La CoxCalibur…, mouhahaha !
Avec les voitures de sport et de luxe qui sont de moins en moins utiles (pour autant que ces voitures l’aient un jour été autre que pour leurs créateurs puissent gagner un max de fric…), examinons un instant ce qu’est le rapport à l’argent, le non-sens d’un appât du gain compulsif (les acquéreurs de ces “choses” sont maintenant tous convaincus qu’elles vaudront de plus en plus cher)…, ainsi que la fascination de certains pour l’abstraction des automobiles dites “de collection”, des “choses” informes, qualifiées d’oeuvres-d’art, parfois affublées de “peinturlurassions” infantilisantes même pas décoratives, érigées en mythes spéculatifs de l’Art…, dont les effets, un jour, sous le coup d’une erreur démoniaque, deviennent éminemment concrets.
Lorsqu’un ami (que je ne connais pas) m’a contacté par émail et ensuite par téléphone pour me dire début janvier 2015 : “Pat, mon pote, j’ai pensé direct à toi pour une affaire en or. Il existe en France, près de Lyon, une automobile ancienne, une merveille unique au monde, une Excalibur, à vendre pour la somme dérisoire d’un peu moins de 200.000 euros à discuter, ça devrait te plaire, si tu veux je m’occupe de tout, y compris de te l’envoyer, transport gratuit, mais couvre-moi d’avance d’un transfert par Western-Union”…, je lui ai demandé de m’envoyer un maximum de photos ainsi que la description “clinique” de la voiture…
Quelques jours plus tard, il m’envoyait les clichés “show-room” d’une Excalibur Series III Phaeton, présentée à vendre comme : “modèle unique, prototype réalisé par l’usine”…, cette trouvaille, c’était aussi bidon qu’un fut de gas-oil abandonné dans une décharge…, JAMAIS l’usine Excalibur n’a construit ce bitza, même en rêve…, il ne pouvait s’agir que d’une reconstruction “amateuriste” voulant singer une Clénet Séries II qui, elle, réutilisait la calandre la mécanique et le châssis d’une Lincoln MKIV fusionné au centre-arrière d’une moitié de VW-Cox Cabrio…
Force me fut toutefois de reconnaître qu’en dénichant cet engin, “mon ami” avait fait une excellente pioche : véritable feu d’artifice de kitsch et de n’importe quoi, ce salmigondis automobile m’a paru intensément festif, propre à réchauffer n’importe quelle ambiance plombée par la fausse crise qui plonge le monde (du moins une partie) dans la désespérance…, par contre, le prix qu’il m’annonçait m’est direct apparu comme une tentative de me faire les poches…
Aristote, dans sa “Politique”, raconte qu’on se moquait de la pauvreté de Thalès (le penseur, pas l’entreprise…), comme s’il était honteux de construire son mode de vie autour de sa propre intelligence plutôt que l’amour du gain…, Thalès avait beaucoup mieux à faire que de spéculer sur l’argent, mais pour prouver que sa pauvreté était simplement l’effet secondaire d’un choix de vie primordial, il se décida un jour à gagner beaucoup, en peu de temps, sans travailler vraiment.
Grâce à une anticipation rendue possible par ses connaissances en astronomie, il paria sur une future récolte d’olives très abondante…, il loua alors tous les pressoirs de son île et de l’île voisine…, au moment de la récolte, il put les sous-louer à un coût déterminé à sa guise et fit des bénéfices aussi astronomiques que sa science.
C’est là un exemple de spéculation financière montrant que tout le monde, à son niveau, peut devenir un petit malin, trouver un “bon coup” à jouer, un “truc” pour flouer autrui et faire du fric…, il suffit de réfléchir un peu… et de mettre sa morale de côté.
Dans l’exemple de Thalès, le pressoir n’est plus une machine à faire de l’huile, mais un machin à faire du fric…, c’est toute la différence entre un produit qui répond à un besoin naturel et un procédé contre-nature…., bien sûr, Aristote n’a pas énoncé que des idées intelligentes à partir de l’argument naturaliste ; mais celui-ci devient intéressant dès lors qu’il s’applique à une analyse intelligente.
Bien…, j’en reviens plus “directement” à cette CoxCalibur qui, si son “créateur” n’a vraisemblablement pas agi comme Thalès… et ne voulait que se faire plaisir en réalisant ce qui aurait pu être une Excalibur IV…, il n’en est pas de même pour la personne qui a finalement acheté cette “chose” ET le garage-vendeur, s’associant avec ce dernier dans la création non plus d’une automobile “unique”, mais d’une histoire imaginée pour justifier un prix astronomique à un beauf ne demandant qu’à y croire et donc “couvrant” cette fable pour plus tard, l’utilisant “à son compte”, en tirer lui-aussi un profit immoral !
L’engin que je surnomme affectueusement “CoxCalibur” est un montage, effectué quelque-part et personne ne sait ou…, de la moitié avant d’une Excalibur SIII… et de la moitié centrale-arrière d’une VW-Cox cabrio, le tout sur le châssis de l’Excalibur “donneuse”… bricolé/adapté à un plus long empattement… et ce dans une véritable démence paroxystique dont la finition approximative des deux parties et surtout la réalisation de la capote (en position décapotée, elle se présente comme un gigantesque sac-à-dos inesthétique et crétin)… va malheureusement crescendo jusqu’à épuisement total de toutes les possibilités de ridicule en la matière !
Ce n’est toutefois pas de la camelote basique, c’est du premier choix fracassant toutes les limites connues du grotesque, réalisé sous l’effet des pires produits stupéfiants du marché, le tout parachevé par ce fumeux capotage complexe et ridiculement encombrant, parmi les pires qui aient existé…, la totale… et, cerise sur le gâteau, les pièces du puzzle sont manifestement reprises d’un grand nombre d’épaves… et ont visiblement subies des modifications en cours de route…, mais, on ne peut toutefois qu’être admiratif devant le travail des bricoleurs qui ont réussi à donner un vague semblant de cohérence à leur tambouille qui regorge en trouvailles d’une stupidité réjouissante, qu’il serait dommage de gâcher en les révélant…, l’ennui de la regarder étant littéralement banni : c’est de la folie furieuse !
De loin, la CoxCalibur fait illusion, bien faite elle aurait pu être très désirable…, mais son assemblage approximatif et sa capote grotesque sont tels que l’on ne sait littéralement pas par où commencer pour la décrire : il convient dès-lors de s’en f… et d’essayer de savourer le spectacle en se laissant porter par la béatitude, comme devant un magnifique feu d’artifice sans fin, en s’émerveillant que cette chose ait pu un jour arriver en France…, une vraie source de ravissement, qui plongera tout Excaliburomane réceptif dans une autre dimension…
Concernant le prix demandé…, alors là, pas de discussion possible : mon (faux) ami m’avait indiqué “un peu moins de 200.000 euros”; en fait c’était 44.900 euros affichés…, sans doute mon faux-cul d’ami tentait-il de s’octroyer une bonne commission…, plus de 150.000 euros sans rire…, car 200.000 euros est un montant absurde, propre à faire baisser de dix points le Q.I. du malheureux qui se risquerait à l’overdose d’imaginer frimer à son volant, même sous acide, sauf à être psychopathe et/ou alcoolique…, imaginez le ridicule de ce “nimportequouesque”, se vantant d’avoir fait une affaire pour un pneu moins de 200.000 euros…, de quoi rendre les foules hystériques…, en mélangeant le tout dans un shaker saupoudré de cocaïne et on obtiendrait quelque chose qui approche d’un trip dopé au crack : inimaginable, indépassable, inconsommable…
O tempora, o mores ! L’argent, un moyen et non une fin…, l’économie normale vise à échanger des marchandises nécessaires à la satisfaction des besoins naturels… et si nous voulons une économie juste, le troc est à éviter, en ce sens où il est très difficile d’établir des équivalences justes entre deux marchandises différentes…, la monnaie, c’est-à-dire l’instrument de mesure de la valeur quantitative des biens matériels, présente l’avantage de stabiliser la nature de nos échanges économiques, de rendre transparente la valeur des produits et des services…, et il est juste qu’un artisan réalise une plus-value grâce à sa prise de risque (investir dans une marchandise brute) et son travail (transformation de la matière non consommable en matière consommable ou utilisable par tous)…, l’argent est donc un moyen nécessaire…, mais n’est qu’un moyen.
Le commerce est lui aussi un moyen, non une fin… et l’argent, un moyen du commerce…, donc, en théorie, l’argent est le moyen d’un moyen, c’est dire s’il ne saurait être un but en soi…, l’économie devient pervertie quand l’argent devient une fin, l’objet d’un besoin devenu artificiellement primaire, en l’occurrence, fabriquer de soi-disant œuvres d’art…, comme le font Jef Koens et autres escrocs de l’art, comme le font Ferrari et autres escrocs de l’automobile…, (j’ai pris la CoxCalibur en exemple)…
Les uns et les autres en fabricant des choses inutiles en série, à moindre coût, pour les revendre à des milliardaires illuminés pour des montants stratosphériques et indécents…, des procédés malhonnêtes (ne fut-ce qu’intellectuellement) qui n’ont aucun lien avec la “reconnaissance” d’un objet acquérant lentement au fil du temps le statut d’œuvre d’art par ce qu’il fut un élément clé dans l’évolution humaine…
Ainsi, qu’une 2CV puisse accéder pour ses tout premiers modèles au statut envié d’automobile ayant marqué notre civilisation, il n’en va pas de même d’une Ferrari F12 Berlinetta qui ne marquera que le portefeuille des idiots en ayant acheté une…, idem pour Jef koens, ses cochons tatoués ne sont que du lard pour les cochons payants…, pas de l’art… et bien évidement, cette “CoxCalibur” qui n’est pas même authentique !
Aristote désigne par “chrématistique” (du grec khréma, la richesse) ce qui pourrait s’apparenter au syndrome Oncle Picsou, c’est-à-dire la possession érigée en finalité ultime, l’accumulation infinie d’argent, la recherche du profit au moyen de rapports marchands où l’autre est un instrument et non plus un ami ou un citoyen… et surtout la mise en place des stratégies les plus rusées, obscures, sophistiquées, incompréhensibles, par lesquelles on achète de l’argent pour gagner de l’argent pour acheter de l’argent pour gagner de l’argent…
Le public est au courant de ce mécanisme vicieux lorsqu’au lieu de gagner de l’argent, il en perd.
Les spéculateurs de l’inutile, les traders…, les fabricants de kitcheries et les faussaires ne sont que des mutants qui finissent par être ce qu’il ont…. et quand ils n’ont plus rien, ils ne sont plus rien…, à toutes ces affaires de résultats mirobolants dans les enchères, le public n’y comprend pas grand-chose.
C’est étudié pour…, même les commentaires des merdias n’éclairent en rien…, soit qu’ils appartiennent aux maisons de ventes aux enchères prestigieuses (sic !), soit que les journalistes ont beau poser et reposer les mêmes questions de bon sens (Pourquoi avoir misé autant ? Dans quelle mesure pouvait-on ne pas être au courant de l’arnaque ? etc.)…, les réponses tournent toujours autour des mêmes nébuleuses : monde d’initiés…, formules algébriques des jeux d’argent…, loi transcendante du marché…, addiction mystique aux paris spéculatifs…, irresponsabilité insaisissable des “friqués”…, les grands avatars du destin cosmique…., qu’est-ce qu’on n’irait pas chercher pour excuser sa passion du fric…
La dérive du premier est celle de la spéculation, la dérive du second est d’être aujourd’hui une forme du premier…, le premier est complexant, le second complexé…, si les échanges artificiels étaient, sinon à proscrire, du moins à mieux réguler, un véritable socialisme agirait et légifèrerait en ce sens…, mais les réformes fiscales actuelles montrent combien l’État a besoin de l’argent qui provient directement ou indirectement de la spéculation, combien il n’a pas intérêt à en stopper les dérives, en quelque sorte…, pis, l’Etat joue le jeu avec les musées qui achètent des objets débiles en prétextant que ce sont des œuvres-d ‘art…
Aristote allait certainement trop loin en critiquant de façon à peine sous-entendue le prêt bancaire à intérêt, car l’artisan qui débute sans le sou, et qui n’est pas un fils à papa reprenant l’entreprise familiale pour se contenter de la faire fonctionner sans grand talent, a besoin d’investir…, mais pour ce qui est de la condamnation de la spéculation et des échanges artificiels, Aristote est toujours d’actualité…, le libéralisme, tout comme le socialisme, est bon ou mauvais selon l’usage que l’homme en fait.
Des jeux factices…, des faux rusés qui font joujou avec l’argent des autres… et des faux rapports humains…, nous en trouvons à tous les niveaux de la société, de la fausse compétence des élus toxiques, à la fausse virilité dans le marketing du poker des affaires douteuses incluant de fermer les yeux sur le blanchiment d’argent grâce aux oeuvres-d’art et aussi aux compromissions telle la F1 qui est grande pourvoyeuse de dessous de tables et une machine à frais divers destinés à diminuer drastiquement le bénéfice imposable sous couvert que c’est de la publicité….
Rêves de fric, rêves de vulgarité…, avant, l’homme pariait sur Dieu et remettait entre ses mains le sort de son âme…, aujourd’hui, l’homme parie sur le fric et son âme, il la perd…
Je termine en revenant à cette huitième merveille du monde (j’ai ajouté ci-avant trois photos d’une “vraie” Excalibur Séries III pour que vous puissiez juger de la différence avec les autres photos de la CoxCalibur blanche)…, si à 200.000 euros il y avait de quoi manifester avec des pancartes devant le garage…, à 44.900 euros “à discuter” en tenant compte d’un réajustement de l’histoire ramenée à celle d’une sympathique élucubration avec les finitions à reprendre et la fabrication d’une capote plus pro et mieux aboutie : pourquoi pas si le propriétaire ramenait son prix aux alentours de 25.000 !
La voiture refaite coûterait 45.000, un paquet quand même, mais bof… il faut de tout pour faire un monde…, à suivre un jour, peut-être…, si la voiture vous intéresse en tapotant sur Google vous trouverez…