La Bugatti Royale Rébus #2 Madagascarade !
Lors d’un show automobile à Gand, Belgique, un exposant Britannique m’a informé que la Bugatti Royale réplica Coupé Napoléon qui avait été construite pour le film Rébus, avec Charlotte Rampling et Christophe Malavoy en vedettes, qui était en exposition au musée allemand de Sinsheim, était maintenant à vendre, par son propriétaire demeurant dans le nord de l’Angleterre, pour 30.000 euros…, mais que son moteur Cadillac V8 était cassé…
Il était venu me raconter cela parce que j’avais, à cette époque, une ‘extraordinaire’ Mercedes SSKL 1927 réplica qui paraissait plus authentique qu’une vraie (elle finira par être vendue via divers intermédiaires à Bernie Ecclestone qui la cèdera fin des années 2000 dans une “auction” à Londres, pour un prix stratosphérique)…
Vous avez lu la partie #1 de cette saga en 4 actes ?
#1 Juin 1987 https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-bugatti-royale-rebus-1-la-replique-352907/
Sinon, allez la lire avant d’attaquer cette suite… qui se situe en mai 1999…
L’occasion de récidiver avec une Bugatti Royale était unique…
J’ai pris note des coordonnées du vendeur… et lui ai téléphoné immédiatement !
Telle que décrite en partie #1, je devins comme fou en l’écoutant me vanter l’état de cette Bugatti réplica… et je me suis engagé, après discussions, sur un prix pour lequel je devais donner un acompte moyennant reçu et convention…
Il me fallait soit réparer le moteur Cadillac, soit pousser le bouchon (de radiateur) plus avant comme l’avait fait Xavier DelaChapelle pour une réplique plastique d’une type 57 Atalante destinée à un client Suisse…, en y installant un moteur Bugatti.
DelaChapelle avait utilisé un faux moteur Bugatti, je n’avais pas envie de virer dans le mesquin ou le pathétique…, il me fallait un vrai moteur Bugatti Royale… et c’était, à mon sens, beaucoup plus simple que tout un chacun pouvait imaginer.
Mon idée, récupérer un moteur Bugatti équipant les autorails-Bugatti…, j’avais lu dans un magazine, qu’un Français affairiste ayant fait fortune dans le porno local (sic !) avait “judicieusement placé la dite fortune (re-sic !) dans l’achat de tous les autorails Bugatti qui pourrissaient à Madagascar…
Une “chose à-la-fois”… rendez-vous fut d’abord pris au Musée de Sinsheim en Allemagne, avec le vendeur de la Bugatti Rébus…
Je m’y suis rendu le week-end suivant…
La voiture était extraordinaire, le vendeur avait l’air affairé, regardant sans cesse autour de lui…, il voulait que je paye direct 30.000 euros sur base de documents photocopiés quasi illisibles (il avait, disait-il, oublié les originaux chez lui dans le nord de l’Angleterre)…
Sur le principe sacré : “l’auto d’une main, l’argent de l’autre”, j’ai refusé…, mais on a quand même signé une pré-convention d’achat de ma part, sous réserve…, en attente de payer un acompte, précisant que dès que j’obtenais l’accord d’un motoriste pour réparer (je n’ai pas osé lui parler de mon projet d’y placer un moteur de Bugatti Royale équipant un autorail-Bugatti), je ferais enlever la voiture par un transporteur avec paiement à la clé…
Etrangement le vendeur voulait quand-même un paiement avant enlèvement à faire sur une banque du Zimbabwe…, j’ai tenu bon…
Ensuite, revenu “at-home”, je me suis mis en quête du vendeur des Michelines-Bugatti de Madagascar… et j’ai fini par le découvrir au sein de la société Madarail…, plus précisément auprès de George Colson président du SNAV… qui, contacté immédiatement par téléphone, me fit un prix de 10.000 euros pour un exemplaire “roulable”…, me garantissant que le moteur était “Royal”…, sans problèmes…
Mon calcul fut rapide, 30.000 pour la voiture, 10.000 pour l’autorail-Bugatti dont seule la mécanique m’intéressait, 5.000 pour le transport, 10.000 pour les frais et le remontage…
Je pouvais dès-lors viser plus haut pour revendre cette réplique Bugatti propulsée par un moteur de Bugatti Royale…
Ettore Bugatti, constructeur automobile passionné par le chemin de fer, avait la conviction que la voie ferrée permettrait d’atteindre couramment les grandes vitesses.
La somptueuse et coûteuse Royale ayant connu un échec commercial, le “patron” et son fils Jean se retrouvèrent avec un puissant moteur 8 cylindres sans emploi.
À une époque où les chemins de fer français étaient demandeurs d’engins légers plus rapides que les trains à vapeur (Michelin avait déjà lancé sa Micheline), Bugatti eut l’idée de construire un autorail hautes performances utilisant ses moteurs de 200 CV.
La Micheline était un autorail léger dont les roues étaient équipées de pneus spéciaux, mis au point par la société Michelin dans les années 1930.
Cette invention, due à André Michelin, qui avait pour objectif d’améliorer le confort des voyageurs, a nécessité la mise au point d’un pneu-rail creux spécial, capable de rouler sur la surface de roulement réduite offerte par “le champignon” du rail.
Le premier autorail-Bugatti destiné au réseau d’État fut livré avant même que l’usine de Molsheim fut reliée au réseau ferré : une voie établie par tronçons, démontés et remontés à la main, fut établie à mesure que l‘autorail avançait, poussé par les ouvriers jusqu’à la gare, distante d’environ 2 km.
Les premiers essais, sur la ligne Paris-Brest, confirmèrent que l’objectif vitesse était atteint, l’autorail-Bugatti poussant une pointe à plus de 170 km/h.
Le prototype mis en service dés l’été 1933, sur la ligne Paris-Trouville-Deauville, fut utilisé par le président Albert Lebrun lorsqu’il se rendit à Cherbourg pour y inaugurer la nouvelle gare maritime…, d’où le nom de “Présidentiel” qui resta attaché à ce modèle d’autorail.
Les divers types d’autorail-Bugatti, qui utilisaient un “super-carburant” de l’époque, étaient originaux à maints égards : aménagés de différentes façons (versions légères, doubles, triples), ils connurent un grand succès sur plusieurs réseaux, dont celui d’Alsace-Lorraine.
Le P.L.M. (Paris-Lyon-Marseille) présenta ses Bugatti doubles comme “Les pur-sangs du rail” dans la brochure publiée lors de leur mise en service.
La pénurie de produits pétroliers entraîna la mise en sommeil des autorails pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle ils furent peu entretenus.
Certains reprirent du service après la Libération, mais sans prestige.
Les derniers autorail-Bugatti “Présidentiels”, en service sur la Côte d’Azur, prirent officiellement leur retraite à la fin des années 1950…, mais en réalité quelques-uns ont circulé jusqu’en 1952 sur les lignes des anciennes compagnies, puis de la SNCF.
A Madagascar, les autorails-Bugatti, tout le monde les avait oubliés, George Colson président du SNAV m’a dit qu’il en restait trois, là où un service de Michelines touristiques était encore en exploitation, rénovées par la société Madarail, 19 personnes pouvaient monter à bord, installées sur des fauteuils en rotin glissant sur le parquet à chaque virage… et quatre exemplaires partiellement détruits servaient aux pièces détachées, dont deux étaient à vendre au plus offrant…, encore équipés de leurs moteurs de Bugatti Royale !
Des Michelines, adaptées pour la voie étroite (écartement des rails inférieur à 1,435 mètre), avaient été mises en service également dans des réseaux coloniaux en Afrique, en Indochine et à Madagascar.
J’ai réservé les 10.000 euros que Georges Colson demandait pour un autorail-Bugatti et dès tout fut “OK”…, disponible et dans ma poche, avec en plus de quoi vivre…, je suis parti, convaincu de gagner gros…
D’où me venait cette attirance pour les pays pourris, ces endroits maudits de la planète ?
Au commencement de cette aventure, quand j’étais à moisir chez moi en Europe du nord, rien ne me disait que j’allais risquer ma carcasse dans une quelconque traversée d’une terre inconnue.
Pourquoi vivre au milieux de populations analphabètes et hostiles, sans sécurité et avec une instabilité politique constante, avec des flics corrompus et complices de blancs véreux et sournois ?
Sans doute par auto-punition !
Baiser le touriste c’est le sport national des pays moins riches qui aspirent à le devenir… et les doux rêveurs sont des proies, les pigeons de service.
La condition d’amoureux transi des mâles occidentaux…, les peuples d’ailleurs ils s’en f…, seuls les intéressent les euros et/ou les dollars que trimbalent les gogos !
Dans ces ailleurs, tout est sale, rien n’est fini, les gens sont mal fringués et ils s’en f…, ils urinent partout, crachent, balancent les ordures où on ne peux même pas imaginer…, ils défèquent sur les plages, bossent mollement pour un euro/jour, n’ont pas de couverture sociale, sont morts depuis longtemps à l’âge ou les trentenaires occidentaux commencent à rêver à leur retraite lointaine…, les enfants décèdent par milliers chaque année, des régions entières n’ont pas d’assainissement, pas d’eau courante, pas d’électricité…, la médecine empirique est trop chère pour la population…
Toutes choses que les touristes organisés en charters bon-marchés “all-in” ne verront jamais puisqu’ils se parquent dans des hôtels et clubs barricadés… étanches à toutes les réalités !
Après avoir passé trop de temps à bouffer des merdes surgelées achetées très cher dans les super marchés européens… et à m’intéresser à des bagnoles dites “de collection” achetées et/ou vendues à des particuliers débiles collectionneurs de baratins inutiles…, j’avais au fond de moi un ras-le-bol de certaines gens et de toutes les convenances.
Ayant tellement entendu parler de fabuleux pays lointains, riches de paysages et de cultures si réputées pour leur hospitalité chaleureuse, j’étais tout heureux de partir en quête de ce mythique moteur Bugatti….
J’ai atterri à Madagascar, quasi le bout du monde… et fut immédiatement déçu que la terre était ronde… en sorte qu’en voyageant trop loin, on finissait par revenir au point de départ…
Mais, avant d’en arriver là, j’étais ici… et s’il était vrai que ce que j’avais entendu se confirmait, c’était “jackpot”… et en attente, ce que je découvrais de Madagascar émerveillait malgré-tout chacun de mes sens, surtout dans cette toute petite ville.
Il n’y avait pas de route en bitume qui reliait ce bled à un autre…, j’ai acheté un ticket de bus vers le village de mon rendez-vous… et me suis laissé aller…
Des paysages magnifiques me firent presque oublier les douleurs que me procurait l’abominable Berliet des années ’50, un camion transformé en transport de personnes, avec de grandes fenêtres aux rebords légèrement acérés, sans vitres…
J’ai tout oublié, tout du moins les 6 premières heures car je dois avouer que les 3 restantes ont été particulièrement douloureuses, entre les caisses au sol qui m’empêchaient d’avoir les pieds à plat, les deux places du petit banc que je partageais avec trois indigènes…, sans oublier un petit morceau de ferraille qui dépassait du dossier devant moi et qui me rentrait dans le genou en faisant une petite marque, à vie…, sans compter les gens qui étaient malades et qui se soulageaient dans l’allée centrale…, puis qui mangeaient de l’ail cru pour ne plus être malade… pour finir par vomir leurs tripes tout en s’excusant de leur diarrhée…
A l’arrivée, j’ai repéré une gare qui me semblait désaffectée et qui était l’endroit de mon rendez-vous pour le lendemain 11h…
La douche fut un plaisir si intense que j’ai pu apprécier à sa juste valeur l’hôtel dans lequel j’avais débarqué.
Un hôtel vétuste, grouillant de cafards…
Il y avait toutefois une petite lampe de couleur rouge au dessus du lit, le parfait hôtel de passe.
Je me suis rendu compte par la suite que c’était le cas de tous les établissements du coin…
Il faisait très chaud… et j’étais seul au monde, au bout du monde…
Le lendemain, 11h, face à la gare, j’ai rencontré George Colson président du SNAV et Christine Baal, sa vice-présidente, devant la Micheline ZM 517…
Georges Colson m’a de suite dit :
– “La capitale Antananarivo est le point de départ de toutes les routes nationales qui traversent le pays de nord en sud, d’Est en Ouest. Pour se déplacer dans ce pays à la signalétique improbable, plusieurs solutions : les taxis-brousse qui partent on ne sait quand et risquent de laisser leurs passagers au milieu de nulle part…, je vous conseille, les voitures avec chauffeur-guide ou alors j’ai un ami qui vend une Land-Rover. Mais pour qui veut mettre cap sur l’est de Tana…, ma légendaire Micheline ZM 517 vous propose ses services”…
Et c’est vrai qu’avec sa gueule d’autobus roulant sur rail via des pneus en caoutchouc imaginés par André Michelin dans les années ’30, le bestiau avait belle allure…
Sauf que…
Lorsque le préposé eut actionné le démarreur, c’est un atroce bruit de moteur diesel que j’ai entendu… et pas le bruit voluptueux ronronnement du fabuleux 8 cylindres en ligne de plus de 12.000cc…
– “C’est pas un bruit de moteur Bugatti, ça !”…
– “Si, si, c’est un autorail Michelin de Bugatti”…
– “Possible, mais vous m’aviez dit par téléphone que vos autorails à vendre étaient équipés de moteurs Bugatti”…
– “Si, si, c’est Bugatti de Michelin, bon moteur”…
– “M’enfin, je viens de France exprès pour vous acheter un autorail Bugatti, pas un autorail équipé d’un diesel Saviem. De plus, les Micheline’s ne sont pas des autorails-Bugatti”…
– “Bugatti, si, si, très bon moteur pour autorail…, très rapide. Mes Micheline’s de Madagascar mettent trois heures et demi pour franchir les 148 kilomètres qui séparent la capitale de la petite ville d’Andasibe aux portes de l’une des grandes forêts primaires du pays. A bord, pour assurer la bonne conduite il faut un conducteur, deux mécaniciens car les pneus pourraient crever, un électricien et deux hôtesses très ouvertes au sexe qui assurent le service avec panier repas et boissons. Sur demande des musiciens peuvent accompagner les visiteurs. C’est un vrai travail d’équipe. La voie gravit des dénivelés surprenants pour ensuite longer des rizières en terrasse, passer dans les villages des hauts plateaux, traverser la forêt primaire orientale. Et si vous comptez, vous dénombrerez 17 gares, 6 ponts, 17 tunnels… Départ régulier de Tana une fois par semaine, le samedi de la gare de Soarano à destination d’Antisarebe ou Andasibe”….
– “N’empêche que ce n’est pas un moteur Bugatti”…
– “Mes Micheline’s sont originales Bugatti, si vous changez d’avis, vous m’avez fait perdre du temps, je vous salue”…
Et il m’a planté là, partant bras-dessus, bras-dessous avec sa secrétaire…
Rien à f… d’autre, ici, que se lever tard le matin, se promener la journée en attendant le soir pour aller au seul lupanar incontestable de cet endroit : le bar LeGlacier, une boîte de nuit…, son ambiance y est surchauffée, la salle est bondée en permanence de très belles filles, femmes et transsexuelles, accrochées par deux ou plus à vos bras, gage d’après-midi et/ou soirées délirantes…
Je crois poser ici un acte de patriotisme en cherchant à éclairer le nombre infini d’étrangers que la fête a amené dans cet endroit et que l’amour de la liberté y attire tous les jours.
Oui, je me dois de vous indiquer un genre d’abus dont, tous les jours, les touristes mâles peuvent être les victimes.
Ces commerçantes de Cythère voulant s’élever sur les ruines du commerce local, ont voulu pousser au plus haut prix des faveurs dont auparavant un prix très ordinaire laissaient heureux les paisibles branleurs.
Ces filles seules, mettent ainsi un obstacle au cours naturel des choses, les bourses étant devenues l’objet de leur vorace cupidité.
C’est pour ménager les vôtres utilement que je vais mettre, sous vos yeux de futur public abusé, le tarif exact et les prestations que les trois prêtresses de Vénus de ce club, mettent ordinairement comme prix à leurs charmes.
Le renchérissement de cette denrée est d’autant plus répréhensible que plusieurs de ces citoyennes actives se le permettent dix ou douze fois par jour…
– Patricia de Fianarantsoa : en permanence au bar LeGlacier le vendredi et le lundi. Cette vénus noire, pulpeuse, grande avec une poitrine opulente eut subjugué Baudelaire et rappelle Jeanne Duval. Ne pas manquer cette opportunité, d’autant plus qu’une femme de grande taille est une aubaine dans ce pays. Elle demande 50 euros mais en vaut largement le double. Infatigable. Prévoir des stimulants.
– Tina de Tulear : en permanence, elle aussi, tous les jours au bar LeGlacier. Tous le monde connaît l’histoire tragique de cette fille vendue à un diplomate alors qu’elle était âgée de 16 ans. Un an plus tard, le diplomate fut nommé en Thaïlande et l’abandonna ici à Madagascar. Elle embrassa la profession, seule planche de salut pour une fille pauvre dans la région de Tulear. Elle avait coutume lorsqu’elle entrait à l’hôtel Plazza, de taper à toutes les portes des chambres du premier étage. Puis quand elle les avait épongé, elle attaquait le second. C’est une expérience pour 25 euros pour une heure. Notez qu’elle apporte des copines.
– FajiraFajira : en quasi permanence, également au bar LeGlacier. Elle aime faire marcher la planche à billets, 30 euros l’heure. Prévoir du cash supplémentaire car elle vous facturera le moindre petit extra ! Elle possède une calculatrice à la place du cœur.
A Madagascar, le mot discothèque possède un sens tout a fait différent de sa variante européenne.
Les discothèques de Madagascar, cher touriste, s’il y a un seul endroit qu’il te faut impérativement visiter avant de rentrer sur tes terres glaciales, autant que ce soit une discothèque.
De la pouffe à bas prix, à la pétroleuse, en passant par les bombes,… toutes te raviront, t’émerveilleront, te feront voir les milles et une nuits, c’est le paradis de la greluche !
Il suffit de zoner du côté de Tsara Lalana en fin d’après-midi, toutes cherchent l’Homme.
Elles sont là à attendre, folâtrant du fessier…, j’ai été littéralement kidnappé par deux filles, l’une fessue qui me roulait des pelles, l’autre moins téméraire qui me caressait les couilles…, leur petit copain armé d’un sabre était planqué dans une rue adjacente…, j’ai eu la chance de comprendre avant de tourner dans la ruelle…
Les bars à entraineuses minables, les quartiers interlopes, les fréquentations douteuses, sont le milieu naturel dans lequel tout baroudeur évolue.
Depuis 40 ans et plus que je parcours le monde, j’ai une certaine expérience et le sens des réalités… de même que la capacité de plus ou moins deviner les mauvais plans dans lesquels on voudrait me voir mijoter !
Vous n’y survivriez pas dix minutes, alors qu’un baroudeur nage dans la merde comme un poisson dans l’eau, s’épanouit dans le stupre avec des coquines et galantines, il se fortifie même dans les boues noires des villes pauvres.
Le prince des bas-fonds survole l’arnaque et la filouterie
Ah! qui n’aurait sourit comme moi de voir sur un fond musical de musique africaine, ces jeunes filles brunes dansantes et fêtardes, me saluant d’un air joyeux.
A la discothèque Indra, à peine suis-je entré qu’elles sont apparues devant moi, dansant comme les sorcières de Macbeth autour de leur chaudière, mais alléchantes, frémissantes, délicieuses !
Il y en avait pour tous les goûts, pour toutes les bourses.
Certaines me faisaient des prix pour deux.
J’y ai trouvé la Merina des hauts plateaux avec sa bouille ronde, ses longs cheveux noirs, ses joues gonflées.
J’y ai trouvé diverses côtières de Morondava, de Tulear, toujours excitées et frémissantes…
J’y ai trouvé la fameuse Sakalava de Majunga, à la peau claire avec ses petites nattes tressées qu’elle enroule autour du pénis de ses victimes consentantes…
J’y ai trouvé la fille de Diego, grande à la peau noire comme du réglisse, plantureuse, qui avait quitté ses savanes surchauffée pour venir danser à Tana.
Tout cela dans un bouillonnement de bruits et de lumières qui faisait penser aux orgies des Borgia.
J’ai savouré ces heures fécondes avec ces tordeuses de hanches et de couilles !
Pour tout Parisien qui a longtemps moisi dans son fauteuil, c’est ici un peu comme être reçu au Crazy Horse Saloon et être entouré par tout un sérail de jolies filles esseulées…, une espérance, de visions accumulées depuis tant d’années,… de désirs refoulés.
Dès l’entrée des bars et discothèques de Madagascar, un panneau évocateur indique “Interdit à tout ceux qui n’ont pas d’argent”.
Cela rassure et fait rire…, car à Madagascar, n’importe quel fauché franchouillard y est un nanti, un privilégié qui peut se taper des souris tous les soirs !
Mais il ne faut pas faire la fine bouche, car un parfum de mauvais lieu y règne : toilettes sordides qu’on aperçoit dés l’entrée (en fait des latrines où les filles vont pisser)… et on les aperçoit en train de rajuster leur string à la sortie.
Comme c’est romantique !
Les filles sont toutes très belles et sexy, mais je sais que ce sont des femmes tondeuses de “Vazahas” (de touristes), des autos-entrepreneuriales du sexe.
Pour ma part (de conneries), un soir, je me suis barré, fatigué, mais c’était trop tard.
J’ai foncé direct comme un missile, car dès qu’il s’agit d’une galère où s’embourber, je ne peux pas résister !
Un essaim de filles aux aguets, tapies derrière les murailles me guettaient et m’ont sauté dessus en poussant des cris, comme si on avait jeté de la nourriture à des piranhas qui n’avaient pas mangé depuis longtemps.
– “Je l’ai vu le premier”.
– “Non il est à moi”.
– “Il m’a souri”.
– “Sabotage, sabotage, c’est mon mien”.
Pourquoi n’étais-je pas rentré à l’hôtel ?
Attrait du danger ?
Suicide inconscient ?
Témérité ?
Paresse ?
C’était trop fatigant de lutter contre la tentation et j’étais tellement submergé de plaisir en me laissant accaparer par cet essaim de danseuses acrobatiques qui se trémoussaient comme pour danser le Sabbat.
Les filles de l’Indra me faisaient l’effet d’un panier de crabes.
Paris me paraissait loin, les discothèques de Paris sont une arnaque pour vieillards chastes.
Je n’ai pas résisté longtemps à l’assaut : chairs dénudées, poitrines saillantes, fesses comme des harpons, sourires aguichants, peaux soyeuses, cuisses fuselées.
De plus elles ne parlaient pas le français, les seuls mots qu’elles avaient appris étaient : “J’ai envie de faire l’amour” !
Telles étaient leurs uniques paroles .
Peut-on encore parler de barrière de la langue ?
C’est en sortant de la banque, le lendemain, sans avoir pu faire de change, qu’un loustic hirsute est arrivé derrière moi.
Il était à la banque, m’avait entendu raconter mon aventure concernant les Autorails-Bugatti et avait vu que je n’avais pas pu changer mes euros dans la monnaie locale parce que le préposé ne me connaissait pas plus que je ne l’avais jamais vu…
C’était un français d’une quarantaine d ‘année, grand, costaud, au regard vif et inquiétant, habillé tout en bleu !
– Je sais ou se trouvent les quatre Michelines désaffectées, moyennant une récompense je pourrais vous en fournir une… et vous la livrer dans un hangar…
– Et comment je vais faire pour l’envoyer légalement en France ?
– C’est pas mes oignons, faites comme tout le monde ici, démerdez-vous… Je viens vous chercher à votre hôtel cet après-midi 15h…, soyez précis, je n’ai pas que ça à f…
C’était un drôle de personnage qui connaissait bien le coin…
A l’heure de notre rencard un indigène s’est approché de moi et m’a précisé que le rendez vous devait s’effectuer de l’autre coté du village… et il m’a emmené dans une paillasse…
Il m’a alors montré avec fierté un sac de rubis, d’émeraudes et de saphirs en me proposant un deal hallucinant…
Ses joyaux n’étaient que des merdes sans valeur, c’était un escroc, il connaissait bien le domaine, il en faisait le business.
Voyant le peu d’intérêt que je portais aux fausses pierres il se mit à me parler d’un projet de mine de rubis dans le grand sud.
Il avait un plan, reçu d’un sorcier qui possédait soi-disant un périmètre minier juteux qui était à vendre pour exactement ce que j’avais dans mon portefeuille…
– Rien à cirer de vos histoires, je suis ici pour les Autorails-Bugatti, j’avais rendez-vous à 15h et vous m’avez fait perdre un temps fou, amenez-moi illico auprès du Français qui vous a envoyé…
Une heure en autorail-Michelin blanc sous 50° à l’ombre, absorbé par des paysages extraordinaires en pensant à cette histoire de mine et aux Autorails-Bugatti…, pour arriver dans un autre village perdu, face à un hangar sordide !
Imaginez la suite…
A l’arrivée il m’a paru évident qu’il n’y avait qu’une seule chose à faire !
Oui, mais quelle chose à faire ?
En Europe, à Paris, à Bruxelles, presque partout je suis accueilli avec le sourire.
J’entre dans les bars rien que pour voir la gueule d’un copain, de connaître l’indicible plaisir naïf d’entrer dans un café familier, de serrer la main des cons, de dire du ton le plus tranquille : Comment allez-vous ?… alors que je m’en tape royalement…
Jouer à l’innocent personnage qu’une absence d’un an ou deux laisse indifférent…, est un plaisir fugace, car quelques minutes après, une personne me raconte sa vie… et une heure après tout les gens me confient quels aventureux avatars ils ont réalisés dans le quotidien de leur vie… et après deux heures ils sont tous prêts à recommencer leurs récits, car étant un sérieux auditeur, j’ai droit aux détails, à la récolte des expériences accumulées, jamais inutiles.
Mais je suis loin de tout ça, ici, loin de tout, n’importe-ou, je suis n’importe qui…
Pas besoin de guide pour découvrir une terre étrangère.
Je prétend qu’un homme ordinaire, mais qui sait voir, entendre, renifler, se servir de ses appareils sensoriels comme d’antennes démesurées, peut encore de nos jours rester embarrassé, ahuri, stupéfait, muet d’étonnement, incapable de commentaires, écarquiller un œil, n’en plus dormir, se précipiter sur ses amis pour leur faire part de ses découvertes, les y entrainer, leur faire reprendre pied.
Mais ici…
Qui donc que quoi ?
– 20.000 euros, mais elle ne marche pas…
Le Français était dans le hangar, cette bâtisse délabrée semblait fermée coté route, l’arrière était ouvert à tous les vents… et là, se trouvait une Micheline d’un rouge passé…
– Elle roule au moins ?
– J’ai pas le temps de plaisanter, donnez-moi 20.000 et démerdez-vous pour l’emmener loin d’ici !
– Je vais quand même examiner cette merveille…, je suis septique, votre Micheline n’a même pas des roues Michelin…, c’est bizarre, non ?
– Mais non, tout est normal… C’est 100% d’origine… Faites vite !
Ça puait l’arnaque, le genre à pourrir 20 ans dans une prison locale pour avoir volé une œuvre d’art du patrimoine local…
Je me suis hissé dans la Micheline, me suis précipité dans le compartiment moteur afin de voir, enfin, le fabuleux moteur Bugatti qui allait me permettre d’acheter un pied-à-terre à Cap-d’Ail, côte d’azur…
Et…
Rien…
Vide…
Le salaud…
J’ai parcouru la Micheline au cas ou le moteur aurait été positionné ailleurs…
Rien !
Je suis redescendu et me suis planté, menaçant, devant le Français…
– Il n’y a pas de moteur dans ce bastringue, ça ne m’intéresse pas…
– Ouaissss, ok, tant pis pour vous…, mais peut-être que vous seriez intéressé par une Land-Rover, ce serait plus pratique pour vous… Regardez, elle est là. En prime elle a un treuil, c’est pratique si vous allez en brousse…
– Combien ?
– 1.000 euros cash.
J’ai payé sans discuter, j’avais envie d’avoir la paix et de profiter que j’étais ici pour visiter.
– Ramenez-nous quand même près de votre hôtel…
– Normal, si vous faites le plein…
Après une semaine, j’étais comme un poisson dans l’eau, ayant pris tous les tics, habitudes, manies, vices, allures des indigènes… et arpenté le bled en tous sens, finissant par le connaitre comme ma poche (mais y faisant tous les jours des découvertes), ma naïve satisfaction étant d’écrire cet article que je voudrais être un documentaire sincère et complet sur ce qu’il y a de plus beau, de plus vivant, de plus merveilleux… de me retrouver ici, à l’état naturel, au milieu de personnages extraordinaires qui y vivent miraculeusement.
Ma connaissance du pays, je l’ai donc faite via les filles locales, qui, en m’entrainant chez elles, m’ont organisé un circuit touristique organisé et l’avantage de sauter le guide à destination.
Je veux parler de ces bas quartiers où la vie est animale, dangereuse, cachée, de ce terre-à-terre exemplaire où règnent la loi de la jungle et le “démerdage”, où pleuvent les miracles…, tant de choses vues, entendues, devinées, pénibles et dangereuses.
Une pharmacienne de Tulear à qui j’ai raconté que je voulais apprendre le Malgache m’a présenté ses deux filles…, qui s’étaient mis pour l’occasion du rouge à lèvre épais et criard, avaient enfilé des chaussures en plastique et étaient accourues…
C’étaient de bien braves filles sans une seule idée en tête, merveilleusement naïve et ignorantes.
Tout les étonnait, elles s’émerveillaient de tout, de mon téléphone, de ma tenue de baroudeur acheté au Vieux Campeur, de ma montre U-Boat.
Elles se mirent à parler cuisine…, c’étaient d’excellentes ménagères.
Pour ces gens, Paris c’était la ville prestigieuse qui ne pouvait être peuplée que d’êtres légendaires, une ville où le champagne coulait dans les fontaines, une ville où l’on vous donnait de l’argent pour que vous puissiez vider les magasins pléthoriques de leurs articles.
Probablement, ces deux nanas entraient dans les calculs passionnés de la pharmacienne…, dans son esprit elles étaient un bon moyen de me lier à son business de nanas.
Paris, ce mot magique qui faisait s’enflammer les imaginations des Malgaches sans chaussure de Tulear.
Avec ses cafés plein de français hospitaliers qui vous ouvraient les bras, vous donnaient la main et partaient festoyer en haut de la tour Eiffel.
Paris, la terre promise du Malgache, ces tables recouvertes de fruits, de fromages, de viandes, de montagne de saucisses aux légumes.
Je venais de Paris, objet d’exotisme et d’émerveillement… et dans l’esprit local, je devais ramener à Paris une des filles de la pharmacienne.
Je n’osais décevoir ces âmes naïves en leur décrivant les bureaux des restos du cœur et du Samu social, les files d’attentes avec les assistantes sociales rebutantes, les huissiers et les inspecteurs des Impôts.
L’imagination, c’est leur coffre-fort, et elles sont suffisamment fortes pour s’entourer de dupes crédules et s’inventer une biographie complète.
Qui pourrait faire des recherches en Europe sur ce qu’il adviendrait d’elles là-bas, à partir de ce trou paumé où l’on peinait déjà suffisamment pour obtenir un mince filet d’eau courante, ce qui demande de se lever à 4h00 du matin.
La nuit les escaliers étaient dangereux, car fréquentés par des bandits.
Le village était bâti sur des collines, il était quasi inaccessible, même en 4X4… et il fallait constamment ou monter ou bien descendre pour aller chercher des boissons, des chips et autres choses… et les ramener à l’hôtel.
Les truands avaient l’habitude de faire trébucher leurs victimes préalablement repérées par leurs innombrables guetteurs (putes, mendiants, pickpockets, vendeurs à la sauvette), de les assommer en cognant leur tête sur les pierres des escaliers… puis de les dépouiller intégralement.
Qu’est ce que l’Aventure ?
Un formidable jeu où le danger de se tromper ne se présente généralement qu’une seule fois !
Après deux semaines de vacances…, de pistes de sable et de boue, de calvaire… , de chaleurs diversement insupportables… et d’insectes…, je rêvais d’une eau limpide, d’un lagon à Bora Bora, d’un lieu immaculé, somptueux où se déroulerait la vie immuable des pêcheurs.
Comme Mowgli, adopté par les bêtes de la jungle, j’y serais recueilli et adopté par des déesses à la taille fine, aux jambes fuselées et aux gros seins légèrement pendouillant…
Pas comme en Europe où les femmes blanches mènent la danse, s’habillent comme des putes et font la loi à des mecs plus brillants qu’elles : elles ont de la chance là-bas…
Ici, elles seraient soit violées, soit vraiment putes.
Ici la vie d’une femme, la vie humaine tout court, ne vaut rien.
La vie au village s’écoule lentement, tout le monde vit au rythme nonchalant de la brousse… et le sorcier local m’emmène chaque matin cueillir des herbes et des écorces qui sont les médicaments locaux.
Il en existe pour chaque maladie.
Ces forçats sont acquis à des peines perpétuelles, leur bonheur inespéré et leur luxe est de ne pas se sentir tenaillés par la faim, d’avoir le ventre plein.
Lorsque je suis invité dans une de leur masure, des posters décorent les parois de leur taudis.
Des Murillos ?
Des Van Gogh ?
Des Delacroix ?
Des Fragonards ou des Poussins ?
Rien de tout cela !
Des représentations colorées de chapelets de saucisses, des montagnes de fromages dégoulinants, des miches de pains hypertrophiées, des fraises, des tartes à la crème et des gigots.
Ces maigres créatures ne conçoivent l’abondance que sur papier glacé, pour eux, l’Eldorado c’est une boulangerie.
Pour leur loisir du Dimanche, ils déambulent sans avoir de quoi se payer un moyen de transport, même à un coût modique, ni même une paire de chaussures…, une vie quotidienne âpre et dure, si loin des yeux de l’Occident et de ses gaspillages effrénés, de son fanatisme pour les divinités du superflu !
On y croise tous les ingrédients du décor du roman d’aventures : une zone de non-droit qui permet à une poignée d’aventuriers faméliques de survivre, la pauvreté, une nature toute puissante, des grands horizons de western, des blancs piégés par l’alcool et les femmes…
Que représentent elles ?
Il y a eu le quotidien en terre hostile (les shows d’automobiles de collection) où la nature inhumaine toute puissante ne fait qu’une bouchée de l’existence humaine.
Qu’est-ce qui a compté, dans les années de ma vie dont est nourri ce site, en comparaison d’ici ?
Il y a eu l’Aventure, non pas l’aventure chimérique des DVD, des voyages organisés et des charters mais la confrontation avec moi-même face au néant et à l’absurdité de la vie dans les conditions extrêmes du jeu fiscal et judiciaire.
Et qu’est-ce qu’il y a ici en comparaison ?
Des recasés dont l’Occident se débarrasse !
Ils sont rejetés par leur pays et leur ambassade refuse de les secourir.
Leur patrie est partout, leur pays c’est l’endroit où ils accrochent leur chapeau.
L’homme intelligent c’est celui qui sait nouer de bons contacts avec les populations locales et s’intégrer dans tous les milieux, pêcheurs, chauffeurs de taxi, citadins, autorités… et arrive toujours à extraire de l’or même dans les poches les plus vides.
Leur âme ne les intéresse pas, ils jouent leur vie au volant de leurs 4×4, sur la piste, dans des hôtels de passes ou les repaires de Blancs… et leur arme c’est leur lucidité, leur rire séducteur, leur mépris du danger.
Qu’on ne cherche pas dans cet article, cette exactitude géographique qui n’est jamais qu’un leurre : par exemple, cet endroit n’existe plus, je l’ai dynamité à la fin de l’histoire…
La seule chose qui existe dans tous les pays, c’est la mort et elle est internationale.
Nous le savons bien et nous savons aussi qu’elle n’est pas la même pour chacun de ces hommes.
Que ce soit à Paris, où bien en Afrique, en Amérique du sud ou ailleurs, n’importe ou, comme ici, le chômeur au bout du rouleau qui n’en peut plus, parce qu’il ne peut plus payer son loyer, parce qu’il n’a plus ni chéquier, ni téléphone, ni ami…, l’aventurier qui va mourir de soif et de faim parce que sa Jeep est plantée dans les sables du désert ou dans la boue de la brousse…, quel que soit le coin du globe où l’on se trouve…, l’enjeu est le même : ne pas crever, avancer pour s’en sortir, coûte que coûte et même s’il le faut, en écrasant les autres.
Telle est la vie sur les chemins ardus de la misère.
Telle est la vie dans les pays pauvres !
Beaucoup des gens que j’ai aimés ici ne sont plus là pour en témoigner.
Ils étaient jeunes, intelligents, pleins de sève, ils étaient plein de qualités et méritaient peut être plus que moi de survivre.
J’ai écrit cet article pour laisser une trace de leur bref passage dans ce monde de larmes et de souffrances, le monde des combattants de la misère !
Ceux qui sont nés dans la soie ne peuvent pas comprendre ce qui pousse des gars qui n’ont plus rien à perdre à plaquer leur pays, leur confort , leur sécurité pour aller exposer leur carcasses dans des lieux à la saleté repoussante, grouillant de cafards, aux contacts des populations hostiles sous un soleil mortel, eux même ne se l’expliquent pas.
Ils sont nés comme cela, ils n’y peuvent rien.
On leur donnerait le confort, la sécurité, le luxe, ils choisiraient encore l’Inconnu.
Ils sont comme vous peut être…
Quand on est au RMI, on n’a pas le choix.
Les rats commençaient leur ronde nocturne peuplée de cris, cancrelats, du dernier-né minuscule à la vieille grand-mère large comme une cuillère à soupe… et les moustiques de la taille d’une libellule débutaient leurs attaques.
Je venais encore une fois d’arriver à l’hôtel, le défilé habituel d’occupants des cases de brousses ou de bungalow d’hôtels bon marchés venait de démarrer et me laissait indifférent : j’y étais habitué.
Tous sortaient de toutes les fentes imaginables et les puces exultaient à l’idée de ce nouveau plaisir raffiné : un plateau-repas copieux, de la viande fraîche servie à domicile.
C’était vers la fin ou j’étais ici !
Un évènement a alors marqué ma nouvelle vie…, j’ai rencontré un Belge qui a débarqué avec une carte bancaire non approvisionnée, du bagout, de l’imagination… et un lot de téléphones portables Motorola d’occasion qui ne valaient rien en Europe… qu’il avait récupéré dans une décharge.
Les téléphones portables étaient encore une nouveauté ici.
Motorola une marque à la mode, c’était de l’or.
Ainsi, sans un sou, il a commencé…
Il n’avait qu’une mansarde à Schaerbeek/Bruxelles, sale et austère comme une cellule de prison.
Avec une précision d’astronome, ce Belge bon teint, surnommé Le-Mythomane, m’a englué dans ses fables… mais je n’ai pas marché.
Sa technique consistait à endormir ses victimes en les noyant sous ses récits fictifs, des détails réalistes d’une précision diabolique, mais qui, insidieusement devenaient faux…
Tous ces incasables venaient refaire leur vie ici en s’imaginant que ce serait plus facile, que les entreprises qu’ils avaient ratées sur leur lieu de naissance prospéreraient miraculeusement à l’étranger !
Des mythomanes, il y en avait un certain paquet dans ce bled où il était facile de s’inventer une biographie, toujours flatteuse, ils n’aimaient pas se faire de la publicité comme quoi ils avaient au moins deux années de taule derrière-eux, un divorce et/ou une faillite frauduleuse en Europe.
Un jour, une fille lui parla de la maison de ses rêves située en plein centre de je ne sais plus quel bidonville, un cloaque puant, avec poules, bourbiers et moustiques, cafards à gogos, où je n’aurais pas mis les pieds pour tout l’or du monde…, mais lui, ne pouvant plus retourner en Belgique qu’il avait fui, ce taudis pourri devint le Jardin des Hespérides pour son jeune couple (jeune, surtout elle…).
Très vite, il découvrit que la fille n’était pas blanchisseuse comme elle le prétendait mais qu’elle faisait des passes.
Bon cette fille ne sortait pas d’un couvent.
Je me rappelle, dès que le quartier a senti sa présence, cela a créé une effervescence.
Des revendeuses de fruits de mer venaient lui proposer en priorité des fruits de mer, tous excellents : délicieuses langoustes, crevettes et poissons.
– “Les femmes ici, sont très différentes des femmes blanches et même n’ont rien de commun. Elles ont du caractère, une agressivité toute virile dans la manière de parler, de se comporter, d’affronter les autres… qui ressemble à un défi, surtout avec les hommes. Mais sans être castratrices comme des Européennes, car elles ont compris la puissance de leur féminité alors qu’une blanche en essayant de rivaliser avec l’homme, en prenant le pouvoir sur lui, se ridiculise, se dénature et pour finir s’anéantit”… me disait-il !
Il n’avait plus ni attache, ni boulot, il était un être à la dérive.
Que cette fille, s’attache à lui, il n’y croyait pas trop.
Mais après tout, il était désespéré.
Il y en a, c’est l’alcool, la drogue, lui, c’était Angela.
Angela dans toute sa splendeur sulfureuse, la fille damnée des bas-fonds qu’il fallait attacher pour qu’elle jouisse, la prêtresse du Bdsm local au curriculum-vitae jalonné d’arnaques et de petits larcins.
La fille étalait avec un luxe complaisant devant un flic affamé de détails, la litanie des sévices sexuels qu’elle prétendait avoir vécu avec “Le-Mythomane”, le Belge.
– “Il m’a tiré les cheveux, il m’a forcé à me mettre à genoux, il m’a donné une gifle. Puis il m’a traité de salope”…
Elle se disait victime d’humiliations inénarrables avec toute la charge érotique que cela pouvait représenter.
Cette fille était une Pro qui le chargeait un maximum devant le flic afin de le racketter.
Le flic n’arrêtait pas de baver devant les récits de cette salope.
Elle était déchainée, rien ne semblait vouloir l’arrêter :
– “Ensuite il a appelé tous ses copains. Ils étaient six, dont le grand balèze, là, lui.. (en me pointant du doigt). Il me tenait les cuisses”…continuait-elle…etc.etc…
Elle débitait cette liste d’une voix monotone, une longue énumération récitée sur un ton monocorde, avec résignation, une victime soumise et résignée !
Cette garce avait le toupet de se poser en victime de sévices sexuels plus ou moins imaginaires, ou à tous le moins exagérés.
Quantité de filles se font volontairement violer, même en Europe, puis vont raconter dans tous les commissariats leurs sévices…, c’est une maladie chez certaines femmes, une maladie dangereuse car elle conduit des hommes innocents en prison.
Si les hommes faisaient pareil, personne ne les prendrait au sérieux.
Mais les femmes violées sont crédibles, surtout si elles ont des relations sexuelles avec le policier qui interroge…
Il est très difficile de violer une femme si elle ne le veut pas…, et le pire dans tout cela c’est que ce con de Belge l’aimait.
Il avait envie de la prendre dans ses bras et de l’embrasser devant le flic en lui disant :
– “Ma Chérie, j’ai envie de toi”…
Le flic en bavait, demandait des détails prenait des notes.
Il semblait calculer combien les inventions littéraire d’Angela allaient lui rapporter : une nouvelle salle de bain, un carrelage à refaire :
– “Et donc il vous a attaché et accroché à son treuil. Il se servait de la télécommande de la Land-Rover de son ami ici présent (moi qui écrit tout ceci !) pour vous monter et vous descendre ? C’est bien cela Mademoiselle ?”…
– “Mais enfin, cette fille fabule totalement ! a hurlé le Belge, je n’ai pas fait un dixième de ce quelle prétend ! Elle ment !”…
Puis le flic s’est tourné vers moi, menaçant ! :
– “C’est vous qui avez fourni le treuil qui a servi à hisser cette pauvre femme au dessus de la mini-piscine-jacuzzi, c’est une honte… Vous auriez au moins pu l’honorer !’…
Courroucé, le flic s’est adressé à lui :
– “Taisez vous ! La façon dont vous avez traité cette fille est scandaleuse ! Vous venez d’un pays civilisé, vous êtes censé donner l’exemple. Au lieu de cela vous introduisez dans ce pays des notions de barbarie qui n’ont pas lieu d’être. Si je vous avais trouvé tout à l’heure quand vous vous êtes enfuis en pirogue sur la plage, je vous aurai fait mettre en prison pour vingt ans”….
– L’honorer ?
– “Oui, quoi, enfin, la baiser, la pénétrer, quoi, bien profond”…
– “Vous croyez que ça m’a amusé de participer à cette séance Bdsm avec cette fille extraordinaire de 33 ans, taille mannequin ? Elle m’a forcé la main ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui refusent une nuit avec une top-modèle ? Elle a prétendu être actrice de X. J’admirais la couleur excitante de sa peau. Rien qu’à voir ses épaules nues sous sa robe, j’avais envie de lui sauter dessus. Son odeur animale et musquée imprégnait la cabine de la Land-Rover et me grisait. Quand elle parlait, je croyais entendre la voix des anges, les cieux s’ouvraient pour moi, la brousse se parait des teintes fantastique que les chefs opérateur donnent aux films de western. Je l’avais tant cherchée, cette femme issue de l’enfer… et maintenant le diable l’avait créée pour moi. Elle était là, majestueuse, triomphante, comme une impératrice. En quelques instants, elle m’avait prodigué plus de trésors qu’en toute vie de malheurs. Elle a insisté pour une orgie avec le-mythomane…, le Belge et quelques autres… et j’ai fini par donner mon accord pour le treuil de la Land-Rover… Je précise que je suis écrivain en voyage ici dans le but de rédiger un article sur les richesses de ce pays”…
– “Elle parlait parfaitement le Français au moins ?”…
– “Elle avait une langue super agile… J’ai réalisé que j’étais tombé dans un véritable lupanar. Il y avait une panne d’électricité la nuit où je suis arrivé. Des bougies illuminaient le hall de tous les hôtels. Il n’y avait pas de chambre de libre. J’ai fini par trouver un Hôtel. Les fenêtres de toutes les chambres étaient constituées de barreaux en métal verticaux, exactement comme les cellules de prisons. En montant sur la pointe des pieds, je voyais parfaitement les occupants des chambres. C’étaient apparemment pour la plupart des épaves, des couples avec des prostituées et des alcooliques affalés sur le sol, à moitié tombés des matelas salis, calés dans les coins, contemplant lourdement le sol en béton. J’ai vite fermé la porte à clé derrière moi, caché mes bagages sous le lit. Toute la nuit il y avait un va-et-vient, de nouvelles filles partaient d’autres arrivaient. Je voyais repartir celles qui avaient haleté toute la nuit, trébuchantes, épuisées et qui croisaient les arrivantes, pleine d’énergie. Les cloisons étaient minces, les occupants gémissaient et criaient des jurons à la cantonade. J’ai compris combien la solitude ici devait être grande. J’avais envie de souffler”…
– “En fait…, suite à tout cela vous aviez envie de baiser, c’est ça ?”…
– “En quelque sorte, oui”…
– “Ce sont des circonstances atténuantes, je ne peux, en âme et conscience, vous arrêter pour viol puisque vous ne l’avez pas pénétrée. Mais pourquoi l’avoir laissée suspendue jusqu’à 11h le lendemain matin ?”…
– “On l’a oubliée, on avait trop bu, on s’est endormi”…
– “Vous pouvez sortir, je vais interroger la plaignante plus… profondément”…
Derrière nous la fille criait assez fort, puis ses hurlements se sont transformés en glapissements !
Le Belge et moi sommes sortis sans demander nos restes…
Le Belge, pour oublier qu’Angela, son amour, s’envoyait en l’air avec le flic local, m’a raconté sa vie, que je devinais déjà aux trois-quarts…
Après son échec à Paris, il était venu dans ce bled et y avait rencontré Angela.
Pas une promenade avec elle qui ne déboucha sur des dépenses.
Cette fille le plumait et il le savait.
Imaginez le calvaire, pour cette fille, de tomber sur un type hyper fauché comme lui !
Imaginez également le calvaire pour ce Belge, de tomber sur une fille aussi vénale…
Pas une promenade tranquille qui ne déboucha pas sur des achats…, impossible de flâner en ville, tous les 100 mètres le harcèlement continu se répétait :
– “Achète-moi des chaussures, j’ai besoin de shampoing, s’il te plait achète-moi ce sac, offre-moi des boucles d’oreilles, un collier”…
Et, ensuite, une fois dans la chambre, chaque appel téléphonique était l’occasion d’une dépense sur le téléphone de la belle :
– “Oh ma tante est malade, peux-tu m’avancer 50 euros, il faut que je lui envoie de l’argent, mon frère a été renversé par une voiture il est à l’hôpital , il va mourir, j’ai mal aux dents, demain il faudra aller voir le docteur”…
En plein milieu de la nuit, il n’avait plus d’unité pour le téléphone, il lui fallait courir acheter des recharges pour continuer à recevoir d’autres appels… de fonds !!
Imaginez le calvaire !
Dès le matin avant 7h00, il était réveillé par les appel téléphoniques…, les portables Motorola qui sonnaient sans argent.
Puis, les demandes d’argent affluaient :
– “Ma tante, mon sac, mes chaussures, mes dents, mes fesses, mon écolage, ma petite sœur, mon loyer”…
Toujours de très petites sommes indolores.
5 euros par ci, 5 euros par là.
Mais à la fin il n’avait plus rien, presque réjoui de retrouver sa chasteté en Europe qui elle…, ne lui coûtait rien.
Toujours de très petites sommes indolores.
5 euros par ci 5 euros par là.
Partout où ils allaient surgissaient les parents de sa fiancée.
Pour sa ruine elle avait de la famille partout !
Et toute sa famille avait pour point commun d’être désargentée ou d’avoir des soucis pécuniaires précisément à l’époque de son passage…, un frère malade…, une tante morte…, un petit pot de crème, un shampoing, un savon et un peigne.
Plus tous les petits cadeaux sur la route.
Il y a de quoi comprendre, elle n’avait rien, lui laissait supposer qu’il avait tout…
Quand la petite misère sexuelle de pauvres mecs blancs vient à Madagascar profiter lâchement de la petite misère financière locale de femmes en détresse…, les échanges de fluides doivent avoir une valeur en maigre compensation de la perte de toute dignité et de l’humiliation de n’être considérée que comme un sac à foutre…
Encore, elle était honnête, elle jouait le jeu… et n’a jamais rien volé directement…, mais les femmes de chambre s’en sont chargées.
– “C’est vraiment con de l’avoir suspendue”….
– “Oui, il faut oublier, on devrait terminer la soirée chez Zaza, ça nous changera”…
– “Non, j’y retourne, cette fille mérite des excuses et au moins 1.000 euros, c’est nous qui sommes des salauds, qu’elle tente d’avoir de l’argent, c’est naturel, elle n’a pas beaucoup d’autres moyens, ce sont les blancs qui viennent profiter, je vais lui offrir, puis je repars, ces gens sont finalement des gens qui méritent de mieux vivre”…
C’était le tonneau des danaïdes, ce pays d’ailleurs…
C’était toujours qui paye, qui paye, qui paye… toujours.
J’ai été heureux d’offrir…
Angela m’a regardé et a pleuré, moi aussi…
Attention, toutes ces aventures paraissent amusantes à lire dans un fauteuil.
Effectivement, j’ai pris plaisir à les vivre, à les partager avec vous.
Que représentent elles ?
J’aime particulièrement la fin.
Cependant, je déconseille formellement à quiconque de les vivre en réalité.
Madagascar est un pays pauvre et un pays pauvre est un pays dangereux (on peut vous y tuer juste pour votre téléphone portable).
La frontière entre la vie et la mort brutale est extrêmement mince et en quelques secondes votre vie peut basculer.
Je suis très heureux d’avoir connu ces expériences et j’ai été aussi heureux qu’un être humain puisse l’être, humain…, quoique mon périple était avant tout destiné à acquérir un ensemble moteur/boîte de Bugatti Royale provenant d’un Autorail Bugatti… et sûrement pas pour profiter des petites misères locales.
Mais en aucun cas, si vous y allez, il ne vous faut sortir des sentiers battus si vous ne connaissez pas parfaitement Madagascar ou si vous n’êtes pas entourés d’amis sûrs qui parlent le Malgache…
La Police est souvent corrompue et en cas de plainte, mis à part ce que j’ai narré concernant Angela et sa plainte…, l’étranger a toujours tort… et il a toujours tort.
Toutes tentatives mal préparées conduisent à une mort violente, l’époque Peace and Love, c’était il y a 40 ans, depuis les années 2000, c’est fini.
Voilà…, je suis finalement parti, au revoir, Madagascar…
Ahhhhhhh ! Je vous précise qu’en fait, la réplique Bugatti Royale que j’avais vue à Sinsheim, était aussi fausse que la personne qui prétendait en être propriétaire et voulait me la vendre pour 30.000 euros…, un escroc…
#1 Juin 1987 https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-bugatti-royale-rebus-1-la-replique-352907/
#2 Mai 1999 https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-bugatti-royale-rebus-2-madagascarade-352936/
#3 Février 2011 https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-bugatti-royale-rebus-3-la-replique-fantome-352967/
#4 Juin 2011 https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-bugatti-royale-rebus-4-tout-a-la-poubelle-354377/