Hérésie et allégorie onomasiologique d’un Hot Rod Coupe Deuce’32 A…
Au départ du Hot Rodding qui ne se nommait pas ainsi, il y eut un rêve, suivi de son interprétation, elle-même rêvée onomasiologiquement dans une réflexion destinée à pouvoir verbaliser des idées abstraites en les amenant progressivement vers une réalité concrète, grâce à des associations de pensées. Simon Gluckman de Los Angeles eut un rêve qui le frappa d’effroi. Il y vit l’image d’une machine infernale éclairée par la lune en son plein échancrée par la morsure d’un croissant noir… Un deuxième rêve le tira de son souci dévoilant le mystère : la pleine lune représentait le Hot Rodding et l’échancrure noire l’absence d’une fête dédiée aux Hot Rod’s modèles A 1932 à 5 fenêtres, les oubliés du Hot Rodding…
A condition de bénéficier des relais nécessaires, un rêve peut avoir des prolongements inattendus. Celui Simon Gluckman a abouti, près de huit ans plus tard comme dans un Auto-Sacramental, une pièce théâtrale en un acte (auto) à thème eucharistique (sacramental) qui se joue avec un grand déploiement spectaculaire (décors majestueux, accessoires, machines) dont l’autre grand genre théâtral, la comedia, est entièrement dépourvu. C’est un théâtre d’idées, destiné à l’édification des foules et chargé d’illustrer la doctrine officielle de la transsubstantiation, un phénomène surnaturel, qui littéralement est la conversion d’une substance en une autre, un sujet toujours traité de façon allégorique paradoxale.
Celle-ci est chargée de mettre en scène l’idée selon laquelle ce dont on cause n’est pas une allégorie… Une vérité qui ne peut se dire que dans la langue d’une scolastique à laquelle Aristote n’aurait certainement pas souscrit : changement de substance et permanence des espèces, une vérité nécessairement tue mais montrée. Encore moins aristotélicien sur le plan de la poétique que sur celui de la métaphysique, c’est donc non-mimétique. Mais, par un paradoxe, le traitement baroque de l’allégorie lui confère, par opposition, un mimétisme particulier, ou second, qui s’insère dans une dramaturgie plus complexe. Le spectacle commence par une loa (louange) chantée avec accompagnement musical, qui est destinée à susciter l’attention du public.
Vient ensuite un entremet, courte pièce dont le comique très vulgaire repose sur le grotesque des situations et l’obscénité des mots et des gestes. Puis c’est le tour de la mojiganga, une nouvelle bouffonnerie qui se termine en joyeuse débandade carnavalesque. Je suis conscient que vous, mes biens chers Popu’s ne comprenez pas et n’êtes même pas soucieux de ne rien comprendre un tel panachage de folies entremélées. La tâche de l’écrivain critique commence avec le commentaire. Mais elle vise la vérité. Si tout devient opaque, c’est qu’il y a une dissociation avec le temps. . C’est pourquoi mon commentaire doit d’abord être historique. Il n’a pas cependant pour but la reconstitution des faits. Car la vérité est, depuis toujours, perdue.
Et elle s’impose d’autant plus, qu’elle est souvent secrètement ensevelie, mise au secret comme on le dit des condamnés, mise au rebut comme on le fait des déchets. Il ne faut donc pas céder à l’illusion positiviste. Ni Simon Gluckman ni les spectateurs de son épopée n’étaient mieux placés que vous pour percevoir la vérité de ce Hot Rod. Remonter toujours plus loin dans le temps, à la préhistoire ou à l’anté-histoire du genre, à son origine la plus reculée, ne suffit pas. Car toujours on se heurtera au même obstacle : l’enchaînement linéaire des faits cache leur vérité enfouie. L’origine est hors d’atteinte si on la conçoit comme un début. Rien ne commence vraiment et l’origine n’est qu’un tourbillon dans le flux du devenir, le moment où plusieurs lignes de temps se percutent…
Elles emportent alors dans leur naufrage les débris d’anciennes vérités. Il n’y a pas d’autre origine que la défaite d’une espérance. La tâche de l’écrivain critique se confond alors avec celle de l’historien qui fouille dans les décombres du passé pour sauver la promesse des vérités vaincues. Avant de plonger dans les remous de cette longue histoire, car je n’en suis qu’aux débuts, il convient d’accorder au rêve initial de Simon Gluckman, une attention toute supplémentaire, car ce rêve comporte, bien sûr, son propre vertige, son propre tourbillon. Tout lecteur de Freud comprendra plus facilement que l’hérésie est la loi de tout désir et littérature. La question est de savoir si la construction d’un Hot Rod est une transsubstantiation ou une consubstantiation.
Les ruses de l’histoire sont innombrables suspectes de véhiculer tout un bric-à-brac de croyances douteuses telles que véhiculées par Nitro, outrageant la conscience des Hot Rodders, mais jusqu’à quel point ? Nous sommes dans la très longue durée et ces métamorphoses paradoxales sont à mettre au compte d’une figure elle-même paradoxale qui déploie simultanément ses puissances dans les deux domaines de l’art et de la théologie. Séparatrice et réparatrice, rassurante et subversive, empêtrée dans l’histoire et porteuse d’éternité : telle est depuis toujours la double face de l’allégorie Hot Roddienne… Quoi de commun entre le raffinement érotique de Chromes&Flammes et la mortification ascétique des autres magazines ?
Rien, semble-t-il, sauf le même refus d’une même hérésie sur deux registres. Matrimonium lupanar ou Ante coitum animal laetum. Il faudrait rien moins que la création d’un Tribunal inquisitorial pour que d’autres hérésies concernant le Hot Rodding ne puissent prendre le relais. Toujours défaites mais toujours renaissantes, les dissidences sont exorcisées mais conservées et peuvent y gagner une dangereuse autonomie, tout comme le Carnaval finit par valoir pour lui-même. L’allégorie manipule des décombres mais leur permet aussi de survivre en tant que ruines. Il y a quelque chose de diabolique dans l’allégorie. C’est même ce qui fait sa différence avec la symbolique. La réconciliation du signifiant et du signifié. Allégoriser, en revanche, c’est dire autre chose en public.
Nouant l’allos et l’agora, l’espace de l’altérité et celui du politique, l’allégorie rend public l’arbitraire du signe. Nul donc n’est lié par l’allégorie ou obligé par elle. Personne n’est tenu, comme dans l’échange symbolique, de répondre à un don par un contre-don. Aucune reconnaissance ici : l’allégorie, c’est l’ingratitude des signes qui se contentent de personnifier des abstractions. Le Hot Rodding aux milles facettes est libre de démonter n’importe quel épisode, réel ou fictif, profane ou sacré, passé ou présent, de le vider de son signifié primitif et d’en proposer un nouveau montage qui le relie, de façon arbitraire, à un allégorisé. Démonter et remonter sont donc les deux opérations, symétriques et successives.
Immense bricolage lévi-straussien qui ne crée cependant du nouveau qu’à partir des pièces éparses d’un mécanisme qu’il a lui-même réduit à l’état de débris. On voit peut-être mieux pourquoi l’allégorie baroque ne vit que des ruines et pourquoi elle est destinée à devenir elle-même une ruine, dès qu’un nouveau montage, à l’occasion d’un nouveau spectacle, vient remplacer l’ancien. Tout cela ne donne qu’une très faible idée de cet immense amoncellement d’inventions toujours renouvelées et toujours moribondes. D’autant plus qu’ont été écartés les créations les plus énigmatiques. En fait, le nihilisme technique représenté par les Rat Rods continue d’intéresser, fût-ce à titre mélancolique, le public. Si le monde est un théâtre, alors la vie est une comédie.
C’est avec cela qu’en tant que dramaturge, je monte diverses allégories. Deux allégorisants pour un seul allégorisé. Il faut, si l’on veut vraiment comprendre la nature de l’automobile, généraliser ce procédé à l’infini. Même amputé de son contexte festif et de ses à-côtés burlesques, le Hot Rodding reste plus inquiétant qu’il ne paraît. L’allégorisant des hérésies vaincues ne risque plus de ranimer les vieilles superstitions dans l’âme du public, lui aussi libre d’allégoriser à sa guise et de préférer le carnaval des monstres ou la vulgarité comique. Car le traitement baroque que j’utilise souvent ne fait qu’aggraver ce qui, depuis toujours, mine les puissances de l’allégorie : le devenir autonome de l’allégorisant.
Il ne suffit pas de démonter une intrigue pour que ces éléments deviennent complètement inoffensifs. L’histoire peut à chaque instant ranimer les flammes des chromes. Il nous a été donné d’habiter un effondrement. Mais peut-être pouvons-nous encore trouver, dans les ruines du passé, sinon une raison d’espérer du moins un message à méditer. Quitte à devoir inventer, dans le tourbillon où nous sommes, de nouveaux rêves et de nouvelles hérésies. Dans le monde des Hot Rods, il y a quelque chose de spécial à propos de la Ford 32. Qu’il s’agisse du roadster, du phaeton, du coupé, de la berline ou du camion/pick up, chacun a ses fans. Alors que le roadster se classera toujours au sommet, le coupé, en particulier le coupé à trois fenêtres, est également spécial.
Mais le coupé à cinq fenêtres a un look qui lui est propre, et lorsqu’il est bien fait, c’est vraiment un Hot Rod d’apparence exceptionnelle dans tous les sens du terme. Simon Gluckman (de Los Angeles, je le rappelle) a coché toutes les cases avec son coupé Ford à cinq fenêtres de 1932. L’idée a commencé comme un hommage à Eve, sa défunte mère. Simon pensait qu’il ferait quelque chose qui lui ferait plaisir. Eh bien, l’étape suivante consistait à construire un Hot Rod à la manière de la côte Est, à l’ancienne, qui répondrait à ses rêves et ferait sourire sa mère. Ce coupé Ford 1932 se trouvait chez Jay Dean du Nostalgia Ranch (maison des RPM Drags). De là, Simon a ramené lc Rod acquis pour un gros paquet de dollars, plus près de chez lui et s’est associé à Troy Ladd.
C’est le Boss de Hollywood Hot Rods à Burbank. Ce coupé Deuce nécessitait beaucoup de métallurgie. La tôle la plus gravement endommagée courait le long du bas de la carrosserie c’est typique. Tout cela correspondait au récit à écrire d’un Hot Rod de style côte Est des années 50-60 qui se retrouve paré du style West coast. Ces rêves ont été échangés entre lui et Ladd selon leurs divagations réciproques reprises en départ de cet article qui frise l’ésotérisme. Et ce que vous voyez, ce sont les résultats de ces séances de fuite des cerveaux. Un autre ami à déboulé à la rescousse : Jim Aust, Hot Rodder de longue date, maintenant propriétaire d’un saloon western au comté de Sussex dans le Delaware, qui s’est engagé pour la carrosserie et la peinture.
Simon a pu ramener le coupé Ford 1932 à Jim Aust qui a géré sa part du processus avec un mélange personnalisé proposant une teinte bleu glacier. Jim Aust et son équipe ont fait un travail incroyable en transformant ce vilain petit canard en cygne. Le travail de tôlerie sur mesure a été effectué chez Hollywood Hot Rods. Le Deuce tout en acier a été coupée de 5po et canalisée de 6po au-dessus du châssis. De là, le toit a été rempli et une cage de sécurité a été ajoutée. Une calandre Deuce sans capot et des phares Guide 682 C et des feux arrière Pontiac 50 ont été utilisés. Le châssis est un 32 sur mesure qui comporte une traverse avant modèle A (il a fallu abaisser l’avant d’un po supplémentaire) et une traverse arrière pour accueillir le QwickChange.
Speedway Engineering a exécuté un combo 3,78/4,34 qui est maintenu en position avec un ressort transversal modèle A, des amortisseurs Pete et Jakes, une paire de barres d’échelle. Le train de roulement poursuit le thème avec une peinture noire mate et un boîtier en métal brut. L’arbre de transmission en aluminium relie le changement rapide et la transmission Muncie à quatre vitesses, un clin d’œil aux pièces de la vieille école. Le volant moteur est un Olds avec un embrayage Performance Racing. À l’avant, l’essieu chromé percé de la poutre en I a été livré par l’intermédiaire de SO CAL Speed Shop avec une paire d’amortisseurs à tube chromé SO-CAL, un ressort à lames transversal modèle A et des triangles Ford ’32 fendus chromés.
Un boîtier de direction de style Vega dirige les premiers axes Ford, qui se concentrent sur les freins à tambour Ford équipés de plaques de support percées Ford. Le Deuce roule sur des jantes aciers Wheelsmith Ford de 16 pouces en noir brillant avec des capuchons Spider les pneus étant des Firestone/Coker à plis diagonaux 5,00-5,25×16 à l’avant et 7,50×16 à l’arrière. L’utilisation d’un moteur Olds 324ci de 1956 et un Blower d’époque, permet de garder le look vintage. L’Olds arbore une compression de 9,5:1 avec un compresseur/blower de style roots poli de Ross Racing en 4,71. Un distributeur incurvé Olds de Kent Weaver (utilisant des fils enveloppés de tissu) est utilisé avec quatre carburateurs Stromberg 97 reposant sur une admission Hollywood Hot Rods.
Ils ont également fabriqué l’échappement personnalisé allant des collecteurs aux découpes jusqu’au tube qui retourne à une paire de silencieux et se déverse ensuite près de l’arrière. Les couvercles de soupapes et les reniflards Offenhauser vintage sont également utilisés pour ajouter un peu de distinction. Sous le toit du coupé, vous trouverez un tableau de bord Ford 1932, mais il est maintenant habillé d’instruments Dodge de 1933, ainsi que d’un tachymètre à 8 grands. Le faisceau de câbles du Centech a été positionné grâce aux efforts de Hollywood Hot Rods qui s’est occupé de tout le câblage. La colonne de direction à tube droit met de plus en valeur un volant Ford 40 et un clignotant monté sur la colonne.
La banquette personnalisée présente une sellerie en cuir noir plissé cousue par J.C.’s Fine Upholstery ainsi que des ceintures abdominales de style course. Eh bien, voilà ; une recréation actuelle des looks vintage toujours populaires de ce coupé Ford Deuce sans ailes à cinq fenêtres de 1932. Ce coupé Hi-Boy est destiné à parcourir de nombreux kilomètres de route et à faire une apparition occasionnelle aux drags vintage. Voilà, voilou, la fin est proche, celle des temps aussi peut-être si nos dirigeants s’évertuent à vouloir s’engager dans une guerre atomique. Il n’y a rien de bon à en espérer, le pire est que même sans guerre ce sera le bordel intégral en Europe… Wait and see…