L’incroyable collection automobile de Roger Baillon vendue 25.151.580 €uros d’indécence collective…
Au delà du grand n’importe quoi !
Le terme de décadence me parait tout a fait approprié, les bandits de grand chemin ont pris d’autres habits et ne lèsent plus, comme d’antan, que les riches équipages…, la collectivité est mise à la dîme !
Roger Baillon, accusé de fraude fiscale en 1978, a caché ses trésors automobiles pour éviter leur saisie par l’État Français, pas assez bien caché, car deux saisies et ventes auront toutefois lieu en 1979 et 1985 pour couvrir le redressement fiscal lié à la déclaration d’auto-faillite…, le prétendu désastre n’est pourtant pas auto-calculé, une partie “du butin” est oublié par le fisc…, cette sauvegarde inespérée peut-être mise-à-mal, si considérée comme une fraude concernant la succession…, car dans ce méli-mélo papy Roger est décédé…
Après son décès, seule solution trouvée : rideau, silence, secret…, l’État croit avoir tout pris comme chez Schlumph…, parfait…, ne rien dire, se faire oublier…, quoique les héritiers sont accusés de recel suite à une fraude fiscale présumée…, mais rien…, le dossier semble se perdre, plus de nouvelles, bonnes nouvelles…, une chape de plomb recouvre tout…, l’oubli durant plus de trente ans…, en finale : prescription !
2015, sonnez trompettes…, prescription générale bien assise, pas de risque, tout ne ressortira pas, mais les autos : oui…, en avant…, orchestration et mise en scène d’une prétendue re-découverte théâtralisée…, cinéma Bollywoodien…, pleurs, fleurs, bonheur…
Synopsis : 10 % des humains possèdent 90 % des richesses de la terre, donc il y en a beaucoup qui ont de l’argent à ne plus savoir quoi faire… et de l’argent qui rapporte encore toujours plus d’argent…, donc c’est sans fin pour certain(e)s…, tout se vend, tout s’achète…, même des bouts de ferrailles rouillées…, du Barnum, de l’esbroufe, certains doivent avoir pas mal d’argent à blanchir, d’autres sont en mal de notoriété…, vanité, théâtre de folie…, la plupart d’entre-elles coûteraient bien moins cher en partant de rien, qu’importe si on touche au grand n’importe quoi…, un nouveau concept est né : les véritables épaves de collection…, trois coups (bas), passez muscade…, plus blanc que blanc, repassé en prime… et pas donné !
Trente ans ont volontairement été passés dans l’oubli…, comme engloutie sous les herbes folles, bouffée par la rouille, envahie d’araignées, la collection de Papy Baillon qui s’était transformée en secret de famille dans le parc de la propriété, était un trésor d’alchimiste : transformer de la ferraille en or…
Et pas qu’un peu : 25.151.580 €uros pour cinquante-neuf carcasses mythiques exposées là…, sur toutes les bagnoles, une crasse d’époque ou on espère découvrir l’ADN de Roger Baillon…, qui, dans les années 50-60, a sauvé de la casse des dizaines de voitures qu’il achetait par lot, au poids, dans toute la France…, ce patron des Deux-Sèvres parti de rien qui a fait fortune dans les transports leur a consacré sa vie…, sa faillite en 1978 a sabré son rêve de musée, mais va rendre ses héritiers multimillionnaires…
Le 6 février 2015, la vente aux enchères orchestrée par Artcurial à l’occasion du salon Rétromobile à Paris, attire des enchérisseurs du monde entier, fascinés par l’incroyable histoire de Roger Baillon et de son trésor automobile amassé sous des abris de fortune, durant près de soixante ans, dans la campagne niortaise :
“Papy Roger voulait en faire un musée”…, me confie Ludovic Baillon, la larme à l’oeil…, hypocrite !
Il est 14h00, la vente aux enchères de la collection Baillon va démarrer…, il n’y a pas assez des 1.000 sièges prévus, beaucoup de gens restent debout, 35 agences de presse sont accréditées pour l’évènement, car l’écho médiatique suscité depuis deux mois seulement, par cette fausse “sortie de grange” est énorme et attise la curiosité d’amateurs (double-sens) du monde entier.
Papy Baillon aurait halluciné de voir cette salle pleine à craquer de gens s’extasiant dans toutes les langues (en russe, en anglais, en italien), avec en tête de s’arracher les voitures cabossées de la collection Baillon, comme des Picasso.
C’est Hervé Poulain, Vice-Président et Associé de la maison Artcurial, qui va officier au marteau, debout, il harangue la foule (il s’adresse à “son” public) :
“L’automobile constitue la marque d’un art de l’humanité… et cependant nous avons été surpris agréablement par l’écho planétaire qu’a suscité la présentation de la collection Baillon. J’y vois la cause dans l’histoire de l’art. C’est une constante, une réflexion sur la fuite du temps, notre finitude et la vanité de nos ambitions. Sous la renaissance, on appelait cela des écorchés, des artistes cherchant la mue sous la peau et les entrailles. Un siècle plus tard Rembrandt peignait “La Leçon d’anatomie”. Plus tard encore, Hubert Robert ou Panini peignaient des paysages d’architecture en ruines. Puis, toujours dans cette recherche des corps et de la machine, Picabia inventait des machines, ces filles nées sans mères avec leurs innervations de fils, leurs poumons d’acier, leur cœur d’acier et leurs artères de caoutchouc. Et bien Mesdames et Messieurs, la leçon à tirer de cela c’est qu’il faut vivre intensément, et se faire du bonheur. Ce que je vous invite à mettre en pratique dès maintenant ! Aussi bien avec mon marteau comme une baguette magique, aussi bien avec moi-même comme un alchimiste et vous comme collectionneurs, nous allons réanimer ces belles pour un autre destin… La première fois que je suis passé dans une émission de Bernard Pivot, j’avais dit que la production automobile dans ce qu’elle a de meilleur, parce qu’elle est une œuvre vivante et parce qu’elle représente les pôles du génie de l’homme, procurait plus de sensation et plus d’émotion qu’un Renoir. A l’époque cela paraissait comme une provocation. Et bien, nous y sommes aujourd’hui”…
Quelques journalistes ont pris des notes, les miennes sont sur mon téléphone portable, je demanderais au secrétariat de m’envoyer la copie du discours…
Avanti…
“Ils ont mis tous les richissimes aux premier rang”…, me soupire un enchérisseur…
“Dès les premiers minutes, mon mari a renoncé à lever le carton”…, me dit une riche retraitée qui avait en ligne de mire le lot N°9 (une Lorraine Dietrich noire) pour 10.000…, la voiture s’est vendue quarante…, “On n’est plus dans la passion mais dans le snobisme”…
Sur l’écran géant, les chiffres montent tellement vite qu’Hervé Poulain en perd presque son marteau : “Lot n°11, une Delahaye : 180.000 au fond…, 260.000 au téléphone…, 280.000 et vous repartez avec en Espagne”…, le marteau tombe à 360.000 euros…, elle était estimée entre 100.000 et 150.000 euros.
“Le lot N°15, la Facel Excellence des années ’60, vient d’être adjugé 120.000 euros, le double de sa mise à prix, ça atteint des sommes stratosphériques”…, s’étonne une blonde…,“Ce n’est plus seulement de la voiture introuvable que l’on se paie, mais du Baillon“…
“La bagnole d’antan est devenue le placement le plus rentable devant l’art et l’immobilier, selon l’indice compilé par le Financial Time : les prix des voitures de collection ont augmenté de 395 % depuis 2002″…, me dit un Limousin qui assiste à la vente avec des amis et s’est mis en tête d’enchérir sur la Ferrari California : “Je pourrais dire que j’aurai été propriétaire de la Ferrari d’Alain Delon pendant quelques secondes”…
Le cirque continue, une véritable folie, orchestrée par Maître Poulain, assisté par Mathieu Lamoure et Pierre Novikoff, un trio auquel aucun geste n’échappe…, en ce compris les offres sur internet ou par téléphone…, après presque 3 heures de vente et 57 voitures adjugées, voilà qu’entre le coupé Maserati A6G 2000 Gran-Sport signé Frua…, qui part finalement au double de son estimation : 2 millions…, puis c’est au tour de la Ferrari 250 California prétendue être l’ex-Alain Delon, complète mais déglinguée de partout (en 2012, l’ex-250 California 1959 de Roger Vadim, en meilleur état, avait atteint 4,5 millions d’euros)…
Hervé Poulain débute à 6 millions, pour une estimation de 10/12 millions…, quelques minutes plus tard, elle est vendue 16,3 millions d’euros (frais compris).., record du monde battu…, il exulte du résultat obtenu…, Artcurial devrait empocher plus de 30% du chiffre brut de la vente soit 7,5 millions, à cette pensée, il s’écrie : “C’est historique”….
“Je connais l’acheteur de la voiture, et la bonne nouvelle, c’est que celle-ci va rester dans son état d’origine. La mécanique va être refaite, mais le but de son nouveau propriétaire est de la laisser dans son état le plus proche possible de ce qu’il est aujourd’hui”… explique de son coté Mathieu Lamoure, à l’issue de la vente, à un journaliste de Caradisiac qui boit ses paroles comme du petit lait… (il avait auparavant interviewé Maître Hervé Poulain en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=2qWJwU9Cvms )
Rencontre avec Matthieu Lamoure et Pierre Novikoff, d’Artcurial Motorcars…
– Vous voulez donner l’impression de la découverte d’un véritable trésor, alors qu’en fait ce “trésor” est un reliquat oublié par le fisc… Généralement ce genre d’affaire se traite cool et relax, sans vagues…, est-ce que c’est quelque chose qui vous arrive souvent ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Cela ne nous arrive jamais assez, Patrice. On se connaît depuis plus de 15 ans, vous savez bien que l’on fait avant tout ce métier pour des découvertes comme celle-ci. Oui, il s’agit ici véritablement d’un trésor. Sans doute le trésor d’une vie. Dans notre jargon on parle de sortie de grange : un ensemble de voitures intactes, restées en sommeil depuis des années, que l’on retrouve.
– N’en faites-vous pas un peu trop, Matthieu ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Lorsque nous sommes arrivés, Pierre et moi, sur place, nous avons ressenti une très forte émotion. Probablement la même que Lord Carrington et Howard Carter lorsqu’ils ont été les premiers à pénétrer dans la tombe de Toutankhamon après des siècles. On venait vraiment de réveiller une belle endormie.
– Rien que ça…
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Nous sommes des chercheurs de trésor ! Je crois que depuis la collection Schlumpf, dont Maître Hervé Poulain était l’expert, le monde de l’automobile de collection n’avait pas connu un tel événement. C’est sans doute la dernière fois, dans le monde, que l’on fera une telle découverte. Ce qui est unique ici c’est la quantité (60 voitures), la diversité (des débuts de l’automobile aux années ’70) et la qualité et le pédigrée des voitures. Contrairement à la collection Schlumpf qui était connue et répertoriée, cette collection est totalement inédite.
– Une découverte ! Cela va presque devenir une spécialité ! Vous n’en aviez pas tant fait en découvrant ma Mercedes SSKL 1927 “repo” exposée à Bruxelles…
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Je dois avouer que chez Artcurial Motorcars, on se fait un devoir de réussir à trouver des voitures jamais ou rarement vues sur le marché. C’est notre signature. Cela demande un travail incroyable. Nous passons l’année à voyager en Europe et dans le monde. Ce n’est pas un hasard si année après année les collectionneurs du monde entier se retrouvent à nos ventes. Cette année, avec près de 50 M€ / 66 M$ de volume de vente, nous sommes en progression de 67 % par rapport à 2013.
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Les prix et les records, sont de belles
récompenses pour notre travail. Mais arriver dans un petit village de l’Ouest de la France et y découvrir ce trésor, fut un moment unique. Nous partageons toujours la même passion avec les collectionneurs. Ils connaissent notre sérieux et nous suivent.
– Du temps ou Artcurial était au Palais des Congrès, j’ai du batailler ferme et en justice pour être payé des arriérés dûs. Et je n’ai jamais touché le moindre dédomagement pour les voitures invendues abimées dans le parking Artcurial à la Défense… Alors, passion et sérieux, là franchement, j’aime jouer, mais…
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Non !Je vous coupe, je n’y étais plus… et pas encore de retour… Les collectionneurs, les vrais, car vous n’êtes pas un vrai collectionneur, nous parlons le même langage. C’est grâce à ce lien que l’on peut réussir à organiser des ventes aux enchères, c’est notre marque de fabrique !
– Justement, tant qu’à refaire tout, expliquez-moi la nouvelle histoire…, comment cela a recommencé ?
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : C’est presque anecdotique à raconter. Lorsque l’on prépare une vente, on sillonne la France et le monde à la recherche d’œuvres rares. La richesse de notre métier c’est de pouvoir tisser des liens et d’être à l’écoute lorsque l’on nous parle.
– Avec ma Mercedes SSLK, j’ai eu le sentiment qu’on allait toucher les étoiles.
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Au téléphone, je ne comprend pas toujours bien les informations qu’on me donne, qu’il s’agit de quelque chose d’important. Sans en mesurer la portée, j’en parle immédiatement avec Matthieu et nous nous organisons pour aller sur place, voir ce qu’il en est.
– Bien, oublions ma Mercedes SSKL que l’expert de l’époque, Marc Souvrain, à totalement salopé… et gardons le cap sur la vente Baillon… Lorsque vous êtes arrivé, que s’est-il passé ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Ce fut un sentiment assez indescriptible. Lorsqu’on a franchi le portail de cette propriété, Pierre et moi, on ne savait pas ce qu’on allait trouver. Il a fallu qu’on fasse le tour pour aller dans le parc, à l’arrière de la propriété, pour commencer à avoir un premier aperçu. Sur trois hectares, il y avait différentes structures de bric et de broc. Des abris en tôles métalliques. Là, on s’est rendu compte que l’on était face à quelque chose d’important. On ne savait pas encore de quoi il s’agissait, mais on devinait des carrosseries, usées par le temps et les intempéries. Des formes modernes, d’autres plus anciennes.
– Vous avez eu le temps de répéter cette fable… Avouez que vous saviez que tout ce barnum était une mise en scène de l’acte final, rendu possible parce que les délais de prescription étaient largement dépassés… Le but était de démontrer que rien n’avait été prémédité…
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Incroyable, Patrice, vous voyez là comme un complot ! Non, du tout…, c’était une découverte, enfin une redécouverte…, il ne s’agissait pas de véritables hangars ordonnés où les voitures étaient entreposées, mais de constructions de fortune. On y avançait difficilement…
– Au péril de votre vie, sûrement…
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Au milieu des installations, on a réalisé qu’il y avait là des dizaines de voitures qui étaient parquées. On a compris que certaines avaient été juste déposées il y a 50 ans puis laissées intactes. Les piliers en bois, entre les véhicules, soutennaient les fragiles toitures. Les côtés avaient été laissés ouverts. On ne réalisais pas encore exactement ce dont il s’agissait : le nombre de voitures, les marques, leur état.
– C’était presque un travail d’archéologue qui n’attendait que vous deux !
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Exactement ! C’est tout à fait ça…Mais avant d’inventorier, d’étudier, de retracer l’histoire, il nous a fllu finir de mettre à jour l’ensemble. On a poursuivit notre exploration dans un second site, au fond d’un champ, puis dans une dépendance de la demeure, une ancienne grange pour le coup reconvertie en garage improvisé. Et là les chocs se sont enchainés.
– Les chocs artistiques et esthétiques d’abord, devant la beauté de ces sculptures de métal, non ? Ce qui est pour moi étrange c’est qu’en fait de dépendance du château, c’est n’importe quoi. J’ai plus que l’impression que la Ferrari a été ajoutée après coup, tout comme sa vente était programmée avec Simon Kidston et son client architecte…
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Les chocs émotionnels, vous comprenez, Patrice, c’est cela la vérité, vous en êtes victime maintenant, vous voyez le mal ou il n’y a que pureté. Non, c’était un moment d’extase suite à la découverte de modèles incroyables et de marques légendaires.
– Tout ce bazar est d’avantage un cimetière de ferraille qu’un musée.
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : La nature a repris ses droits au fil du temps. Le lierre envahit une voiture et recouvre une roue, tandis que des mauvaises herbes se développent à l’intérieur d’un habitacle comme dans une serre. Par endroit, les plaques de tôle du toit reposent directement sur les voitures. C’est de la poésie pure, c’est quasi divin. On touche presque à l’éternel…
– Arrêtez, je vais pleurer, là ! Mais quelle est l’histoire derrière tout ce micmac ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Bien évidemment, c’est la première question que l’on nous pose ! Devant un tel rassemblement, comment ne pas être curieux, et vouloir comprendre comment quelqu’un a-t-il pu réunir autant de voitures ? Et dans quel but ?
– Stop…, c’est fiscal… 25 millions qui sont passés muscade, les gens simples à 1.200 euros/mois vont pas aimer !
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : A chacun son monde… Petit à petit, grâce aux propriétaires, on a retracé l’histoire de la collection Baillon. Les morceaux du puzzle se sont mis en place.
– La collection Baillon était bien connue et documentée, elle avait donné lieu à une grande vente dans les années ’70. Tout le monde pensait que tout avait été vendu. Le fisc avait oublié son existence. Et là, maintenant voilà qu’on a retrouvé une collection perdue ! C’est peu crédible !
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : L’ensemble des camions rouges était emblématique des célèbres Transports Baillon, au milieu du 20ème siècle, cela ne nous a laissé aucun doute.
– Comment cela ? Quel rapport avec le beau coup réalisé ? 25 millions d’euros de voitures poubelles ramenées des culs de basse-fosses du château, pas d’impôts. La commission vendeur ayant été ajustée sous prétexte qu’il y a aussi la commission acheteur… En finale, c’est pas cher pour un coup double… surtout si en sus, l’acquéreur de la Ferrari en a d’autres qu’il va vendre sous prétexte qu’une vaut 16 millions…, le but de l’affaire finalement, ce n’est pas la collection Baillon en tant que telle qui permet aux héritiers de bénéficier de l’oubli fiscal, c’est la Ferrari qui n’a rien coûté, atteint artificiellement 16 millions… et va permettre aux autres de grimper aux sommets… Une organisation Simon Kidston…, avouez !
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Il faut que je vous raconte l’histoire, la vraie, pas votre thèse complotiste, Patrice, voyons ! L’histoire, c’est d’abord celle d’un inventeur génial, un passionné d’automobiles, bien que la collection ait été rassemblée sur plusieurs générations. Jusqu’en 1977, Roger Baillon a une entreprise de transport et de fabrication de camion dans l’ouest de la France. Dès 1947, ce fou de mécanique s’est fait repérer : il expose au Salon de l’Auto de Paris une automobile qu’il a lui-même dessinée : l’Oiseau bleu. Le véhicule est ingénieux, sculptural. Il s’agit d’une voiture d’esthète réalisée dans les règles de l’art.
– Il faut dire que Roger Baillon a fait fortune dans la construction de camions, à un moment où le transport automobile était en pleine expansion, après-guerre.
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Il a le monopole du transport de liquide chimique dangereux grâce à la conception d’une citerne étanche sécurisée. Parallèlement, il présente en 1950 un camion révolutionnaire qui possède la première cabine avancée de l’industrie du transport ! Ce fut émouvant de retrouver dans le jardin de la propriété des vestiges de cette grande époque. C’est justement entre 1955 et 1965 qu’il va rassembler la plus grande partie des modèles de sa collection. Malheureusement, dans les années ’70, il va connaître un revers de fortune et son entreprise va péricliter. Ce qui explique la grande vente de la fin de la décennie.
– Mais pourquoi collectionner des autos-poubelles à une époque ou ce n’était pas encore un moyen de blanchir l’argent noir ?
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Il faut se remettre dans le contexte. Si aujourd’hui les voitures de collection, tout particulièrement les automobiles françaises d’àprès-guerre, s’arrachent en ventes aux enchères, cela n’a pas toujours été le cas. A l’époque, Roger Baillon a sauvé véritablement de la casse nombre de ces voitures. Parmi elles de nombreux monuments !
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Cet homme fut un collectionneur de la première heure. Il voulait célébrer le génie automobile et a achèté une propriété pour construire un musée de l’automobile. Il s’est mis alors à acheter en France, mais aussi en Europe, des modèles emblématiques. Grâce à son entreprise de transport, il a pu facilement acheminer ses trouvailles dans la propriété qu’il avait achetée en 1953 à cette intention. Il acquiert même un petit train qui, dans son projet, devra faire le tour du musée et passer entre les voitures. Quand les véhicules arrivent, il les entrepose simplement, les uns à côté des autres. Il en fait restaurer certaines et laisse les autres dans leurs jus. Il va transmetre cette passion à ses enfants et petits-enfants qui ont continué à être très attachés à cette collection qu’ils ont vue naître et à ces voitures au milieu desquelles ils ont grandi.
– J’imagine que vous êtes allés de découvertes en découvertes quand vous avez débuté l’inventaire ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : 60 voitures, des marques légendaires, en état sortie de grange : c’est irréel ! Si nous avions déjà repéré quelques pépites lors de notre première excursion au milieu des bolides, l’inventaire nous a permis de nous rendre compte de l’ampleur de la collection. Les noms des carrossiers mythiques se succèdaient. Je veux notamment parler des trois Talbot signées par Saoutchik : malgré l’état de conservation, on ne peut que tomber amoureux des lignes de la Talbot Lago T26 Record coupé Saoutchik, l’égale d’une œuvre de Brancusi. Lorsque nous avons appelé l’historien de la marque pour lui dire que nous avions retrouvé cette voiture, il n’y croyait pas ! Passé le coup de l’émotion, il nous a assailli de questions.
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu réunies dans une seule collection autant de voitures exceptionnelles : Bugatti, Hispano-Suiza, Talbot-Lago, Panhard-Levassor, Maserati, Ferrari, Delahaye, Delage… Roger Baillon a sauvé ces voitures et a réussi son œuvre : retracer l’histoire de l’automobile avec ses plus beaux exemples ! Lorsque je vois l’imposante Hispano Suiza H6B cabriolet Million-Guiet, une voiture fabriquée en France, je suis impressionné par le souci du détail et des proportions. Ces hommes étaient de véritables artistes.
Roger Baillon avec une Rolls Royce berline Mulliner de 1953, qui fut vendue 57.000 F (8.690 €uros) aux enchères judiciaires en juin 1979
– Vous en parlez comme de véritables œuvres d’art…
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : Mais c’est le cas ! Ce n’est pas un hasard si Artcurial a un département automobiles de collection. Certaines voitures, tout comme une tableau ou sculpture, sont des œuvres d’art, créées par des artistes ! Au delà de la mécanique, elle retracent l’histoire du design en quelque sorte…
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Je pense que l’on peut ressentir la même émotion devant le trait cubiste de Pablo Picasso, les formes à la fois douces et géométrique de Constantin Brancusi, une bibliothèque par le designer Ron Arad ou les lignes parfaites d’une Ferrari 250 GT SWB California Spider.
– Cinéma… C’est du cinéma ! Parlez moi de cette Ferrari…
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : Ferrari est un nom légendaire pour le monde automobile. Et cette voiture est unique, elle n’a été fabriquée qu’à 37 exemplaires. Elle est extrêmement
rare. Toutes avaient été scrupuleusement répertoriées par les historiens de la marque. On pensait
celle-ci perdue. Nous l’avons retrouvée, enfouie, dans un garage, sous une pile de journaux et de couvertures. Improbable pour une voiture estimée entre 9,5-12 M€ / 12-16 M$. Elle avait pour voisine une autre merveille, une Maserati A6G Gran Sport Frua.
– Retrouvée ! C’est trop gag ! Vous allez bientôt me traiter de négationniste parce que je ne crois pas à votre fable !Certaines voitures ont-elles vraiment des provenances surprenantes, autres que via Simon Kidston ?
– Matthieu Lamoure, directeur d’Artcurial Motorcars : La Ferrari justement ! Lors de l’inventaire, nous nous sommes rendus compte que la voiture avait appartenu à Alain Delon ! Elle avait été achetée neuve par le comédien Gérard Blain qui l’a cédée à l’acteur Alain Delon. Celui-ci a été photographié à plusieurs reprises au volant du bolide : en 1964 avec Jane Fonda sur le tournage du film ‘Les Félins’ et sur la Côte d’Azur avec Shirley Mac Laine.
– Delon a démenti cela… Christian Huet parle d’une seule Ferrari, la même…, même couleur, même intérieur, même plaque, vendue en Allemagne… J’ai également vu la même, toujours la même, même couleur extérieure et le même intérieur, exposée au même salon Rétromobile…
– Pierre Novikoff, spécialiste senior d’Artcurial Motorcars : C’est une théorie du complot ! Toutes les voitures représentaient un vrai intérêt patrimonial et certaines rejoignent actuellement de grandes collections françaises et étrangères, même des musées. Ce qui est incroyable c’est justement l’état de ces automobiles. C’est un témoignage unique. Ce sont les collectionneurs qui ont eu la chance de remporter la plus haute enchère qui décideront quoi faire. C’était une occasion rarissime de s’offrir des œuvres d’art qui étaient inconnues du marché ! Pour la Talbot Lago T26 Grand Sport coupé Saoutchik, dont l’arrière est embouti, je trouve qu’il faut la laisser en l’état. C’est une sculpture. Les voitures sont fragiles. Ce fut un travail technique et de haute précision que de les transporter. Ce fut exactement comme transporter une œuvre d’art. Nous y avons mis autant de soin que si nous faisions voyager la Joconde. Les voitures ont été chargées manuellement pour être placées dans des camions spéciaux, comme de vraies stars, elles ont été prises en photo-studio individuellement, inspectées et répertoriées pour le catalogue de la vente. Voilà, c’est fini, au plaisir de vous revoir, Patrice…
Les manières de “faire” des fortunes sur de tels coups, dépassant l’entendement commun (gag !)…, je ne vais pas ici perdre mon temps à vous les décrire et commenter…, les questions d’argent n’empêchent évidement pas (à dessein)… les protagonistes de s’attacher à l’homme qui aurait tant voulu créer la Collection Baillon aux 250 autos…
Geneviève, la fille, dit de son père qu’il fut : “Un grand Monsieur, très sensible”…, Céline, la petite-fille, voit chez son papy : “Un autodidacte génial, un peu extravagant, qui a vécu et a eu raison vingt ans trop tôt”…
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