient à son temps et est liée à sa limitation”...
L’individu est fils de son peuple, de son pays, dont il ne fait qu’exprimer l’essence dans sa forme particulière. Un homme particulier peut lutter comme il voudra, mais il lui est tout aussi impossible de s’arracher à son temps que de sortir de sa peau. Car il appartient à l’esprit universel unique, qui est son propre être et sa propre essence’. (Hegels Werke, XIII, 59.) Paroles remarquables et qui valent qu’on réfléchisse sur elles.
Surtout vu “sa confiance insouciante” ou, si vous aimez mieux, “la naïve crédulité” avec laquelle elles ont été prononcées et qui, c’est le cas de le remarquer, accompagnent toujours les jugements clairs et distincts : “Ut unusquisque qui certitudinem intellectus gustavit, apud se sine dubio expertus est” (Spinoza, Traité théol. pol., ch. I.)… La philosophie, ainsi que nous l’enseigne Hegel, le plus grand des rationalistes, est vouée à être limitée par l’esprit de son temps.
Et l’homme ne possède aucun moyen de s’arracher à cette limitation. Et cela ne le trouble nullement, au contraire, cela le charme, car c’est justement ce qui ressemble le plus à la vérité scientifique tant désirée, si longtemps attendue, c’est-à-dire ce qui est conçu clair et distinct, si clairement et si distinctement, qu’il est impossible d’admettre le moindre soupçon.
Et même quand on a lu ce qui est écrit chez Hegel, savoir qu’il est le fils de son temps et qu’il exprime, dans ses jugements, non la vérité, mais seulement ce que veut, au moment historique donné, l’esprit universel, non seulement il ne peut s’arracher à la limitation, mais il lui est même impossible de sentir cette limitation et de la considérer comme quelque chose qui ne devrait pas être, comme quelque chose qui lui est imposé du dehors.
C’est comme un vilain cauchemar qui vous opprime, dont au moins on peut dire, même s’il n’est pas possible de le secouer, que ce n’est pas une réalité, mais un pénible rêve. La philosophie n’est pas un somnambulisme, mais plutôt la conscience la plus éveillée. Les somnambules font des choses qui paraissent surnaturelles aux personnes éveillées. Peut-être le fait de penser dans l’état de somnambulisme est-il utile et même très utile.
Mais dans tous les cas, quelque utile que cela soit, même s’il était prouvé que les plus grandes inventions et découvertes scientifiques ont été faites par les hommes dans l’état de somnambulisme (toutes les chances sont pour que cette supposition soit exacte), la philosophie ne doit jamais se laisser séduire par l’utilité ou le profit, même quand ils seraient très grands.
De sorte que, que nous le voulions ou non, nous serons quand même obligés, suivant la règle posée par Descartes lui-même : “de omnibus dubitandum”, de douter de sa prémisse et de nous demander : “Est-il vrai que les jugements clairs et distincts ne nous trompent jamais ?”... N’est-ce pas le contraire qui est vrai ?… L’apparence d’un caractère clair et distinct des jugements n’est-il pas le signe de leur fausseté ? J’en sais beaucoup à ce sujet… La crapulerie des prétoires !
Descartes était le fils de son temps, et son temps était voué à la limitation et aux erreurs qu’il était appelé à manifester et à proclamer comme des vérités.
Mais voici un autre fait. Pascal était un contemporain plus jeune de Descartes. Et, tout comme Descartes, il était bien l’un des représentants les plus remarquables de la pensée scientifique de son époque. Il connaissait parfaitement la doctrine des jugements clairs et distincts proclamée par Descartes.
Il savait également, bien-entendu, que l’Esprit du temps était avec Descartes et pouvait facilement deviner et, probablement, avait deviné ce que l’Esprit du temps réclamait de ses enfants. Mais il a refusé de remplir ces exigences. En réponse aux mots triomphants de Descartes : clair et distinct, il trancha, sombre et renfrogné : “Je ne veux pas de ces fausses clartés, et de plus qu’on ne me reproche pas de manquer de clarté, alors que la justice en fait profession !”…
C’est-à-dire que les fausses clartés et les distinctions tuent la vérité… Ainsi parlait Pascal, fils, aussi bien que Descartes, du XVIIe siècle, également un Français et également, je le souligne, un savant remarquable… Alors, nous arrivons à la clé ! Comment Patrice De Bruyne (moi) va-t-il réaliser une liaison logique entre toute cette philosophie et la description du Hot-Rod Pick-Up modèle A Ford ? Simple ! Son proprio est prof universitaire de philosophie…
Entre nous, ce fut le choc philosophique intégral pour moi aussi et nous avons philosophé durant toute une journée… S’il arrive donc que des hommes qui auraient dû appartenir au même Esprit Universel et, par conséquent, manifester l’essence de leur temps, ont réalisé des choses différentes, il se fait que nous étions sur le même plan et que nous avons pu dialoguer ! Force m’est de vous avouer que tapoter des commentaires mécaniques est abominablement chiant.
D’autant plus que j’en suis à plus de 4.000 articles dans ce Web-Site !!! N’imaginez pas, allez voir ! Si ce Hot-Rod Pick-up est ici, c’est parce que son look m’a tapé dans l’œil, qu’il s’est vendu pas très cher compte tenu du travail qu’il a demandé pour atteindre une finition de haut niveau… Mais le Boum c’est d’avoir pu discuter de la vie avec son propriétaire-vendeur… Lui comme moi espérions en dialoguant que vous apprécieriez cette élévation intellectuelle.
Ecrit plus basiquement, ce genre de conversation ne se trouve pas dans Facebook et Instagram, Yik Tok et autres, ni dans Nitro (Ahahahahah !) Ce n’est pas là que vous pouvez vous élever l’esprit ! Bref ! L’équipement de ce Hot-Rod philosophique comprend des planches et des panneaux latéraux en bois de chêne, un panneau de toit et des pare-soleil en vinyle, un pare-brise inclinable, un capot ventilé, un pare-chocs avant chromé et deux sorties d’échappement.
Les jantes Gary McLean à 52 rayons au fini rouge avec enjoliveurs Ford sont enveloppées de pneus décalés de marque Firestone de style vintage. L’extrémité avant est dotée d’un essieu rigide dit “à poutre tombante” de chez Pete&Jakes. Le freinage est assuré par des tambours à ailettes qui proviendraient d’une Buick de 1957 et qui sont équipés d’entrées d’air pour les refroidir.
La cabine est dotée d’une banquette rembourrée en vinyle rouge et de panneaux assortis montés sur les portes. L’équipement supplémentaire comprend des garnitures en bois, une moquette noire, un frein à main monté au plancher, un levier de vitesses Lokar et un rétroviseur Vintage. Un volant de style banjo se trouve devant un tableau de bord couleur carrosserie abritant une instrumentation VDO.
Elle comprend un compteur de vitesse de 120mph et des compteurs auxiliaires. Le V8 Flat Head Mercury 239ci est doté d’un arbre à cames Isky 400, de culasses Edelbrock et d’un collecteur d’admission Edelbrock avec trois carburateurs. La transmission automatique C-4 Flat-O-Matic à trois vitesses se manœuvre avec un kit kick down, et l’essieu arrière est équipé d’un Quick-Change Halibrand. Voilà, c’est tout… Vu le montant atteint, il est d’évidence que la philosophie ne paye pas en retour ! J’aurais aimé qu’encore étudiant en architecture, mon prof de Philo eusse possédé un tel Hot-Rod plutôt qu’une 2CV…