James Dean…
Le 30 septembre 1955, James Dean monte dans sa voiture.
C’est une Porsche 550 Spider décapotable baptisé “Little Bastard” (le petit bâtard), qu’il vient de s’acheter pour 7.000 dollars avec son cachet du film Géant, dont le tournage n’est pas encore terminé.
Il est fatigué, la veille, il a participé à une soirée entre amis à Malibu. Sur la route 466, il se fait siffler par un agent, celui-ci dresse une contravention pour excès de vitesse (180 km/h ), que James Dean signe, ce sera son dernier autographe…La nuit tombe, la voiture est basse et se confond avec le bitume.
Le jeune Turnspeed déboule dans une Ford Tudor, arrive au croisement de la 466 et de la 41 fauchant Dean derrière son volant, le crash est terrible, le choc éjecte du cockpit le mécano, qui s’écrase sur le bitume, la mâchoire brisée et la jambe cassée, le conducteur de la Ford s’en tire avec seulement des contusions l’acteur meurt sur le coup, la légende se met instantanément en place. James Dean avait 24 ans !
Le mythe est en marche…
Traits enfantins et expressions pleines de gravité, James Dean captait la caméra au travers des personnages qu’il jouait de la façon la plus instinctive, la plus incarnée qu’il soit, ceux qui ont pu le voir dans ses films se rappelleront sa gestuelle de pantin désarticulé, traduisant sans doute son mal-être, hérité d’une enfance chaotique…, son charisme et son allure désinvolte en font une icône au style maintes fois imité, et à l’aura intacte.
Des millions d’Américains s’identifient alors à ce héros au visage d’ange, symbole d’une jeunesse en rébellion…, pourtant derrière l’icône qui mettait toutes les jeunes filles à ses pieds, se cachait une personnalité tourmentée, profondément marquée par la souffrance et la violence…
James Byron Dean est né le 8 février 1931 à Marion dans l’Indiana, son père était prothésiste dentaire, la religion et le boulot occupaient tout son horizon, sa mère rêvait d’un avenir merveilleux pour son bébé…
A cinq ans, le gamin suivait des cours de violon, prenait des leçons de claquettes et se produisait dans un théatre de carton construit par sa mère, mais en avril 1940, sa mère meurt d’un cancer.
James Dean a 9 ans et réalise tout le tragique d’une mère qui ne sera plus jamais auprès de lui pour calmer ses peines et ses cauchemars.
En allant à l’enterrement, dans le train, le petit Jimmy fou de douleur se précipite à chaque arrêt vers le wagon de marchandises, il vérifie que le cerceuil est bien là, peu après, il est pris en charge par sa grand-mère et sa tante, et devient un gamin rumuant…
Il perd quatre dents en faisant du trapèze, bricole des motos, découvre les percussions et travaille dur à la ferme.
La professeure de comédie du collège qu’il fréquente note la tendance de son élève à s’exhiber, il récite des poèmes, apprend des tirades entières de pièces célèbres, adore être photographié…
C’est alors que le pasteur du coin pousse le jeune homme à jouer au théatre et en 1951, il file à New-York, là où se trouvent les acteurs, les vrais, ceux qui font du théatre…
James Dean a 100 dollars en poche et dès son arrivée, au début des années 50, l’Amérique de la classe moyenne profite de la prospérité économique et s’offre des cuisines aménagées et des Chevrolet…, mais quand James Dean arrive à New York, c’est toute une contre-culture underground qui s’offre à lui…
Pour ce gamin de la campagne avide de sophistication, Manhattan est l’endroit rêvé. il court les castings et rencontre une débutante qui l’emmène à l’Actor’s’Studio, où se produisent les deux acteurs qu’il vénère, Marlon Brando et Montgomery Clift…
Le premier est une bête de sexe qui dévore les femmes, le second est un timide passionné par les garçons, ils vont recevoir d’étranges coups de téléphone de Dean, frisant l’adulation, ou l’obsession…
Agaçant, imprévisible, James est admiré, parfois viré, et passe son temps à irriter tout le monde, il fait rugir sa moto la nuit, cite Rimbaud à tout instant, sort avec des gens étranges, prend des poses d’intellectuels…
Génial dans “l’immoraliste” (d’après le roman de Gide), il est remarqué par Elia Kazan, happé par la qualité des essais d’audition de Dean, déclarant avoir trouvé une perle,
Kazan emmène James à Hollywood…
Après avoir tourné “ A L’Est d’Eden “ il déclare encore : “Il n’avait aucune adaptabilté, c’était juste un gamin qui souffrait, tous et toutes voulaient le prendre dans leurs bras et le consoler” !
Dès le début du tournage, il n’en fait donc qu’à sa tête, il rate ses marques, oublie ses répliques, n’arrête pas d’insulter, s’absente en plein travail.
Sur le plateau d’à côté, un autre jeune acteur, Paul Newman fait ses débuts, pour Dean, c’est une rivalité insupportable, il séduit la jeune actrice Pier Angeli, une beauté aux grands yeux noirs, ils vivront une passion compliquée…Alors qu’il part à une course automobile, il avait l’intention de la demander en mariage mais à son retour elle est déjà mariée au chanteur italien Vic Damone sous la pression de sa mère, cette dernière détestait Dean parce qu’il n’était pas un catholique pratiquant, toute sa vie Pier Angeli sera dominée par sa mère, Dean ne lui pardonnera jamais son geste et sa soumission…
Plus tard, le mari de Pier Angéli se révèlera être violent, quelques années plus tard, l’actrice est retrouvée morte d’une overdose de barbituriques dans sa maison de Beverlly Hills…
Un soir, il retrouve son idole, Marlon Brando, celui-ci regarde à nouveau ce blondinet qui l’imite, l’écoute et lui dit : ” Mon gars, tu devrais consulter un psychiatre”… Or, c’est déjà le cas… : “Je suis un petit diable sérieux et intense” dit-il au magazine “Life” à la veille du tournage de “La fureur de Vivre “
Si James Dean a souvent été comparé à Brando dont il était un immense fan pour son côté ténébreux rebelle, son impact générationnel a été d’une toute autre mesure…
Reprenant ce qu’avait amorcé son aîné dans “Un Tramway nommé désir” et “L’Equipée sauvage”, y ajoutant une belle gueule atypique, cheveux en bataille, cigarette nonchalamment pendue au coin des lèvres, lunettes carrées en écailles noires soulignant des yeux d’un bleu parfait, il devient le rêve de tous les photographes pour ce visage qui capte si parfaitement la lumière et cette aptitude frappante à prendre des poses insolites… Son image a fait le tour du monde sous toutes les coutures, cachant derrière la carapace de papier glacé un caractère solitaire…
Aux yeux des cinéphiles, son jeu était incomparable, tout en fragilité, qui marque une rupture avec l’interprétation outrageusement virile de ses prédécesseurs, névrosé, il l’était sans doute, mais il a su transformer sa névrose en art, participant à l’émergence du nouveau réalisme américain, en exprimant le conflit intérieur avec beaucoup de beauté et de grâce…
D’autres amours passent… Natalie Wood, co-vedette du film “La Fureur de vivre”, la Suissesse Ursula Andress, la millionnaire Barbara Hutton, et encore bien d’autres…, Dean est un gamin ivre de plaisir et de célébrité…
Petit génie dramatique, James Dean conçoit la profession d’acteur comme un lieu d’apprentissage, pensant qu’un comédien doit expérimenter un maximum de situations, métiers, sports, arts afin de progresser et de ne pas projeter seulement sa propre personnalité dans le rôle qu’il interprète…
Doté d’une faculté d’apprentissage et avide de découverte il développe une façon de jouer qui se nourrit de tout ce qu’il emmagasine, le rendant capable d’incorporer la psychologie même des personnages dans sa façon de parler et de se mouvoir…
Son jeu résultait également d’un gros travail de préparation et de concentration en amont.
Il était un “neurotique” totalement impliqué dans son travail, et avait besoin de jouer pour exister, de plus, fort de son expérience de danseur, il utilise son corps de façon très expressionniste, improvisant des mouvements et attitudes au milieu de scènes très écrites…Toujours en dehors du système, Dean est un anticonformiste naturel, réputé pour avoir mauvais caractère, les rôles qu’il a interprétés se sont souvent retrouvés mélangés à sa vraie personnalité.
Révolutionnaire dans sa façon de faire ce qu’il lui plaisait au moment où il le désirait, il a attiré la curiosité du public, lui demandant toujours plus pour arriver à le comprendre.Très entier dans ses attitudes et ses réactions, il avançait à pleine vitesse, poussant toutes les situations à l’extrême, peu à son aise dans ses relations avec autrui, il se réfugiait souvent dans un comportement agressif pour masquer cette timidité…
Il ne se sentait capable d’avancer et de travailler que dans une atmosphère de tension et de conflit, cette tendance, qui frôlait pour certains l’irrespect, traumatisera plus d’un acteur dans “A l’Est d’Eden“, ironie du sort, Elia Kazan et George Stevens déclareront au cours de leurs tournages respectifs qu’ils ne feraient plus jamais jouer James Dean devant leur caméra…
Ne se prenant jamais pour la star qu’il était, il a balayé d’un revers tous les jeunes premiers d’Hollywood qui se trouvaient à ses côtés.
Trois films, une jeunesse immortelle et des barrières franchies avec allégresse, ont fait de lui l’une des plus grande légende de l’histoire du cinéma.
Sa citation favorite était aussi celle du Livre, Le Petit Prince :
“L’essentiel est invisible pour les yeux” …
Il a d’abord eu des motos : Une Csech tchécoslovaque plafonnant à 80 km/h, puis une Triumph, comme celle de Brando, dans “La Horde sauvage”, pour dévorer le bitume des rues de New York en effrayant des petites amies de passage…
UNE VOITURE MAUDITE ?
Ensuite vint le temps des premiers cachets, Hollywood, toujours des filles et une petite MG TD, et puis, une page se tourne…
Un cabriolet Porsche 356 et de longues séances d’entraînement en solitaire sur la corniche californienne, dans la montagne derrière Hollywood…
Avec la Porsche 356 SPEEDSTER…
Puis vient la Porsche 550 Spider et l’accident…
La voiture devint célèbre malgré elle, car elle n’a pas seulement tué James, mais également quelques autres personnes dans les années qui suivirent…
Beaucoup de gens crurent que le véhicule de l’acteur était maudit…
Georges Barris qui a personnalisé la voiture de James, achète l’épave du véhicule 2500 $ et se fracture les deux jambes, il restera handicapé toute sa vie…
Peu après, il vend le moteur et la transmission a deux physiciens Troy McHenry et William Eschrid….
En faisant la course l’un contre l’autre, l’un meurt en percutant un arbre après avoir perdu le contrôle de sa voiture, tandis que l’autre est sérieusement blessé après que la sienne ait quitté la route…
Barris vend les pneus de la voiture : il cause un accident de voiture à l’acheteur, et ce malgré le fait qu’ils soient en bon état…(difficile à croire, vu l’état de la voiture après l’accident) !
Deux jeunes essayent de voler la voiture mais l’un d’eux, en prenant le volant de la Porsche, s’ouvre le bras à cause d’un morceau de métal déchiqueté, quelques mois plus tard, il meurt du tétanos…
L’autre jeune homme est blessé au visage et restera défiguré à vie en essayant de voler le siège du conducteur…
Enfin, Barris décide de cacher la voiture, qui est récupérée par la California Highway Patrol pour l’exposer à titre d’exemple sur les accidents de la route.
La première exposition a connu un désastre : en effet, un incendie se déclare dans le local et seule la voiture en sort indemne.
La deuxième, dans un lycée, a une autre conséquence : la voiture tombe et casse la jambe d’un étudiant.
Sur la route menant à Salinas, le camion qui transporte le véhicule a un accident et le conducteur est blessé, uniquement à cause de la Porsche.
À deux autres occasions, la voiture s’est “échappée” des camions sans causer d’accidents graves, mais en brisant le pare-brise d’un véhicule.
Finalement, en 1959 ce fut la dernière exposition de la voiture en onze pièces, car en 1960 elle disparut mystérieusement avec le camion dans laquelle elle était.
Depuis, on n’a plus jamais revu “Little Bastard”…
“Vivre vite, mourir jeune et être un beau cadavre”…
https://www.youtube.com/watch?t=2&v=o_sj5HNKX0A
https://www.youtube.com/watch?v=Q0zdQ2Vfv90