Kougar Sports Roadster 1979
L’industrie britannique des kit-car’s a généré des milliers de marques, dont la plupart ont été reléguées dans l’oubli, à juste titre aux yeux des amateurs d’engins moins charitables… Cependant, s’il y en a une partie qui se déclaraient et s’utilisaient comme étant des kits-car’s classiques en Angleterre, les autres (à 80%) circulaient en France, Belgique, Hollande, Allemagne avec des réutilisations d’autres documents achetés comme “Pièces de rechange” ou “Voitures à restaurer”. C’était un marché florissant “à vos risques et périls”, exigeant que les téméraires inconscients s’approvisionnent en pièces diverses de récupération dans les casses automobiles et/où en vols de parkings pour réaliser les pires bricolages imaginables. En 2023, cette époque est révolue, terminé de fouiller dans les casses et de voler une Jaguar XJ-6 où une vieille Chevrolet pourrie pour en avoir la mécanique et les trains roulants.
Restait ensuite à retrousser ses manches et se mettre au travail pour obtenir une merde roulable mémorable à passer en douce en Contrôle technique vite-fait avec les papier d’un Old-Timer… La Kougar Sports reste une anomalie parmi les voitures en kit d’antan, en ce sens qu’elle a été créée par des individus imprégnés de la restauration de voitures de course historiques en Angleterre où les Kit-Cars étaient légaux… En tant que tel, l’engin a attiré le genre de client qui ne traverserait pas la route pour regarder une Coccinelle VW transformée en Porscherie exotique… La Kougar continue d’être l’une des rares voitures en kit qui fait appel à la fraternité plus large des voitures classiques sur ses propres mérites. Stylistiquement, la Kougar était censée évoquer la Frazer Nash Le Mans Rep et les HWM à ailes “cyclables”, elle comportait initialement des trains roulants que les amateurs volaient la nuit aux Jaguar Type S où XJ6.
La Kougar Sports a donc été conçue comme une bricole ludique dans les années 1975/76/77 par l’Anglais Rick Stevens avec un style inspiré des voitures de sport britanniques d’après-guerre. Après le développement d’un prototype en aluminium en partenariat avec Dick Crosthwaite et John Gardiner en 1976, Rick Stevens a commencé à vendre une version en fibre de verre de la voiture nommée Cougar, via sa société Sussex, avant de fonder Kougar Cars en 1979. (Le K étant de mise à cause de Ford qui était propriétaire du nom). Dotée d’un châssis tubulaire exclusif, la Kougar a alors été vendue sous forme de voiture soit entièrement assemblée soit en kit avant que la société ne change de mains 11 ans plus tard en 1990, vendue à Arthur Wolstenholme et devienne Ronart une extension du prénom Rona de son épouse.
Ne voulant pas trop montrer que la Ronart était la Kougar, Arthur Wolstenholme a prétendu que la Ronart ne s’inspirait d’aucune voiture en particulier et n’était pas la réplique de la Kougar ni de quelle autre voiture…99% ont été vendues en Angleterre, le 1% restant aux USA. Rien ailleurs. La Ronart est donc devenue “officiellement” la représentation d’une sorte d amalgame du genre Formule-1 des années 1940-50, évoquant tout à la fois la Maserati 250 F, la Jaguar HWM et la Maserati W-152 avec des relents de Vanwall, de Mercedes W125, de BRM et de Lotus… Et personne ne va oser les disputer sur ce point. Arthur Wolsteinholme avait passé dix ans de sa vie professionnelle à la Royal Air Force en tant que technicien en électronique. Ce fut une période durant laquelle il s’intéressa, puis se passionna à restaurer de vieilles motos anglaises.
Lorsqu’on est affligé de ce penchant à restaurer de vieilles choses, on progresse en général vers la voiture… Et Arthur attaqua bientôt la restauration d’une Triumph TR3, puis d’une Morgan 1600 qui devint la voiture de sa femme Rona. La puissance du bloc 1600 GT s’avérant un peu juste au goût d’Arthur, il décida d’installer un Lotus Twin Cam dans sa vieille Morgan. Cela a incité Rona d’emmener la voiture à Silverstone, histoire de frimer et vérifier si sa Morgan Twin Cam faisait un chrono convenable en circuit. Elle n’a pas eu de réponse à cette question, puisqu’elle sortit de la piste pendant son premier tour de circuit. Mais son Arthur de mari en tira la conclusion suivante : “Il faut bien davantage qu’un châssis en bois avec une suspension à pogo-sticks pour maintenir une voiture puissante sur la route” ! Et c’est ainsi qu’Arthur se rendit compte du potentiel à en tirer…
Le style rétro allait devenir encore plus attrayant avec un châssis et des suspensions modernes. Il va racheter Kougar Cars et fonder RONART CARS début des années ’80, à Peterborough, dans le Cambridgeshire, une dénomination bien romantique puisqu’elle associait le prénom de son épouse au sien : RONa et ARThur ! Voilà l’histoire comme Arthur vous la dirait lui-même, avec son parler very british et personne n’a jamais osé le contredire sur ce point. Officiellement il a donc conçu sa RONART au départ de rien… non pas comme une voiture de poseur mais comme une voiture satisfaisante à piloter et ceci, dans l’esprit d’Arthur, passait obligatoirement par un gros moteur très puissant, un élément contestable car, une voiture qui procure de vraies satisfactions de pilotage est plutôt une voiture légère et agile qui répond aux moindres commandes de son pilote en procurant du plaisir par sa compétence…
C’est la précision de réponse plutôt que par la puissance brutale d’un gros moteur, mais naturellement, ce n’est qu’une opinion subjective. Quoi qu’il en soit, la suite de l’aventure Ronart n’a plus lieu d’être commentée ci-après puisque ce qui est publié sur cette page est une Kougar d’avant la cession de 1990… La carrosserie est en fibre de verre et cet exemple porte une pellicule de vinyle bleue et noire (au lieu d’une peinture classique) qui a été installée en juin 2014 sur l’ancienne peinture. La Kougar Sports Roadster illustrant cet article est donc un exemple de conduite à gauche qui a été assemblé en 1979 à l’aide du moteur et des trains de roulement d’une Jaguar S-Type des années 1960. la voiture est motorisée d’un six cylindres en ligne de 3,8 litres couplé à une transmission manuelle à quatre vitesses avec overdrive. L’équipement supplémentaire comprend deux carburateurs SU à l’ancienne…
Les jantes à rayons sont peintes en rouges, des freins à disque sont montés aux quatre roues, et une suspension indépendante XJ6, un échappement à sortie latérale, deux minis- pare-brise de style Brooklands, des ceintures sous-abdominales, forment le minima vital pour conduite au loin… Publiée dans GatsbyOnline/ChromesFlammes, son heure de gloire était arrivée, toute l’équipe a sabré le champagne en fanfare, l’ambiance fut aux félicitations mutuelles et réciproques. Je me souviens très bien de ce que l’on ressent dans ces moment-là, cela m’était déjà arrivé il y a plusieurs années, avec une Kougar British Racing Green avec des numéros fantaisistes de course. Je me casse la tête pour me souvenir à qui et quand je l’ai vendue et où sont les photos. Ayant fait le tour des spécifications techniques, on se retrouve en fait avec une voiture à deux places, sans toiture, sans portières, sans vrai pare-brise…
Dépourvue du moindre côté pratique, cette Kougar n’est même pas une réplique de voiture classique, elle ne peut s’utiliser que par beau temps (et encore)… et il faut une constitution particulièrement solide pour résister aux assauts du vent qui vous chahute de tous côtés … En fin de compte, je me suis alors dit que c’était complètement farfelu, mais il restait d’autres arguments qui méritaient réponse… Oooh, je sais que ce n’est pas vraiment une voiture de poseur, mais dès qu’on y est assis, on devient poseur malgré soi. Ensuite, la voiture est financièrement abordable et des éléments Jaguar se trouvent à tout les coins de rue (en Angleterre, en tout cas). L’apparence d’une voiture ne vous donne jamais qu’un élément de réponse quant à la qualité globale du véhicule. En ce qui concerne les voitures “spéciales”, elles vous renseignent très fidèlement sur le caractère des gens qui les ont construites. L’attention aux détails !
Sous l’arrière bulbeux, se trouve un réservoir d’essence rempli de mousse anti-explosion et il reste de la place pour emmener une roue de secours (mais aucune fixation n’est prévue). Il faisait un moche temps, ce jour-là., c’était sympathique, mais la température était sub-antarctique et un méchant crachin de pluie tombait par intermittence. “Chouette”, me suis-je dit avec humour. C’était le temps idéal pour tester un roadster sans capote ni pare-brise. Évidemment, j’avais le chauffage pour me tenir les jambes au chaud, les sièges étaient bien confortables et si je conduisais assez vite, je ne serais même pas mouillé… Pour les commandes c’est simple : “La pédale de droite, c’est l’accélérateur, celle du milieu c’est…Pfffffff !” ! Le reste étant “Pouet-Pouet c’est Moa que vlà”… Installé dans mon siège et en dépit de ma taille de géant, je n’ai rien dû ajuster pour atteindre les pédales ou le volant.
En y repensant, je ne sais même pas si le siège était monté sur des rails coulissants. Les pédales, par contre, pouvaient être déplacées en longueur sur une douzaine de centimètres, mais je ne pense pas que cela se faisait en tournant simplement une mollette chaque fois qu’une autre personne s’installait aux commandes ! Le six-en-ligne a démarré au quart de tour, sans que je n’ai touché aux pédales, comme s’il n’attendait que mon tour de clé. Embrayage… 1 ère vitesse… et me voilà parti. Comme les photos vous l’indiquent, la visibilité était superbe dans toutes les directions, l’embrayage était souple, la direction légère (pas aussi légère que dans une MGB)… et la sélection des vitesses était aussi précise et aussi lente que dans toute vieille XJ-6… Bien que, à ce propos, je suis toujours d’avis que la sélection des rapports d’une boîte XJ est bien meilleure que dans les MGB, mais je m’écarte du sujet de base…
La pédale d’accélérateur était peu progressive, comme grippée, et empêchait de manœuvrer avec toute la souplesse voulue. Bref, l’itinéraire m’a mené sur une route secondaire, et ma moelle a commençé a se solidifier dans mes pauvres os. Je me suis dit : “Et si je branchais le chauffage sur « on », histoire de me dégeler les membres ?” … Mais il n’y avait pas de chauffage ! Ben non ! Oh, ne vous inquiétez pas : il y avait de la place à revendre pour en installer un bloc. Ça me faisait toutefois une belle jambe (gelée), ce qui me devint parfaitement évident, c’est que le mot “bourrasque” prenait enfin toute sa profonde signification. Auparavant, je croyais qu’il s’agissait de courants d’air qui pouvaient à l’occasion devenir dérangeants à la longue. Ici cela voulait dire “des rafales glacées qui vous chahutent la tête dans tous les sens comme pour l’arracher des épaules”…
Je vous conseille vivement, (si vous en trouvez encore une à vendre), de ne jamais l’utiliser par temps froid et s’il y a la moindre brise. Il m’a fallu attendre un long moment pour voir la température du moteur monter quelque peu au cadran (et encore, de manière bien timide), mais cela n’empêchait pas le prolifique moteur de délivrer son couple avec largesse, me permettant de rouler vivement sans grandes ouvertures de papillons et sans beaucoup de changements de rapports. Ce qui devint aussi évident, c’est que le levier sélecteur de la boîte était placé trop haut et trop en arrière sur le tunnel de transmission (tout comme dans une MGB, désolé !), mais c’était plus gênant, je me tapais le coude sur la paroi arrière de l’habitacle à chaque engagement de 2ème et de 4ème. Je peux malgré tout vous dire que dans les longues courbes prises à vive allure, la Kougar décrochait du train arrière dès que je soulageait l’accélérateur.
Cela en dépit d’une répartition des poids qui proche des 50/50 % entre essieux. J’ai eu le sentiment de n’avoir pas encore découvert le compromis idéal entre la géométrie et le tarage des ressorts. Il m’a été dit qu’il suffisait de changer les ressorts d’alors par quatre autres un peu plus durs à l’avant comme à l’arrière. En tout état de cause, si on considère qu’il s’agissait d’une voiture de sport au potentiel de performances assez alarmant, son confort de suspension était vraiment surprenant avec une trop bonne souplesse d’amortissement, qui n’était prise en défaut que sur des revêtements très irréguliers, la voiture émettait par ailleurs des sons absolument délicieux, typiquement Jaguar 6-cylindres mais avec un grondement sourd qui était dû au sublime collecteur. A mon sens, la douceur de marche d un moteur dépend des bruits de fonctionnement que l’on en perçoit…
Il est rare en effet de rencontrer un moteur moderne qui soit vraiment bruyant, où qui engendre des vibrations que l’on perçoit au travers du plancher ou des commandes d’une Kougar. Le silence mécanique est plutôt fonction de la qualité et du soin apporté à l’isolation acoustique de l’habitacle et il n’y a pas de véritable habitacle dans une Kougar Roadster… Son moteur Jaguar n’étant pas modifié, les supports moteur étant ceux d’origine, et l’ensemble châssis et carrosserie étant rigide, il serait injuste de comparer la conduite d’une Kougar à une berline Jaguar XJ-6 qui représente une tout autre classe de voiture. Ce que je reconnais cependant, c’est que le six-cylindres de la Kougar n’émettait aucun de ces bruits que je qualifie de “singuliers”, comme les claquements de chaîne de distribution ou de soupapes… La voiture atteignait des vitesses élevées en très peu de temp, mais j’étais perpétuellement assailli de bruits…
Ils venaient du moteur, de l’échappement, du vent et du roulement… Il faut cependant admettre que les deux petits saute-vent protégeaient bien le nez… dommage qu’il n’en existaient pas sur les côtés, ils auraient protégé mon cerveau de ce souffle glacial qui me traversait la tête d’une oreille à l’autre. En sillonnant à bonne allure les routes tortueuses des alentours, j’avais noté l’agilité et la légèreté de la direction. J’avais été moins impressionné en ligne droite, lorsque j’avais remarqué une sorte d’imprécision au point “0” qui rendait la trajectoire rectiligne un peu vague. La Kougar semblait pourtant garder son cap, mais j’avais la désagréable sensation que la crémaillère avait du jeu. Il m’est en finale apparu, en fin de compte, que la crémaillère devait être limitée dans sa course, qu’elle aurait pu offrir davantage de tours de volant entre les butées…
J’avais également observé que le diamètre de braquage n’était pas spécialement court, et il s’est avéré en fait que le pneu droit frottait contre la contre-aile lorsque le volant était braqué à fond, les réglages de géométrie, avaient été définis de manière un peu arbitraire. Je pense qu’un peu plus de pinçage se serait avéré bénéfique, d’autant qu’avec une direction aussi légère, un peu plus d’effort à la jante du volant aurait été bienvenu, pour ma stature, le pédalier étant un peu trop proche du siège. La colonne de direction télescopique qui se réglait (comme dans la berline Jaguar XJ-6) en débloquant une bague cannelée en dessous du volant) était parfaitement superflue : il m’avait semblé que le petit volant se trouvait dans la position idéale lorsque la colonne télescopique était complètement enfoncée dans la planche de bord, procurant une position de conduite bras tendus, avec une légère flexion dans les coudes.
Lorsqu’il s’est mis à pleuvoir… tant pis pour moi… ! L’habitacle, lui, pouvait être protégé d’un tonneau qui se mettait en place à l’aide de pressions… Je me suis dit que si je parvenais à me plier en huit, puis à boutonner le tonneau par-dessus mon moi profond…, je serais à l’abri de la pluie, mais pas des crampes…, la Kougar avait été conçue par un homme qui avait le sens de l’humour et qui ne tolérait pas la médiocrité et qui, comme tous les puristes, n’était jamais vraiment satisfait de ce qu’il avait réalisé, cherchant toujours à améliorer son œuvre. Contrairement à la majorité des constructeurs de voitures spéciales qu’il m’a été donné de rencontrer dans ma vie, jusqu’à présent, il connaissait ses limites personnelles et les reconnaissait sans fausse honte. Il confiait donc certaines tâches à des gens plus compétents que lui dans des domaines précis. Son châssis avait été conçu et réalisé par des experts en châssis tubulaires.
La suspension était celle d’une bonne vieille berline de production… et le développement final de ses géométries était également confié à un expert en la matière. Mais même dans cet état des choses, la Kougar fut probablement le prototype le plus “au point” de son époque…, la voiture était conçue avec intelligence, sauf en ce qui concerne la position de son levier de vitesses (et c’est un problème qui n’a jamais été résolu)… En considérant les proportions de l’engin, la Kougar se conduisait avec facilité, offrant belle allure. Si en 2023 vous avez l’audace Kamikaze de rouler “différent” et pouvez supporter les tracasseries techniques et légales ainsi que les emmerdes dus à une immatriculation hypothétique en France, alors, seulement, vous êtes l’homme (où la femme) idéal (e) pour la Kougar… Quoique, laissez vous plutôt séduire par une vraie femelle “Cougar”, c’est plus jouissif… Vieilles casseroles, bons mets !
2 commentaires
Maître, Excellent article ; je me permets ce lien vers l’article du modèle V12 que vous aviez fait en 2018. Il semble qu’ill y ait eu plus de 800 exemplaires de Kougar Sports, ce qui en fait une auto commune pour Gatsbyonline !
Dans ce monde du faux, tout est faux… Les chiffres aussi. J’ai été possédé par une ou deux en un temps ou elles ne valaient pas plus qu’elles ne sont. Celle de cet article est une rescapée.
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