Jeff Beck et ses Hot-Rod’s
Jeff Beck s’en est allé rejoindre Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan, BB King et ils vont sans doute “jammer” pour l’éternité. Les nombreuses réactions élogieuses à l’égard du guitariste mort mardi à 78 ans témoignent de l’empreinte qu’a laissée le guitariste sur la scène rock’n’roll. Durant les années soixante, le guitariste britannique appartenait au mythique groupe “The Yardbirds”.
La suite de sa carrière, en tant que leader aux côtés de Rod Stewart, au sein du “Jeff Beck Group”, a toujours été alimentée d’un amour indéfectible pour le blues, même s’il s’est toujours déclaré fan absolu de Gene Vincent et que plusieurs de ses enregistrements démontrent son intérêt pour le hard-rock : “Truth et Beck-Ola” en 1968-69, la fusion : “Blow By Blow” et le jazz-rock : “Wired” en 1976, ou même l’électro : “Jeff” en 2003.
Sans avoir connu la réussite commerciale de certains de ses pairs, Jeff Beck constitue, avec Jimmy Page et Eric Clapton, le brelan d’as “guitaristique” du rock’n’roll anglais. En 2010, il rompt avec sa tradition d’albums majoritairement instrumentaux, pour collaborer avec les sulfureuses chanteuses Joss Stone et Imelda May sur “Emotion and Commotion”. Il ne reviendra que six ans plus tard, après une tournée mondiale, une série d’honneurs reçus et une participation au nouvel album de Brian Wilson : “No Pier Pressure”. Son retour prend la forme d’un album marqué par la violence sociale : “Loud Hailer”.
Sa bio…
Geoffrey Arnold Jeff Beck, dit Jeff Beck, naît le 24 juin 1944 à Wallington, faubourg de Londres. Il est le fils d’Arnold et Ethel Beck. Son enfance se développe auprès d’une mère “aimante” et d’un piano, dont le musicien en herbe caresse les touches. Et quand ses doigts le font souffrir il chante dans la chorale de l’église locale ou écoute la radio, sans sélection ni discernement. Il tente même de construire une guitare avec des boîtes de cigares…
Mais professionnel, il porte son premier dévolu sur une “Les-Paul”, puis diverses Fender “Stratocaster”, “Telecaster”, ainsi qu’une “Gretsch”, dans le répertoire spécifique de Gene Vincent. Après un passage éclair au Wimbledon Art College, et quelques usuels petits boulots (caddy sur un parcours de golf, peintre puis décorateur), il décide de tenter de faire carrière dans la musique.
Les Yardbirds…
En 1965, il remplace Eric Clapton parti rejoindre “The Bluesbreakers” de John Mayall, au sein des Yardbirds, et partage quelques temps le statut de lead guitar avec Jimmy Page (plus tard fondateur de Led Zeppelin). On peut voir les deux amis dans une mémorable scène du film “Blow-Up” de Michelangelo Antonioni. Jeff Beck expérimente alors quelques effets inédits (diverses pédales, comme la fuzz-box, mais également le larsen, la distorsion, ou le feed-back) qui impressionneront notablement Jimi Hendrix (et qu’on peut entendre dans l’album des Yardbirds “Roger The Engineer”). La lassitude, la vie des tournées, et des problèmes personnels et de santé, contraignent Jeff Beck à quitter le groupe au bout d’un an et demi.
Le Jeff Beck Group…
En 1968, Pink Floyd, malgré les souhaits de ses membres, n’ose pas demander à Jeff Beck de remplacer Syd Barrett. La même année, le guitariste crée le “Jeff Beck Group”, qui rassemble Ainsley Dunbar, puis Mick Waller, enfin Tony Newman à la batterie, le pianiste américain Nicky Hopkins (d’abord invité, puis membre à part entière), Ron Wood à la basse, et le chanteur Rod Stewart. Ce line-up, malgré des ventes modestes, pose les fondamentaux du hard-rock britannique en deux albums “Truth” en 1968 et “Beck-Ola” en 1969, avant de se dissoudre dans l’éther, avec le départ de Rod Stewart (parti pour ‘The Faces’, puis une lucrative carrière solo), et Ron Wood (rejoignant également ‘The Faces’, puis qui ralliera ‘The Rolling Stones’ au pupitre de seconde guitare, en 1975).
Jeff Beck et les autres…
L’échec de la seconde mouture du “Jeff Beck Group” (malgré deux albums de très haute tenue, “Rough And Ready” en 1971, et “Jeff Beck Group”, produit en 1972 par Steve Cropper, et enregistré à Memphis), incluant le chanteur Bob Tench, le claviériste Max Middleton, Cozy Powell à la batterie, et le bassiste Clive Chaman… et un accident automobile, inclinent Jeff Beck à rejoindre le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice (ex membres de Vanilla Fudge, puis Cactus), pour former un power trio : “Beck, Bogert and Appice” enregistre un album éponyme (BBA, 1973) peu vendu malgré une version du “Superstition” de Stevie Wonder (que ce dernier avait initialement composé pour Beck), produisent les sessions d’un concert à Osaka “Live In Japan”, puis entament la préparation d’un deuxième album studio en 1974. C’est alors que Jeff Beck, conscient de l’impasse tant artistique que commerciale de la démarche, prend la poudre d’escampette sans crier gare.
Beck tout seul, ou presque…
En 1975, Beck surprend son monde (et, partant, ses fans) en enregistrant “Blow By Blow”, produit par le cinquième Beatles George Martin. Cet album instrumental de musique fusion parvient néanmoins aux meilleures places des classements américains. On murmure que, la même année, Beck aurait refusé de remplacer Mick Taylor au sein de “The Rolling Stones”, lassé que ces derniers l’aient fait lanterner dans une chambre d’hôtel, dans l’attente d’un coup de fil salvateur. Le succès est également au rendez-vous de “Wired” (1976), enregistré avec Jan Hammer, ancien claviériste du “Mahavishnu Orchestra” de John McLaughlin, et de “Jeff Beck With The Jan Hammer Group Live” (1977). L’album “There And Back” paraît en 1980 (toujours en compagnie de Jan Hammer). En 1981, il participe à un concert au bénéfice d’Amnesty International, puis en 1982 lève des fonds pour la recherche contre la sclérose en plaques.
Les Grammy Awards…
L’album “Flash” (1985), riche du seul hit single de la carrière de Jeff Beck (une version de “People Get Ready” de Curtis Mayfield, chantée par Rod Stewart, est honoré d’un premier Grammy Award de la meilleure performance de rock instrumental pour la pièce “Escape”. En 1987, Beck participe au deuxième album de Mick Jagger (Primitive Cool). Puis, les disques se succèdent, tel “Jeff Beck Guitar Shop With Terry Bozzio And Tony Hymas” (1989), auréolé d’un nouveau Grammy Award, et la musique du film de Peter Fisk “Frankie’s House” (1992).
Toujours en 1992, Beck participe au troisième album du Pink Floyd Roger Waters “Amused To Death”, et voit The Yardbirds honorés par le “Rock and Roll Hall Of Fame”. Toutefois, les sessions de studio deviennent douloureuses, le guitariste souffrant d’acouphènes. En 1993, Jeff Beck est l’invité de Kate Bush pour l’album “The Red Shoes”, il accompagne Paul Rodgers (Bad Company) dans un album consacré au répertoire de Muddy Waters (Muddy Waters Blues : A Tribute To Muddy Waters), et rend hommage à Gene Vincent et aux Blue Caps avec l’album “Crazy Legs”. Puis se suivent “Who Else” (1999), et “You Had It Coming” (2001). Ce dernier album permet à Beck de remporter un troisième Grammy Award (meilleure performance instrumentale rock pour “Dirty Mind”). En 2003, l’album “Electro Jeff” est pour le guitariste l’occasion de se voir honoré d’un nouveau Grammy Award, toujours de la meilleure performance instrumentale rock pour “Plan B”.
La scène, toujours :“Le cinquième guitariste de tous les temps”…
Trois albums en public (“Live At BB King Blues Club” en 2006, “Official Bootleg Usa ’06” en 2007 et “Performing This Week…Live At Ronnie Scott’s Jazz Club” en 2008) rappellent l’activité scénique incessante de Jeff Beck, qui se produit également aux côtés de Cyndi Lauper, ZZ Top, Brian May (Queen), Mick Jagger, Donovan, ou Tina Turner. Le magazine Rolling Stone le considère comme “Le cinquième guitariste de tous les temps”. Le “Rock and Roll Hall of Fame” lui réserve une place d’honneur en 2009.
En 2010, Jeff Beck choisit de rompre avec sa tradition d’albums majoritairement instrumentaux pour “Emotion and Commotion”. Il s’associe à Trevor Horn pour réaliser un album comprenant outre un orchestre symphonique, les voix de Joss Stone, Imelda May et la chanteuse d’opéra Olivia Safe. De quoi surprendre plus que convaincre. Il lui faudra du temps pour digérer cet accroc à sa discographie et ne reviendra que six ans plus tard avec l’album “Loud Hailer”, et ses onze titres solides marqués par la violence sociale, qu’il exécute en trio avec la chanteuse Rosie Bones et la guitariste Carmen Vandenberg.
Jeff Beck et les Hot-Rods…
Tout comme les footballeurs qui sont interdits de ski, ou les chanteurs d’opéra qui évitent d’élever la voix, les guitaristes de classe mondiale devraient prendre soin de leurs mains. Jeff Beck était indéniablement un guitariste de classe mondiale (nommé cinquième meilleur guitariste de tous les temps par Rolling Stone), mais cela ne l’a pas empêché de passer la moitié de sa vie avec ses mitaines fermement enfoncées dans le fonctionnement interne d’un moteur : “Si je m’inquiétais pour mes doigts, je ne prendrais jamais une paire de pinces”, a-t-il déclaré.
Ses passions pour l’automobile remontent à 60 ans d’ici. Avant de se joindre aux Yardbirds, il a travaillé dans un atelier de carrosserie automobile pour joindre les deux bouts. Il était de cette race rare de célébrités qui ne savaient pas seulement se frayer un chemin dans une salle d’exposition de voitures coûteuses, mais aussi sous les capots. Avec de la chance, si vous lui rendiez visite dans son manoir de Surrey, vous le trouviez en train de bricoler dans son garage construit à cet effet, où toute la flotte de ses Hot-Rods bien-aimés était logée. Lorsque son vieil ami Eric Clapton lui a montré sa collection de Ferrari, Beck, peu impressionné, a commenté : “Tout le monde peut les acheter”. Puis il a indiqué son Hot-Rod dans lequel il s’était enfoncé : “Ceux-ci, vous les faites”.
La mort de Beck à l’âge de 78 ans a suscité une vague d’éloges et d’amour de la part du monde de la musique et du Hot-Rodding. On se souviendra de lui comme l’un des plus grands pionniers du rock, une influence titanesque sur la musique de guitare moderne qui était universellement respecté pour son approche iconoclaste et innovante de son travail qui englobait des genres aussi variés que le jazz, l’opéra et le punk : “Je joue comme je le fais parce que cela me permet de trouver les sons les plus malades possibles. C’est le but maintenant et je ne me soucie pas des règles. En fait, si je n’enfreins pas les règles au moins dix fois dans chaque chanson, alors je ne fais pas mon travail correctement”.
Quand il s’agissait de sa collection de voitures, cette même approche du livre de règles était écrite. Ici, nous jetons un coup d’œil à certaines des voitures qui ont joué un rôle central dans la vie d’une légende de la guitare, obsédée de l’automobile particulièrement du Hot-Rodding. En 1953, les parents de Beck l’ont emmené à Londres et son père, désespéré de garder heureux un enfant agité de neuf ans, a acheté à son fils un exemplaire du magazine Rod & Custom. Le garçon a été immédiatement accroché : “Je ne comprenais pas pourquoi il y avait tous ces moteurs chromés. J’ai toujours pensé que les moteurs étaient sales… J’ai réalisé qu’il fallait se pencher sur cette question”.
Quelques décennies plus tard, Beck a construit et restauré plus de 30 voitures dont 3 Corvette’s et 14 Hot-Rods dont un du légendaire Roy Brizio. Comme les Hot-Rodders du monde entier, Beck a été énormément influencé par le film “American Graffiti” de George Lucas de 1973. En effet, il a essayé d’acheter l’emblématique Deuce Coupé jaune du film directement à Lucas. Après le tournage, la voiture n’avait pas réussi à trouver un acheteur à 1.200 $, mais comme finalement le film a atteint le statut d’icône, le prix a augmenté. Beck a offert 4.000 $ mais un Hot-Rodder Américain a proposé 5.000 $.
Alors il s’est mis à chercher un Hot-Rod similaire, un coupé Deuce’32 : “J’étais à un Swap-Meet” du LA-Roadster et il y a un Hot-Rodder qui a repéré ma petite amie pour faire des photos pour un calendrier avec elle. Il m’a dit : “Est-ce que je peux utiliser ta petite amie ?” Et j’ai répondu : “Non. Partez. Sauf si vous avez un Rod’32 cinq fenêtres à vendre”. Et il a dit : “Oui. En fait, je l’ai ici”. Ce que la future Mme Beck a ressenti à propos de la transaction, l’histoire ne le rapporte pas.
De retour at-Home in England, Jeff Beck a fait la fête avec Eric Clapton et ont parcouru un kilomètre avant d’atteindre un virage serré. La voiture et les deux compères ont quitté la route et les héros se sont retrouvé à marcher le long de la route en “pissant du sang”. Beck et Clapton ont été rafistolé par une infirmière locale qui avait entendu l’accident ! L’épingle à cheveux routière est maintenant affectueusement connue sous le nom de “Beck’s Bend”.
Les premières amours automobiles de Beck étaient les Hot-Rods, mais il conservait une admiration persistante pour les Corvette’s. Sa première expérience de succès lui a permis de se précipiter pour acheter l’une d’elle :“C’était avec mes premiers gains, environ 3.500 £, une Corvette Split Window’63 … “Je devais l’avoir car en 63, avant de rejoindre les Yardbirds, j’avais l’affiche d’une Vette’63 dans ma chambre. Je me suis dit que c’était la plus belle voiture que j’ai jamais vue. Et deux ans plus tard, j’en avais une”.
Lorsque la voiture a succombé à la corrosion Beck a décidé de la réparer lui-même, réticent à confier sa fierté et sa joie à quelqu’un d’autre. Jeff Beck a appris en autodidacte la mécanique complexe en bricolant avec sa Stingray. Toutes les voitures de Beck n’étaient pas Vintage. Parmi les carrosseries étincelantes de ses beautés douloureusement restaurées, il s’est permis un pied de nez à la modernité : “Deux Corvette’s Z06 2007, sixième génération, qui réalisent le 0-60 en 3,7 secondes et ont une vitesse maximale de 200 mph. C’est comme un ouragan sur roues. C’est fun”.