Jaguar F-type R ou Lexus RC F ? V8 contre V8, mais ça s’arrête-là…
Par Marcel PIROTTE
Ces dernières semaines, les internautes de GatsbyOnline ont été littéralement gâtés…, de nombreuses GT et super cars ont pu les faire rêver (ou cauchemarder), cette fois, nous vous proposons un match anglo-nippon, l’Union Jack contre l’Empire du Soleil Levant, Jaguar F-type R contre Lexus RC F, V8 contre V8…
Du sérieux, deux GT de caractère mais surtout deux coupés utilisables au quotidien et, ce qui ne gâte rien, à des prix plutôt raisonnables (ce terme étant plutôt relatif), du moins comparés à ceux de la concurrence qui, sans la moindre vergogne, n’hésite pas à sortir la grosse artillerie…, entendez par là des tarifs vraiment indécents, vous l’aurez compris…
Pas à dire, avec ses hanches bien galbées, son très long capot, cette F-type R deux places en impose, d’autant plus que, contrairement aux versions moins puissantes, 340 et 380 chevaux entraînées par un V6 de 3L, ici, on retrouve le bloc V8 de 5L qui, gavé par un compresseur mécanique, livre la coquette puissance de 550 chevaux et 680 Nm de couple…, tout cela pour un poids à vide qui malgré l’utilisation intensive d’aluminium dépasse la barre des 1800kg, c’est beaucoup, un peu trop peut-être.
La Jag’, look de star, le charme discret de la grande bourgeoisie victorienne, pas d’appendices aérodynamiques disgracieux sinon un petit aileron arrière qui se déploie à partir de 120 km/h, sans oublier quatre sorties d’échappement…, discret mais superbement dessiné, ce coupé de 4,47 m incarne également une sorte de force tranquille qui à tout moment peut littéralement se déchainer.
Afin de transmettre toutes ces valeurs à la route via une boîte automatique 8 rapports ainsi que trois modes de conduite (Normal, All Weather et Dynamique) , Jaguar fait appel à la propulsion via un différentiel arrière électronique, mais depuis peu, une version quatre roues motrices AWD est aussi disponible (ce n’était pas celle retenue/dévolue pour notre essai)…, du point de vue freinage, quatre gros disques de série, mais en option et moyennant un supplément de 9.110 €, Jaguar installe des freins en carbone céramique, une option à conseiller vivement.
Facturé un peu moins de 110.000 € soit 25.000 € de plus qu’une Lexus RC F nettement mieux équipée et plus complète, ce coupé R fait encore grimper la facture avec des babioles du style capteurs de stationnement, caméra de recul, Bluetooth, surveillance des angles morts et bien d’autres mesquineries qui devraient être de série.
Mais le plus fort, c’est sans doute le système de GPS pas tellement au goût du jour et proposé à 3.000 €…, là, on se fout carrément du futur propriétaire si l’on sait que chez Renault/Dacia, le système R Link englobant la radio, la navigation, Bluetooth et bien d’autres choses…, nettement plus performant et plus complet, se négocie à environ 500 €…, évidemment, on vous répondra qu’il s’agit d’une Jaguar… et que certaines comparaisons ne valent pas raison !
Avec 550 chevaux à 6500 tr /min ainsi que 680 Nm de couple dès 3500 tr/min, un rapport poids/puissance de3, 3 kg/ch mais surtout un compresseur mécanique qui souffle dès les plus basses rotations, la Jag’ sur vitaminée fait un peu penser à un avion de chasse (le Spitfire pour rester dans la grande tradition britannique)…, surtout à l’accélération avec un bruit qui rappelle le bruit de ce chasseur monoplace lorsqu’il commençait à piquer…, c’est déjà impressionnant en mode normal, mais dès que l’on passe sur la position dynamique, ce V8 devient une véritable furie, les accélérations (de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes) vous plaquent littéralement contre le dossier…, les reprises sont à ranger dans la catégorie “époustouflant”…, pas besoin de rétrograder, il suffit d’appuyer sur l’accélérateur.
Doubler, ça prend à peine quelques secondes, les chicanes mobiles, la Jag’ n’en fait qu’une bouchée…, facile de comprendre qu’avec une telle puissance, mieux vaut rester très attentif et concentré car il ne faut que quelques secondes pour perdre son permis de conduire…, à ne pas mettre entre toutes les mains, d’autant que ce coupé est capable de pointer sans broncher à 300 km/h, sans commentaires…, en revanche, il supporte également d’être conduit à un train de sénateur, mais sachez que selon la pression exercée sur la pédale d’accélérateur, ce V8 engloutit entre 12 à 16 l/100 km et même beaucoup plus si l’on veut se défouler sur un circuit, cet exercice n’est cependant pas la tasse de thé favorite de ce coupé avant tout conçu pour dévorer de très longues étapes à des moyennes que notre code de la route réprouve sans la moindre pitié.
Avec en outre ses nombreuses aides à la conduite et campée sur des jantes de 20 pouces, cette Jag’ offre un comportement d’excellente facture avec en prime un châssis bien charpenté sans pour autant négliger un confort bien British…, de très longs trajets à bord de cette belle anglaise, ce n’est pas du tout une punition, bien au contraire, son comportement dynamique figure parmi les meilleurs tout comme d’ailleurs ce V8 très réactif qui distille en prime une sonorité envoutante à l’échappement, on ne s’en lasse jamais. Pour une propulsion, la motricité s’avère bien difficile à prendre en défaut, du moins sur route ouverte mais sachez que ce coupé ne fait pas demi tour dans un mouchoir de poche, tout comme d’ailleurs la Lexus, mieux vaut s’en souvenir.
Enfin deux coupés, utilisables au quotidien…, mais avec deux personnalités bien distinctes…, si la Jag’ type R est à ranger d’emblée parmi les GT de haut vol, la Lexus RC F cache bien son jeu, c’est un peu docteur Jekyll et Mister Hyde à la demande et selon l’humeur du conducteur, mais aussi via les très nombreuses aides à la conduite… et là, ça déménage…,
Tout comme la Jaguar, le coupé Lexus bénéficie lui aussi d’une garantie de trois ans, alors que chez Toyota, le client d’une mini Aygo à 10.000 € (c’est la même maison, Lexus étant la division prestige du numéro un nippon), peut rouler en toute tranquillité durant cinq ans (comprenne qui pourra)…, n’empêche que par rapport à la Jag sur vitaminée, ce coupé se voit proposé à partir de 86.000 € avec un équipement ultra-complet, il n’y manque pratiquement rien, très peu d’options, peinture métallisée, toit ouvrant, différentiel à vectorisation de couple (4.280 €)…, ça les vaut, on vous en reparlera plus loin, on ne comprend cependant pas ce supplément de 1.330 € pour le système Pre-crash Safety incluant également un régulateur de vitesse adaptatif alors que vous pouvez faire l’impasse sur le pack carbone facturé 6.400 €…, ça fait un peu kitch…
Dans les mois à venir, ce coupé sera également proposé en version deux litres turbo quatre cylindres de 245 chevaux et 350 Nm, une version hybride existe également, elle dérive de la berline 300 h…, côté freinage, quatre gros disques ventilés, pas de freins carbone céramique, même en option, dommage d’autant que ce coupé n’est pas non plus très léger, près de 1850 kg !
Côté design, on se retrouve un peu en terrain connu car de profil, cette version RCF ressemble étrangement au coupé Toyota GT 86 mais un rien bodybuildé…, plus imposant également avec en outre une face avant très agressive qui ne laisse planer aucun doute sur les intentions de cette GT…, qui, elle aussi, revendique quatre sorties d’échappement ainsi qu’un aileron arrière mobile (sur notre voiture d’essai, ce “machin” ne parvenait pas à se replier, en cause d’un problème de livraison de pièces de rechange…, les Japonais nous ont habitués à plus de rigueur) !
A bord de la Lexus, ambiance totalement différente, les lignes tranchées de l’extérieur s retrouvent également dans cette sorte de jeu vidéo, on aime ou bien l’on déteste, j’avoue que ce n’est pas mon verre de saké favori, d’autant que l’ergonomie n’est pas le point fort de ce coupé…, des boutons et des interrupteurs un peu partout, une qualité perçue qui est loin d’égaler celle de l’anglaise, un imposant tunnel central…, bref, ça fait un peu désordre.., en revanche, présence d’excellents sièges avant baquets matelassés, très enveloppants et de deux petits sièges d’appoint à l’arrière, réservés à des enfants en bas âge ou pour déposer quelques bagages que le volume du coffre de 366 L ne pourrait accueillir…
Bravo cependant pour l’une ou l’autre trouvaille intelligente comme le pavé tactile commandant le système multimédia ainsi que la navigation…, avec un peu d’habitude, il devient plutôt précis…, toutefois, dans un coupé aussi puissant, j’aurais aimé trouver un affichage tête haute afin de ne pas quitter la route des yeux (il faut s’en passer)… et sur la route : contact, le V8 nippon s’ébroue presque normalement, mais il affiche clairement deux personnalités, dépendantes du mode de conduite choisi :Eco, Normal, Sport et Sport+…, en mode Eco, il ne se passe pas grand-chose jusque 3500 tr/min, on se demande d’ailleurs si une grande partie des 477 chevaux ne sont pas au repos, c’est sans doute le mode idéal pour effectuer de très longues étapes sur autoroutes dans un silence presque religieux…, mais dès que l’on veut un rien s’amuser, le mode Sport et à fortiori Sport + est mieux indiqué.
Dès la moindre pression sur l’accélérateur, ce V8 devient une véritable furie, s’envole vers des régimes endiablés avec une force plutôt incroyable, plus de 7.000 T/min au compte-tours, il ne semble pas s’essouffler d’autant que la bande son devient de plus en plus exaltante, participant à ce déchainement de puissance alors que la boîte optimisée réagit encore plus vite… du coup, ce coupé peut atteindre 270 km/h en pointe tout en croisant allégrement à 200 km/h sur des autoroutes non limitées (il faut les trouver), il atteint également la barre des 100 km/h en 5 secondes, les reprises étant plutôt grisantes mais uniquement sur les deux modes de conduite les plus sportifs…, à la pompe, un peu plus de 14 l/100 km, il faut bien gaver le gros V8 de 5L, mais en se promenant, on descend facilement vers les 12 l/100 km. Deux personnalités dès lors pour ce V8, on l’aura compris…, tout comme d’ailleurs le comportement routier de ce coupé campé sur des jantes de 19 pouces…, pataud, lourd à manœuvrer, nettement trop sous vireur, ce coupé se transforme aussitôt en GT particulièrement maniable et agile dès que l’on active le différentiel à vectorisation de couple (qui répartit automatiquement la motricité sur l’une ou l’autre roue arrière) et que l’on quitte la position Standard au profit de celles marquées par les sigles Slalom et Track…, fini alors le sous virage, le coupé se transforme en véritable ballerine, c’est plutôt magique même si ce différentiel miracle impose un supplément de 4.280 € par rapport au dispositif autobloquant du type Torsen installé en série.
D’une efficacité plutôt redoutable et ce malgré le montage de suspensions classiques mais superbement charpentées et pas du tout inconfortables…, un travail d’orfèvre, preuve que Lexus est capable de mettre au point des GT au tempérament bien marqué…, un peu à l’image du coupé LFA V10 de 560 chevaux, une super car fabriquée à 500 exemplaires seulement et qui coutait plus de 400.000 €…, du coup et avec un potentiel aussi élevé, le freinage classique devient parfois un peu limite, surtout en utilisation intensive, vivement la solution carbone céramique mais indisponible … en revanche, ce coupé 2+2 de 4,70 m de long fait l’impasse sur l’hybridation (ça va venir), tout en se voyant animé par un V8 de 5L, mais cette fois à aspiration naturelle (un bloc atmosphérique si vous préférez), par le passé, Lexus a souvent fait des entorses à sa religion qui passe par l’hybridation, pensez aux versions berlines ISF, très vitaminées… en Europe, la RCF revendique dès lors 477 chevaux. mais également 530 Nm de couple, toutes ces valeurs étant également transmises au pont arrière via une boite automatique 8 rapports fabriquée par Aisin, la filiale transmission du groupe Toyota (avec là aussi, comme à bord de la Jag’, des palettes au volant)… à se demander également comment Lexus peut offrir à ce prix une telle machine aussi sophistiquée, superbement équipée : 90.000 €…
Oui, je sais, c’est déjà une belle somme, beaucoup de sous-sous, beaucoup d’euros à compter…, mais lorsqu’on compare ce montant à celui réclamé par d’autres constructeurs pour des coupés GT moins homogènes, inutilisables dans la vie de tous les jours… et qui coutent bien souvent le double de ce prix, si pas plus, on ne peut s’empêcher de penser que certains fabricants s’en mettent vraiment plein les poches, faisant avant tout miroiter leur notoriété…, mais après tout, si certains clients sont prêts à dépenser de véritables petites fortunes pour se déplacer, pourquoi les priver de ces plaisirs…, c’est de bonne guerre mais ça devient indécent…
Marcel PIROTTE
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