Bonjour Patrice,
“La descente aux enfers” publié dans votre magazine AUTO CHROMES Hors Série daté juin-juillet-aout 1985, est le genre d’article qui a fait que j’ai décidé de m’abonner à vos magazines (j’avais découvert vos publications en achetant votre magazine CALANDRES N°1 pour la VECTOR W2, Jerry Wiegert et sa pin-up en couverture). J’ai considéré que continuer à acheter vos magazines en abonnement était plus un investissement qu’une dépense de loisir. En achetant vos magazines j’obtenais bien plus que leur prix de vente, cela allait me permettre de potentiellement éviter de gaspiller mon argent en profitant de votre expérience qui devait être hyper couteuse… et cela à un prix dérisoire comparé à vos dépenses pour en arriver à ce niveau de connaissances sur les sujets que vous traitez. Je pense que vous devriez publier vos meilleurs anciens articles en juxtaposition avec une version actualisée. Par exemple “La descente aux enfers 1 de 1985” et “La descente aux enfers 2 de 2021” ! 36 ans plus tard est-ce toujours pareil ? Je vous force la main en vous offrant les scans des 10 pages de 1985 et j’espère en retour que vous réaliserez mon souhait, ce n’est plus pour obtenir un retour d’expérience mais plus pour le fun et le loisir ! Je soutiens donc mon initiative qui va sans aucun doute devenir la vôtre ! Cela donnera à d’autres internautes la possibilité d’investir comme moi dans votre expérience.
Signé sous toutes réserves et sans reconnaissance préjudiciable : “Prof’Virtual-Visit”, votre ami lecteur depuis 1985.
Hello cher lecteur assidu depuis le début des années ’80 !
Plus de quarante années ont passé sans jamais que la roue du temps freine son cours pour que je puisse reprendre mon souffle et arrêter de compter les étoiles ! L’article “La descente aux enfers : Pérégrinations hectiques d’un trio infernal” était encore une fois comme tous les autres : 100% authentique et vécu. Il s’agissait de raconter nos expériences simultanées en descendant trois GT italiennes du Nord (Belgik une fois) au Sud (Vence, Côte d’Azur) : Une Lamborghini Espada, une Ferrari 308 et une Dino 246 GT…
Nous avions tempéré nos propos pour ne vexer personne, mais nous avons rendu presque tout le monde enragé !
J’ai réuni quasi les mêmes automobiles, une journée pour chacune dans les temps “ouverts” entre les confinements et je me suis rendu compte qu’elles étaient aussi pires (si pas plus) qu’il y a 36 ans !!! Il n’y avait aucune raison légitimement valable et recevable devant un tribunal inquisitorial pour réécrire le même article, j’ai donc corrigé ce qui devait l’être, surtout les consommations réelles en 2021 puisqu’en 1985 nous n’avions historiquement pas la même franchise ni le sens du “politiquement-totalement incorrect” saupoudré d’un comportement “Gonzo”… C’est donc une sorte d’uchronie futuriste…
LA DESCENTE AUX ENFERS 2, où LES PEREGRINATIONS HECTIQUES D’UN TRIO INFERNAL !
Le “JACK LANCASTER” était un alias regroupant les ressentis texticulaires de :
-Jean-Paul Justus (graphiste des magazines Chromes&Flammes, AutoChromes et Calandres des années’80 et ’90, décédé d’un cancer en 2015…
-John McEvoy (Rédacteur en chef des magazines AutoChromes et Calandres des années’80 et ’90, inventeur des rubriques “Contre-point” destinées à garder un style moins ampoulé que celui du Rédacteur en chef honoraire Jacky Ickx qui en réalité faisait écrire son frère Pascal. John qui avait été importateur en Belgique de la marque TVR et à qui j’avais acheté en 1983 les 4 TVR V8 neuves de son stock pour lui éviter de faire faillite, a disparu corps et biens fin des années ’90…
-Patrice De Bruyne (moi-même, Big-Boss de l’édifice, enchanté de vous voir lire tout ceci ami(e)s internautes !). Je vieillis, 72 ans en mai 2021 (j’avais 36 ans lors de la publication de “La descente aux enfers 1”), mais toujours amusé d’écrire mes aventures malgré qu’une grande partie des internautes qui viennent me lire sont des parfois des radin(e)s incapables de payer 4euros99 pour s’abonner à www.GatsbyOnline.com et 10 euros pour acheter mon trimestriel Gatsby magazine)
Notre but en 1985 n’était pas de traverser la France du Nord au Sud pour comparer trois merdes automobiles de ma collection “perso” et en faire un reportage façon “Sport-Auto”, mais de profiter que nous partions livrer ces 3 bricoles à mon Grand Ami du sud : Jean-Jacques Bailly, dans la finale d’un deal “échanges-à-la-con” (du fric ET une Rolls Royce Silver Cloud de l’année de cette escroquerie consentie entre parties, elle était quasi presque comme neuve) pour également réaliser un reportage “Gonzo-décalé”, vous faisant part des impressions des trois pilotes chevronnés que nous étions, sur un parcours routier suffisamment long et varié que pour pouvoir extraire la quintessence de chaque auto et d’en pouvoir réaliser une analyse objective (sic !) Cela nous a toujours paru plus intéressant de vous faire partager des expériences vécues que de rédiger des articles aseptisés qui ne font que reprendre les données techniques du constructeur et la traduction approximative d’un test routier bidon réalisé par le fameux XYZ sur la piste d’essai de Cocardeau-les-binoches !
Les voitures en présence :
Une Lamborghini Espada 1977, état “concours”
Une Ferrari 308 GTB 1977, état “superbe”
Une Ferrari 246 GT 1974, état “très soigné”.
Les pilotes en présence :
Jean-Paul Justus Taille 1m75, poids 75 Kg (à vide)
John McEvoy Taille 1m69, poids 69 Kg (à sec)
Patrice De Bruyne, lui-même, en personne, personnellement. (données non divulguées)
L’itinéraire parcouru : Tournai-Lille-Cannes-Vence, sans aucune escale (retour en Rolls-Royce Silver Spirit 1984, quasineuve, 4.000 kms), avec une soulte monétaire en cash (encore possible à cette époque) .
LAMBORGHINI ESPADA
GT à quatre places, carrossée par Bertone, présentée à Genève en 1968, moteur V-12 à l’avant, double arbre en tête, 4-litres pour 350 chevaux, boîte 5-vitesses, traction arrière, quatre disques, quatre roues indépendantes, poids à vide 1.695 Kg.
Esthétiquement, la voiture ne laisse personne indifférent. Massive, large, longue, lourde, elle est assez imposante sur ses grandes jantes de 15″ déjà très démodées avec leurs 215/70 VR. Le capot-moteur s’ouvre d’arrière en avant, et découvre le somptueux V-12, très impressionnant mais aussi très encombré de tuyauteries, de pompes d’air conditionné et de servo-direction.
La portière s’ouvre largement, l’accès aux sièges arrière reste quand même acrobatique mais une fois installé on s’y sent bien. L’intérieur est garni de cuir, le tableau de bord est bien équipé mais c’est là que commencent les surprises. Je veux bien admettre que l’ergonomie soit une science assez récente, mais chez Lamborghini le mot ne figure même pas au dictionnaire. On croirait que la planche de bord a été dessinée par un apprenti-styliste de chez Zanussi, puis qu’on a demandé à un aveugle d’y placer un maximum de jauges et de cadrans. Aucun instrument n’est lisible, les interrupteurs sont dispersés au hasard, on baigne dans le summum de l’irrationnel. Ce qui nous amène à la position de conduite qui elle, est un heureux compromis entre un Saviem 1957 et un tracteur agricole. Incroyable… Aucun d’entre nous n’a pu trouver une position de conduite convenable, le volant est trop haut et trop horizontal, le pédalier est trop en arrière et le siège n’offre aucun support. On a tendance à glisser vers l’avant, et au bout de dix kilomètres on se retrouve le dos courbé, les genoux sous le volant contre la planche de bord et le volant sous le menton. Abominable…
Les cinq vitesses passent bien, quoique la boîte est un peu lente, la servo-direction ne donne pas trop d’assistance et garde un bon ‘feeling’, quant à la démultiplication, elle est convenable mais le rayon de braquage est gigantesque.
L’Espada est relativement agréable à conduire, mais d’une manière générale elle ne s’accommode pas vraiment d’un pilotage sportif, elle est à peine capable de réaliser un court trajet autoroutier où elle offre un confort louvoyant et des suspensions variables sur chaque roue dans un silence acceptable (pour cause de radio défectueuse). Elle accélère sans passion dans les trois premiers rapports, le bruit du V12 est semblable à un concert de casseroles… et à part diverses critiques objectives à propos de la position de conduite acrobatique façon “grenouille” et des instruments fantasques ce à quoi il nous faut ajouter un manque de finition dans les détails de garnissage typiquement italien, la voiture nous laisse un souvenir ému façon : “jamais plus jamais”…
A titre indicatif, notre véritable moyenne de consommation sur ce trajet de 1.400km fut de 37 litres/100, en ayant réalisé une moyenne de 125 km/heure. Ce chiffre est très honorable (gag !), nous nous attendions au double !
FERRARI 308 GTB
Coupé 2-places, présenté à Paris en 1975, moteur V-8 central arrière, tout aluminium, en V à 90 °, 3-litres pour 225 chevaux, boîte 5-vitesses, quatre disques, quatre roues indépendantes, poids à vide 1.150 Kg. Elle est jolie, oui… c’est vrai, du moins aux yeux des autres, en tous cas elle est rouge, et les gens se retournent. Dès qu’on ouvre le capot-moteur on comprend pourquoi les entretiens sont si coûteux, il doit falloir une bonne demi-heure pour changer les bougies, rien n’est accessible, il faut avoir le bras très long… et de toutes fines mains. En plus, ce moteur n’est même pas beau à regarder donc on referme le capot très vite.
Le capot avant, lui (ils appellent cela un ‘coffre’ dans le catalogue Ferrari) contient une roue de rechange “space-saver” et le réservoir de lave-glaces. Dans ce qu’il reste de place, vous pourriez mettre quatre chemises (si vous pouvez les faire repasser à votre arrivée) et peut-être une mini trousse de toilette et une paire de mocassins. C’est vrai qu’il existe encore un “coffret” derrière le compartiment-moteur, mais essayez d’y introduire une valise !… Si elle est plus grande qu’un attaché-case, elle n’entre pas. La solution était à l’époque d’acheter chez Ferrari leur mignon assortiment de valisettes en cuir pleine-peau, frappées du petit cheval cabré (pour que les garçons d’étage et les femmes de chambre sachent bien que vous êtes arrivés en Ferrari) et là vous pourrez emmener le strict nécessaire réparti dans quatre micro-valisettes différentes.
L’accès au poste de pilotage est relativement aisé pour un conducteur de taille moyenne, mais notre PDB éprouve de grandes difficultés à s’y introduire (et surtout à s’en extraire !). Les sièges sont inconfortables, dessinés à la “va-te-faire-foutre”, ils sont générateurs de crampes lombaires et autres horreurs partout où il faut. Le tableau de bord est noir et triste comme dans toutes les Ferrari de cette période, les instruments sont regroupés dans une nacelle juste devant le volant, ce qui ne les rend pas plus lisibles pour autant. Pas de cuir ici, simplement un velours stretch râpé assez quelconque. La visibilité avant est aléatoire, on ne voit pas le nez de la voiture, évidemment, mais ceci ne gêne que les débutants.
La visibilité arrière par contre est catastrophique y compris pour les Cadors-Ferrari et ce ne sont pas les rétroviseurs en simili-plastic amidonné qui améliorent la situation. Vous me direz que quand on roule en Ferrari on ne regarde pas souvent derrière soi puisqu’on va plus vite que tout le monde ! Ouais… on en reparlera plus tard dans cet article !
Les commandes de chauffage, des vitres électriques etc… sont plus ou moins regroupées sur la console, on les accroche facilement en changeant de vitesse. D’une manière générale, l’habitacle est d’une conception périmée pour une voiture “moderne”, il n’est pas vraiment désagréable mais il n’est certainement pas attrayant.
DINO 246 GT
Coupé 2-places, présenté en 1968, carrosserie Pininfarina, moteur V-6 à 60° tout aluminium, central arrière, 2,5 litres pour 195 chevaux, boîte 5-vitesses quatre disques, quatre roues indépendantes, poids à vide 1080kg. Esthétiquement, la Dino était déjà démodée lors de sa création. Le galbe italien typique des années ’60 est fatiguant à regarder, beaucoup de rondeurs, peu de lignes tendues, un déséquilibre congénital ! Le capot-moteur révèle ici un petit bloc, très compact en aluminium rugeux(sic !) , surmonté de trois Weber 40 DCF.
Le cockpit est spartiate, aucune fioriture, aucune sophistication… il semble inspiré d’une Porschette 911… La voiturette semble destinée à des amateurs de circuits de Karting et non à des gens cultivés. C’est une Berlinetta prétentieuse destinée aux papys de 50 ans aux tempes grisonnantes et blazer croisé. Tout est noir mat, les instruments sont regroupés devant le volant, il y a deux sièges et un levier de vitesses et c’est tout !
Les compartiments à bagages Avant et Arrière sont encore plus petits que dans la 308, mais ici cela n’a pas d’importance car ce n’est pas une voiture mais un jouet. Les sièges sont de vrais durs-à-cuire en vrai skaï, sans réglage d’inclinaison, le pédalier est décalé vers la droite et l’on est assis vraiment “trop-fort” bas. Le pare-brise est très incurvé, ce qui donne une déformation d’image dans les deux coins, la visibilité trois-quart arrière est pratiquement nulle, et le tout donne une impression de claustrophobie. Aucune console, pas le moindre bac de rangement nulle part, en bref ells a été conçue pour rester dans un garage !
SILENCE… ON TOURNE !
Nous avions décidé de rouler en convoi, sans ordre particulier mais en essayant de ne pas se perdre de vue. A cette époque les téléphones portables n’existaient pas. Nous avions en effet prévu que ce serait l’Espada qui déterminerait la fréquence de nos arrêts-essence ! Pour les raisons évoquées plus haut à propos des deux Ferrari, tous les bagages furent chargés dans l’Espada qui, elle, dispose d’une plage arrière gigantesque, presque comparable à celle d’un break. Tous les pleins étaient faits au départ, niveau d’eau et d’huile, pression des pneus et check-up général, de manière à ce que nous puissions noter exactement ce que chaque voiture aurait besoin en cours de route.
Nous avions convenu de rouler le plus vite possible, non pas pour établir un record ni pour se préparer pour le prochain Cannonball (quoique…) mais simplement pour constater comment se comporteraient des voitures rapides utilisées aux 8/10èmes de leurs performances maximales, sur 1300 Kilomètres. Nous sommes partis de Tournai, sommes passés par Lille en plein jour pour arriver à Cannes vers 2 heures du matin, et à Vence à l’ancien hôtel “DIANA” de Jean Jacques Bailly ou il cachait sa collection de Ferrari rares et chères. La moitié du trajet s’est effectué de nuit.
Nous avons réalisé une moyenne de 125 Km/Heures, compte tenu de deux arrêts-repas, de tous les arrêts-essence et pipis/cacas, et de tous les postes de péage (à l’ancienne sans télépéage ni cartes de crédit), nous n’avons donc pas traîné. Les moyennes de consommation ont été de réellement 37L/100 pour l’Espada (on a dit 17L à Jean Jacques pour le rassurer), de 25L/100 pour la 308 GTB et de 20L/100 pour la Dino 246 GT, ce qui nous a franchement surpris, dans les trois cas. L’Espada a dû prendre 1L d’huile à chaque arrêt/plein d’essence, et nous avons rajouté 1/2L dans les deux Ferrari à chaque arrêt essence… Un complément d’eau (fraîche) était également nécessaire, surtout pour l’Espada qui sifflait comme une bouilloire malgré que ses ventilos “tournassent” au max sans cesse… A chaque fois c’était une épopée avec des essuies de plage disposés au-dessus du bouchon de remplissage (pour éviter d’être brûlé) qui cédait avec réticence, laissant échapper de l’eau rouge sang puis des gargouillis semblables à ceux d’un mourant dans son lit de réanimation. L’Espada plus que les autres affichait ainsi être “au bout du rouleau” et engendrait à la fois une pitié “révulsive” et une rage se transformant en haine…
DEMARRAGE
Six Weber double-corps sur un V-12, quatre sur un V-8 et trois sur un V-6… Vous avez déjà deviné. Les démarrages sont angoissants sur les trois voitures, les démarreurs doivent peiner de longues et interminables secondes voire minutes avant que les moteurs ne prennent, d’abord sur trois ou quatre cylindres, puis finalement sur tous (ou presque). Et ceci sont les démarrages à froid, ce n’est donc que la moitié de l’histoire parce qu’à chaud… on ne parle plus en
secondes mais en minutes ! Pour résumer les caractéristiques de démarrage, je dirais qu’à froid les trois voitures démarrent très mal, et qu’à chaud la 308 est vraiment pénible, l’Espada est encore pire et la 246 est réellement sciante. Je précise que les trois moteurs sont équipés d’allumages électroniques et que les trois voitures sortaient d’une révision générale chez l’agent “officiel”.
PARLONS MUSIQUE
Lorsqu’on me parle de “symphonie” à propos des moteurs Ferrari, je me dis toujours que mon interlocuteur ne lit pas la même partition, ou alors qu’il a le tympan fêlé. L’Espada, avec son gros V-12, ne fait pas dans la symphonie mais dans la fanfare, elle fait beaucoup de bruit, ce qui est loin d’être merveilleux, nous sommes d’accord. Un grondement laissant divers raclements entre les notes, plus qu’un peu rauque, et pour quelqu’un qui a de l’oreille c’est frustrant à supporter. La 308 GTB fait un bruit qui me rappelle le 4-cylindres Renault des Berlinetta Alpine, un bruit assez métallique, avec des chuintements d’air. La 246 GT elle, me rappelle le bruit d’un Combi VW avec silencieux sans chicanes. Chacun interprète les bruits en fonction de sa propre oreille, c’est entendu, mais à ceux qui me parlent ‘concert’ je réponds : mettez la sourdine ! Nous aurons l’occasion de reparler musique plus tard, lorsque nous aborderons nos impressions de conduite, vous n’en croirez pas vos oreilles !
POUSSEZ PAS !
350 chevaux pour 1695 kilos d’Espada
225 chevaux pour 1150 kilos de 308 GTB
195 chevaux pour 1080 kilos de 246 GT
Qu’est-ce qui pousse le plus fort ? C’est sans aucune contestation possible la 308 GTB. Après chaque péage d’autoroute c’était un vrai régal que d’accélérer à fond dans les trois premiers rapports en gardant un oeil sur le rétro pour mieux voir le nuage de fumée d’huile brûlée et tenter d’apercevoir si les deux autres voitures suivaient. On n’ose pas comparer les puissances à des voitures actuelles (2021) particulièrement la 246GT, 195 chevaux c’est la puissance de la Beline Opel Insigna 4 cylindres de la femme de ménage…
Pour ce qui est de l’accélération, c’est tragi-comique, les deux Ferrari sont très proches en nullité d’accélération, on a même l’impression que la 246 est plus vive encore que la 308 (gag !), il faut vraiment les mettre côte à côte pour constater une différente différence (sic !) , et ceci provient du fait que la 246 est plus légère (on sent très bien qu’il lui manque des boulons), le moteur semble monter en régime plus vite et toutes les commandes sont plus légères, ce qui permet des passages de vitesses nettement plus rapides que dans la 308.
L’Espada n’est par contre pas de taille à lutter en accélération pure (elle se positionne en catégorie poids-lourds), mais ne vous y trompez pas, malgré son poids important elle n’est pas très loin derrière !
COMPORTEMENT ROUTIER
L’Espada est une Gran-Turismo d’operette, une GT qui permet de faire le parvenu sportif italien avec le panache et la distinction des bellâtres. Pas du tout dans le concept de la Citroën Cx qui elle, était à cette époque une Bête d’autoroute, ou une dévoreuse d’autoroutes. L’Espada, c’est dans l’imaginaire collectif qu’elle a gagné ses galons, elle prétend jouer la grande classe à 200 à l’heure grace à un V-12 qui arrache le bitume, quatre places pullman dans du cuir pleine peau, avec l’air conditionné et la stéréo en sourdine. En réalité l’Espada est une très lourde stupidité, elle est totalement beauffissime… Sa suspension offre simultanément un formidable compromis différent pour chacune des roues, entre une bonne souplesse pour l’avant droit, une certaine fermeté pour l’avant gauche qui est très appréciable en virages… Les roues arrière étant “dodelinantes”, la tenue de cap en ligne droite jusqu’à 130Km/h ne pose que des problèmes d’égo, au-delà, c’est l’inconnu, l’Espada offrant une instabilité directionnelle surprenante et semble vouloir s’envoler avec aisance (le Cx ne doit pourtant pas être exceptionnel).
C’est dans les longues courbes que la voiture surprend par son comportement résolument sportif… Un rien et elle décroche tandis qu’on s’accroche au volant en hurlant… Les derniers km avant d’arriver à Cannes ont été un vrai festin, l’autoroute du Soleil serpentant langoureusement entre les montagnes quand
vous roulez à 120 ! Prenez ces mêmes grandes courbes à 190/200 et tout devient différent. Les virages interminables semblent s’enchaîner comme des lacets de montagne et je vous assure que la notion de ‘trajectoire’ reprend tout son sens. On utilise les deux bandes, on utilise aussi les deux mains car à cette allure-là les 1.700 kilos de la voiture ne se contrôlent pas du bout des doigts, même avec la servo-direction. La suspension arrière talonne sans cesse dans les dénivellations en courbe, il ne serait donc pas possible de soutenir cette cadence avec trois passagers.
Au volant d’une Espada lancée à 200 Km/h, on ressent une grande impression d’insécurité mais en même temps, on ne peut s’empêcher de sentir que la voiture est lourde, que l’empattement est assez long, et l’on se dit que l’on a bien besoin de tous les systèmes d’assistance qui équipent la voiture pour la maintenir dans sa trajectoire, on se dit que les ingénieurs (un différent pour chaque roue) qui ont conçu le train roulant devaient surement connaitre leur affaire lorsqu’ils étaient chez Lada, mais en même temps on se demande si les pneus vont tenir le coup ! On n’est jamais relax en Espada, on réfléchit tout le temps à ce qui pourrait casser, on essaye tant bien que mal de déchiffrer ces maudits cadrans mal placés pour voir si la pression d’huile est OK, si l’eau n’est pas prête à bouillir, on reste très attentif aux bruits et aux cadrans et on ne se relaxe pas une seconde.
La 308 GTB est une auto à peine plus moderne de conception, on le sent dès les premiers tours de roue, à chaque passage de rapport l’arrière s’écrase — ce qui augmente la motricité — les suspensions sont saisissantes comme il se doit, et la voiture donne le sentiment d’être capable de réagir bien pire que ce qu’on lui demande. Les instruments sont peu lisibles, ce qui est fort gênant parce que comme dans l’Espada, on a tendance à beaucoup regarder le compte-tours, la pression d’huile et la température d’eau. Les sièges sont quelconques, offrant un mauvais soutien et une position de conduite inconfortable, et les ceintures à enrouleur sont un vrai coupe-gorge, en tous cas pour un pilote de taille moyenne. La direction est lourde, demandant pas mal d’efforts et une tenue vigoureuse à deux mains. En courbes à grande vitesse, la voiture est très imprévisible dans ses réactions, vicieuse comme une pute italienne pressée d’en finir… En accélération dans les trois premiers rapports, on attend le fameux couple maxi vers les 5000 tours mais il reste caché… il ne se passe pas grand-chose et si l’on veut vraiment ‘lâcher’ une autre voiture il faut choisir une proie faible, une Fiat 500 ou une Deuche… et passer les vitesses très vite pour garder un surrégime élevé, ce qui est difficile à réaliser avec la grille de vitesses Ferrari, elle est lente et demande pas mal de fermeté.
La Dino 246 GT, c’est autre chose. Terriblement très légère à piloter, au point qu’on se demande si elle n’aurait pas eu plus de succès en catégorie “aviation légère”… on y retrouve sans cesse le stress des minutes qui précèdent la prise de conscience de la mort. La direction est très directe façon go-kart. A grande vitesse elle demande de très petits mouvements des mains faute de quoi on change de bande sans s’en rendre compte. L’embrayage est assez dur en toutes circonstances et en utilisation urbaine, la grille de vitesses amène les mêmes commentaires que celle de la 308. Le cockpit est vraiment exigu pour une personne de plus d’l m 60… La suspension est vraiment ‘tape-cul’ sur toutes les routes, même sur autoroute ! Des trois voitures de notre convoi, c’est cependant celle qui offre le plus de plaisirs sadomasochistes, elle est sans compromis, exiguë, inconfortable, c’est une véritable saloperie vicieuse capable de tout, les vrais masochistes apprécieront ses courbes et ses manières perfides !
AGREMENT DE CONDUITE
Bien que nous soyons tentés de dire que l’agrément de conduite est NUL pour les trois voitures, nous allons essayer de teinter nos commentaires de quelques nuances. Prenons l’Espada d’abord. Elle est puissante et aussi silencieuse qu’un Saviem 1950. La position de conduite la rend tellement inconfortable à conduire que sur un long trajet on a envie de l’attacher à un arbre et de l’abandonner…
La 308 GTB est une machine infernale à conduire sur une longue distance. Le niveau sonore à l’intérieur du cockpit est insoutenable, la boîte de vitesses siffle et on a l’impression d’avoir les courroies de distribution dans la nuque tellement elles sont bruyantes. Ce qui est sidérant en fait, c’est de constater que malgré son caractère plus ‘bourgeois’ et les couches d’isolant phonique dont elle est équipée, la 308 GTB est NETTEMENT plus bruyante que la 246 GT. On prend conscience de ce bruit intolérable après 50 kilomètres de route, et l’on se rend compte que les 1300 bornes qu’on doit avaler avant d’arriver à Cannes vont mettre les nerfs à rude épreuve. A chaque arrêt (repas ou essence) dès que les moteurs sont coupés, nous sortons des voitures groggy, la tête bourdonnante, fatigués, réellement fatigués, abrutis de bruit. Ce n’est encore qu’un moindre mal… ce qui gâche vraiment l’agrément de conduite des trois voitures, c’est l’inquiétude de chaque moment, la tension cérébrale de chaque seconde.
On voudrait pouvoir rouler à 180, bien calé dans le siège, en regardant la route et en se laissant conduire par la voiture, comme vous pouvez le faire si vous conduisez une Bentley ! En Ferrari, en Dino et en Lambo, c’est impossible. Vous n’êtes même pas certains d’arriver à destination. On est constamment sous tension, les yeux rivés aux cadrans, au bout de dix minutes à 180 Km/h il faut lever le pied parce que l’aiguille de température d’eau s’affole, vous êtes dans le rouge et craignez pour les joints de culasses. Vous revenez donc à 140, sur la bande de droite, pour vous faire passer par des Citroën Cx, des Toyota, n’importe quelle berline de plus de 2-litres. Puis c’est l’aiguille de l’ampèremètre qui se met à frémir, et vous craignez pour le circuit électrique.
Dans la 246 GT, pas de problèmes, pas besoin de scruter les cadrans… leur éclairage a rendu l’âme au bout de 20 Km. Dans l’Espada, le feu arrière droit s’est mis en drapeau, dans la 246 c’était le feu arrière gauche, dans la 308 ce fut la vitre de portière conducteur qui ne remontait plus. Les essuie-glaces des deux Ferrari sont tout-à-fait inefficaces au-dessus de 120 Km/h, il vaut mieux rouler sans… mais comment voulez-vous soutenir le 140 de nuit sans essuie-glaces ? Les phares des trois voitures sont bons pour 130 Km/h, au-delà… vous prenez des risques. Sur l’autoroute du Soleil, vers 1 heure du matin, nous roulions
tous les trois à 160, nous nous sommes fait passer par une Rover 3500 déglinguée, le hayon grand ouvert, trois barbus hirsutes transportant une commode…
Sur le périphérique de Lyon, toujours en convoi, à l’heure de pointe en fin d’après-midi, la 308 fermait la marche. Appels de phares, coups de klaxon, (nous roulions à 100/120) et soudain une Samba déboîte à droite, se glisse entre la 308 et la 246 qui la précédait, puis déboule à gauche de l’Espada qui roulait en tête et la laisse sur place… ! Un boutonneux de vingt ans, conduisant d’une main, le coude sur la portière vitre ouverte, la stéréo à fond, faisant du slalom entre deux Ferrari et une Lamborghini : SANS MEME NOUS REGARDER !… Comme s’il doublait une Visa, une 204 et une R.5 !!!
Sur l’autoroute encore, une ligne droite à perte de vue… en convoi à 130 pour soulager un peu. Une Toyota Supra se pointe dans mon rétro tremblant… je laisse passer, J-P dans la 308 laisse passer et PDB en tête dans l’Espada laisse passer… puis se sent bafoué, humilié, et met la pédale au plancher. La Supra lui avait déjà mis cent mètres dans la vue, mais l’Espada revenait, avec les deux Ferrari en remorque. Arrivés à sa hauteur, le conducteur de la Supra met toute la sauce dans l’espoir de nous semer… sans beaucoup de chances, puisque l’Espada est bonne pour un bon 230 chrono. Nous voilà à quatre, roulant en formation comme une escadrille de chasseurs, l’Espada sur la bande de droite suivie à dix mètres de la 308 GTB, et la Supra sur la bande de gauche suivie à dix mètres par la 246 GT, le tout à 200Km/h. Et soudain, après trois ou quatre minutes d’affrontement, l’Espada lève le pied, la température d’huile monte dangereusement, PDB visualise l’huile qui se liquéfie au point de désintégration, les pistons qui grippent… et nous laissons s’échapper la Supra qui roule sans doute à fond de compteur, mais qui pourrait soutenir cette cadence toute la journée ! Cinq minutes d’autoroute à 120, et tout rentre dans l’ordre. Nous pouvons à nouveau reprendre notre vitesse de croisière de 130, quelques pointes à 150, mais sans appuyer trop longtemps.
Tout cela est très frustrant. Vous vous trouvez au volant de voitures dites “surpuissantes, aux lignes racées, avec un palmarès sportif encombré de lauriers et de coupes”, aux couleurs incendiaires, des voitures prestigieuses, des voitures de rêve, inabordables, mystiques, idolâtrées, respectées, que dis-je vénérées… et quel est votre sentiment après 1300 kilomètres de conduite non-stop ? On se fait taper par des CX, des Peugeot 505 et même des Samba parce qu’on a peur que tout casse, qu’on va laisser le moteur sur un bas-côté d’autoroute, on s’est fait intoxiquer de stupidités mensongères par les “Fake-News” des journaleux que l’auto peut monter jusqu’à 240, mais on n’ose pas garder le pied à 180 plus de cinq minutes d’affilée, on gratte les poids lourds au démarrage, certes, mais on se fait rattraper au bout de 20 bornes par une diesel Yougoslave même pas turbo parce que le gars sait bien qu’il peut garder le pied à la planche indéfiniment. Il file à 160, vent de face ou vent dans le dos, en courbe comme en ligne droite, il n’a même pas de cadrans à regarder, rien que des témoins lumineux — qui ne s’allument jamais — il est relax, il fera les 1.300 bornes sans fatigue, arrivera bien avant vous, ne s’arrêtera qu’une seule fois pour un plein de mazout, il peut même se permettre de tenir son volant d’une seule main en se retournant pour parler à belle-maman !
Mieux… il ne vous aura même pas remarqué en vous doublant ! Cela nous a beaucoup surpris, après tout il est quand même peu courant de voir une Lamborghini Espada qui précède une Ferrari 246 GT suivie d’une Ferrari 308 GTB… Personne ne vous regarde, tout le monde s’en fout de votre Ferrari, ne restez pas trop longtemps sur la bande de gauche à 160 Km/h, on vous fait des appels de phares, on vous envoie des coups de klaxon (que vous n’entendez pas, mais vous voyez dans votre rétro tremblant que le gars au volant de la 505 qui est à vingt centimètres de votre pare-chocs voudrait vous voir dégager !) C’est une expérience assez déprimante que nous avons fait là, et pour parler très franchement, si nous avions dû faire le trajet en sens inverse nous aurions mis les trois voitures sur le train-couchettes…
RESULTAT DES COURSES…
La Lamborghini Espada, avec une modification du siège, du volant et du pédalier, est une bien belle auto qui donnerait beaucoup de plaisir à un amateur-débutant de Lamborghini… La 308 GTB est une voiture à sortir le samedi après-midi (le dimanche, il n’y a personne pour vous reconnaître) pour faire une petite balade de 50 kilomètres. La 246 GT est une voiture de puriste désargenté, à ne sortir que le week-end pour se faire plaisir de “draguer les putes”. Une mauvaise langue nous a dit récemment que les Ferrari sont des voitures de garçons-coiffeurs. Il a peut-être raison… c’est vrai que beaucoup de nos coiffeurs sont Italiens, et on ne leur en veut pas d’acheter des Ferrari d’occasion. N’entrons pas dans ces considérations, disons simplement que nous ne ferons plus jamais une aussi longue distance, ni en Ferrari, ni en Dino et encore moins en Espada… on ne s’en remet jamais tout à fait… il vous reste des séquelles !
Nous voilà tous les trois arrivés. Nous rangeons les voitures dans le parking du Diana Palace Hôtel, avenue des Poilus à Vence, montons les bagages dans la Suite réservée, et passons l’un sous la douche, l’autre au sauna et le troisième au bain mousse. Nous nous retrouvons tous les trois une heure plus tard, l’essuie-éponge négligemment noué autour de la taille, sirotant un whisky — J.P.J. ne supporte que le Jack Daniels n° 1, je préfère le Johnny Walker et PDB s’en fout, il ne boit que du Coca — lorsqu’une altercation venimeuse s’engage à propos du Chivas dans un whisky-coca… Chacun reste sur ses positions, et nous décidons collégialement de ressortir les voitures pour une dernière balade et voir si la gent féminine locale sera sensible à notre charme ! Itinéraire libre !
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