Jensen Interceptor & FF (1966-1971-1976)…
Les Jensen Interceptor m’ont foutu une tripotée de branlées visuelles (et auditives, car ça rend sourd), fin des années ’60…, j’étais jeune en 1966 (17 ans) et, en ce temps de la vie, on bande pour un rien, voire pour pas grand chose (spermettez-moi d’essuyer une goutte-larme, je reviens dans quelques minutes)…
Jouir c’est autre chose…, faut de l’endurance… ou du “baaaam, ba-da-boum” quand on est face à de l’extraordinaire…, pourtant aucune ne m’a jamais transporté au septième ciel…, toutes se sont dérobées avant que je jouisse…, souvent par surchauffe, parfois par panne des sens, de temps à autre par explosion prématurée…, c’est dire qu’à bord on s’attend toujours à ce que “quelque chose” tombe en panne…, la complexité technique peut être, mais surtout un manque de confiance dû à son “background”, auquel s’ajoute un ressenti personnel dès les premiers tours des roues : un trop gros passif émotionnel…
Comment vous expliquer mon émerveillement absolu lors de la première vision du bestiau à la beauté quasi-maladive, sans équivalence… et que j’ai pu écouter le gros V8 m’ouvrant des territoires jusque là inexplorés par mes tympans…, c’était limite…, c’est d’ailleurs toujours pré-traumatisant pour quiconque en découvre une…, mais c’était alors totalement cauchemardesque pour qui s’aventurait à en acquérir une…, j’ai été de ceux-là…, rien qu’à repenser à mes aventures en Interceptor, j’ai la gerbe coincée au milieu de la gorge, mes coucougnettes remontent dans mon ventre et j’ai le pénis en porte-à-faux…
En décortiquant ces bestiaux, inabordables aux beaufs (d’alors et de maintenant…, c’est pire !), je rigole devant l’ampleur de la bêtise humaine, en me demandant comment des mecs ont pu avoir l’idée de se prendre volontairement un mur d’une façon aussi violente… et en pleine face “siouplait”…, ils ne pouvaient qu’être fous et inconscients)…
La parade, serait d’aborder ce sujet (délicat) en discourant d’autres choses, que de tourner en papotes autour de ces bêtes (choses) construites par une bande de fous, qui, en des temps lointains, se sont attaqués au répertoire des super sportives anglaises de luxe…, avec, comme pour seuls outils : violons, batteries, clarinettes, pianos et autres instruments acoustiques…, un orchestre entier pour sublimer les rêves de deux hommes : les frères Richard et Alan Jensen, ingénieurs de formation.
L’Interceptor n’est, de plus, pas d’un esthétisme rare (un dessin italien, une luxueuse construction anglaise et un puissant moteur américain : et pourtant, c’est avec ces trois ingrédients que Jensen a voulu bâtir une voiture de légende, pionnière des grandes GT bourgeoises)…, mais, elle distille des émotions assez intéressantes sur la façon dont ces concepteurs et constructeurs ont abordé le boulot…, sans nul doute que chaque voiture était dirigée par un chef d’orchestre chargé de diriger une bande de zozos (que les sceptiques en pleine crise d’hystérie à la lecture du préambule ci-avant, ne se rassurent pas…, vous allez toutes et tous vous retrouver ici en pleine pluie de couteaux et de phrases cinglantes)…
C’est donc aux frères Richard et Alan Jensen, que l’on doit la création de la marque qui porte leur nom, après avoir uni leur savoir-faire avec la carrosserie Smith basée à West Bromwich en Grande-Bretagne dans les Midlands…, dès la fin de la seconde guerre mondiale, ayant œuvré pour le compte des plus grands constructeurs anglais, Jensen reprend la construction de voitures en son nom, marquant son orientation vers le segment du haut de gamme grâce au soin tout particulier apporté à ses réalisations.
Le designer Eric Neale est recruté et signe la première Interceptor en 1950, puis quelques pièces maîtresses comme la Jensen 541 en 1955 (qui se distingue par son originale carrosserie en fibre de verre et ses quatre feins à disques)…, enfin, on lui doit la C-V8 en 1962…, parallèlement, Jensen continue à travailler pour d’autres constructeurs, à l’instar de la Volvo P1800… et son heure de gloire va enfin sonner avec deux modèles : l’Interceptor et la FF, distillant l’une et l’autre un maelstrom de sons métalliques et âpres qui se voient déchirés par la mélodie de leur moteur V8…
Belle à pleurer : la mélodie…, mais d’une fragilité extrême : le moteur (quoique les huit pistons donnent l’impression qu’ils sont peut être plusieurs à taper les soupapes en même temps, ils jouent avec une telle cadence qu’ils semblent faire partie d’une machine folle)…, bref, je vais maintenant jongler entre l’enfer et le paradis sur les 6 minutes supposées nécessaires à la lecture de cet article (4 heures pour l’écrire plus 30 minutes de relecture magistrale, corrections comprises, destinées à piétiner d’avance toutes les vannes que certains vont imaginer pour me descendre en flammes, un projet pourtant perdu d’avance).
Quand le moment de remplacer la CV8 se présenta, Jensen fit appel à l’extérieur et demanda une proposition à la Carrozzeria Touring de Milan…, mais faute de pouvoir fournir les quantités demandées, Touring dû laisser la réalisation des éléments de la carrosserie en acier à Vignale…, ceux-ci étaient initialement montés sur les châssis directement en Italie, mais les exigences de qualité de Jensen allaient bientôt compromettre le partenariat : toute la production fût rapatriée en Angleterre, à l’usine Jensen de West Bromwich où arrivaient les panneaux emboutis et peints en Italie.
La Jensen Interceptor voit le jour en 1966 lors du salon Earl’s Court Motor Show, un an après la présentation du prototype P66…, ses lignes modernes habillent un châssis qui n’a pourtant rien de nouveau puisqu’il n’est qu’une évolution de celui de la C-V8 : un très long capot abrite la mécanique et à l’arrière, une gigantesque bulle vitrée fait office de lunette arrière…, cette lunette fait de l’Interceptor l’ancêtre des “aquariums roulants”, bien avant la Pacer d’AMC !
À l’intérieur de l’Interceptor, les luxueuses carpettes en laine Wilton, ainsi que la finition à la main et le cuir Connolly omniprésent, font partie des plus hauts standards de qualité anglaise.., l’accès à bord est très facile grâce aux larges portes… et les places arrière, bien que restreintes, permettent également de conserver un volume de coffre fonctionnel…, sa rivale toute désignée est l’Aston Martin DB6…, à cette même période les frères Jensen se retirent de leurs activités et laissent le contrôle de la compagnie à l’américain Carl Duerr.
La Jensen Interceptor Mk1 est mue par un V8 Chrysler de la famille B (Mopar) de cylindrée respectable avec ses 6.276cc, qui délivre 330 chevaux BHP (Brake Horse Power) SAE, soit environ 335 chevaux au régime de 4600 tr/min avec un taux de compression de 10:1…, associé à la boîte automatique “Torque Flite” A-727 à 3 rapports, ou en option à la boîte manuelle à 4 rapports A-833…, ce gros V8 incarne la force tranquille d’un coupé 2+2 luxueux dont les performances sont pourtant celles de sportives bien plus renommées telles que les Jaguar Type E, Aston DB6 et Porsche 911 S.
L’Interceptor donne l’image d’une voiture formidablement rapide, véritable pionnière des GT modernes….elle n’a pour seules faiblesses que son poids élevé et sa consommation démesurée (heureusement compensée par le prix dérisoire du carburant avant les années ’70)…, hormis cela, ses performances étonnent (encore aujourd’hui) et le rugissement monstrueux de son V8 big block n’en finit jamais d’étourdir les oreilles automophyles (dès la mise en route le V8 prend aux tripes en explosant à travers la ligne d’échappement qui résonne quelques secondes des crépitements)…
Jugée un peu moins sportive que la C-V8, en raison de son poids élevé et d’une meilleure insonorisation, l’Interceptor en conserve les trains roulants, avec un essieu rigide à l’arrière et des ressorts semi-éliptiques complétés par une barre Panhard…, les amortisseurs Armstrong Selectaride sont réglables en dureté depuis l’habitacle…, mais la boîte automatique particulièrement lente n’encourage guerre à une conduite réellement sportive…, la direction assistée et les quatre freins à disques se chargent quant à eux de faire oublier l’embompoint…., la tenue de route est relativement équilibrée, faisant de la Jensen Interceptor une machine à voyager…, en ville, la docilité de sa mécanique qui glougloute au ralenti impressionne également au moins autant que sa consommation…, mais elle chauffe !
En octobre 1969, après avoir modifié toute la suspension avant et le freinage (étriers Girling 3 pistons à la place des étriers Dunlop 2 pistons) sur les dernières Interceptor Mk1, l’Interceptor II (ou Mark 2) est lancée…, Kjell Qvale (qui plus tard rachètera DeTomaso) est alors en discussions pour racheter l’entreprise Jensen à Carl Duerr, dont le succès commercial est indéniable…, l’Interceptor II est le modèle le plus influencé par ses décisions : les feux arrière sont plus larges, les pare-chocs plus fins et la planche de bord est totalement redessinée avec une large casquette englobant les cadrans, marquant la fin des commutateurs à bascule sur la console centrale…, au chapitre des améliorations, on retrouve une ventilation plus efficace et l’apparition de la climatisation en option…, des modifications sont aussi faites au niveau des sièges de façon à améliorer le confort…, les jantes Rostyles en acier sont élargies (6J x 15) et les pneus Dunlop sont désormais à carcasse radiale (185 VR 15), ce qui contribue directement à l’amélioration du comportement de l’Interceptor…, enfin, le rapport de pont est modifié de 3.07 à 2.88:1 pour compenser la monte pneumatique un peu moins haute.
Les ventes de la Jensen Interceptor II sont en augmentation sensible (tout est relatif !), notamment au niveau des modèles exportés dont la part grimpe de 13% à presque 50%…, les stars telles que Tony Curtis ou John Bonham (batteur de Led Zeppelin), sont nombreuses à succomber à ce mariage de puissance et de luxe.
En octobre 1971, l’Interceptor III (Mark 3) est lancée parallèlement à la SP…, la MkIII, première série, reprend l’ensemble des évolutions intérieures et extérieures de la SP à l’exception du V8 qui reste le Chrysler 383 ci…, ce modèle se caractérise notamment par ses nouvelles jantes GKN en alliage léger…, le vieux V8 383ci castré par les normes anti-pollution permet désormais de sortir à peine plus de 300 chevaux avec un taux de compression de 8.7:1…, il sera toutefois la seule offre jusqu’en mai 1972, date à laquelle il est remplacé par un V8 Chrysler à faible taux de compression (8.2:1) extrapolé du V8 440 ci type RB, pour contrer la baisse de puissance… (à cette époque le mode de calcul des puissances aux Etats-Unis évolue et ne prend plus en compte la puissance brute mais la puissance nette du moteur…, la réalité est très cruelle pour le V8 440 ci qui dégringole ainsi de 335 à 225 chevaux)… !
Bien que très ancré dans la continuité du changement qui caractérise toute production artisanale, il est admis que l’Interceptor III porte la marque du nouveau propriétaire de Jensen à l’époque, l’importateur américain Kjell Qvale (j’en ai gardé d’atroces souvenirs relatés ici :
– Qvale Mangusta, test routier en région PACA… #1 https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=597&cat=auto…
– Qvale Mangusta, la bombe funèbre… #2 https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=598&cat=auto)…
De ce fait, il est facile de voir que les évolutions sont principalement orientées vers le marché des USA…, ainsi, depuis l’Interceptor II, la boîte automatique est la seule proposée… et la palette de couleur s’enrichit considérablement, y compris avec certaines teintes très vives bien dans leur époque (le vert-pomme fluo et l’orange flashy) !
Au fil des ans, la série III verra son équipement de série enrichi mais très peu de modifications techniques (nouveau pont 3.07 en 1973)…, la Jensen Interceptor Mk III (séries G, H, et J) est la plus répandue grâce à son succès commercial, ses ventes ayant égalé celles des deux précédentes versions réunies…, mais en 1973, en plein choc pétrolier, la presse considère déjà la Jensen Interceptor comme un réel anachronisme…, Jensen ne baisse pour autant pas les bras bien au contraire…, une toute nouvelle version est même sur le point de voir le jour !
Visuellement identique à la Mk III, l’Interceptor III série 4 (et 5) lancée en octobre 1973 va représenter pour beaucoup l’âge d’or du modèle, ayant atteint un sommet dans son développement…, cette nouvelle version adopte de nombreuses modifications sous sa robe, à commencer par le moteur V8 Chevrolet 7L2 qui permet de remonter la puissance à 285 chevaux…
Outre le logo “J” à l’arrière, une profonde refonte de l’intérieur est opérée avec le remplacement des éléments de planche de bord en plastique moulé par des pièces de cuir et ronce de noyer (précédemment en option) beaucoup plus valorisantes…, néanmoins, confronté à une forte inflation des prix des matières premières, Jensen se voit contraint d’augmenter ses tarifs autant que de rogner ses marges de façon critique.
En 1974 les comptes de l’entreprises sont dans le rouge, plombés par le lancement parallèle du projet Jensen-Healey, un petit roadster sportif à moteur 4 cylindres Lotus dont le manque de fiabilité va coûter très cher à Jensen…, de nombreux emplois sont supprimés et une réduction drastique des coûts est mise en place pour faire face à la baisse des ventes de l’Interceptor, malgré un réseau de distributeurs encore en développement.
En octobre 1975, Jensen vit sa dernière participation au salon automobile de Earl Court avec la présentation d’une inédite variante de l’Interceptor : le Coupé…, après être passé successivement à travers 2 crises du pétrole, une récession mondiale et avoir sans cesse généré des pertes depuis le projet Jensen-Healey, la société Jensen Motors dépose son bilan en 1975 et ferme ses portes l’année suivante…, des fanatiques de la marque se réunissent pourtant en 1984 pour faire revivre l’Interceptor avec une version Mk4, identique à la Mk3 de 1976 mais avec un V8 Chrysler 5,9 litres.
Commercialisée en coupé et cabriolet, en 1987, l’arrière est redessiné et le toit rehaussé pour une meilleure habitabilité…, mais faute de ventes suffisantes, l’aventure cesse, cette fois définitivement, à la fin de 1988…, l’Interceptor fait toutefois sa sortie par la grande porte avec une MkIII bleue de 1976 immatriculée “1 ST” qui devient l’héroïne motorisée de l’acteur Simon Dutton dans la seconde série TV “Le Saint” diffusée en 1989.
Allez je vous vois venir, vous attendez le moment pour me sauter dessus (à travers l’écran de votre ordinateur) et me taillader l’aorte avec un pis de vache.., il est presque inutile de préciser que la force de l’écriture balaie toutes relectures…, quoique certaines peuvent néanmoins être sublimées…, toutefois, le bric-à-brac de brick et de brock de l’intérieur, les zouip des suspensions, les floup’s et les pouet’s de la mécanique, sont retranscris entre mes lignes avec minutie…, tout en me permettant de mettre la mélodie de l’échappement au premier plan de mes commentaires, rendant le tout plus digeste, sans en enlever son mystère.
Si j’avais été moins loin, sans aller au bout de mes expériences vécues, vous vous seriez retrouvé à lire (en maugréant) une petite fable à mi-chemin entre le style BHL et les lettres d’amour de sa grande tante au Chancellier moustachu, avec des miaulement de chats errants en fond sonore pour accompagner le tout…, cela aurait été drôlement beau…, quoique magistralement con…, même si on aurait perdu le coté déjanté qui me caractérise, au profit d’un écrin scriptural un peu plus précieux…
Vous auriez été piégés par cet instant de tendresse squameuse concassée à la perfection…., avec même quelques échos de voix d’anges pour parfaire le tout…, en six minutes de lecture lumineuse…, un vrai cérémonial, difficile d’accès, car aride à l’extrême…, angélique aussi…, comme si le paradis se transformait peu à peu en plaine dévastée, vidée de toute substance…, ou on erre, ou on marche au milieu des décombres, habité d’une tristesse folle sonnant comme de petits oiseaux venant frétiller joyeusement sur votre épaule.
Je craignais de me faire mortellement chier à tapoter tout ceci… et je me retrouve happé au final, hypnotisé par tant de retenue, de justesse…, car quand on s’attaque à une automobile, à une marque (qui n’avait que peu d’immensité à la base), avec pour seule compagnie le tic-tic des touches du clavier de l’ordinateur et les “clap-clap” des gouttes d’eau tombant dans un coin de la pièce qui me sert de bureau (je vous fait grâce des rats mordant mes doigts de pieds), si cela est, ne fusse que presque palpable à la lecture de cette sombre fresque…, la performance est à saluer. Remplacez dans vos têtes l’imaginaire hurlement magmatique de la Jensen Interceptor en limite de zone rouge, par des trompettes guerrières…, certes, on s’écarte un peu de l’original, mais tenter le mimétisme revient à se jeter du haut d’une falaise avec un écran d’ordinateur pour seul parachute…, il est difficile de contenter tout le monde…, sachez, pour en finir… que la Jensen Interceptor ne s’adresse évidemment qu’aux amateurs de Jensen Interceptor… en premier lieu…, curieux de surcroit…, permettant à ces derniers de redécouvrir une automobile qu’ils pensent connaître sous toutes les coutures…, certains crieront au scandale encore une fois, mais, encore une fois (bis !), le télescopage de deux univers radicalement différent fait des merveilles.
Pour donner une idée concrète, le résultat fait penser à du classique revisité, que l’on va fractionner et reconstruire dans un ordre qui échappe à toute logique sur le premier instant…, ne vous y trompez pas…, cela soulève d’ailleurs un paradoxe assez drôle, presque inexplicable…, l’expérience est intéressante…
Bref…, comme les Jensen Interceptor Mark 1 et Mark 2 étaient considérées de meilleure qualité (toutes les voitures étaient définies publicitairement comme construites à la main avec de hauts standards de finition) pour l’époque…, la production de la Mark 3 avait considérablement augmenté et les ouvriers de Jensen ne purent rien faire concernant la légère baisse de qualité due notamment par l’utilisation de composants moins chers, mais aussi du fait des cadences trop importantes de travail à la chaine…, tandis que sous le capot, le V8 Chrysler 6.3 remportait la palme des problèmes aux joints de culasse (forte chauffe).
Les aficionados ont établi la Mk3 comme le firmament esthétique et technique de la Jensen Interceptor (gag !), ce qui explique que ce modèle soit toujours prisé en collection… malgré sa transmission Torqueflite rustique et l’obligation d’en surveiller quotidiennement le niveau d’huile pour éviter les problèmes…, malgré également le pont arrière qui a tendance à fuir puis exploser…, malgré la corrosion sur les entourages de vitres, de pare-brise et de hayon, ainsi que tous les passages de roues, la trappe à carburant et les seuils de portes (j’ai hésité à décrire les zones qui rouillent moins vite pour faire plus court)…
Véritablement atypique, la Jensen Interceptor incarne l’automobile “so british”, un mélange de force tranquille, de raffinement esthétique et de problèmes préoccupants…, sa carrière écourtée par le choc pétrolier des années ’70 aura laissé l’un des derniers “vrais” fleurons de l’automobile anglaise partir vers le néant…, c’était une classique capricieuse et complexe, souvent mal-lunée…, chère à entretenir…, qu’il fallait déguster tant que le pétrole était encore à peu près abordable…
MK II……..(1969-1971): 1.128 exemplaires
MK I………(1966-1970): 1.024 exemplaires
MK III…….(1971-1973): 2.477 exemplaires
MK III 7,2 (1974-1976): 1.779 exemplaires
SP…………(1971-1973):…232 exemplaires
Cabriolet..(1973-1976):….509 exemplaires
Coupé……(1975-1976):……46 exemplaires
TOTAL………………………6.595 exemplaires
Jensen Nova… Michelotti dessine pour Vignale en 1966 une carrosserie en fibre de verre sur la base d’une Jensen Interceptor. Exposé au salon de Genève 1967, le prototype baptisé Nova restera un exemplaire unique, revendu en 1968 à un français. Entièrement rénovée depuis, au terme d’un travail de 17 ans, la Jensen Nova resurgit en 2000 au Meeting international de la Jensen Owners cup puis au Technoclassica à Essen en 2003. Considérablement allégée, la Nova utilise le V8 Chrysler 6.3 de 330 chevaux de série.
Jensen Interceptor SP… En août 1971, l’Interceptor accueille une nouvelle version baptisée interceptor SP, en référence au moteur “Six Pack” de Chevrolet avec ses 3 carburateurs Holley à double corps. Avec un taux de compression poussé à 10.3:1 le V8 Chrysler 440 ci (7212 cm3) délivre 385 chevaux à 4700 tr/mn et fait de l’Interceptor SP le modèle le plus puissant jamais réalisé par Jensen et l’une des GT les plus rapides du monde. De nouvelles jantes 15″ sont fabriquées spécifiquement par GKN pour accueillir de plus gros freins et des pneus plus larges (6.5″). Paradoxalement, au moment de son arrivée sous le capot de la Jensen, le gros V8 Chevrolet Six Pack fût déclaré illégal aux USA en raison de ses rejets polluants trop importants. En outre, il exigeait des réglages fréquents pour conserver une santé parfaite. Comble de la puissance et du raffinement, la Jensen Interceptor SP reçoit en série tous les équipements optionnels des Interceptor, incluant le système audio stéréo à 8 haut-parleurs, de nouveaux sièges et panneaux de portes , une console centrale restylée avec deux aérateurs supplémentaires. Seulement 232 exemplaires seront construits avant l’arrêt du modèle en 1973.
Jensen Interceptor Cabriolet… En mars 1974, une version convertible (décapotable) de l’Interceptor fait son apparition. En dépit de son surpoids causé par de nombreux renforts de structure et sa capote à ouverture hydraulique, elle accélérait aussi rapidement que la version coupé. Profitant d’une loi américaine finalement abandonnée, Jensen restait l’un des rares à proposer un cabriolet de luxe aux USA. L’Interceptor cabriolet sera produite à 467 exemplaires.
Jensen Interceptor Coupe… Dévoilée au salon de Londres en octobre 1975, la Jensen Interceptor Coupe reprend la partie arrière du cabriolet et une lunette arrière de Jaguar XJ6 intégrée dans un original toit dessiné par Panther. Si cette version est de loin la 2+2 la plus habitable, sa ligne cassée par un arceau peint en bleu marine sur toutes les versions n’était pas du goût de tout le monde. En plein marasme économique, seulement 54 exemplaires de ce coupé baroque trouvèrent preneur…
Jensen Interceptor “le Saint”… L’Interceptor a fait sa sortie par la grande porte avec une MkIII bleue de 1976 immatriculée “1 ST” qui devient l’héroïne motorisée de l’acteur Simon Dutton dans la seconde série TV “Le Saint” diffusée en 1989
Prix neuf (1966) : £3.000
Valeur (2017) : 35.000 €
Moteur : 8 cylindres en V à 90°, 16 soupapes, longitudinal AV, carburateur 4 corps
Cylindrée : 6276cc / 7212cc
Alésage x course (mm) : 108 x 86 / 109.72 x 95.25
Puissance maxi (cv à tr/mn) : 335 à 4600 / 285 à 4800
Puissance spécifique (cv/L) : 54 / 39,5
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 576 à 2800 / 515 à 3200
Couple spécifique (Nm/L) : 97,8 / 71,4
Boîte de vitesses : automatique (3) ou manuelle (4)
Poids (kg) : 1675 / 1814
Rapport poids/puissance (kg/ch): 5 / 6,4
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (300)
Pneus Av-Ar : Dunlop RS 6.70 x 15
Vitesse maxi (km/h) : 220
400 m DA : 15″
0 à 100 km/h: 6″5 / 7″5
Consommation moyenne L/100 Km : 20 / 25
Jensen Interceptor FF (1966-1971)… Avec la Jensen Interceptor, le petit constructeur britannique entrait dans la cour des grands…, mais l’histoire veut que sa véritable oeuvre, la FF, ne connut pas le succès comme elle aurait du…, la Jensen FF, véritable salon technologique, mérite pourtant une place de choix parmi les voitures de légende en tant qu’iniatrice des sportives 4 saisons…
Dans les années 50, la Harry Ferguson Research Ltd, du nom de son créateur propriétaire de la société de construction de tracteurs Ferguson, explore diverses solutions d’innovation pour l’automobile…, ce fils de cultivateur irlandais né en 1884 possède le génie de la mécanique et élabore très vite un premier prototype avec 4 roues indépendantes directrices et motrices…, son idée n’est pas fondamentalement nouvelle car, dès 1902, la Spyker 4WD avec son 6 cylindres 8L7 eut l’honneur d’être la première automobile à quatre roues motrices, tandis que Bugatti (Type 53 1932)…, Harry Miller (Gulf-Miller Special 1938)… et Cisitalia (1946), s’essayèrent aussi à cette technologie en compétition…, sans succès (celle qui donna véritablement ses lettres de noblesse à la transmission intégrale le fit en dehors des circuits.., il s’agit bien sûr de la Jeep Willys américaine, emblème de la libération, qui inspira de nombreux véhicules devant intervenir sur des terrains délicats)…
Fusionnée avec le canadien Massey en 1953, la société de tracteurs Ferguson libère une grosse somme d’argent à son propriétaire qui peut alors s’investir pleinement dans le développement de sa “voiture révolutionnaire”…, l’argent permet à Ferguson de débaucher quelques uns des meilleurs spécialistes…, ceux-ci sont : l’ancien champion motocycliste F.W. Dixon, premier collaborateur de Ferguson… et Claude Hill d’Aston Martin…, tous deux ingénieurs à la Ferguson Research, ils déposeront ainsi un certain nombre de brevets…
Le premier prototype Ferguson possède des roues arrières orientables à la demande, qui pouvaient réduire le rayon de braquage ou déplacer le véhicule en crabe…, ce véhicule d’apparence rustique, est également intéressant par une série d’organes mécaniques originaux : suspension à demi essieux oscillants, freins à disques multiples sur l’arbre de transmission, commandes hydrauliques etc. Après les projets R2/R3…, le projet R4 et ses 4 roues indépendantes avec 4 freins à disques, expérimente le système antiblocage Dunlop Maxaret…, puis viendront les projets R5 et R5/2 avec le premier moteur équipé d’une courroie crantée…, parallèlement, le projet 99 occupe la petite équipe dirigée par Freddie Dixon (dès les années ’30, Dixon avait imaginé une voiture à quatre roues motrices pour participer à la Land Speed Record)…, mais il lui faudra attendre la rencontre avec Ferguson pour obtenir les fonds nécessaires à son projet…, Ferguson quant à lui vise le marché des voitures de série pour lequel il est convaincu que son système peut représenter une grande avancée en matière de sécurité.
Avec l’aide du pilote Tony Rolt, ils mettent au point la fameuse transmission intégrale Ferguson dont l’originalité est d’intercaler un différenciel central entre les deux ponts avant et arrière, permettant à ceux-ci de tourner à des vitesses différentes…, ce pont intermédiaire permettait notamment d’obtenir une bien meilleure efficacité en courbe et au freinage…, l’autre innovation majeure de ce pont central était de rendre possible l’adaptation du système d’antiblocage Maxaret de Dunlop…, habituellement monté dans l’aviation, à raison d’un système par roue, mais le Maxaret était bien trop coûteux pour l’automobile. Ferguson meurt soudainement en 1960 et ne verra jamais le résultat de ses travaux…, un an plus tard, en 1961, la Formule 1 Ferguson est engagée au Grand Prix d’angleterre avec les pilotes Rob Walker et Stirling Moss…, avec ce dernier, elle démontre rapidement un potentiel en tête de la course mais malheureusement, la voiture est finalement disqualifiée pour avoir été poussée…, elle est également en compétition dans la Gold Cup (165 miles) à Oulton Park en angleterre…, le pilote à qui est confiée la voiture n’est autre que Stirling Moss qui a pu travailler à adapter son pilotage aux caractéristiques de la Ferguson…
À la surprise générale, la Ferguson P99 motorisée par un 4 cylindres 1.5L Coventry Climax domine outrageusement les BRM, Lotus et même les Cooper qui imposent pourtant le moteur central arrière…, classiquement construite sur un châssis tubulaire avec moteur à l’avant, la Ferguson impose donc la transmission intégrale à la meilleure répartition des masses de la Cooper : “La Ferguson”… commente alors Moss à l’époque, “est plus stable que tout ce que j’ai pu essayer. Elle est bonne sur le mouillé et sur le sec. Dans les deux conditions vous pouvez enfoncer votre pied plus franchement. Vous pouvez freiner plus tard et accélérer plus longtemps”. Les résultats suivants n’atteindront pas le coup d’éclat de Moss mais la Ferguson P99 restera la seule voiture 4 roues motrices à avoir remporté un Grand Prix de F1…, en dépit de sa brève carrière en F1, la Ferguson P99 accomplit ce que ses concepteurs avaient souhaité et la transmission intégrale ainsi que l’ABS allaient donner des idées aux frères Jensen qui contactent alors Ferguson Research…
Jensen travaille avec la société Harry Ferguson Research dès 1962 pour intégrer ce système sur la remplaçante de la C-V8…, Alan Jensen n’est pourtant pas très favorable au projet FF…, des deux frères, c’est lui le “businessman” de l’entreprise et à plusieurs reprises il tente de convaincre son frère d’abandonner l’idée qui semble les conduire nulle part…, mais Dick Jensen campe sur ses positions et achète les droits d’utilisation exclusive de la transmission Ferguson pour les voitures de plus de 3.5L de cylindrée…, en revanche, il ne souhaite pas utiliser la transmission Teramala de Ferguson et continuent à s’en remettre aux services de l’éprouvée boîte automatique TorqueFlite de Chrysler, installée sur la C-V8. Ce choix aura pour incidence d’impliquer bon nombre de modifications pour adapter le système Ferguson au châssis de la C-V8 et notamment celui de décaler le moteur de son centre…, pour accueillir la transmission intégrale, l’empattement est allongé de 4 pouces et le tunnel central élargi…, outre sa transmission, la Jensen FF embarque le premier système électronique de contrôle du freinage avec fonction anti-blocage testé sur la Ferguson-Climax P99…, le Dunlop Maxaret est ni plus ni moins que l’ancêtre de l’ABS…, ce système pneumatique complexe assure en effet des freinages rectilignes et sans blocage en exerçant des pressions très rapides sur la pédale de frein.
Le prototype de la Jensen FF (pour Formula Ferguson) est réalisé sur la base d’une C-V8 et présenté au public pour la première fois en octobre 1965 à côté du prototype P66, destiné à devenir l’Interceptor…, au début de l’année 1966, l’ingénieur en chef Kevin Beattie conduisait la voiture dans les montagnes d’Europe du sud, relevant toutes sortes de données comme la température des différentiels et du radiateur…, bien qu’opposé au projet FF, Alan Jensen reconnaîtra qu’il eut une grande fierté à voir rouler la Jensen FF. Faute de moyens, le développement de la FF fût relégué au second plan afin de ne pas perturber le lancement de l’Interceptor…, plutôt que de construire une nouvelle carrosserie spécifique, il fût donc décidé d’adapter le dessin de l’interceptor à la FF…, en octobre 1966, première année de production, très peu de FF avaient été assemblées…, la FF ne fût aboutie qu’en 1969, après de nombreuses évolutions suggérées par les clients notamment.
Gage d’une motricité exceptionnelle pour une voiture de cette puissance, la répartition par défaut du système est de 37% sur le différentiel avant et 63% sur l’essieu arrière grâce au différentiel central permettait de conduire la FF par tous les temps et sur toutes les routes…, la suspension avant à double triangulation et double amortissement est également spécifique à la FF, mais il faut des yeux experts pour distinguer une Jensen FF d’une Interceptor…, le capot est sensiblement plus bombé avec une petite lame chromée tandis que les ailes avant possèdent deux ouïes au lieu d’une seule…, plusieurs logos FF sont également parsemés sur la carrosserie. Sous le capot, on retrouve également le moteur de l’Interceptor, le gros V8 Chrysler de 6276cc…, même si le surpoids engendré par la transmission intégrale plombe les performances (Jensen annonce 1727 kg officiellement mais la voiture pèse réellement plus de 1900 kg en état de marche), celles-ci demeurent remarquables pour l’époque…, élue “Car of the year 1967”, la Jensen FF dérivée de l’Interceptor est une voiture bien plus innovante au niveau technique que sa principale rivale l’Aston Martin DBS…, dès 1969, elle reçoit les évolutions apportées à l’Interceptor et la FF II est mise en production…, mais son prix de vente 30% supérieur et son volant situé uniquement à droite pénalisent toujours fortement la demande.
La production de la Jensen FF plombera sérieusement les comptes de l’entreprise qui mettra un terme à la fabrication de “the world’s safest car” (la voiture la plus sûre du monde) en 1971…, il faudra attendre 1978 pour qu’elle trouve une descendance par le biais de l’Audi Quattro…, la visionnaire Jensen FF, initiatrice des voitures hautes performances faciles à conduire, allait dans son malheur devenir le fondement d’une marque en quête de reconnaissance : Audi…, aujourd’hui mondialement connu, le système Quattro a fini par se généraliser à toutes les catégories de sportives, de la simple A1 à la supercar R8…, on a souvent tord d’avoir raison trop tôt…
FF MK I….(1966-1969): 195 exemplaires
FF MK II…(1969-1971): 110 exemplaires
FF MK III..(1971):…………15 exemplaires
TOTAL………………………320 exemplaires
Prix neuf (1966) : £4.300
Valeur (2015): 70.000 €
Moteur : 8 cylindres en V à 90°, 16 soupapes, longitudinal AV, carburateur 4 corps…
Cylindrée : 6276cc
Alésage x course (mm) : 108 x 86
Puissance maxi (Cv à tr/mn) : 335 à 4600
Puissance spécifique (CV/L) : 54
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 576 à 2800
Couple spécifique (Nm/L) : 97,8
Transmission 4×4 : Boîte de vitesses automatique (3) ou manuelle (4)
Poids : (kg): 1727
Rapport poids/puissance (kg/ch): 5,1
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques Girling + antiblocage Dunlop Maxaret
Pneus Av-Ar : Dunlop RS 6.70 x 15
Vitesse maxi (km/h) : 209
400 m DA : 15″
0 à 100 km/h : 8″5
Consommation moyenne (L/100 Km) : 23.5
.