350.000 kms de réflexions…
Je déclarais souvent ne pas trop aimer voyager, mais je ne cessais jamais, en fait, de voyager…
350.000 kms en Grand Cherokee, les 3/4 réalisés tractant une remorque avec une automobile “de collection” !
J’avais souvent l’impression d’avoir choisi une passion qui ne me convenait pas !
Je m’obligeais de voyager d’une vente aux enchères à une autre…, d’un show à un autre… et c’est quelque chose qui ne m’emballe plus guère depuis trois ans que je vis plein sud.
Je reste par contre toujours effaré d’entendre les gens parler avec un tel enthousiasme de leur passion de l’automobile ancienne qu’on nomme “les automobiles de collection”, alors que ce terme est au fond totalement stupide…
Ceci dit (en réalité : écrit), je considérais qu’il était un peu de mon devoir d’essayer d’aller voir et vivre l’automobile ancienne le plus possible dans des endroits différents.
Voyager autour du monde tient de plus en plus de l’exploit sportif !
Si je ne viens plus très souvent aux USA, en Russie, en Australie, au Japon et en Amérique du sud, ce n’est pas parce que je boude ces contrées, c’est parce que j’en ai eu “ras-le-bol”… !
Je me suis dit récemment que, plutôt que de me rendre dans ces shows, ventes aux enchères, expositions et foires, que j’aurais du aller m’abandonner l’esprit et les sens dans des concerts écouter des virtuoses jouer du piano…, au lieu de jouer moi-même l’idiot amateur de symphonies mécaniques en échappements libres !
Ne tirez pas de conclusion de tout ceci, une auto-introspection c’est le genre d’expérience que je fais plutôt rarement et j’ai même pensé : O.K., j’ai accepté tout ça, mais je me disais à chaque fois ; c’est bon pour une dernière fois ! … Même si en réalité je ressentais cela comme une sorte de pression à la limite du supportable… et peu m’importent les critiques ou les commentaires dithyrambiques !
Tant que j’ai le sentiment de relater le meilleur de ce que j’ai vu et vécu, alors je me sens en paix avec moi-même.
C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles l’idée de la vieillir ne m’obsède pas, j’essaie de vivre tout cela en prenant ce que chaque jour peut m’apporter de bonheur.
Tout récemment, quelqu’un d’autre me rappelait le mot célèbre de Toscanini, sous forme d’un pastiche : “La tradition, ce n’est rien d’autre que le mauvais concert de la semaine dernière… La tradition des automobiles anciennes, ce n’est rien d’autre que le mauvais show et la mauvaise course de la semaine dernière” !
Il faudrait peut-être qu’on m’explique ce qu’est exactement la tradition automobile.
La tradition, ce n’est pas répéter ce que d’autres ont fait uniquement parce qu’ils l’ont fait…, pire, ce n’est pas de reproduire à l’identique ce que d’autres ont fabriqué…, c’est essayer de trouver les raisons valables qui justifient de reproduire ces gestes ou ces sentiments aujourd’hui encore, pour ce qu’ils peuvent nous apporter de vivant et d’irremplaçable.
Évidemment, il est très important de ne pas renier ses racines, de ne pas oublier le passé…, mais il me paraît tout aussi essentiel de regarder vers le futur.
Comment pourrais-je oublier la leçon des extraordinaires créateurs et designers automobiles…?
Je trouve tellement passionnant tout ce qu’on a pu conserver d’eux… et je suis parfois étonné que de nombreux jeunes ne semblent guère y prêter beaucoup d’attention aujourd’hui !
L’imitation servile est une chose inutile, je ne cesserai jamais de le répéter.
Cela est souvent un problème, on découvre de plus en plus souvent des voitures de soi-disant grandes valeurs qui portent le même numéro de châssis !
Dans le genre, l’affaire de la 250GTO Garnier-Favre fut un épisode pathétique qui perdure encore aujourd’hui avec des marchands vérolés qui font croire à de pseudos collectionneurs que ces reconstructions auraient de la valeur dans le marché de la “collectionite aigüe”…
Dernièrement, la Bugatti miraculeusement repêchée du fond du lac de Cuomo dans un délire de mensonges médiatiques et médiatisés… avait un numéro de châssis identique à celui d’une Bugatti similaire, vendue par la même compagnie de ventes aux enchères à un Japonais…
L’affaire n’a suscité aucune réaction, le Japonais n’a pas porté plainte et l’acquéreur Américain de l’épave du lac, non plus…
C’est pour cela que les faussaires sont de plus en plus nombreux à essayer de copier.
Comment, dans ces conditions, alors que même BMW reconstruit un faux coupé Kahm et le fait passer pour un vrai lors du concours d’élégance de la Villa d’Este…, croire qu’il existe une éthique et une once d’honnêteté dans ce marché totalement pourri ?
Évidemment, ils ne disposent pas tous du génie de leur maître d’inspiration et l’imitation sans le talent ne débouche jamais sur rien d’intéressant.
Mais, d’un autre côté, il existe une forme de conscience historique qu’il serait stupide de vouloir nier, parce que je suis persuadé qu’il est bon de savoir d’où on vient, de connaître ce qui a existé avant soi.
Tous ces grands créateurs et artistes du passé nous ont laissé des témoignages irremplaçables, qui viennent constamment enrichir notre savoir.
Ce type de méconnaissance de la part des jeunes générations me paraît être une forme de mépris !
Quoique…
Il n’est pas mauvais en soi de vouloir “réussir”, mais le carriérisme à tout prix ruine souvent une personnalité : l’important devient alors de franchir les étapes le plus vite possible et cela ne peut se faire qu’au détriment de la richesse véritable, celle qui essaie d’embrasser le paysage le plus vaste possible.
Je crois que c’est plutôt lié à une forme de vision étroite que l’on peut avoir de la vie, due en partie à l’éducation, en partie à la façon dont on voit le monde et ce à quoi on veut vraiment accorder de l’importance.
Et cette tendance se généralise…, elle est renforcée par la forte commercialisation de l’automobile ancienne, un phénomène qui n’est absolument pas à confondre avec ce que j’appellerais une authentique démarche de communication vers le public !
Cela ne me paraît pas être en concordance avec la vision que j’ai de l’art, fut-il automobile (appréciez le double sens), qui doit, selon moi, rester un long apprentissage.
Fabriquer de fausses voitures anciennes, c’est comme fabriquer de fausses œuvres d’art pour essayer de les vendre comme des produits de consommation !
Le paradoxe est que cela ne touche en fait qu’un nombre plutôt restreint de personnes !
Le problème est de savoir combien de personnes ont l’occasion d’entrer en contact avec d’autres dans ces milieux.
Je crois que cela dépend énormément de ce qui se passe dans les médias.
Je suis souvent frappé par le fait que, très souvent, beaucoup de gens ont plutôt tendance à justifier la présence de voitures anciennes “artistiques” dans leurs lignes, au lieu de simplement reconnaître et affirmer qu’elles sont une forme d’expression artistique !
Je trouve cela stupide, parce que je suis persuadé qu’une vaste catégorie de personnes est toute prête à aimer l’automobile pour ce qu’elle est, sans ce fatras de détours et d’excuses !
C’est comme cela que j’explique cette mode du “cross-over” qui se répand de plus en plus dans les voitures d’aujourd’hui, ce mélange de styles donne l’impression que les nouveaux designers cherchent de s’excuser à tout moment d’être ce qu’ils sont réellement : des commerçants !
Mais, hélas !, je crois qu’il faut se battre pour faire passer cette idée.
C’est du moins ce que je constate… et, bien, sûr, tout cela est lié à l’éducation.
Il me paraît essentiel de voir, avant tout, ce dont on est capable… et de construire sa vie autour de cela.
C’est la base de la pensée positive…, même s’il y a dans tout cela, un rien d’utopie