Jaguar F-Type ou Mercedes 400 SL ?
Coventry contre Stuttgart !
Par Marcel PIROTTE
– Envie d’un coupé ou roadster “Grand-Tourisme“, de préférence avec un six cylindres ?
– Oui…
– Pas de problème, ça se trouve, mais comptez entre 50.000 et (beaucoup) plus de 200.000 € pour une voiture neuve…
– Ah oui, tout de même !
– Voyez comme c’est simple…
– A moins d’attendre quelques mois voire (beaucoup) plus, leur arrivée sur le marché de l’occasion…
Votre enthousiasme est un peu refroidi, je comprends…, mais quand on aime, on ne compte pas, on ne raisonne pas toujours de manière rationnelle…, du genre “près de vos sous”, vous allez y regarder à deux fois…, et ça tombe bien, j’ai justement deux propositions à vous soumettre…, que pensez-vous d’une confrontation entre le coupé Jaguar F type et le coupé/cabriolet Mercedes SL400…, tous deux à plus de 330 chevaux ?
Six cylindres, ça suffit, vous avez sans doute raison…, pourquoi se tourner vers des V8, V10 et V12 qui coûtent les yeux de la tête, sont la plupart du temps “inconduisibles” dans la vie quotidienne, incapables bien souvent d’emmener le moindre bagage à moins d’un mini sac de sport (ou d’un baise-en-ville), obligeant dans certains pays d’Europe; les propriétaires à s’acquitter de taxes indécentes…, revenons-en à nos bagnoles, c’est tellement plus captivant…, un six cylindres dans une sportive ou une GT, voilà sans doute la bonne mesure…, le choix est assez étendu, éclectique également : BMW Z4, Lotus Exige, Mercedes SLK 350, Nissan 370Z/GT-R, Porsche Boxster/Cayman et 911…, voilà pour un extrait du catalogue… et d’y ajouter nos deux protagonistes :
La Jaguar F Type coupé ou le cabriolet six cylindres de 340 ou 380 chevaux en version S (le modèle de base étant à mes yeux largement suffisant, 68.800 € sans les options et 75.900 pour le cabriolet)…, alors que chez Mercedes, la SL 400 (deux voitures en une seule, coupé ou cabrio à toit rigide) revient sans le moindre supplément à près de 106.000 €uros (ma voiture d’essai bien équipée car les options, ça rapporte gros étant facturée plus de 130.000 €uros, le prix d’un bel appartement !
La Jaguar F Type, c’est un peu la petite fille de la célèbre E type des années soixante…, oubliez en effet la XJS, cette F Type redonne (enfin) envie de renouer avec le félin de Coventry…
Avant cela au milieu des années ’90, la XK8 née sous l’ère Ford avec un bloc V8, une proche cousine de l’Aston DB7, relançait Jaguar parmi les constructeurs de GT (un roadster suivra)…, aujourd’hui, ce sont des modèles très fiables, recherchés par les collectionneurs et pas trop chers sur le marché de l’occasion…, la XK va prendre le relais, la conception demeure identique, les V8 qui les animent deviennent désormais de plus en plus puissants (jusque 550 chevaux pour les versions XKR-S), deux modèles toujours au catalogue, coupé ou roadster.
En 2008, séisme aux pays des Lords, le groupe Jaguar /Land Rover (JLR, plus anglais que ça, tu meurs) est racheté à Ford par le géant indien Tata…, un comble si l’on se souvient que l’Inde était jusqu’en 1947 une colonie britannique…, Tata, du nom de l’une des familles les plus riches mais aussi les plus puissantes de ce pays de plus d’un milliard d’habitants (en 2025, sa population devrait dépasser celle de la Chine), c’est un incroyable conglomérat de sociétés, près d’une centaine, impliquées dans presque toutes les activités industrielles et économiques de ce méga pays…, avec cette reprise, JLR ne pouvait mieux rêver, les capitaux affluents, les bonnes idées aussi comme celle de relancer un coupé/roadster de caractère ainsi qu’une berline premium, la XE dévoilée tout récemment à Paris.
En 2013, le roadster F type amorce la pompe, une réussite à une exception près, les designers ont tout simplement oublié le coffre, un comble pour une GT qui doit véhiculer des amateurs de green…, impossible d’y loger un sac de golf…
Avec le coupé, plus rien de tout cela, on revient au sublime du genre classique, on se replonge dans les racines de la E type mais on la réinvente, d’où ce design particulièrement bien réussi avec un capot aussi long que la piste d’envol d’un porte avions, des hanches bien musclées, une partie arrière tout à fait dans l’esprit de la grand-mère, avec une double sortie centrale d’échappement ainsi qu’un aileron qui se déploie à partir de 100 km/h, créant 120 kg de portance supplémentaire… et enfin un coffre digne de ce nom (capacité de l’ordre de 400 litres) s’ouvrant via un hayon pouvant être motorisé (une autre option), la porte latérale arrière de la E type, c’est bel et bien du passé…
A l’intérieur, on se retrouve en terrain connu, peu de différence avec le roadster, c’est pratiquement du pareil au même : cossu, bien fini, sièges en cuir monobloc soutenant bien les occupants, quelques petites attentions comme les bouches d’aération centrales qui se déploient dès la mise en marche du moteur, des commandes bien à portée de mains, cette GT invite aux longues balades…, mais à deux seulement, c’est une voiture d’égoïste, impossible d’y loger même un (tout) petit chien à l’arrière…, il va devoir rester à la maison…
Les espaces de rangement sont également comptés, pas assez nombreux et de plus, cet habitacle souffre d’un sentiment de claustrophobie qui s’arrange avec le toit transparent mais prière de mettre la main au portefeuille : 1.160 €uros…
Côté équipement de série, c’est assez complet mais il me semble aberrant en 2014 de facturer plus de 3.300 € un système de navigation incluant le Bluetooth ainsi qu’une caméra de recul…, chez Renault sur une Twingo de 10.000 €, ça ne coute que 700 € et ça fonctionne à merveille (d’autant qu’à mon avis, ce système joue aussi un rôle sécuritaire au même titre que l’ABS ou l’ESP, tout comme la détection de voitures dans l’angle mort des rétros extérieurs)…
Franchement, certains constructeurs exagèrent mais comme ces options permettent de réaliser de sérieux bénéfices, pourquoi s’en priver, d’autant que le client (souvent mal informé) est prêt (toujours)à payer…, quant aux 25 € réclamés pour le kit légal, ça, c’est franchement de la mesquinerie, je n’en reviens toujours pas…
A bord de la SL 400, nettement plus chère, il est vrai, pas de sentiment de claustrophobie grâce notamment au toit amovible transparent (qui peut s’assombrir en fonction de la luminosité, on appelle cela le Magic Sky Control : 3.147 €, ça commence)…, selon que le toit soit fermé ou bien ouvert, la capacité du coffre varie de 365 à 500 litres, mais prière de voyager avec des sacs souples, plus faciles à caser…, en revanche, la caméra de recul n’est facturée que 309 €…, mais les sièges multi-contour (un must) se négocient à 1.185 €… et pour le chauffage de nuque, prière de rajouter 679 € !
Si le GPS est de série (enfin), il est assez incompréhensible sur une voiture de ce prix (106.000 €, n’oublions pas) que le “pack d’aides à la conduite” comprenant un régulateur de vitesse et de distance ainsi qu’un assistant de trajectoire actif et de surveillance d’angles morts…, ne fasse pas partie de la dotation de série mais exige un supplément de 2.777 €…, tout comme Jaguar, l’allumage des feux de route est devenu une option à 123 €…, pas étonnant dès lors que tous ces suppléments (j’oubliais l’Active-Body-Control à 3.641 €)…, font littéralement exploser le montant de la facture…
Toujours aussi bien dessinée, hautement désirable mais tellement classique, cette SL fait encore tourner les têtes alors que la calandre est vraiment devenue quelconque…, mais quel équilibre dans ces lignes toujours aussi pures qui traversent les années sans prendre une seule ride…, ravissement dès que l’on ouvre la portière, beaucoup d’espace pour les deux occupants, un petit emplacement derrière les sièges (là, le chien peut accompagner), un sentiment de sérieux et de solidité (à ce prix-là…), un petit volant se prenant bien en mains…, bref, cette SL 400 ne demande qu’à bouger…, c’est une SL bien dans la tradition de ses vénérables aïeules.
L’aventure SL roadster avec toit en toile a débuté au milieu des années cinquante avec la découvrable du modèle à portes “papillon”, le succès est au rendez-vous pour ses 1858 versions produites qui aujourd’hui se négocient à prix d’or (près d’un million d’euros, une folie)…, tout comme celle de la 190 SL à moteur quatre cylindres, la petite sœur avec un moteur sans doute increvable mais un peu anémique.
Avec la série Pagode de 1963 dessinée par Paul Bracq, cette SL (Sport Leicht avec hard top amovible) devient encore plus élégante, plus sensuelle aussi mais c’est bel et bien la série W 107 de 1971 qui va assurer la notoriété de ce roadster tellement glamour mais aussi de plus en plus puissant…, il restera au catalogue jusqu’en 1989…, pour céder la place à la série W 129 caractérisée par des lignes nettement plus aérodynamiques ainsi qu’une technologie de haut vol, six cylindres, V8, V12 font partie du programme dont la version V12 7L3 de 525 chevaux préparée par AMG.
Après un subtil restylage et près de dix ans plus tard, la SL se dote en 2002 comme le petit frère SLK d’un toit escamotable en dur, c’est le début d’une nouvelle ère qui n’entame pas le succès de ce coupé/roadster, bien au contraire.
Si les versions V8 de 435 chevaux et AMG 63/65 de respectivement 537 et 630 chevaux (250.000 € sans les options) figurent toujours bien au programme, la SL 400 est venue remplacer en début de cette année la 350 à moteur six cylindres…, en passant de la 350 à la 400 , on pourrait logiquement en déduire que la cylindrée a augmenté, et bien, c’est l’inverse…, désormais, la SL 400 fait appel à un plus petit moteur, 500 cm³ en moins… désormais, c’est un trois litres essence double turbo qui officie sous le capot, le M 276 en interne : V6 à 90°, 333 chevaux au lieu de 306 et surtout 480 Nm de couple à partir de 1400 tr/min au lieu de 370 Nm pour le 3L5 qui étaient seulement fournis à partir de 3.500 tr/min…, de quoi augurer d’une excellente disponibilité à bas régime mais également d’une diminution de la consommation malgré la présence d’une boîte automatique 7 rapports, un peu trop vieillissante et que Mercedes aurait intérêt à remplacer au plus tôt par sa toute nouvelle 9 G-Tronic.
Sous le capot de la Jaguar, présence là aussi d’un V6 trois litres mais boosté par un compresseur…, d’où une puissance maxi de 340 chevaux ainsi qu’un couple de 450 Nm disponible à partir de 3.500 tr/min, le tout envoyé au pont arrière via une boîte automatique 8 rapports presque parfaite…, avec dans les deux cas de très nombreuses pièces de carrosseries allégées en alu, le coupé Jaguar revendique sur la balance un peu moins de 1600 kg (1730 pour la SL 400), cette dernière devrait logiquement s’avérer un peu moins véloce…
Et bien, c’est le contraire mais ça se joue à coups de centièmes de secondes, moins de 6 secondes pour atteindre 100 km/h dans les deux cas…, la SL franchit nettement plus tôt que la F type le poteau du kilomètre départ arrêté…, des chiffres dont la plupart des utilisateurs n’ont que faire tout comme une vitesse de pointe de l’ordre de 250 km/h à vérifier sur un circuit, oui, peut-être mais comme tourner en rond afin d’aligner des temps n’est pas la vocation première de ces deux GT, on les retiendra pour l’anecdote…, en revanche, le bruit rageur du bloc anglais lors des montées en régime ou bien dans les phases de rétrogradage (surtout avec l’échappement sport), donne le sentiment qu’il distille son tonus de manière beaucoup plus impressionnante alors que dans les faits, le V6 allemand se débrouille lui aussi dès les plus bas régimes…, dommage qu’il soit si mal secondé par une boîte beaucoup trop lente et pas assez réactive, vivement la nouvelle 9 G-Tronic, 9 rapports…, à la pompe, ces deux V6 n’ont pas le gosier en pente, même en les menant à bonne allure, un peu moins de 11 l/100 km pour la Frau-teutonne, un litre en plus pour la British-girl…, des chiffres qui témoignent des progrès en matière de downsizing…
Ce sont bel et bien deux GT et non des sportives pures et dures, les longues étapes, les grandes courbes, dévorer la bande de gauche des autoroutes, flâner également…, elles le font à merveille…, mais pour les spéciales de rallyes, prière d’aller voir ailleurs, chez Lotus par exemple ou bien chez Porsche.
Confort particulièrement soigné des suspensions chez Mercedes, un peu plus ferme pour la F type mais c’est surtout dans le plaisir de conduite qu’elles se révèlent imbattables…, dynamiques, sûres, prévenantes, les deux GT ne manquent pas non plus de classe.
Alors que choisir ?
Un coupé typiquement british jusqu’au bout des pneus, beaucoup de tempérament, bien dans la tradition, capable lui aussi de faire le plein d’émotions pour Gentlemen driver…, ou deux voitures en une seule, coupé ou cabriolet, ce qui se paie au prix fort…, en revanche, et sans avoir l’air d’y toucher, la SL peut s’avérer très performante dans un confort toujours aussi soigné tout en n’étant pas non plus avare de bonnes sensations…, deux GT pour séniors-connaisseurs bien nantis…, mais qui sont restés très jeunes d’esprit et qui apprécient particulièrement les bonnes et belles choses de la vie…, la F Type et la SL 400 en font partie !
Marcel PIROTTE
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