Le vice profond des automobiles de luxe…
Le vice profond des automobiles de luxe, c’est qu’elles sont comme les châteaux ou les villas sur la Côte d’Azur : des biens de luxe inventés pour le plaisir exclusif d’une minorité de très riches et que rien, dans leur conception et leur nature, ne destine au peuple. C’est que, par sa conception comme par sa destination originelle, l’automobile est un bien de luxe… et le luxe, par essence, cela ne se démocratise pas : si tout le monde accède au luxe, plus personne n’en tire d’avantages ; au contraire : tout le monde roule, frustre et dépossède les autres et est roulé, frustré et dépossédé par eux. A la différence de l’aspirateur ou de la bicyclette, qui gardent toute leur valeur d’usage quand tout le monde en dispose, l’automobile de luxe, comme la villa sur la côte d’Azur, n’a d’intérêt et d’avantages que dans la mesure où la masse n’en dispose pas… La chose est assez communément admise, s’agissant des villas sur la côte d’Azur.
Aucun démagogue n’a encore osé prétendre que démocratiser le droit aux vacances, c’était appliquer le principe : une villa avec plage privée pour chaque famille française… Chacun comprend que si chacune des treize ou quatorze millions de familles devait disposer ne serait-ce que 10 mètres de côte, il faudrait 140.000 kms de plages pour que tout le monde soit servi ! En attribuer à chacun sa portion, ce serait découper les plages en bandes si petites (ou serrer les villas si près les unes contre les autres), que leur valeur d’usage en deviendrait nulle et que disparaîtrait leur avantage par rapport à un complexe hôtelier…
Bref, la démocratisation de l’accès aux plages n’admetrait qu’une seule solution : la solution collectiviste. Et cette solution passerait obligatoirement par la guerre au luxe que constituent les plages privées, privilèges qu’une petite minorité s’arroge aux dépens de tous.
Une automobile, de même qu’une villa avec plage, n’occupe-t-elle un espace rare ? Or, ce qui est parfaitement évident pour les plages, pourquoi n’est-ce pas communément admis pour les transports ? Ne spolie-t-elle pas les autres usagers de la chaussée (piétons, cyclistes, usagers des trams ou bus) ? Ne perd-elle pas toute valeur d’usage quand tout le monde utilise la sienne ? Et pourtant les démagogues abondent, qui affirment que chaque famille a droit à au moins une bagnole et que c’est à l’Etat qu’il appartient de faire en sorte que chacun puisse stationner à son aise, rouler à 130 km/h, sur les routes du week-end ou des vacances… La monstruosité de cette démagogie saute aux yeux et pourtant la gauche n’a pas dédaigné d’y recourir depuis les années trente…, étrange paradoxe qui veut que ce soit ainsi la gauche qui fut à l’origine de la plus grande déglingue mondiale actuelle…
La gauche également qui, au nom du bien être ouvrier, a accepté comme pain béni (comme quoi dieu est partout)…, la robotisation à outrance qui pourtant, allait immanquablement supprimer le travail : pain béni des ouvriers…, qui, bienheureux ont fini par croire, non en dieu, quoique…, mais que les treizièmes mois en plus des congés payés, la semaine de 5 jours et un maximum de 35 heures… allaient leur permettre d’être riches… roulant carrosse à crédit de même que s’asphyxiant à 25 années d’esclavage pour singer les habitations luxueuses bâties hâtivement en lotissements moutonniers, à défaut d’être en bord de la mer Méditerranée…
La guerre de 39/45 a permis à ces gens, déjà lobotomisés, de penser à d’autres choses, comme sauver leurs illusions en en défendant d’autres… De moindres guerres, ensuite, y ont contribué aussi… pendant lesquelles les seuls vrais riches ont imaginés de désolidariser la monnaie de la certification en or… de vendre celui-ci puis, avec la monnaie fiduciaire ainsi créée, ont jeté les bases de l’arnaque planétaire qu’est la monnaie scripturale… multipliant par 150, uniquement en promesses signées (chèques, cartes de crédit, crédits, transferts virtuels, jeux d’écriture, endossements et compenstions…, entre autres !)…, l’ensemble de la monnaie fiduciaire qui n’était plus basée que sur la confiance du peuple…
Durant ce grand foutoir, il était tellement amusant de créer des choses hyper-luxueuses qui se vendaient comme des petits pains (bénis, eux-aussi !)…, que s’en est devenu une industrie pire qu’un racket organisé…, les faux riches tentant de copier les riches qui eux-mêmes croyaient vivre comme les hyper-riches… les seuls à savoir et à engranger !
Tout le monde en a profité de cette foire…, les pauvres ont même eu du spectacle participatif… assistant en effet miroir, à leur dégringolade… Les plus naïfs y ont perdu leurs illusions, leur maison et leurs économies (subprimes et actions boursières), les autres ont appris qu’on va tous mourir en finale, quel que soit le chemin… Et nous en sommes tous là… en décembre 2008, à nous demander le pourquoi du comment ! Je ne vais pas, ici, vous faire la leçon de la crise, non !
Chacun ses affaires et tracas… Je vais me contenter de n’en voir que l’aspect automobile, bien entendu que nos existences financières (et plus) sont, de notre faute, par imbécilité et parce que nous avons accepté d’être lobotomisé par les politiques, les médias et les bateleurs en variétés…, liées au devenir de l’industrie automobile…
Pourquoi, à la différence des autres biens privatifs, n’est-elle pas reconnue comme un luxe antisocial ? Pourquoi la bagnole est-elle traitée en vache sacrée ?
La réponse doit être cherchée dans les deux aspects suivants de l’automobilisme.
1. L’automobilisme de masse matérialise un triomphe absolu de l’idéologie bourgeoise au niveau de la pratique quotidienne : il fonde et entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir et s’avantager aux dépens de tous. L’égoïsme agressif et cruel du conducteur qui, à chaque minute, assassine symboliquement « les autres », qu’il ne perçoit plus que comme des gênes matérielles et des obstacles à sa propre vitesse, cet égoïsme agressif et compétitif est l’avènement, grâce à l’automobilisme quotidien, d’un comportement universellement bourgeois (« On ne fera jamais le socialisme avec ces gens-là », me disait un ami est-allemand, consterné par les spectacle de la circulation parisienne)…
2. L’automobile offre l’exemple contradictoire d’un objet de luxe qui a été dévalorisé par sa propre diffusion. Mais cette dévalorisation pratique n’a pas encore entraîné sa dévalorisation idéologique : le mythe de l’agrément et de l’avantage de la bagnole persiste alors que les transports collectifs, s’ils étaient généralisés, démontreraient une supériorité éclatante. La persistance de ce mythe s’explique aisément : la généralisation de l’automobilisme individuel a évincé les transports collectifs, modifié l’urbanisme et l’habitat et transféré sur l’automobile, des fonctions que sa propre diffusion a rendues nécessaires. Il faudrait une révolution idéologique (culturelle) pour briser ce cercle, mais il ne faut évidemment pas l’attendre de la classe dominante (de droite ou de gauche), mais d’évènements comme ceux que nous vivons actuellement, pour autant que nous le voulions réellement !
Voyons maintenant ces deux points de plus près.
Quand la voiture a été inventée, elle devait procurer à quelques bourgeois très riches un privilège tout à fait inédit : celui de rouler beaucoup plus vite que tous les autres. Personne, jusque-là, n’y avait encore songé : la vitesse des diligences était sensiblement la même, que vous fussiez riches ou pauvres ; la calèche du seigneur n’allait pas plus vite que la charrette du paysan et les trains emmenaient tout le monde à la même vitesse (ils n’adoptèrent des vitesses différenciées que sous la concurrence de l’automobile et de l’avion). Il n’y avait donc pas, jusqu’au tournant du précédent siècle, une vitesse de déplacement pour l’élite, une autre pour le peuple. L’auto allait changer cela : elle étendait, pour la première fois, la différence de classe à la vitesse et au moyen de transport. Ce moyen de transport parut d’abord inaccessible à la masse tant il était différent des moyens ordinaires : il n’y avait aucune mesure entre l’automobile et tout le reste : la charrette, le chemin de fer, la bicyclette ou l’omnibus à cheval. Des êtres d’exception se promenaient à bord d’un véhicule autotracté, pesant une bonne tonne, et dont les organes mécaniques, d’une complication extrême, étaient d’autant plus mystérieux que dérobés aux regards.
Car il y avait aussi cet aspect-là, qui pesa lourd dans le mythe automobile : pour la première fois, des hommes chevauchaient des véhicules individuels dont les mécanismes de fonctionnement leur étaient totalement inconnus, dont l’entretien et même l’alimentation devaient être confiés par eux à des spécialistes.
Paradoxe de la voiture automobile : en apparence, elle conférait à ses propriétaires une indépendance illimitée, leur permettant de se déplacer aux heures et sur les itinéraires de leur choix à une vitesse égale ou supérieure à celle du chemin de fer. Mais, en réalité, cette autonomie apparente avait pour envers une dépendance radicale : à la différence du cavalier, du charretier ou du cycliste, l’automobiliste allait dépendre pour son alimentation en énergie, comme d’ailleurs pour la réparation de la moindre avarie, des marchands et spécialistes de la carburation, de la lubrification, de l’allumage et de l’échange de pièces standard. A la différence de tous les propriétaires passés de moyens de locomotion, l’automobiliste allait avoir un rapport d’usager et de consommateur et non pas de possesseur et de maître, au véhicule dont, formellement, il était le propriétaire. Ce véhicule, autrement dit, allait l’obliger à consommer et à utiliser une foule de services marchands et de produits industriels que seuls des tiers pourraient lui fournir. L’autonomie apparente du propriétaire d’une automobile recouvrait sa radicale dépendance.
Pour la première fois dans l’histoire, les hommes deviendraient tributaires pour leur locomotion d’une source d’énergie marchande. Les magnats du pétrole perçurent les premiers le parti que l’on pourrait tirer d’une large diffusion de l’automobile : si le peuple pouvait être amené à rouler en voiture à moteur, on pourrait lui vendre l’énergie nécessaire à sa propulsion. Il y aurait autant de clients de l’industrie pétrolière que d’automobilistes… et comme il y aurait autant d’automobilistes que de familles, le peuple tout entier allait devenir client des pétroliers. La situation dont rêve tout capitaliste allait se réaliser : tous les hommes allaient dépendre pour leurs besoins quotidiens d’une marchandise dont une seule industrie détiendrait le monopole. Il ne restait qu’à amener le peuple à rouler en voiture.
Le plus souvent, on croit qu’il ne se fit pas prier : il suffisait, par la fabrication en série et le montage à la chaîne, d’abaisser suffisamment le prix d’une “bagnole” ; les gens allaient se précipiter pour l’acheter. Ils se précipitèrent bel et bien, sans se rendre compte qu’on les menait par le bout du nez.
Que leur promettait, en effet, l’industrie automobile ? Tout bonnement ceci : « Vous aussi, désormais, aurez le privilège de rouler, comme les seigneurs et bourgeois, plus vite que tout le monde. Dans la société de l’automobile, le privilège de l’élite est mis à votre portée »… Les gens se ruèrent sur les bagnoles jusqu’au moment où, les ouvriers y accédant à leur tour, les automobilistes constatèrent, frustrés, qu’on les avait bien eus. On leur avait promis un privilège de bourgeois ; ils s’étaient endettés pour y avoir accès et voici qu’ils s’apercevaient que tout le monde y accédait en même temps. Mais qu’est-ce qu’un privilège si tout le monde y accède ? C’est un marché de dupes.
Pis, c’est chacun contre tous. C’est la paralysie générale par empoignade générale. Car lorsque tout le monde prétend rouler à la vitesse privilégiée des bourgeois, le résultat, c’est que rien ne roule plus, que la vitesse de circulation urbaine tombe à Boston comme à Paris, à Rome ou à Londres… au-dessous de celle de l’omnibus à cheval et que la moyenne, sur les routes de dégagement, en fin de semaine, tombe au-dessous de la vitesse d’un cycliste.
Que l’on multiplie les voies radiales et les voies circulaires, les transversales aériennes, les routes à seize voies et à péages, le résultat est toujours le même : plus il y a de voies de desserte, plus il y a de voitures qui y affluent et plus est paralysante la congestion de la circulation urbaine. Rien n’y fait : tous les remèdes ont été essayés, ils aboutissent tous, en fin de compte, à aggraver le mal. Tant qu’il y aura des villes, le problème restera sans solution : si large et rapide que soit une voie de dégagement, la vitesse à laquelle les véhicules la quittent, pour pénétrer dans la ville, ne peut être plus grande que la vitesse moyenne, soit de 10 à 20 km/h, selon les heures… et, on ne pourra quitter la même ville à plus de 10 ou 20 km/h sur les périphériques et autoroutes desservant la capitale. On les quittera même à des vitesses beaucoup plus faibles dès que les accès et sorties seront saturés et ce ralentissement se répercutera à des dizaines de kilomètres en amont s’il y a saturation des routes d’accès et de sorties. Il en va de même pour toute ville.
Il est impossible de circuler à plus de 20 km/h de moyenne dans le lacis de rues, avenues et boulevards entrecroisés qui, à ce jour, sont le propre des villes.
Toute injection de véhicules plus rapides perturbe la circulation urbaine en provoquant des goulots, et finalement le paralyse. Si la voiture doit continuer à prévaloir, il ne reste qu’une seule solution : supprimer les villes, c’est-à-dire les étaler sur des centaines de kilomètres, le long de voies monumentales, de banlieues autoroutières. C’est ce qu’on a fait aux Etats-Unis. I L’Américain type consacre plus de mille cinq cents heures par an (soit trente heures par semaine, ou encore quatre heures par jour, dimanche compris) à sa voiture : cela comprend les heures qu’il passe derrière le volant, en marche ou à l’arrêt ; les heures de travail nécessaires pour la payer et pour payer l’essence, les pneus, les péages, l’assurance, les contraventions et impôts…
A cet Américain, il faut donc mille cinq cents heures pour faire (dans l’année) 10.000 km. Six kms lui prennent une heure. Dans les pays privés d’industrie des transports, les gens se déplacent à exactement cette même vitesse en allant à pied, avec l’avantage supplémentaire qu’ils peuvent aller n’importe où et pas seulement le long des routes asphaltées. Il est vrai que dans les pays non industrialisés les déplacements n’absorbent que 2 à 8 % du temps social (ce qui correspond vraisemblablement entre deux à six heures par semaine).
Conclusion : l’homme à pied couvre autant de kilomètres en une heure consacrée au transport que l’homme à moteur, mais il consacre à ses déplacements cinq à dix fois moins de temps que ce dernier !
Moralité : plus une société diffuse des véhicules rapides, plus, passé un certain seuil, les gens y passent et y perdent de temps à se déplacer.
C’est mathématique.
Mais nous venons à l’instant de le voir : on a éclaté les agglomérations en interminables banlieues autoroutières, car c’était le seul moyen d’éviter la congestion véhiculaire des centres d’habitation. Mais cette solution a un revers évident : les gens, finalement, ne peuvent circuler à l’aise que parce qu’ils sont loin de tout. Pour faire place à la bagnole, on a multiplié les distances : on habite loin du lieu de travail, loin de l’école, loin du supermarché, ce qui va exiger une deuxième voiture pour que la femme au foyer puisse faire les courses et conduire les enfants à l’école.
Des sorties ? Il n’en est pas question. Des amis ? Il y a des voisins… et encore. La voiture, en fin de compte, fait perdre plus de temps qu’elle n’en économise et crée plus de distances qu’elle n’en surmonte. Bien sûr, vous pouvez vous rendre à votre travail en faisant du 100 km/h ; mais c’est parce que vous habitez à 50 km de votre job et acceptez de perdre une demi-heure pour couvrir les dix derniers kilomètres.
Bilan : Les gens travaillent une bonne partie de la journée pour payer les déplacements nécessaires pour se rendre au travail ! Vous direz peut-être : « Au moins, de cette façon, on échappe à l’enfer de la ville une fois finie la journée de travail »…
Nous y sommes : voilà bien l’aveu.
La ville est ressentie comme l’enfer, on ne pense qu’à s’en évader ou à aller vivre en province, alors que, pour des générations, la grande ville, objet d’émerveillements, était le seul endroit où il valût la peine de vivre. Pourquoi ce revirement ? Pour une seule raison : la bagnole a rendu la grande ville inhabitable. Elle l’a rendu puante, bruyante, asphyxiante, poussiéreuse, engorgée au point que les gens n’ont plus envie de sortir le soir. Alors, puisque les bagnoles ont tué la ville, il faut davantage de bagnoles encore plus rapides pour fuir sur des autoroutes vers des banlieues encore plus lointaines.
Impeccable circularité : donnez-nous plus de bagnoles pour fuir les ravages que causent les bagnoles. D’objet de luxe et de source de privilège, la bagnole est ainsi devenue l’objet d’un besoin vital : il en faut une pour s’évader de l’enfer citadin de la bagnole. Pour l’industrie capitaliste, la partie était donc gagnée : le superflu est devenu nécessaire. Il était inutile désormais de persuader les gens qui désirent une bagnole : sa nécessité était inscrite dans les choses.
Que reste-t-il donc des grands rêves, quand, comme c’était inévitable, la vitesse plafond sur les routes est limitée à celle, précisément, que peut atteindre la voiture de tourisme la plus lente ? Il est vrai que d’autres doutes peuvent surgir lorsqu’on voit l’évasion motorisée le long des axes de fuite : entre 8 heures et 9 h 30 le matin, entre 5 h 30 et 7 heures le soir et, les fins de semaine, cinq à six heures durant, les moyens d’évasion s’étirent en processions, pare-chocs contre pare-chocs, à la vitesse (au mieux) d’un cycliste et dans un grand nuage d’essence au plomb.
Juste retour des choses : après avoir tué la ville, la bagnole tue la bagnole. Après avoir promis à tout le monde qu’on irait plus vite, l’industrie automobile a aboutit au résultat rigoureusement prévisible que tout le monde va plus lentement que le plus lent de tous, à une vitesse déterminée par les lois simples de la dynamique des fluides. Pis : inventée pour permettre à son propriétaire d’aller où il veut, à l’heure et à la vitesse de son choix, l’automobile devient, de tous les véhicules, le plus serf, aléatoire, imprévisible et incommode : vous avez beau choisir une heure extravagante pour votre départ, vous ne savez jamais quand les bouchons vous permettront d’arriver. Vous êtes rivé à la route (à l’autoroute) aussi inexorablement que le train à ses rails. Vous ne pouvez, pas plus que le voyageur ferroviaire, vous arrêter à l’improviste ni faire immédiatement demi-tour… et vous devez, tout comme dans un train, avancer à une vitesse déterminée par d’autres.
En somme, l’automobile a tous les désavantages du train, plus quelques-un qui lui sont spécifiques : vibrations, courbatures, dangers de collision, nécessité de conduire le véhicule…, sans aucun de ses avantages. Et pourtant, direz-vous, les gens ne prennent pas le train. Mais comment le prendraient-ils ? Avez-vous déjà essayé d’aller de Boston à New York en train ? Ou d’Ivry au Tréport ? Ou de Garches à Fontainebleu ? Ou de Colombes à l’Isle Adam ? Ou de La Hulpe à Braine-l’Alleud un dimanche, voire de Uccle à Genval n’importe quand ? Impossible !
Avez-vous essayé, en été, le samedi ou le dimanche d’aller ne fusse que déjeuner dans un restaurant sympa à 30 kms d’ou vous habitez ? Eh bien ! essayez donc, courage ! Vous constaterez que le capitalisme automobile a tout prévu : au moment où l’automobile allait tuer la bagnole (j’aime les bons mots), il a fait disparaître les solutions de rechange : façon de rendre la bagnole obligatoire. Ainsi, l’Etat capitaliste a d’abord laissé se dégrader, puis a supprimé, les liaisons ferroviaires entre les villes, leurs banlieues et leur couronne de verdure. Seules ont trouvé grâce à ses yeux les liaisons interurbaines à grande vitesse qui disputent aux transports aériens leur clientèle bourgeoise.
C’est pourquoi la solution révolutionnaire idéale, qui consiste à supprimer la bagnole au profit de la bicyclette, du tramway, du bus et du taxi sans chauffeur, n’est même plus applicable dans les cités autoroutières comme Los Angeles, Detroit, Houston, Trappes ou même Bruxelles, modelées pour et par l’automobile. La vérité, c’est que personne n’a vraiment le choix : on n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle et même, de plus en plus, l’univers urbain. Villes éclatées, s’étirant le long de rues vides où s’alignent des maisons toutes semblables et où le paysage (le désert) urbain signifie : « Ces rues sont faites pour rouler aussi vite que possible du lieu de travail au domicile et vice versa. On y passe, on n’y demeure pas. Chacun, son travail terminé, n’a qu’à rester chez soi et toute personne trouvée dans la rue la nuit tombée doit être tenue pour suspecte de préparer un mauvais coup »…
Dans un certain nombre de villes américaines, le fait de flâner à pied la nuit dans les rues est d’ailleurs considéré comme un délit.
Alors, la partie est-elle perdue ? Non pas ; mais l’alternative à la bagnole ne peut être que globale. Car pour que les gens puissent renoncer à leur bagnole, il ne suffit point de leur offrir des moyens de transports collectifs plus commodes : il faut qu’ils puissent ne pas se faire transporter du tout parce qu’ils se sentiront chez eux dans leur quartier, leur commune, leur ville à l’échelle humaine… et qu’ils prendront plaisir à aller à pied de leur travail à leur domicile, à pied ou, à la rigueur, à bicyclette. Aucun moyen de transport rapide et d’évasion ne compensera jamais le malheur d’habiter une ville inhabitable, de n’y être chez soi nulle part, d’y passer seulement pour travailler ou, au contraire, pour s’isoler et dormir.
Les usagers briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation et à redouter de s’en éloigner trop souvent. Mais, précisément, pour pouvoir aimer son territoire, il faudra d’abord qu’il soit rendu habitable et non pas circulable : que le quartier ou la commune redevienne le microcosme modelé par et pour toutes les activités humaines, où les gens travaillent, habitent, se détendent, s’instruisent, communiquent, s’ébrouent et gèrent en commun le milieu de leur vie commune.
On peut imaginer que ces villes nouvelles seront des fédérations de communes (ou quartiers), entourées de ceintures vertes où les citadins passeront plusieurs heures par semaine à faire pousser les produits frais nécessaires à leur subsistance. Comme on lui demandait une fois ce que les gens allaient faire de leur temps, après la révolution, quand le gaspillage capitaliste sera aboli, Marcuse répondit : « Nous allons détruire les grandes villes et en construire de nouvelles. Ça nous occupera un moment »… Pour leur déplacements quotidiens, ils disposeront d’une gamme complète de moyens de transport adaptés à une ville moyenne : bicyclettes municipales, trams ou trolleybus, taxis électriques sans chauffeur. Pour les déplacements plus importants dans les campagnes, ainsi que pour le transport des hôtes, un pool d’automobiles communales sera à la disposition de tous dans les garages de quartier. La bagnole aura cessé d’être besoin. C’est que tout aura changé : le monde, la vie, les gens. Et ça ne se sera pas passé tout seul.
Entre-temps, que faire pour en arriver là ? Avant tout, ne jamais poser le problème du transport isolément, toujours le lier au problème de la ville, de la division sociale du travail et de la compartimentation que celle-ci a introduite entre les diverses dimensions de l’existence : un endroit pour travailler, un autre endroit pour habiter, un troisième pour s’approvisionner, un quatrième pour s’instruire, un cinquième pour se divertir. L’agencement de l’espace continue la désintégration de l’homme commencée par la division du travail à l’usine. Il coupe l’individu en rondelles, il coupe son temps, sa vie, en tranches bien séparées afin qu’en chacune vous soyez un consommateur passif livré sans défense aux marchands, afin que jamais il ne vous vienne à l’idée que travail, culture, communication, plaisir, satisfaction des besoins et vie personnelle peuvent et doivent être une seule et même chose : l’unité d’une vie, soutenue par le tissu sociale de la commune. Et, pour y arriver, il y a la crise actuelle, qui permet de nous rendre compte de tout ce que je viens de vous souligner…
Sauf que, nos politiciens, toujours avides de nous taxer, ont réagi à l’envers…, voulant remettre en marche la machine qui pourtant démontrait dans ses râles d’agonies, qu’elle avait été mal pensée, mal construite et mal utilisée… Pourtant, en voyant Honda quitter cette gabegie ambulatoire qu’est la Formule un et ses escrocs patentés par milliards d’euros pour faire croire aux gnous qu’elle sert le progrès général alors que c’est la progression de leur portefeuille…, voyant Honda, donc, quitter ce cirque, j’ai cru qu’enfin, il y avait une volonté de changer de cap et s’éloigner des récifs ou chantent (hurlent) les sirènes de l’industrialisme…
Nous sommes à une croisée de chemin, nous rêvons tous de partir vers d’autres cieux, mais le système nous fait croire que nous avons tout intérêt à sauver le même dit système… Alors on laisse faire en attente, on ne dépense plus que le minimum, on change ses habitudes, on regarde… Et pendant ce temps, qu’est ce que Mercedes, une des grandes marques de prestige, le prestige pour toutes les couches sociales…, nous propose au lieu de vanter la Smart qui est dans son giron et d’en multiplier sa fabrication car c’est la seule voiture d’avenir…, qu’est ce que fait Mercedes écrivais-je déjà fatigué par la réponse que je connais avant de l’écrire ? Elle nous présente la voiture qui est illustrée sur cette page… Un monstre de presque trois tonnes, 6 mètres de long, 2m25 de large, inparquable, inroulable en agglomération…, nécessitant un chauffeur de maître… Et que dit Mercedes ? Qu’elle a une motorisation hybride et ne consomme quasi-rien tout en rejetant un minimum de CO²…. Et ce n’est pas une voiture populaire, c’est de l’équivalence d’une Maybach ou d’une Rolls-Phantom…
C’est quasi injurieux ! De plus… qu’est-ce que les vrais riches qui ont un avion d’affaire en sus d’un yatch de 80 mètres au minimum en ont à f…. C’est quasi injurieux… pour les pauvres… comme pour les riches… Pensez à virer votre con-cepteur, herr machin Direcktor…