Riders on the Storm…
John Wayne est le dernier symbole avarié de tout ce qui a foiré dans le rêve américain, mais il est un héros pour des millions d’individus… Wayne fut l’ultime Américain final qui bousillait tout ce qu’il ne pigeait pas… Les ondes cérébrales du “Duke” étaient les mêmes que celles qui parcourent le cerveau du requin-marteau, une bestiole si stupide et si vicieuse que les scientifiques ont abandonné tout espoir d’y comprendre quelque chose. “Le requin-marteau”, disent-ils, “n’a pas évolué depuis un million d’années, c’est une bête impitoyable, stupide, qui ne sait faire qu’une seule chose : attaquer, blesser, mutiler et tuer”…
Certains d’entre eux ont migré à Hollywood où ils ont été fort prisés en tant que figurants (voire héros) et utilisés dans des centaines de films propagandistes dits de cowboys. Le nouveau requin-marteau faisait un cowboy parfait, vicieux, stupide et ignorant de tout, hormis de ses propres frousses et de ses propres appétits, tabassant à mort quiconque le mettait mal à l’aise, quelle qu’en soit la raison. Le requin-marteau était donc un guerrier parfait, il défendait le drapeau, apprenant des mots tels que “ordre” et “patriotisme”. Mais le secret de sa réussite était son goût immémorial pour le sang. Et ça lui est resté !
C’est dans l’action qu’il se révéla, mais n’ayant pas un sou de jugeote, il fallait le guider… Le requin-marteau était le type que vous engagiez lorsque vous vouliez buter des Indiens, il était également disponible pour casser du nègre, puis, plus tard, pendre haut et court les Wobblies. L’Éthique du requin-marteau était “le Rêve Américain !”... Une utopie. Qui en bénéficie ? Qui possède à la fois l’opportunité et le motif ? C’est le genre de questions de base qui se posait alors que je regardais le Hot-Rod au milieu d’un champ humide bourdonnant dans le sud de l’Illinois… Le genre de question qui donne envie de partir loin…
Une légère brise soufflait sur ma nuque, la transpiration coulait dans mon dos, je soufflais comme Moïse devant la mer rouge… et je me suis souvenu du temps où je pouvais monter les escaliers en courant sans appeler immédiatement SOS Asphyxie. J’ai senti monter l’hypoglycémie, et, persuadé d’être la réincarnation de Don Prudhomme (un célèbre pilote de Drag des années ’70), j’ai appuyé sur la pédale des gaz et le Hot-Rod est parti comme un boulet de canon. Aucun problème d’équilibre… Enfin, tout ça pour dire que c’était cool, rapide, bref… et franchement con.. J’aurais aimé être ailleurs, mais où ?
Quels sont les endroits qui me font rêver ? Je vous donne un indice, ça n’est pas le Gévaudan, ni les Vosges, ni les Alpes, pas plus la Patagonie que geler dans les neiges du Kilimandjaro… Même pour m’en faire un blanc manteau où je pourrais dormir… C’est encore moins vivable à Vegas, même à une table de poker, entouré de plantureuses bimbos décolorées aussi distinguées que leurs lèvres refaites leur spermettre. Non, simplement mon bonheur est de vivre face à la Méditerranée avec mon Blacky… et de boire du rosé pamplemousse sur glace midi et soir, mais ça aurait été difficile à avouer à des Américains bouseux…
Je me suis mis à rêver d’être revenu, de me servir un bon verre de Tavel bien frais, de manger un tartare de saumon, menthe fraiche, avocat, fraises et pâte kadaïf, de me griller une belle côte de bœuf accompagnée d’une vague recette de patate, mi-Welschoise, mi-Portugaise accompagnée d’un pas trop vieux Clos Fourtet, avant de finir cette journée estivale, sur la terrasse d’un bistro sur le port, suçotant une glace à l’abricot, regardant de temps à autre le petit soulèvement des jupes des filles qui laisse deviner piercing et ticket de métro, les époques changent, pas les rêves…
C’est le genre de questions de base qui se posait alors que je regardais ce Hot-Rod au milieu d’un champ humide, bourdonnant dans le sud de l’Illinois, tout en entendant quelques commentaires “déclaratifs” absurdes de quelques “connaisseurs” locaux. Personne n’avait vu un Hot-Rod comme celui-là dans ce bled pourri de l’Amérique profonde des bouseux, personne ne savait quoi faire. Abreuvé de passions, abêti par des passe-temps inutiles et abscons, absorbé dans le paraître et la socialisation à outrance, arrimé vaille que vaille au train de la consommation de masse, l’homme se perd sans cesse de vue…,
ll se perd lui-même, réalise des choses mais ne se réalise plus personnellement. L’homme s’en met plein la panse à toutes les occasions, quitte à se contenter des restes des jours précédents ou de tester les boîtes bon-marché pour chats, chiens et hamsters, voire de rafler les poubelles des supermarchés, la nuit, quitte à se battre contre des SDF… Sinon, pour oublier, l’homme danse, bâfre comme un gros sac, festoie, compte, décompte, recompte et refait les mêmes bisous mouillés à des rats, pique-assiettes et Merlans (frits ou pas)…, L’homme est irrémédiablement crétin !
C’est pour célébrer l’arrivée de cette année à mi-course qui, jusqu’à présent, est toujours aussi pourrie que la précédente, si pas plus, qu’il est temps “pas pluche-tard” pour l’homme, de prendre le temps de se remettre de sa gueule de bois, de se refaire la cerise à coup de Juvamine et de reprendre le taf même en demi forme, frais comme un gardon productif, prêt à faire de la maille que l’homme-con ira dépenser lors des soldes. L’homme est juste un gros tas de conneries superposées en tranche de gras, d’une hypocrisie honteuse et d’une mauvaise foi crasse. L’homme n’a rien compris…, du tout…, à rien… Pfffffff !
Emil Cioran, à défaut d’être le plus joyeux drille du XXe siècle, explique dans ses mots chatoyants, l’impossibilité chronique d’une société post-moderne à créer la pensée : “Essayez d’être libre : vous mourrez de faim. La société ne vous tolère que si vous êtes successivement serviles et despotiques ; c’est une prison sans gardiens, mais d’où on ne s’évade pas sans périr”… L’œuvre de Cioran comporte des recueils d’aphorismes ironiques, sceptiques et percutants tel le flamboyant “De l’inconvénient d’être né” sous-titré “Syllogismes de l’amertume”, qui tous réunis constituent le noyau essentiel de ses œuvres les plus connues.
D’une façon générale, l’œuvre de Cioran est surtout marquée par son refus de tout système philosophique…, Bien plus qu’un simple pessimisme, son scepticisme philosophique demeure probablement son caractère le plus marquant. Son “Précis de décomposition” (1949), est un concentré de jus de bisounours, à lire en écoutant “Riders on the Storm”, https://www.youtube.com/watch?v=lS-af9Q-zvQ avec une bonne bouteille de Valium à la main et les robinets de gaz ouverts… Il a pour avantage de bien montrer à quel point la société dans laquelle on vit, crée sa propre médiocrité…
Chaque tentative de sortir du lot n’est qu’une mise à disposition d’un nouveau paradigme de médiocrité et de mise en cases (kikoo les hipsters !), certes légèrement déprimant, mais qui au moins fait réfléchir. Cioran, dont les écrits sont assez sombres, fut d’ordinaire un homme plutôt gai et de très bonne compagnie, déclarant avoir passé sa vie à recommander le suicide par écrit. Génial, mais à le déconseiller en paroles, car, au premier chapitre, cela relève du monde des idées alors que, dans le second, il fait face à des interlocuteurs de chair et de sang… Le tout mijoté dans un chaudron est succulent !
Tout en conseillant et déconseillant paradoxalement la solution du suicide, il affirme qu’il existe une supériorité de la vie face à la mort : celle de l’inconnu qui n’est fondée sur rien de logique ou de cohérent et ne fournit pas l’ombre d’un argument justifiant que l’on s’y accroche ou s’y maintienne, au contraire, la finalité de la mort demeure toujours claire et certaine, seul le mystère de la vie et la curiosité qu’elle suscite constituent une raison de continuer à vivre…, Mais, le temps passe, je tapote et j’en oublie de vous causer du p’tit Hot-Rod tout blanc, virginal, qui illustre mes délires, à moins que ce ne soit l’inverse…
De Cioran au Hot-Rodding virginal il n’y a qu’une masturbation de différence. Beaucoup invectiveront au scandale, certain(e)s crieront au génie. Je me permettrais seulement de vous susurrer à l’oreille que ce Hot-Rod est : juste Jouissif, froid et électrique, hypnotique et rassurant… Mais, mais, mais, j’en vois venir : “Ouais notre illustre narrateur percute à nouveau, ce que j’aime, ce sont ses tirades, ses délires qui me font bouger du cul tout en me tranchant les veines”… Ca tombe bien, il y en a une bonne plâtrée à dire sur ce Hot-Rod blanc, avec en point d’orgue ma longue intro sous acides concernant Cioran…, A relire !
Tout ça, avant de subitement partir sur une finale de folie complètement viciée, dépressive et pleine d’espoir dans le même mouvement, une sorte de mutation “partouzique” que vous relirez plus tard en fêtant la fin du monde. Ce Hot-Rod ravage les yeux exorbités, parce qu’il est beau, bizarre et implacable, son créateur s’est même autorisé de ressortir divers gimmick déjà utilisés chez “le Maître” que fut Boydd Coddington, qui, selon les Hot-Rodders, est maintenant ringard, mais, en le regardant, chacun/chacune a la paume des mains qui sue en sachant pertinemment que tout va leur exploser à la gueule…
Apprécier la beauté de la vie puis devenir fou, c’est la perfection qui permettrait aux intrépides inconscients qui le conduiraient, de débouler dans l’inconnu en transformant bassins et hanches en charpie… C’est fou, mais c’est au final une lente descente hypnotique, une overdose vécue comme un séjour obligé dans les toilettes Turques d’un Bordel d’Istamboul installé dans une bouche de métro… Un moment dantesque semblable à un trip cauchemardesque frontal. Même si on se la joue débonnaire et agréable, l’usage semi intensif nécrose les cerveaux sur une crépusculaire et lente complainte noyée dans le rivotril…
En ayant fait l’expérience génialissime il m’a fallu subir des claques dans la gueule pour m’extirper d’une sorte de léthargie et comprendre ce qu’est souffrir d’hyperacousie, une maladie difficilement supportable… On pourrait penser que je pèche par fanatisme, que j’exagère la qualité et les défauts de ce Hot-Rod par aveuglement du vieil adolescent sur le retour… Pffffffffffff, ! Les vieux de la vieille qui vivent le Hot-Rodding depuis les années ’60, connâssent tous une vieille groupie qui mouille encore 20 ans après, en se remémorant ses nuits avec les Rolling Stones alors que les mecs ne tiennent plus debout la bite droite…
Certes, il n’y a pas de monument aussi ahurissant que ce diamant parmi les diamants extirpés de la fange, certes, sa blancheur pourra en hérisser certain(e)s (ils/elles sont dans l’erreur), mais, quel pied à supporter le vacarme du V8 déferler sur sa tronche, ses bugs sonores tétanisant les tympans et réchauffant le palpitant… Il n’est pas exempt de défauts, mais c’est ce qui en fait le cachet… Quid d’un Hot-Rod parfait, quand on peut avoir un truc salace, qui pue l’acier et le foutre, qui grince et hurle, qui se nécrose et implose, qui fait l’effet d’un paquet de dogmatil avalé à 200km/h sur l’autoroute ?
Conduire ce machin, c’est pareil qu’être au premier rang d’un concert rock-noise ou on serait allé en couple après avoir fait la file d’attente durant 56 heures 13 minutes et cinquante neuf secondes… et qui se transforme en rupture amoureuse…, Oui, en rupture amoureuse… Enfin…, Plutôt en rupture sexuelle, car la femme en question (un double-sens de plus), nanana habillée en mode année ’60 qui, n’arrivant pas à te faire une fellation, à cause des multiples vibrations démentielles, te dit d’aller te faire enculer en essuyant son vomi… C’est très Rock-Métal qui explose en pleine gueule. Jouissif la queue en l’air…
Il y a trop de beauté dans cette démence, trop de richesses dans cet engin désaxé, issu d’un cerveau malade, anormal, pouvant concourir au titre de première nécessité pour dynamiter les fondations d’une vie pépère, les sourires niais, les rencontres éphémères, les moments de repos. Ce Hot-Rod écrase la vie des beaufs avec sa violence mélancolique.. Ca pourrait faire flipper, mais franchement, quel intérêt de revenir du boulot le soir, s’il n’existe aucune possibilité d’emprunter un passage secret permettant de tout dérégler ?