L’affaire Devin-Ferrari 0202/A 1952…
La Devin des années 50/60 était l’oeuvre de Bill Devin et les Devin eurent leur heure de gloire avant de sombrer dans l’oubli du vaste cimetière des “autos-didactes” de l’époque.
C’est comme ça…, dans la vie il y en a qui ont de la chance d’autres moins, tous les prétendants à la gloire ne deviennent des Enzo Ferrari ou des Carroll Shelby…, mais pas que les fabricants illuminés, c’est pareil pour les pilotes de course de ces engins improbables et des “collectionneurs” ainsi que des “spéculateurs” qui finissent par les acheter…
Tout comme certains qui dégottent un tableau crouté sur une brocante et sous la poussière et découvrent un Magritte…, parmi les collectionneurs et spéculateurs d’automobiles anciennes il en est qui achètent un Kit-Car bon-marché pensant pouvoir rouler “différement” pour pas grand-chose… et se retrouvent avec une rareté qui vaut des fortunes aux yeux d’autres collectionneurs spéculateurs de grande envergure.
Tom Shaughnessy de San Clemente / Californie est à ranger dans les deux catégories…, à la place de la brocante, prenez e-bay le site d’enchères bien connu, remplacez la peinture craquelée par une auto de marque Devin bien pourrie et le Magritte devient une Ferrari 340 America 1952 signée Vignale !
Tom aimait restaurer quelques anciennes à ses heures perdues.., il pianotait parfois sur le net à la recherche d’une bonne affaire… et sur e-bay, il a découvert une annonce mettant en vente une Devin Spider Sports des années ’50 avec une carrosserie en polyester assez pourrave…, le vendeur était basé dans l’Illinois et voulait vider son garage pour le nettoyer !
Le 20 Juin 2006 Tom Shaughnessy emporte le morceau pour 26.000 $… et l’auto arrive chez lui…, la carrosserie en fibre de verre est bien celle d’une Devin et il entreprend alors le démontage total en mettant le châssis à nu.
– La partie avant du châssis avec la direction est intact, le train avant est manquant, quelqu’un a ajouté un support pour une batterie juste derrière la traverse avant.
– La partie centrale et arrière du châssis ont été modifiés, de même que tout l’arrière.
– Les freins sont toujours là et semblent être en bon état, les roues à rayons sont originales, les extrémités de l’essieu arrière sont corrects.
C’est là que la citrouille devient carrosse puisque sur les tubes d’acier rouillés apparaît distinctement le numéro 0202/A… et là, pas de veine pour la Devin, c’est un numéro de série inconnu dans les registres de la marque.
Mais la fé(e)licité intervient alors sous la forme d’un joli cadeau : le châssis 0202/A est celui d’une rarissime Ferrari 340 America 1952 Spider Vignalele qui a couru les 24h du Mans la même année sous le N°15 avec Maurice Trintignant et Louis Rosier au volant…, par la suite, l’usine a confié la voiture à Piero Scotti qui l’a utilisée pour participer à des courses de cote…, bingo…, Tom Shaughnessy a tiré le gros lot.
En 1953, la voiture est venue aux États-Unis via Luigi Chinetti qui l’a vendue à Ernie McAfee…, à la fin des années 1950, la Ferrari a été vendue à Paul Owens de Houston/Texas qui y a installé un moteur V8 Chevrolet et vendu le moteur Ferrari qu’il jugeait peu fiable… , mais, suite à un crash, une carrosserie en fibre de verre Devin Spider a été installé sur le châssis Ferrari.
En 1963, ce bitza a participé à une course à Salt Lake City / UT, puis a disparu…, cet “intrépide pilote” a conservé la voiture durant 13 ans sans rien y faire d’autre que modifier la carrosserie pour en faire un “Hot-Wheels-Dragster”...
Mais, découragé par l’ampleur de cette tâche, il à finalement vendu la voiture en pièces pour 200 $ a un inconnu qui a conservé le tout 30 ans avant de décider de revendre “ce tout” pour une trentaine de milliers de dollars, puisque la valeur de la Devin atteignait “cet incroyable sommet de valeur” auprès des fanatiques de la marque…
En 2006, le bitza fut donc mis en vente sur e-bay… et c’est Tom Shaughnessy qui l’acheta…., la personne à qui il avait acheté “le bitza” aurait du, plus que probablement être hospitalisée pour dépression nerveuse apprenant que son “auto” en pièces, vendue 26.000 $ avait été revendue 3 millions de $ par son nouveau propriétaire : Tom Shaughnessy, qui avait donc payé moins d’un (1) pour cent de ce montant !
Pas du tout, lorsqu’il a été informé de cette extraordinaire histoire, lorsqu’il s’est rendu compte qu’il avait été propriétaire d’une des plus mythiques et rarissimes Ferrari de course, il a dit : “Félicitations à Tom pour sa fabuleuse trouvaille ! Elle m’avait coûté 200 $ il y a 30 ans”…
Luigi Sanfilippo, c’est lui…, un pilote de courses automobiles à la retraite, a ajouté : “J’avais débuté la modification de la carrosserie et failli couper le châssis pour faire un hot-wheels-dragster. C’est une bonne chose que ce projet n’a pas été concrétisé. Tom Shaughnessy a eu beaucoup de chance si on considère que la vente a été grande ouverte sur eBay. Des milliers de collectionneurs ont eu l’occasion de l’acheter. Beaucoup de gens ont demandé que je leur envoie des photos, des dossiers, des factures, un a même demandé si j’avais toujours le carnet d’entretien, un autre voulait savoir si on pouvait en faire une 4 places… J’ai démonté la voiture pour réaliser une série complète de photographies de détails et répondu à de nombreuses demandes par courrier électronique provenant des États-Unis et d’Europe. Tout le monde promettait de venir voir la voiture, mais seulement un l’a fait : Tom Shaughnessy !”…
Bill Devin qui commençait à émerger financièrement d’un fiasco d’affaires avec l’entreprise McAfee derrière lui, décida en 1954 qu’il pouvait construire des voitures aussi bien que quiconque dans le monde des voitures dites “sportives”…, de la même manière qu’on nettoie un poulailler (sic !) et il se prépara à lancer ce qui serait bientôt appelé “Devin-Panhard”…
La construction en fibre de verre était toute nouvelle au début des années cinquante, mais Bill Devin a vite appris sur ce “nouvel art” en construisant des carrosseries en fibre de verre pour Panhard, simultanément il inventait l’usage d’une courroie moteur OHC…, mais, typique du dédain de Bill pour la paperasserie et la bureaucratie, il ne “patenta” jamais son idée (déposer un brevet), qui a depuis été utilisée par chaque constructeur automobile.
La carrosserie Devin était disponible en 27 variations permettant de s’adapter à différents châssis et moteurs, d’un minuscule Crosley Hot Shot à un V8 Ford en passant par le 4Cyl TR3…, Devin était le plus grand producteur de carrosseries en fibre de verre dans les années cinquante et soixante, il avait des concessionnaires dans 50 États des USA et expédiait ses produits dans presque tous les pays Européens, en Amérique du Sud et même en Afrique du Sud.
Byers, Almquist, Alken, La Dawri, Microbond, Fibrefab, Atlas, Kellison, Allied, Conquest, Victress et Microplas…. étaient quelques-uns des concurrents contemporains de Devin… et la plupart ont été oubliés dans les limbes de temps, alors que le nom Devin occupe encore une place importante dans le souvenir des fanatiques de Kit-Cars et voitures improbables…
En réalité Devin ne construisait rien aux USA, tout était fabriqué à Belfast, la raison étant qu’en Irlande du Nord, qui fait partie de l’Angleterre (ou des îles britanniques, si vous préférez), il y avait des disponibilités illimitées et très rapides pour faire fabriquer des pièces spéciales “de sport et de course” : freins à disque, crémaillères de direction, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs, jantes knock-off, pneus de course, volants à jante bois, orifice de remplissage d’essence “rapide”, etc.., ces “choses” n’étaient pas disponibles immédiatement aux États-Unis à cette époque…