Street Rod’ster’34 Funéral…
Il a la senteur d’un parfum révolu… C’est mon ressenti à le voir… La senteur d’un parfum révolu peut évoquer des souvenirs lointains, des émotions figées dans le temps. Comme les vieux tableaux accrochés aux murs peints à la chaux, comme les vieux Hot Rods qui sont en réalité neufs de partouzes endiablées qui se figent dans des postures aux chairs qui semblent avariées… Regardez-le, il ne semble pas s’être figé, il l’est, offrant une image que l’on en avait sans même l’avoir vu… C’est dire la gravité du non-sens. Les Hot Rods comme les parfums, tout comme les souvenirs, sont des empreintes froides qui nous transportent vers des époques révolues. Si vous cherchez à redécouvrir des fragrances vintage, des impressions furtives, peut-être devriez-vous explorer non pas l’envers des décors mais l’enfer des réalités cachées, celles qui brisent les images traditionnelles.
Certaines plus que certains, quoique d’entre nous, espèrent laisser une sorte d’héritage lorsque le temps sera arrivé à terme, terminé. L’oubli étant atténué par l’héritage, mais quel héritage donc découvrir dans les noirceurs déshumanisées ? Croyez-vous heureux qui hérite d’un terne et révolu Hot Rod, alors qu’imaginant des chromes brillants et un moteur flamboyant capable de retourner le monde ? C’est le croquis tapoté que j’en ai, déçu et désabusé… Si encore c’était spectral, avec du sexe débridé, des flashs Punk’s tarabiscotés et une musique d’Opéra, tel Wagner, la fin des temps… Plus approprié… Ce Roadster Ford’34 que Dale Withers avait commencé à construire il y a plus de trois décennies, qui a récemment été terminé en sa mémoire par Ramin et Karla Younessi et l’équipe de Ron Jones Garage, se confond avec un enterrement lugubre et fait craindre d’être aspiré dans le néant.
Si le duel que la terminaison de ce Hot Rod à mené contre la mort, tout contre la mort, qui l’a amené si près de la mort, qu’il s’est substitué à elle par tendresse et si la lutte qui les lie devait se terminer dans une impasse, serait-ce défaite ? Death’s duel ! Heureusement c’est celui d’autres dont l’issue demeure incertaine. Ce Hot Rod semble avoir été terminé à la condition de ne pas perdre l’image de la mort de son concepteur qu’on imagine au volant… La mort suprême, afin de la faire ressentir à ceux et celles qui se piègent, a un hommage sans signification, pour sentir qu’on ne comprend rien, quoiqu’on n’a pas perdu le secret de la fin… Dale Withers était un constructeur de Hot Rods maintenant élevé dans son trépas à un grade inconnu de Maître métallurgiste, basé dans l’Oregon, USA, un quelque part sans importance, qui est déjà oublié à la ligne suivante…
Il était pourtant bien connu dans tout le nord-ouest du Pacifique, d’où personne n’est venu, qu’on ne sent pas plus. Dale Withers avait récupéré ce Ford Roadster’34 dans les années 1980 et peaufiné et modifié sans cesse entre d’autres projets oubliés. C’est l’importance des choses expliquée qui n’amène à rien que d’y passer du temps inutile… Ses tendances perfectionnistes ont peut-être empêché son achèvement qui en est devenu une œuvre funéraire, spectrale, car il affinait constamment la voiture dans le but de créer un roadster Ford traditionnel 1934 ultime, propre, simple et élégant. C’est réussi, il est beau comme un catafalque ! la beauté mortifère. Le morbide spectral… Ramin et Karla ont acquis ce Roadster il y a deux ans, après le décès de Dale Withers. Leur désir était de le terminer comme Dale l’avait imaginé… Alors ils ont contacté Ron Jones Garage pour les aider à y parvenir.
Le style de la voiture avait déjà été établi avec un châssis construit par Dale en utilisant un essieu avant abaissé, des triangles fendus et un pont arrière Quick-change Halibrand. Voyez comme tout est finalement désuet… Même le fantôme de Dale n’est pas là pour faire grincer les tambours de frein à ailettes Buick et les jantes inversées/retournées/chromées d’une Mercury également décédée dans le rituel funèbre… Toutes des pièces que Dale avait incorporées dans la construction sont aussi inertes que le néant… Certains pleurent surement… Le moteur est tout aussi Old-School, un antique V8 255ci Mercury Flathead équipé de têtes Edelbrock et d’une admission à quatre carburateurs supportant un quatuor de Stromberg et d’une magnéto Hunt… Amen… Sonnent les clochettes de la messe noire… Qui pleure en lisant tout ceci ? Quiconque ? Personne ! Vous ? Par contre la stupéfaction se fait sentir…
Je n’en ai pas terminé… Qui va se recueillir devant les collecteurs personnalisés qui mènent à un échappement en acier inoxydable ? Personne ! Et qui va sangloter en sachant de par ce que j’en écrit, que la puissance est transférée par une transmission Cadillac à trois vitesses à changement de vitesse en colonne d’une’41 ? Même Henry Ford est de la partie, bien qu’il soit difficile de dire combien de pincements, de plis et de tranches subtiles Dale a recréé pour obtenir le profil de la voiture, ce qui est aidé par un pare-brise penché et un modeste clapot supérieur. Les sommets de capot à persiennes et les flancs de capot supprimés aident le Flathead à respirer. Jim Smith de Ron Jones Garage a été crédité pour la carrosserie finale et la peinture funèbre, en une seule étape de PPG comme l’est la mort, tandis que le chrome a été géré par Oregon Plating et Advanced Plating…
Un tableau de bord de Ford’40 a été intégré de manière transparente à l’intérieur, avec des compteurs d’origine restaurés et une colonne de direction et un volant Ford’40 conservant le look classique funèbre général. Dernier point qui semble extrapolé des marins décédés qu’on cousait jusqu’au nez, c’est Sid Chavers qui a été appelé à coudre la sellerie en cuir marron et la capote en tissu noir… Amen bis… C’est émouvant… Je ne m’étendrai pas davantage sur le familialisme mis en action par l’écriture, mais il demeure certain que les drames familiaux constituent un des enjeux importants du déploiement de la matière romanesque recouverte d’une sombre sauvagerie qui fait parfois paraître le monde et son drame comme des décors en Chromes&Flammes autour d’une scène de massacre qui, elle, se passe dans l’intimité. L’éclatement du système référentiel, comme une constitution moléculaire, est inhérent à l’écriture…
Et elle prend plaisir à exhiber certains relais, permettant ainsi de mieux en cacher d’autres tels des déclencheurs discursifs et des catalyseurs d’affects. Ainsi s’affirme en moi le sujet de l’imaginaire, ainsi que le désir de faire éclater des images, dans un processus d’apparitions/disparitions, de présences/absences, et d’images fugitives, fulgurantes, éphémères, qui se dissolvent, immédiatement friables… L’énergie cinétique du texte se manifeste à chaque fois qu’il bifurque en anacoluthes, provoquant un changement de direction. C’est la technique de la sinuosité de l’écriture. Pour dire cela, je m’inspire de la perspective étourdissante créée par les bandes rouges sinueuses du ciel dans le tableau “le Cri” de Munch et je transpose cette technique à l’écriture qui s’enfile en un seul paragraphe, qui s’enroule et se déroule comme une bande tordue rappelant le ruban de Moebius. Mon intériorité est donc extérieure.
Certain(e)s parleront de baroque à cause de mes phrases longues avec incidences qu’on peut comparer à des courbes, tourbillons ou volutes arborescentes. Cette technique sinueuse, qui existe grâce à une systématique de renvoi métonymique, permettant d’enchaîner comme de faire revenir, est une astuce de “drifting away” dans l’écriture réflexive, la forme étant son contenu en miroir. L’organisation générale syntagmique exhibe l’inquiétude qui fait l’objet de la parole, un effet de redoublement extrapolé du drifting, un glissement de l’écriture dans une forme lyrique expressionniste pour accentuer le caractère dramatique du sujet traité et le degré de tension émotionnelle, du pathos, qui échappe à la logique rationnelle… Bien à vous, rassurez-vous il n’y a rien à comprendre, c’était simplement un ras-le-bol personnel envers diverses conneries…