Infidélité transférentielle…
Il suffit de parler d’une femme à une autre femme pour éveiller en elle l’idée de la remplacer.
Il suffit qu’une femme vous parle d’une autre femme pour vous donner envie de passer de l’une à l’autre.
Fou est celui qui nie cette infidélité transférentielle.
Blonde, la chevelure comme ébouriffée par l’amour, élancée, en attente que je vienne “la prendre” devant le Yacht de son père, Jennifer faisait la boudeuse, nerveuse… Soudain, me voyant arriver tel Gatsby dans un canot à moteur en bois précieux et sur roues, elle entrouvre son manteau Dolce & Gabana si léger qu’il semble flotter, elle est nue… La garce !
Elle me sait sensible à son corps dénudé, pas uniquement pour cette forme picturale, physique de la beauté, je veux dire la beauté sous toutes ses formes, les physiques que je préfère sont ceux dont la chair se dispute à l’immatérialité.
Bref…
Un visage fin et des yeux fiévreux. Un cou de cygne, pâle, qui fixe l’attention.
Je descends, lui ouvre la porte, Royal comme toujours, elle s’assied en Princesse, puis nous partons, impériaux…
Les rues défilent, s’égrènent. Irréguliers sont les intervalles… On pourrait distinguer les points forts comme sur un chapelet.
Elle porte de petites boucles d’oreilles. Des petites veines bleues, fatigues ornementales d’une nuit torride, palpitent sous ses yeux et de petits airs boudeurs enflent ses joues aux abords de la bouche.
J’aimerais bien glisser ma main sous son manteau pour l’emporter, elle, mais surtout pour la voir jouir, raidie, arquée en arrière et poussant un long cri de jouissance. La route est encore longue jusqu’au lit…
Nous parlons du web ou je m’amuse à publier diverses choses qu’elle me dit lire avec avidité…
–“Vous lire, c’est comme vous déshabiller, grand fou. Quelle audace, en quel magnifique équipage me transportez-vous d’extases mécaniques ?“…
Je souris mais ne répond pas… d’autant que la radio débite quelques prétextes à maux de tête, dont l’interview d’un groupe Rock…
Le chanteur affirme sans rire qu’il empile des conserves dans un supermarché pour pouvoir payer son loyer et, parallèlement, joue dans un groupe de musique, donnant tout de son temps libre et de son énergie à son groupe de musique…
Le pauvre… il ne peut se satisfaire de sa situation d’empileur de conserves mais possède la naïveté suffisante, motivante, pour se projeter totalement dans une réussite artistique, même si c’est pour ne produire qu’un seul album et passer ensuite aux oubliettes…
Je dis à Jennifer qu’au contraire de ce qu’il rêve, ce chanteur-hurleur va trouver son rythme de croisière à empiler ses conserves, aménager sa fatigue en fonction… et ne donnera ni temps ni énergie ni enthousiasme supplémentaires en dehors du minimum requis au vivotement de son projet artistique.
Alors, Jennifer et moi, nous parlons de ça, d’empiler des conserves…
Jennifer me demande pourquoi ?
Je lui réponds que c’est parce que les gens, en général, s’estiment à n’être dupes de rien, qu’ils sont constamment à baisser les bras, à dénigrer, à flatter un “aquoibonisme” qui les empêche de se jeter pleinement dans un projet.
-“Ce défaitisme ventripotent est en outre doublé d’une arrogance et d’un individualisme à toute épreuve. C’est pour ça que beaucoup renoncent sympathiquement et échouent à s’accomplir dans un projet ou dans un collectif artistique. Avec tous les empileurs de conserves qui se Rock’n’rollisent, lui dis-je avec un sourire carnassier : le marché de la conserve doit être complètement saturé, comme les ondes radio, quelle misère !”….
Snob ? Isn’t !
Amoncellement de nuages, grande lassitude d’être en attente et d’être en devenir… je pressents qu’un fond de migraine semblable à un dépôt d’alcool que je secoue de droite à gauche, va bientôt envahir mes neurones…
-“Vous avez vu comme cette fille vous a souri au feu rouge ?”… me dit Jennifer : “cette garce vous a souri exactement de la manière dont me sourient certains garçons, avec désespoir, conscients de leur impossibilité, ceux qui renoncent à la frime, qui portent en eux déjà l’inaccomplissement de leurs avances. Je connais beaucoup d’homosexuels qui seraient prêt à virer leur cuti pour coucher avec moi comme si j’étais Patricia Kaas, mais vous, ne pensez que trop aux automobiles”…
Elle doit me parler de cette fille qui portait des Louboutins , une jupe ancienne, une veste en jean’s et une barrette scintillante dans les cheveux…
-“Au fait c’est quoi cette voiture en bois ? Elle est étrange, on dirait un hors-bord Riva”…
Je lui dit que c’est un Hot-Rod “Boattail” fabriqué aux USA par le génial et incroyable Chips Foose, inspirée d’une Auburn Speedster dessinée par Gordon Buehrig, un designer américain d’avant-guerre.
-“Chips Foose a mis six ans pour réaliser cette voiture conçue comme une oeuvre d’art. Les voitures conçues par Foose ont à plusieurs reprises gagné les récompenses les plus prestigieuses dans divers shows automobiles de renom et cela inclus trois récompenses consécutives au Detroit Autorama, au Séma show et au Los Angeles county, pour cette voiture qui a été évaluée par divers experts, dont ceux de Barrett-Jackson,un demi million de dollars… Ce Hot-Rod Boattail est comme un hors-bord Riva en bois d’orphie, acajou de Bombay et billes de chêne sur une base mécanique de Corvette C5, moteur 346 ci HP LS-1 et trains roulants en aluminium”…
-“C’est délicieusement passionnant de vous écouter et de partager vos passions, mais ne pourriez-vous être passionné d’occupations plus charnelles ? J’ai hate de jouir” !
Il y a comme le fracas tangible d’un incident qui pointe en contrebasse… je pense à rattraper une Ferrari pour m’emplir d’adrénaline, mais je me trompe de sens… De plus il ne ressort rien de bien enthousiasmant de la radio.
Je lui fait part de mon découragement latent en cause des gens complètement hermétiques à la nouveauté et tragiquement vérolés par la trash TV et le Rock.
-“Les miroirs permettent les amours entre parenthèses“… me sussure t’elle.
-“Les glissements de terrain, les apartés magnifiques, les désastres à la crème, tous sont fouettés sans conséquences“…
Elle est saisissante comme un coup de vent de ne savoir que faire de sa vie.