Infiniti Q30 : Une Mercedes classe A aux yeux bridés… Par Marcel PIROTTE
Infiniti ! Qui en Europe connaît cette marque automobile japonaise ? Pas grand monde …Elle a vu le jour en 1989 aux States, se positionnant en fait comme la division prestige de Nissan, un peu à l’instar de Lexus envers Toyota ou Acura pour Honda. Si les chiffres de ventes ont été corrects sur le continent américain, au Japon ainsi que dans certains Etats du Moyen-Orient, en Europe il aura fallu attendre 2008 pour que Carlos Ghosn, le patron de l’alliance Renault Nissan, annonce sa venue sur le Vieux Continent…, mais avec des résultats mitigés, on a beaucoup “bricolé” mais également introduit des versions qui ne correspondaient pas aux exigences des clients européens, bref, “ça cafouillait”…
Avec l’introduction de la nouvelle compacte Premium Q30 et de son SUV QX30, cela risque de changer… en mieux…. Pour ceux qui ont eu la chance de voyager et de se rendre ces dernières années de l’autre côté de l’Atlantique, aux Emirats Arabes Unis ou bien au Japon, ces modèles sont assez bien implantés. L’année dernière, cette marque nipponne dont le siège social est établi à Hong Kong, en a vendu un peu plus de 186.000 exemplaires à travers le monde, le chiffre de 200.000 unités devrait être atteint cette année, mais pour l’Europe, les ventes demeurent très confidentielles : 4800 voitures livrées en 2014, dont un peu plus de 700 en France et seulement 50 en Belgique. Mais comme depuis le début de cette année 2015, la progression atteint presque les 10 %, Infiniti pourrait reprendre des couleurs alors qu’en 2016, les dirigeants tablent sur 40.000 livraisons sur le sol européen… et en 2020, Carlos Ghosn prévoit des ventes mondiales de l’ordre de 500.000 unités…N’est-ce pas un peu trop optimiste ? L’avenir nous le dira… Tout cela va bien évidemment couter des centaines de millions d’euros pour imposer ce nom… mais également ce logo que l’on retrouve notamment sur les voitures de Formule1 Red Bull Racing, alors qu’au nord de l’Angleterre, à deux pas de la méga usine de Nissan, Infiniti a prévu de débloquer près de 300 millions d’euros afin d’assembler à Sunderland les nouvelles Q30 et QX30.
Et ce n’est pas fini, Infiniti voit grand, très grand même, voulant notamment développer un réseau de concessionnaires exclusifs, une bonne dizaine existent en France, deux en Belgique… et là, je me demande si Infiniti Europe qui se dissocie complètement de Nissan Europe (alors que Lexus dépend de Toyota Europe) “ne se met pas le doigt dans l’œil”… Chacun le sait, la distribution automobile passe par un service après-vente digne de ce nom et surtout bien étoffé, ce qui n’est vraiment pas le cas actuellement. Il aurait sans doute été plus simple et surtout moins cher de sélectionner à travers l’Europe les meilleurs concessionnaires Nissan tout en leur proposant de vendre dans un show room séparé cette marque Premium. Ces concessionnaires retenus, ayant “pignon sur rue”, superbement organisés, auraient à mon avis, été ravis d‘être sélectionnés et surtout de participer à cette nouvelle aventure, même si les Infiniti seraient entretenues dans les mêmes ateliers que Nissan. Les concessionnaires VW Audi font bien la même chose, pourquoi est-ce que cela ne marcherait pas avec le tandem Nissan-Infiniti ?
Les seules règles pour imposer le Premium, c’est d’en mettre plein la vue vis-à-vis des clients, de les recevoir dans un show room approprié à l’ambiance plus feutrée et surtout les flatter de leur choix…, le reste n’a alors que peu d’importance. Mais il semble que cette solution du bon sens ait vraiment peu de chances d’être retenue…, pour les dirigeants d’Infiniti Europe, qui selon certains sources internes, snobent un peu ceux de Nissan…, Infiniti, c’est Infiniti, point barre. Même si tout cela doit couter très cher à l’alliance Renault-Nissan, trop cher sans doute en regard des volumes de ventes … Afin de mieux comprendre certaines choses, petit coup d’œil dans le rétroviseur.
Au début des années 80, le boss de Toyota, Eiji Toyoda, réunit ses principaux collaborateurs afin de leur poser une question très simple : “Sommes-nous capables de créer un véhicule de luxe capable de s’imposer vis-à-vis des meilleures réalisations mondiales” ? Du coup, le projet F1 est lancé, il va déboucher sur la commercialisation de la berline Lexus LS 400 V8 qui sera dévoilée en priorité aux States à l’occasion du salon automobile de Detroit en janvier 1989…, une véritable révolution, d’autant que le géant japonais était parti d’une feuille blanche pour le développement de ce projet qui aura couté à l’époque la somme astronomique d’un bon milliard de dollars tout en ayant mobilisé plus de 4.000 ingénieurs et techniciens qui vont fabriquer 450 prototypes. Eiji Toyoda avait vu juste, conforté dans son idée de création d’une division de luxe par le fait que Honda avait en 1986 lui aussi franchi le pas avec Acura !
Afin de répondre à cette attaque en règle, Nissan lance en 1989, Infiniti aux States mais avec des modèles développés à partir de versions Nissan rebadgées Infiniti…Malgré son V8 de 278 chevaux, la Q45 (dérivée de la Nissan Président) ne peut rivaliser avec la Lexus LS 400.
Le coupé M30 mais également sa version cabriolet sont immortalisés en 1999 dans le film “Les rois du désert” avec Georges Clooney qui récupère l’or de Saddam Hussein (l’action se passe en 1991) tout en se rendant compte comment l’un des membres de ce commando veut également à tout prix rapatrier ce modèle de prestige…
A voir ça…, on se dit qu’Infiniti a la cote aux States _C’est en partie vrai mais les ventes dégringolent, faute de modèles adaptés.
Il faut attendre 1997 avec le SUV QX4 Premium afin qu’Infiniti retrouve des couleurs et constitue une menace pour Land Rover et Jeep. Mais à la veille des années 2000, le constat est sans appel, Infiniti doit modifier sa stratégie et s’orienter vers des modèles sportifs.
La série G entre en scène et avec elle le coupé G35…, le bon choix qui sera complété par le SUV de haut de gamme FX 37. Ces dernières années, Infiniti va développer une gamme de berlines, coupés et SUV (berline G50, SUV QX70) animés par des moteurs V6 et V8 mais également hybrides qui sans aucun doute plaisent au public américain, mais qui finalement conviennent moins bien aux acheteurs européens.
Il faut donc penser à autre chose… et c’est là que Mercedes vient au secours de l’alliance Renault-Nissan et d’Infiniti… et ce n’est pas la première fois que l’alliance Renault-Nissan et Mercedes coopèrent de manière très étroite : la nouvelle Twingo de Renault et la Smart Forfour sont des cousines très proches, Renault livre de petits moteurs diesel à Mercedes pour entraîner la classe A, mais également les modèles d’entrée de gamme de la série C, alors que le Mercedes Citan n’est autre qu’un Kangoo germanisé. Suite aux accords de collaboration signés avec Mercedes, “l’alliance” va dès lors négocier un bon deal avec le fabricant allemand qui fournira la plate-forme de la classe A, ses moteurs, transmissions et bien d’autres choses, afin de mettre au point une nouvelle famille de véhicules compacts : la série Q30 qui sera assemblée en Grande-Bretagne. Du coup, Infiniti peut respirer et venir enfin attaquer ce marché européen si difficile à conquérir, surtout dans le segment des modèles premium compacts : ou comment une Mercedes classe A est devenue une anglo-nipponne mais cette fois avec des yeux bridés…
Du coup, cette Q30 (ainsi que le SUV QX30 qui arrivera au printemps 2016) peut s’attaquer à la l’Audi A3…, à la BMW série 1…, mais également à sa cousine germanique Mercedes classe A. Un fameux retour de manivelle en quelque sorte… De quoi m’intéresser à cette “nouvelle” Infiniti Q 30 et l’essayer dans les environs de Lisbonne. Mais il faut d’abord y arriver… et là, ça vaut la peine d’être raconté…
J’étais bien à l’heure à l’aéroport de Bruxelles afin de prendre le vol direct SN vers Lisbonne, mais à cause d’une panne d’ascenseur qui m’a laissé bloqué à l’intérieur, j’ai raté l’avion…, il a fallu en effet plus de 25 minutes pour que le service technique puisse débloquer cet ascenseur (malgré mes appels de détresse, la mise en œuvre du système d’alarme et le fait que mon avion décollait dans tout juste 25 minutes, le service technique compétent a tout simplement failli à sa tache). Dans un premier temps, il ne savait même pas dans quel ascenseur je me trouvais (véridique, c’est la centrale qui me l’a dit)…, pas un mot d’excuse non plus, ni même un technicien pour m’expliquer la cause…, impensable et inadmissible dans un grand aéroport qui se veut à la pointe en matière de sécurité de ses passagers… et si dans cet ascenseur, s’étaient trouvées plusieurs personnes qui commençaient à paniquer, cela aurait pu avoir des conséquences très graves…Du coup, j’évite désormais les ascenseurs à Bruxelles-National et bien évidemment, j’ai loupé mon avion. La compagnie SN a fait tout son possible pour m’expédier le plus rapidement possible vers Lisbonne avec correspondance à Porto et comme je le prévoyais mon bagage n’a pas été transféré sur ces deux autres vols…, il était en fait resté à Bruxelles…Bref, une journée à oublier…, heureusement que le service presse d’Infiniti a été lui au moins à la hauteur.
On vous l’a déjà dit, l’Infiniti Q30 partage ses dessous et de nombreux éléments techniques avec la classe A ou plus précisément avec la GLA, plutôt orientée vers le style Crossover… et de découvrir qu’au centimètre près, les mensurations de cette Q 30 reprennent celles de la GLA : longueur de 4,43 m, hauteur de 1,50 m ainsi qu’un empattement de 2,70 m…Et ce n’est pas tout, car cette traction avant, également livrable en version quatre roues motrices (ici on parle d’AWD ou non de 4Matic) et reprend bon nombre de motorisations, dont deux diesel, l’un d’origine Renault (le petit 1500 cm3 de 109 chevaux), l’autre d’origine Mercedes (le 2,2 D de 170 chevaux). Et pour ceux qui préfèrent carburer au sans plomb, Mercedes fournit trois blocs turbo : le 1600 de 122 ou 156 chevaux et le deux litres délivrant 211 chevaux. Côté transmissions, les versions les moins puissantes ont droit à la boîte mécanique 6 vitesses, les modèles les plus huppés se voient entraînées par la boite robotisée à double embrayage 7 rapports, 7DCT, du constructeur à l’étoile.
Avec une garde au sol de 21 cm, ce Q30 se donne évidemment des airs de pseudo SUV…, sa version Q30X surélevée de 3 cm et sa transmission intégrale montée d’office, le fera encore mieux ! Si la technologie a largement été empruntée à la GLA, le design extérieur s’en démarque totalement. Avec sa large calandre plutôt agressive, un long capot ainsi qu’une ligne de toit très fuyante sans oublier son air de félin, Q30 joue tout d’abord la carte de la séduction, c’est réussi…Même si la visibilité arrière n’est pas un modèle du genre, cette “anglo-germano-nipponne”, 4 portes avec hayon ne passe jamais inaperçue.
En revanche, à l’intérieur, ça manque d’originalité, on se croirait en face de la planche de bord d’une classe A/GLA, rationalisation oblige… ou comment faire de très sérieuses économies. Quelques petits détails permettent cependant à cette Q30 de se démarquer, mais l’instrumentation, les boutons de commande et autres interrupteurs ont été tout simplement copiés. En revanche, les versions les plus chères ont droit à des recouvrements en alcantara et du cuir pour les sièges et le revêtement de la planche de bord.
Tout comme la GLA, l’espace à l’arrière n’est pas optimal, les grandes tailles auront parfois du mal à caser leurs longues jambes, quatre places et non cinq, alors que la capacité du coffre modulable figure dans la moyenne du segment : 368 litres !La modularité de l’habitacle étant du genre basique, la dotation sur la Q30 de base frise le “minimum syndical”…, mais comme de multiples versions de finition s’avèrent disponibles, les futurs clients pourront largement piocher dans ce large panel de finitions et d’équipements de haut de gamme.
Et comment ça roule ? Pas mal du tout, j’avoue avoir été agréablement surpris…, car malgré une garde au sol plutôt élevée mais la présence d’une suspension optimisée et d’un amortissement de qualité, Q30 conjugue plutôt fort bien le binôme comportement serein et confort soigné. D’où une excellente tenue de cap, un modèle qui ne se vautre pas du tout en virages, pas de roulis intempestif et surtout des sièges soutenant bien le corps à l’avant, ambiance BCBG et surtout un excellent silence de fonctionnement de la part du gros diesel. Justement, côté motorisations, le petit diesel Renault de 109 chevaux et 260 Nm s’en sort plutôt bien, mais à cause d’un poids de caisse relativement élevé (pas loin de 1500 kg), il est réservé à ceux qui privilégient une conduite coulée avec des performances au second plan.
Livrable à un peu moins de 25.000 € en version d’entrée de gamme, ce n’est pas donné… Quant au diesel 2,2 l, Mercedes, 170 chevaux et 350 Nm, voilà sans doute celui qui doit plaire aux grands rouleurs, surtout avec la boîte auto robotisée et la transmission intégrale. Jamais à court de ressources, malgré une masse de près de 1600 kg mais surtout mieux insonorisé qu’à bord d’une GLA, ce “diesel à l’étoile” s’avère particulièrement convaincant et onctueux à l’utilisation. Et de plus, cette Q30 bénéficiant d’une bonne signature aérodynamique s’avère toujours fort silencieuse, important lors des longes étapes…, mais pour une version AWD superbement équipée, la facture dépasse les 40.000 €. Pas de miracles…
En essence, je n’ai pu essayer que la Q30S avec le 2 l turbo de 211 chevaux et 350 Nm. Beau bruit lors des accélérations, suspensions un rien raffermies mais nullement inconfortables, direction encore plus précise et directe, trois modes de conduite au choix du conducteur… bref, voilà une version plutôt attachante, surtout avec la boite 7 et l’AWD. Bénéficiant d’une garantie de trois ans ou 100.000 km, Q 30 se pose en concurrence directe des modèles “premium allemands”…, mais ne rechigne pas non plus à attaquer la Jaguar XE, elle aussi livrable en traction intégrale.
Du coup, Q30 recèle tout le potentiel voulu pour s’imposer dans ce fameux segment C mais pour cela, il faudra sérieusement étoffer le service après-vente… et non pas se contenter de quelques concessionnaires exclusifs…La solution, je l’ai expliquée de long en large, elle passe par le réseau Nissan qui doit être mis à contribution…, c’est actuellement la seule possibilité et surtout la moins chère afin vouloir imposer ce pseudo SUV qui ne manque pas d’attraits… Marcel PIROTTE https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=1547&cat=auto