Jaguar F Pace : Un félin haut sur pattes !
Par Marcel PIROTTE
Sir William Lyons, le fondateur de la “Swalow Sidecar Company” en 1922, mieux connue un peu plus tard sous le nom de Jaguar, doit probablement se retourner une nouvelle fois dans sa tombe… et pour cause… Lui qui a connu la nationalisation de son entreprise en 1966, d’abord sous le nom de BMC, British Motor Company, ensuite British Leyland…, n’aurait cependant pas supporté d’être racheté en 1990 par le groupe américain Ford…, il décède en effet en 1985 à l’âge de 84 ans.
Sous l’ovale Ford, Jaguar va devoir fabriquer une “Mondéo à l’anglaise”, la X Type de sinistre mémoire…, mais c’est aussi durant cette période que “le félin” retrouve un peu de couleurs avec la XK 8 coupé et cabriolet… et que penser du rachat de Jaguar par le groupe indien Tata en 2008 ?
Certains lords n’en sont toujours pas revenus…, rendez-vous compte, l’onde de choc, une entreprise anglaise rachetée par une ancienne colonie britannique, la honte… et pourtant, c’est ce qui pouvait arriver de mieux à cette vénérable “Lady” qui, avec Land Rover, forme le groupe JLR battant depuis six ans tous les records de vente.
Du coup, ce grand capitaine de l’industrie automobile doit probablement regarder cela d’un œil bienveillant tout en observant qu’en automobile, rien n’est désormais figé et que les firmes doivent évoluer en fonction des goûts du public…, du moins, c’est ce qu’on pourrait penser car ce sont bel et bien les stratèges du “Marketing” qui déterminent quelles seront les grandes tendances de demain.
Prenons le cas des SUV et autres Crossovers, ils représentent actuellement près de 30 % du total des ventes mondiales…, il y en a de toutes les tailles, de tous les prix, du “low cost” jusqu’aux plus luxueux…
Et ça se vend…, sinon comment interpréter le fait que la firme Porsche ait été sauvée de la faillite grâce aulancement du Cayenne… et que son petit frère, le Macan, se vend actuellement “comme des petits-pains” ?
Ce qui n’a pas échappé aux stratèges de Tata qui avec les ingénieurs ont décidé eux aussi de se lancer dans la course aux SUV’S de prestige…, il a un nom : F-Pace…
Il n’a pas été lancé par hasard, ses concepteurs l’ont en effet dévoilé en septembre 2013 à l’occasion du salon de Francfort sous le nom de C-X17, mais c’était loin d’être un prototype, il avait déjà tous les gênes d’un SUV de haut de gamme.
Et de peaufiner son mini tour du monde en le présentant quelques mois plus tard à Dubaï,Los Angeles mais également à Canton…, la messe était dite, sa fabrication en grande série étant prévue au printemps 2016.
Du coup, Jaguar pavoise…, au premier semestre 2016, on a vendu plus de 60.000 exemplaires de “Jag”, les berlines XE et F Pace étant particulièrement plébiscitées avec notamment ce SUV qui booste littéralement la marque au félin : plus de 10.000 exemplaires vendus alors que la grande majorité des clients n’ont pu l’essayer…
Si cela continue, Jaguar va largement dépasser le cap des 120.000 ventes mondiales cette année, un nouveau record (84.000 en 2015).
Développés à la fin du siècle dernier et fruits d’une “joint venture” entre VW et Porsche (les deux entités n’étaient pas encore réunies au sein du Groupe VW), on a vu successivement apparaître deux grands Crossovers allemands : VW Touareg et Porsche Cayenne, tous deux reprenant pas mal d’éléments communs.
Trois ans plus tard, c’est au tour de l’Audi Q7 se venir jouer le troisième larron…, du coup, bon nombre de spécialistes mais également des analystes financiers “réputés” ont prétendu que “cela ne marcherait jamais”… du moins chez Porsche…, ils ont dû déchanter car le grand SUV Cayenne a tout simplement sauvé la marque de Stuttgart Zuffenhausen de la faillite pure et simple.
Un nouveau chapitre de l’histoire de ce constructeur de voitures de sport venait de s’écrire, reste à voir ce qu’en aurait pensé le Docteur Ferdinand Porsche…, évidemment au début, les chiffres de ventes du Cayenne n’affolaient pas les compteurs, il a donc fallu au moins trois ans pour que la sauce prenne !
Mais après : “jackpot”, les financiers se frottaient les mains, le Cayenne décollait littéralement…, ce qui a donné l’envie à Porsche de lui adjoindre un petit frère, le Macan, qui se vend comme des sandwichs jambon-beurre…
Devant ces succès, les constructeurs “premiums” et de prestige qui juraient les grands dieux qu’ils ne proposeraient jamais un SUV au sein de leur gamme, ont dû revoir leur stratégie.
Ce fut notamment le cas de Maserati qui a dévoilé cette année son grand SUV Levante, demain, Alfa Roméo va débouler avec un SUV un rien plus petit… et après-demain, en 2018, ce sera au tour de Lamborghini de proposer un SUV d’un genre sportif.
En provenance de Grande-Bretagne, on a d’abord assisté à la présentation en 2012 au salon de Genève d’un premier prototype de Bentley, baptisé EXP 9 F…, franchement, c’était horrible, un véritable camion, ce n’est pas ce que Bentley a fait de mieux au niveau du design, à jeter aux oubliettes… et puis, un deuxième essai, le bon cette fois avec le grand Bentayga à moteur W 12 de 6 l et 608 chevaux, dévoilé enfin sous sa forme définitive au salon de Francfort à l’automne dernier…, imposant mais pas vraiment un “canon” au niveau du design. Dès 2018, Rolls Royce devrait lui aussi nous étonner avec un grand SUV qui friserait la barre des 400.000 €.
Chez Aston Martin, ce n’est un secret pour personne que la célèbre firme anglaise préparerait un SUV très performant lui aussi… et puis, je vous le disais un peu plus haut, Jaguar s’est lancé dans cette niche !
Aavec tout d’abord le prototype C-X 17 en 2013, annonçant la venue du F-Pace fabriqué en série en ce début 2016…
En 2020, on prévoit de vendre de par le monde plus de deux millions de Crossovers de haut de gamme, “jackpot” assuré pour les constructeurs…
Je reconnais que ces grands SUV’S n’ont jamais été ma tasse de thé favorite…, ils se veulent cependant polyvalents et pratiques tout en offrant des performances ainsi qu’un comportement routier qui feraient rougir de honte la plus sportive des berlines.
Sans oublier beaucoup de place à l’intérieur ainsi qu’un très grand coffre ainsi que des prestations routières de haut de gamme, mais également d’incroyables possibilités de franchissement…, tout cela, F-Pace sait le faire et avec brio s’il vous plaît !
Au sein de la gamme Jaguar, c’est un véhicule entièrement nouveau mais faisant appel à des matériaux très légers dont l’aluminium pour la structure autoportante ainsi que pour la carrosserie…, de quoi abaisser le poids qui selon les versions se situe entre 1665 et 1861 kg.
En parlant de modèles disponibles, la gamme s’articule autour de deux versions à moteur diesel, la 2.0 D entraîné par un quatre cylindres 2 l de 180 ch./430 Nm, disponible en propulsion ou 4X4 ( à partir de 43.000€) alors que la version 3.0D V6 est uniquement livrable en quatre roues motrices avec boîte automatique ZF à huit rapports…, le trois litres livrant la coquette puissance de 300 chevaux, mais surtout 700 Nm de couple, c’était notre version d’essai.
En Essence, rien que des 4X4 équipés du 3 l V6 à compresseur, 340 ou 380 chevaux, mais avec seulement 450 Nm de couple, oui, je sais… comparés aux 700 Nm du diesel, ça fait vraiment toute la différence. Côté carrosserie, ce F-Pace repose sur un empattement très long, 2,78 m, tout en affichant une longueur hors tout de 4,73 m…, de quoi le ranger dans la catégorie des SUV “premiums” du style Audi Q5, BMW X3, Mercedes GLC, sans oublier le Porsche Macan…,rien que du beau monde.
Jaguar réplique que ce nouveau modèle F-Pace se veut particulièrement bien dessiné, imposant mais élégant avec des traits typiquement issus des modèles du célèbre félin : calandre impressionnante ainsi qu’un pavillon caractérisée par des lignes plutôt fuyantes et sportives, c’est plaisant.
Ce félin assez haut sur pattes avec une garde au sol de plus de 21 cm en impose d’emblée, la largeur hors tout avec rétros de plus de 2,17 m fait le reste.
A bord, on se retrouve en terrain connu, c’est bel et bien une Jaguar avec cette commande rotative de la boîte ZF à huit rapports, ainsi que la possibilité de sortir des sentiers battus avec
cette transmission intégrale qui dans les grandes lignes est bel et bien fournie par les cousins de Land Rover…, mais ici, la répartition de la puissance et du couple avantagent le côté propulsion, ce qui n’est pas pour nous déplaire…, beaucoup de place et d’espace pour 5 adultes mais une visibilité arrière pas exceptionnelle…, en revanche, la capacité du coffre est vraiment généreuse ; de 650 à plus de 1700 l, le seuil de chargement n’étant pas non plus très élevé.
qui ne peuvent se retrouver sur une Jaguar…
Essayée en version R-Sport qui se négocie sans la moindre option à partir de 65.000 €, j’ai cependant été déçu par la qualité de finition et d’assemblage mais également par des détails
Comme cet habitacle un peu sombre que l’on aura à cœur de personnaliser avec un choix de couleurs et de cuir (contre supplément), mais aussi ce bruit énervant de tôles brinquebalantes lors de la fermeture des portières… ainsi qu’une suspension arrière qui couinait sur de mauvais revêtements, du moins sur notre version d’essai (sic !)…, il y a encore du travail à faire, les propriétaires ne vont pas tolérer cette “Tata-Touch” qui manque de “British Touch”…
Et que dire de l’équipement de série : pas terrible…, ce n’est pas le minimum syndical mais compte tenu du prix, on aurait pu chouchouter les futurs clients…, même pas d’affichage tête haute ou de caméra de recul pourtant indispensable…, pas non plus de hayon à commande électrique.
Du coup, il faut aller piocher dans la très longue liste des packs et des options disponibles afin d’obtenir, par exemple, un système de navigation pas très intuitif ou bien un amortissement adaptatif, sans oublier des mesquineries du genre banquette arrière repliable 40/20/40 moyennant 50 €, ce même dossier pouvant profiter d’une inclinaison électrique facturée 155€.
Franchement, on se fiche un peu de “la g… du client”, alors qu’en voulant une F-Pace bien équipée, la facture peut alors grimper à une allure vertigineuse…, du coup, notre version d’essai était facturée près de 85.000 €… Jaguar se serait-il inspiré des fabricants de “premiums” allemands ?
On se le demande…, en revanche, trois ans de garantie, c’est toujours bon à prendre…., mais…, comment ça roule ?
Et là, grande surprise : comme une Jaguar… et ce malgré des suspensions un peu raides qui doivent aussi composer avec des jantes alu de 19 pouces, du moins en exécution R-Sport…, mais qu’on ne s’y trompe pas, ce F-Pace s’avère confortable sur de très longues étapes et surtout, il bénéficie d’un comportement typé sport qui lui permet de rivaliser avec les meilleurs…
D’ailleurs, ce n’est un secret pour personne, le Porsche Macan a bien évidemment servi de référence au F-Pace qui n’est sans doute pas aussi sportif que ce SUV en provenance de Zuffenhausen, mais il ne manque pas d’homogénéité, d’autant que de nombreuses aides à la conduite lui permettent par exemple de se sentir aussi à l’aise sur un
parcours sinueux.
Avec notamment un contrôle “vectoriel” de couple sur l’essieu arrière, ce qui lui permet de négocier un enchaînement de lacets et de sortir comme un boulet de canon, mais ce qu’il préfère, ce sont plutôt les grandes courbes qu’il prend avec un malin plaisir le pied à la planche… et si par hasard, il faut s’aventurer en off road, ce n‘est pas un manchot, il fait tout aussi bien qu’un Land Rover Discovery Sport…, comme référence, c’est plutôt flatteur…, de plus, en ville, ces dimensions ne sont pas trop pénalisantes, seul le diamètre de braquage s’avère un peu élevé : plus de 12 m entre murs, c’est beaucoup !
Alors que Jaguar devrait vendre, du moins en Europe, un maximum de versions diesel deux litres, les grands rouleurs vont se ruer sur le V6 trois litres diesel… et ils auront bien raison…, malgré un poids à vide de 1,9 tonne, ce diesel lui va comme un gant, surtout avec cette incroyable transmission automatique ZF 8 rapports qui le seconde parfaitement.
Avec 700 Nm de couple, les dépassements sont un jeu d’enfant, les reprises exceptionnelles, il ne faut même pas se servir des palettes au volant : le couple, il n’y a que ça de vrai…, on enfonce la pédale d’accélérateur, les 300 chevaux déboulent au grand galop…, ce qui lui permet d’afficher des performances assez exceptionnelles, comme une vitesse de pointe de 240 km/h sur les autoroutes allemandes (non limitées mais ça se trouve de moins en moins), le passage de 0 à 100 km/h en 6,5 secondes, bref, voilà la motorisation qui lui convient le mieux.
Et ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est que la consommation mesurée sur près de 900 km, se veut particulièrement basse… et pourtant, je n’ai pas chômé…, elle s’est en effet stabilisée à 8,5 l/100 km, un chiffre exceptionnel pour un véhicule aussi lourd mais également très imposant…, avec 66 l dans le réservoir, on peut voir venir… et surtout accomplir de très longues étapes sans devoir ravitailler.
Quant aux normes usines, Jaguar annonce 6,9 l/100 km de moyenne (oubliez ce chiffre fantaisiste…, en revanche, les émissions de CO2, 159 g/km, ne sont pas très élevées, ce n‘est pas le coup de fusil du point de vue fiscal.
Du coup, les versions essence de 340 et 380 chevaux font un peu pâle figure, mais rassurez-vous, elles devraient faire la joie des utilisateurs aux USA ainsi qu’au Moyen Orient… et s’ils ne sont pas satisfaits, ils pourront toujours attendre les futurs F-Pace qui sans aucun doute seront animés un peu plus tard par un V8 maison… Pour un coup d’essai, les ingénieurs Jaguar peuvent être fiers de cette réussite…, à part un niveau qualitatif d’assemblage et de finition qui ne cadre pas avec la philosophie de la maison ( ça peut se corriger très facilement ) et des options interminables qui peuvent faire exploser le montant de la facture, le F-Pace est une réussite sur ( presque) toute la ligne : confortable, sportif, offrant beaucoup d’espace ainsi que des prestations tout à fait dynamiques, on prend aussi beaucoup de plaisir à le conduire… et puis, cerise sur le cake, il se veut aussi très séduisant…, qui aurait un jour pensé qu’une Jaguar allait se transformer en un superbe félin un peu haut sur pattes Marcel PIROTTE