La Leningrad-1953 “diko” !
“Diko” en russe, est une expression qu’on peut traduire, familièrement certes, par “C’est dingue !“. Elle colle parfaitement à “La” Léninngrad-1953, une automobile baroque que les Russes imaginaient paradant sur les Champs-Élysées du monde (Soviétique) qu’est la Perspective Nevski…
Chaque Russe est angoissé, moraliste et fulgurant ! En Russie le principe éthique prend le pas sur le principe esthétique… Si on paraphrase la célèbre formule de Lénine : “La liberté, pour quoi faire ?”, on peut considérer que la majorité des russes se pose toujours la même question sous de multiple variantes : “La vie, pour quoi faire ?”… “La mort, l’amour, l’avenir, le passé, le présent, vous, pour quoi faire ?”… La liberté russe, c’est celle du loup dans la bergerie, celle du plaisir éthique amoral sinon immoral de la recherche de la gloire et de l’argent, mais, en Russie, en plus, on s’est toujours demandé à quoi peut, à quoi doit, servir certaines de nos étranges activités, apparemment gratuites et désintéressées donc inutiles, sauf qu’elles sont l’exact contraire ! Ce qui agace les Russes ce sont les “fouilles-merde” donneurs de leçons qui ont la manière de “foutre le souk partouze” jusque dans nos slips, une liberté inversée qui nous a été imposée par les USA et que nous cherchons à implanter de force, sans nous rendre compte que chaque action entraine une réaction ! Pour les Russes, l’Occident passe son temps à s’occuper de “foutre le bordel” et de “chier dans les bottes des autres en ce compris bombarder à tout va les populations indigènes pour les libérer tout en leur volant toutes leurs ressources”…
Nous jugeons les Russes comme étant bizarres, pervers, pathologiques et mystiques. Ce qu’on n’a pas compris, ni à l’époque d’avant, ni de nos jours encore, c’est que les Russes vivent leur vie comme une très douloureuse crise sans fin, raison pour laquelle l’esprit de fête “à mort la vie” appelle à la réalisation d’un idéal dont ils sont les premiers à sentir à quel point il est impraticable ! Léon Tolstoï en fut l’archétype, il se considérait comme le seul tolstoïen véritable “biographiste de lui-même” (sic !), poussé à l’extrême, jusqu’à pouvoir écrire “Le roman de son âme” par le biais de sa propre auto-psychanalyse, s’acharnant à expliquer simultanément la chute de l’Âme Russe et de la Mère Russie, tout en faisant de lui un monstre digne de ceux qu’il a peint dans “Les Âmes mortes”.
Les choses sont dans l’actuelle Russie à la fois différentes et moins compliquées et beaucoup de ce qui importe, au-delà d’anecdotes insignifiantes, s’éclaire avec les idéaux de la Sainte-Russie portée par le christianisme orthodoxe Russe, lequel est la foi de tout un peuple.
La Russie moderne, en effet, est née, comme par enchantement, au XVIIIe siècle : Pierre le Grand ordonnant alors aux Russes de se mettre au niveau et à la ressemblance de l’Europe. La culture pétrovienne s’auréolant d’un mythe démiurgique de la création ex nihilo : “L’école de Pierre”, radicalement novatrice, Pierre le Grand a ainsi créé la nouvelle Russie comme il a fondé Saint-Pétersbourg : sur les eaux du néant, un jour de 1703, au fond du golfe de Bothnie. “Rien avant, tout après”. Les Russes sont ainsi passés, en quelques décennies, d’un état culturel où seule existait une littérature religieuse officielle orthodoxe, tout entière dominée par le projet d’aider au salut de l’âme par le truchement de l’Église, à une littérature profane, laïque, conçue sur le patron de la littérature européenne. La littérature, cependant, même dans le cadre de la révolution culturelle pétrovienne, restait soumise à l’ardente obligation d’être utile, de servir : “Au salut des âmes”, naguère, “A la gloire de l’Empire”, dorénavant. C’est de ce souvenir, de cette responsabilité traditionnelle, que les Russes ont contracté une haute idée de leur vie : les préoccupations éthiques tendant chez eux à passer avant l’esthétique et même à soumettre celles-ci à leurs fins, envers et contre le culte désintéressé de la beauté, s’il le fallait.
Gogol a, de son coté, marqué en littérature le rejet, un siècle après Pierre le Grand, de l’occidentalisme laïc, et le retour à une certaine forme de prédication, mais cela ne s’est pas déroulé sans déchirement ! Pour répondre à ces 2 questions : “Comment faire servir l’art occidental au salut de l’âme ? Comment sauver l’esthétique des foudres de l’éthique ?” la réponse a été une question/réponse à la Russe : “Comment se servir de l’occidentalité pour sauver l’éthique de la perversité de l’esthétique ?”… En quelque sorte, c’était un découragement lubrique et une lubricité décourageante : les Russes riant de bon cœur tout en s’indignant du tableau assassin de la corruption ordinaire de l’administration, tout en applaudissant à toute dénonciation du “mal russe”, et tout en se réjouissant que la Russie fasse à nouveau peur, tout en se réjouissant que la politique mondiale soit admirable et dévastatrice par sa “vis comica” façon d’une oeuvre de Pouchkine montrant toute la Russie en proie, non pas tant à un régime corrompu, qu’aux menées du Démon, en montrant que tout cela servait à édifier ses contemporains pour les changer. On parle même de canoniser Poutine (on canonise facilement en Russie, de nos jours, pour répondre à une certaine demande populaire : dans la région de Tobolsk, dont Raspoutine est originaire, on prie devant des icônes représentant ce dernier, dans la chapelle portant son nom et fondée par lui dans son village natal de Pokrovskoié).
La Russie est une immense âme en peine, qui cherche dans l’angoisse à saisir le sens des valeurs pour qu’elles servent au salut des Russes et à celui de la Russie en général (le salut de celle-ci est la préoccupation primordiale du peuple et de nombreux écrivains, de Tchaadaïev à Dostoïevski, en passant par Pouchkine, Gogol, les Slavophiles, les Occidentalistes, Herzen, les Populistes, N. K. Mikhaïlovski), tout en dénonçant l’amoralisme, qui apparaît comme une insuffisance à combler, une contestation du Nouvel ordre mondial pro-américain que les Russes dénoncent comme une usurpation du projet divin, de ce que l’on appelle “la Providence” ou “le dessein de Dieu”, dont les voies, cela est bien connu, sont impénétrables (puti neispovedimye), à moins d’être inspiré, comme les auteurs inconnus de la Bible : il faudrait y réfléchir à deux fois avant d’engager des guerres et des sanctions. Pour la pensée orthodoxe, le monde, œuvre de Dieu, lequel exprime son contentement le dernier jour de la Genèse, est une création à la fois complète et harmonieuse. Le monde relève du Logos divin, il est beau et plein de sens, et l’Homme est la couronne de la Création : fait à l’image de Dieu, il en est l’image réalisée. Chaque homme porte en lui l’image du Créateur ; seul de l’univers, il en reflète la lumière et il en dit le sens, selon les catégories du Beau, du Bien et du Vrai.
Cette image n’est complète chez l’Homme que s’il jouit de son intégrité physique et mentale : pour cette raison, les textes écartent du sacerdoce les mutilés et les malades. Si l’humain se sépare du divin, l’homme, privé de la nourriture de la grâce, du don gracieux (blagodat’), perd et le sens, et la vie, il n’est plus, tout entier, que du côté de l’éphémère, du périssable, du corps, c’est-à-dire de la mort, il est déjà mort en la chair. Ne plus avoir de nez par exemple représente une perte non seulement physique mais surtout métaphysique : sans nez l’homme n’a plus l’air de rien, il n’a plus rien à voir avec cette image de Dieu (obraz Božij) que tout homme porte en lui, malgré tous ses péchés personnels : c’est ce qu’exprime le terme bezobrazie. Règne désormais l’éphémère, l’ersatz, la détérioration, la dégradation, le vide, le néant : Saint-Pétersbourg, Léningrad du temps des Soviétiques, capitale importée de l’Ouest et capitale des arts, pour ne pas dire des artifices, de l’Occident, apparaît bien comme la ville de toutes les absurdités, celle où elles sont toutes possibles et où elles se sont toutes réalisées, sous le règne d’un Nez-Antéchrist, conseiller d’État du Diable. Avant que le Verbe ne se fasse entendre, c’était, en effet, le vide amorphe des eaux du néant, auquel le monde retournera si la Parole de Dieu est oubliée. L’ordre et l’harmonie peuvent être restaurés dans l’univers par celui seul qui a ordonné aux mondes qui dépendent de lui de se mouvoir selon une ordonnance harmonieuse !
Sans le Christ, sans le Tsar, Sans Staline, sans Poutine, la personne Russe et la vie Russe perdent toute raison d’être, tout but et toute efficacité ! Sans leur maître, les Russes ne parviennent plus à vivre, à aimer et à gagner des Roubles, les eaux de la vie se dépeuplent, mais tant qu’il est là, c’est comme un miracle perpétuel. En l’absence de ces dieux leur reflet se voile dans les esprits du peuple Russe et se disperse, comme lorsqu’un miroir se brise. Tout vole en éclats, le monde qui a oublié Dieu cesse d’être à l’image de son créateur, en particulier la hiérarchie de composition entre les ordres de la création n’est plus respectée : dans un monde où les enfants de Dieu ont oublié leur père, à l’essentiel et à l’éternel lui ont préféré l’éphémère, le périssable, les apparences, ce qui doit mourir, ce qui doit pourrir, tout n’est plus qu’erreur, confusion, obscurité, les frontières se brouillent entre le réel et l’irréel, le rationnel et l’irrationnel, l’animé et l’inanimé, le vivant et le mort, la personne et le fantôme, l’original et le double. Non seulement elles se brouillent mais elles sont transgressées, les états se recouvrent l’un l’autre, pour faire venir au jour, très réellement, des monstres : la partie se joue pour le tout, l’Ours Russe à l’air bonnasse, plus sympathique que l’Aigle Américain, sans commune mesure avec la Mariane Française au poitrail dénudé comme une catin cherchant à vendre son corps… C’est pour cela que l’Occident pro-américain veut détruire Poutine, certain qu’en dévalorisant “LE TSAR”, la Russie s’écroulera comme la Chrétienté sans Jésus, alors que l’Amérique sans Nixon, Bush, Trump, Bidden… et la France sans Sarkozy, Hollande, Macron, ne s’en portent que mieux !
Ce à quoi aspire un créateur d’automobiles en Russie, c’est au retour de l’Âme Russe dans le monde, illuminé, transfiguré par le retour aux temps de la “Bonne Nouvelle”, un art qui éclaire et convertit, qui rend aux hommes les plus divers une beauté rédimée, servant enfin un but élevé, l’art donnant au peuple l’envie d’emprunter les bonnes voies ! Les créateurs Russes sont toutefois maudits, ce sont des prophètes en déshérence, des guides désertés, les écrivains Russes se retournent sur leurs compatriotes pour les accabler d’imprécations et d’exhortations, le peuple étant selon eux “théophore” ! La beauté séraphique de notre Mariane Française se révèlant aux yeux des Russes comme une prostituée railleuse à l’esprit obnubilé par les enseignements fallacieux venus de l’Ouest : “Tout en elle respire la tromperie. Elle ment à toute heure, et avant tout quand la nuit s’étend sur elle quand le démon lui-même l’éclaire à seule fin de montrer sous son aspect irréel, son pire des péchés”. Pour Hieronymus Bosch comme pour Nicolas Gogol, la “Mariane-France” étant la stupidité incarnée, laquelle se décline en gloutonnerie et en arrogance au milieu d’humains avides, obtus, hargneux, agressifs, prêts à mordre, ou bien pâles et inexpressifs comme des poupées de cire : en tout cas, toujours stupides… Hieronymus Bosch a présenté d’effrayants tableaux de la perdition du monde occidental, une humanité hagarde et bestiale grouillant au milieu d’objets et d’animaux qui semblent avoir pris le pouvoir sur elle. Les bois, les champs, les eaux, le ciel sont remplis de monstres hybrides, centaures faits d’hommes, de bêtes et de choses, et les démons multiplient leurs incursions sur fond de vice et de débauche sans joie. Apparaissent dans les airs curés, moines et nonnes dont on se demande s’ils ne font pas partie des légions de Satan.
Méphistophélès, dans Le Docteur Faustus de Marlowe, déchaîne la révolte des objets. Pliouchkine, dans Les Âmes mortes, n’est pas un simple avare, au sens traditionnel du terme, un grippe-sou comique, inoffensif, il ne jouit même pas par procuration de ce qu’il possède et entasse, il n’est pas un Chevalier avare pouchkinien jouissant de ce que pourrait lui donner son argent (palais, jardins, nymphes folâtres) : Pliouchkine, ne pouvant être, a choisi l’avoir… Or l’avoir est précisément ce qui passe, ce qui périt, ce qui pourrit, et le propriétaire Pliouchkine, riche de ses hangars d’objets avariés et tombant en poussière, est le plus bel ornement de son bric-à-brac insalubre, une pourriture aussi animée, mais pas plus, que les objets dont il s’entoure et, en route, avec eux, vers le néant, objet parmi les objets, aliéné à lui-même dans sa libido habendi… Pliouchkine est aussi, pour Gogol, l’anti-modèle, laissant se perdre inutilement le fruit du labeur des “âmes paysannes” confiées à lui par la volonté divine, au lieu de leur retourner en bienfaits, en service d’État ce que celles-ci lui ont donné. Pliouchkine est une anti-utopie. Pour Hieronymus Bosch comme pour Gogol, le spectacle du monde est un scandale effarant : le Démon, à qui notre oubli Occidental de Dieu et notre complaisance ont ouvert grand les portes, a morcelé le monde en une multitude de parcelles et puis les a mélangées sans ordre, ni sens ! Nos désirs et nos passions Occidentales, sont perçues comme absurdes aux yeux des Russes ! Absurdes, parce que nous nous attachons à ce qui est en train de périr, comme le débauché pauvre qui baise le sein martyrisé de la catin Marianne. Amphore du péché et de l’erreur, la forme belle est la tombe de l’Occident, et l’art d’Occident est un leurre. L’erreur fatale, selon Hieronymus Bosch et Nicolas Gogol, est d’investir dans le monde Occidental : c’est le krach assuré !
Les amateurs de voitures classiques résident dans à peu près tous les coins du monde et chaque groupe a tendance à avoir sa propre culture. Avec de nombreuses marques telles que Lada, Moskovich, Volga, et UAZ, la Russie a une longue histoire de construction automobile (bien que peut-être pas de construction automobile de qualité), mais il n’existe pas en Russie des automobiles classiques extraordinaires, du moins : généralement… Les automobiles en Russie sont soit “flashy” : Mercedes, BMW, ou “has-been” fabriquées localement : Lada et Dacia, avec une poignée d’importations chinoises heureusement de moins en moins douteuses et qui, toutefois, j’imagine, ne passeraient même pas les tests de sécurité les plus rudimentaires de l’UE. Si une voiture est là-bas assez vieille pour être considérée comme une “classique” elle est invariablement traînée sur ses jantes dans un état de délabrement tel que la plupart des chantiers de ferrailles européens s’en détourneraient. Avec des nids-de-poule assez profonds pour intéresser géologues et conducteurs qui semblent avoir appris leurs manières de Grand Theft Auto, les routes russes ne sont certainement pas un endroit pour les machines précieuses… à moins qu’il ne s’agisse d’une occasion spéciale.
J’ai été témoin d’une folle journée il y a un peu plus de deux ans, quand le Covid19 ne servait pas de prétexte à nos Gouvernements pour nous obliger à nous confiner et interdire les balades d’automobiles anciennes ! Qui aurait osé imaginer que les Lobbies des industries pharmaceutiques allaient “avoir la main” pour imposer leurs diktats à buts très lucratifs à nos Gouvernements, à une époque où on pouvait (encore) voyager sans être contrôlés comme en 1939/1940… Il s’agissait d’une balade sans fin, longue comme un jour sans pain, un Saint-Petersbourg/Léningrad (sans retour puisque c’est la même ville avec son ancien et nouveau nom et entre-eux celui de la ville de Lénine), réservé à quelques centaines de vieilles choses brinquebalantes. Entourés d’un horizon nihiliste de tours sans âme de l’ère soviétique, quelques Lada Niva, autrefois omniprésentes et diverses Moskovich étincelantes se sont garées dans une rangée à côté d’une poignée de croiseurs-cuirassés américains surdimensionnés faisant partie d’un paquet en vrac de voitures avec des numéros (mal) collés sur leurs portes pour le rallye inaugural de Leningrad/Saint-Perersbourg, Alexi Ivanov a expliqué avec un antique mégaphone de l’époque Stalinienne, pourquoi ce rallye de régularité était beaucoup plus compliqué qu’il n’y paraissait. Chaque équipe a obtenu un road-book plein de diagrammes et de belles tulipes de toutes les jonctions comprenant des informations sur les distances entre les stations-services ainsi que la localisation de quelques rares garages disposant de dépanneuses. Pour rendre les choses un peu plus difficiles, certains diagrammes manquaient pour localiser les points de passages obligatoires à un moment plus ou moins exact sous peine que des pénalités soient appliquées. Pour rendre l’épreuve plus complexe les voitures ont été divisées en deux classes, les “Young-Timers” fabriquées après 1960, et les “Old-Timers” pour “les celles d’avant les autres”…
Avec des années de non-expérience dans les rallyes-raids, les défis du désert et les compétitions hors route hardcore, en fin de matinée, j’étais inconfortablement là, quelque-part n’importe-ou, incapable de traduire les diagrammes de tulipes sur une carte Russe en caractères Cyrilliques ! Et, à une jonction compliquée, je me suis arrêté pour tricher en ouvrant Google Street View sur mon ordinateur portable pour regarder les différentes options pour arriver en un seul morceau dans l’Hôtel 24 étoiles local d’ou nous étions partis… Une épopée épique ! J’ai ainsi volontairement ignoré un test de vitesse autour du port et d’un fort de mer appelé Kronstadt, qui a été remporté, sans surprise, par une réplique locale de 1993 Lancia Delta Integrale. Mais aussi étonnant que c’était, la victoire est allée à une autre réplique locale, donnant l’illusion d’une GAZ M20 Pobeda Sport 1956 !
Les rares vraies originales ont couru des événements notables tels que les Mille-Miglia et le rallye de Monte-Carlo… Et comme c’était une réplique qui avait demandé des efforts exceptionnels à son propriétaire bien connu dans le circuit classique local, en raison de son âge vénérable (95 ans) et de son rôle de Général ainsi que Commissaire du Parti Communiste, il a d’emblée reçu l’avantage très Soviétique d’un coefficient de pénalité quasi nul de sorte qu’il était déjà vainqueur de l’épreuve avant de la commencer vraiment. Après le déjeuner cependant, j’ai été informé qu’en Russie, les valeurs anciennes du communisme soviétique étaient protégées, d’autant plus que le Général avait à cette époque, ordonné l’exécution immédiate d’une dizaine de pilotes qui l’avaient outrageusement dépassé durant une course organisée par le Parti à Moscou. Le Général avait également fait exécuter deux autres pilotes à l’arrivée finale sur la Place-Rouge sous le prétexte d’avoir mis la population en danger en cause de vitesses trop élevées, afin d’être le vainqueur de l’épreuve. Cet événement a ainsi été remporté par le Général qui conduisait une ZiL, tandis que la magnifique Pobeda qui avait terminé en tête a été rétrogradée en 5e position alors que son conducteur était menacé d’être fusillé s’il réclamait. C’était le premier Rallye Moscovite, mais à en juger par le manque d’enthousiasme des forces armées soviétiques, il a été décidé de ne plus l’organiser !
Le 1er août 2020, je suis enfin arrivé au volant d’une authentique antiquité rouge et beige, sponsorisée par SvadbaGarderob qui affichait fièrement le numéro 2, j’étais heureux d’être accueilli par une beauté Russe survêtue de jaune et d’en être sorti vivant et entier, sain et sauf, juste à temps pour “l’Antique Car Show Timeless Classic 2020 de Biržai” qui avait été sélectionné pour accueillir la première apparition de la légendaire voiture “Leningrad-1953”, qui y a d’office et par avance (sic !) remporté le Grand Prix de l’événement ainsi que le premier prix de la plus belle voiture du monde ! Son propriétaire actuel, Alexander Obymacha, très connu pour diriger des entreprises de restaurations automobiles m’a dit pour m’impressionner et obtenir un minimum de 8 pages quadri dans mon magazine Gatsby, avoir été reçu au Kremlin par Vladimir Poutine pour avoir restauré ce jalon du génie automobile Russe et être décoré de l’étoile du mérite lui permettant de percevoir une allocation digne d’un Amiral d’escadre chaque mois. Je n’en ai pas cru un traitre mot, habitué aux perpétuels mensonges et divagations des acteurs (tous pays confondus) de l’automobile ancienne ! Ensuite, cette voiture et son propriétaire ont triomphé (le mot est faible) lors de l’événement automobile “Antique Riga Retro 2020” remportant également le titre BIS de la plus belle voiture du monde et le 1er prix décerné à la championne de vitesse toutes catégories des années ’50 (les participants devant sans doute se ranger en bord de route pour le saluer des traditionnels : “Hourrah, Hourrah, Hourrah”… Je n’en ai rien cru non plus !
La Leningrad-1953, au “Salon de l’automobile antique et classique Timeless Classics 2020”, a été immortalisée par l’éminent photographe Dainius Nagelė : “Hourrah, Hourrah, Hourrah”… C’est toutefois un touriste américain, John H. Schultz qui visitait l’Europe en 1958 avec un Mamya 6X6 qui utilisait des films diapositives couleur KODACOLOR ou KODACHROME qui a été le premier occidental à croiser la “Léningrad-1953” dans les rues de Leningrad (gag !) Il a repéré cette voiture, l’a jugée intéressante et, en discutant avec son conducteur, il est ainsi devenu le premier homme occidental à pouvoir admirer la première voiture soviétique “auto-construite”, et cela derrière le fameux rideau de fer ! Cet acte audacieux (gag !) aurait pu le faire interner en Sibérie pour avoir photographié un prototype Soviétique ! A cette époque la ligne officielle autorisant la construction d’automobiles était un secret d’état, les voitures particulières étaient très rares et très différentes des automobiles capitalistes, par exemple en Hongrie, les autorités avaient interdit les voitures “auto-construites” (et la situation ne s’est pas beaucoup améliorée depuis), pour des raisons de défense nationale (sic !), tandis qu’en Pologne, ce mouvement a donné lieu à des centaines de créations intéressantes, parfois bizarres, mais la Pologne s’est montrée par la suite ennemie du peuple soviétique d’où une répression apocalyptique.
La Leningrad-1953 est l’un des exemples parmi les plus précieux du “génie Soviétique” selon Arunas Ra, un Lituanien qui aurait, selon lui une descendance directe avec un Dieu de l’Egypte des Pharaons… Il a créé de ses mains et de son intelligence (dixit lui-même) un très beau site-web concernant les automobiles “auto-construites” soviétiques (entre autres), appelé : AllCarIndex (un nom qui a été copié selon lui et un rapport du KGB par des capitalistes qui ont créés d’autres site-web du même nom, ce qui le rend, toujours selon lui, indétectable aux manipulations occidentales). Il a également découvert une vidéo montrant la voiture en 1956 donc 3 ans après qu’elle avait été construite par Arkady Dimitrievich Babitsh en 1953. C’était un pilote automobile soviétique, qui a construit sa première voiture en 1952. Il aurait, selon Arunas RA, également participé à la construction de voitures de course conçues sur ordre du Kremlin pour battre à plate couture Ferrari dans l’épreuve majeure qu’étaient “Les mille virages de l’Oural”. Ferrari y aurait été battu par décret officiel soviétique (surnommé sans doute le “Staline-Act”), déterminant officiellement “à vie” le pré-abandon de Ferrari à cette épreuve mythique… Une fantastique victoire qui aurait positionné la Russie Soviétique au sommet de la gloire ! Je vous l’écris tout net, je vous retransmets cette FAKE-NEWS parce qu’elle est drôlissime !
La Leningrad-1953 était à sa construction propulsée par un moteur de 90 chevaux “cubant” 3,5 litres, provenant d’une berline GAZ-12 ZIM réquisitionnée pour ce noble don, ce qui permettait à la biplace d’avoir une vitesse maximale stupéfiante de de 120 km/h… Un rapport contemporain a noté que Babich a terminé le voyage Simferopol-Leningrad en 20 heures! Un autre exploit : “Hourrah, Hourrah, Hourrah !”…
Depuis les années 1960, la vie de cette merveille automobile est restée inconnue des gens du peuple, mais (toujours selon les élucubrations d’Alexander Obymacha qui cherchait vraiment à m’entuber grave et profond), c’est grâce à ses relations très haut-placées ( je vous le rappelle car c’est important que vous mémorisiez qu’il prétend “partouze” avoir été reçu au Kremlin par Vladimir Poutine ou il aurait été décoré de l’étoile du mérite lui permettant de percevoir une allocation d’Amiral d’Escadre chaque mois)… qu’il a pu s’approprier ce trésor du génie automobile soviétique qui gisait dans un garage abandonné. (En tant que véritable propriétaire-actuel-officiel, Alexander Obymacha essaie de trouver plus d’informations et de photos)… contre récompense !
À cette fin, Dmitriy Dashko qui contribue au magazine Letton “ceautoclassic”, a découvert quelques “scoops” intéressants. Merci donc à Dmitriy Dashko pour son aide dans la mise sur pied de cette histoire ! La Leningrad-1953 était donc (vous venez de le lire), très connue dans l’histoire automobile de l’ex-Union soviétique comme étant une voiture unique et spéciale en avance en son temps avec des formes avant-gardistes et une construction rigoureuse identique à celle de l’avionique et des fusées spatiales ! Ce n’est pourtant plus un secret pour personne que les voitures produites en masse en Union soviétique n’étaient caractérisées ni par la grâce ni par l’élégance du design. Et ce n’était pas seulement dû au fait qu’à l’époque en Russie Soviétique, l’industrie automobile d’après-guerre ne se concentrait pas sur la production automobile, mais sur le développement de machines industrielles lourdes. Dans l’ordre politique de cette époque et la politique fermée de l’Union soviétique, la route vers l’ouverture de produits consuméristes occidentaux dans la sphère communiste a été fermée aux voitures étrangères et aux innovations automobiles, sauf curieusement pour Fiat.
Les amateurs de voitures qui voulaient l’exclusivité avaient deux options : soit restaurer localement les voitures qui avaient été amenées en Union soviétique comme des butins de guerre, ou pour en concevoir et construire en “auto-construction”, d’autant plus que cette possibilité, étant considérée comme créative, n’était pas interdite par le gouvernement de l’Union soviétique et qu’elle était même encouragée à l’époque. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans les années difficiles d’après-guerre, sous les organisations sportives bénévoles de l’État et les entreprises de transport automobile, il existait des clubs et divers collectifs de sport automobile et techniques établis, dont l’objectif n’était pas seulement le développement des sports de course automobile et moto, mais aussi le développement de véhicules auto-fabriqués. La Leningrad-1953 vedette de cet article est réellement apparue de cette manière. Commençons par le fait qu’Arkadiy Babich, un ingénieur-design diplômé, a vécu, travaillé et a été engagé dans le sport automobile de la ville de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg).
Selon la presse de l’époque, le designer était désireux de construire et de faire une voiture de course. Conformément à la fabrication improvisée des voitures de sport de l’époque, il convient de noter que tous les travaux de construction et de production étaient réalisés dans des clubs sportifs, des organisations ou des ateliers subordonnés à des organisations étatiques-soviétiques. A cette époque une personne privée n’avait pas la possibilité d’acquérir ou de se débarrasser voire de vendre des pièces d’automobiles ainsi que des matériaux de construction métalliques. Seules les organisations d’État pouvaient le faire. Le certificat délivré par le président de la branche de Leningrad de “l’Union Voluntary Association of Sports and Physical Education Spartak” en 1952 indiquant que le mécanicien D. L. Shervud a participé aux travaux de développement de la voiture de course de l’ingénieur Babich en 1951 est un document rare. Sur la base de ce certificat, nous pouvons conclure qu’A. Babich n’a pas travaillé sur ses seuls projets, mais qu’il a reçu du financement, des locaux d’atelier, de l’équipement, de l’outillage et les pièces nécessaires, par l’intermédiaire de l’association sportive Spartak.
Il est dommage qu’aucune information ne soit restée en survie concernant la première création automobile de cet ingénieur. Il existe seulement quelques photos sur Internet sans aucun commentaire, on sait très peu de choses sur la deuxième voiture créée par Babich. Tout ce qui est mentionné, c’est qu’il a utilisé un moteur bicylindre en V d’une moto capturée (sans doute une Harley égarée). Seule la la troisième voiture de sport d’Arkadiy Babich, qui porte le nom de sa ville natale de Leningrad, a survécu jusqu’à ce jour en tant que Leningrad-1953. Selon les médias de l’époque, la production de ce roadster aurait commencé dans les années 1950 et duré 2 ou 3 ans, bien que diverses sources en ligne affirment que la voiture a été fabriquée durant la seule année 1956. Toutefois, selon le certificat d’immatriculation de la voiture, on peut supposer que la voiture de course d’A.Babich, la Leningrad-1953, a été fabriquée en 1952 et immatriculée en 1953.
Tous les assemblages et pièces montés sur cette voiture de sport étaient fabriqués en série, utilisés dans d’autres voitures fabriquées en Union soviétique à l’époque. Comme base ont été utilisés les unités et le moteur de la limousine gouvernementale GAZ 12 ZIM, qui était le moteur de voiture le plus puissant de l’époque en URSS. Ce moteur six cylindres en ligne de 3,5 litres produisait 90 chevaux et, avec une boîte trois vitesses, la voiture grimpait à 120 Km/h… Ce qui est confirmé par l’article publié dans le magazine Za Ruliom de l’année 1959, qui décrit “un événement extraordinaire impliquant la voiture Leningrad”. Le magazine a également publié un article expliquant comment l’ingénieur Arkadiy Babich a parcouru 2.125 km soit la distance séparant Simferopol de Leningrad (Saint-Pétersbourg) en 20 heures. La même publication note que : “Le concepteur automobile A. Babich est bien connu parmi les sportifs de la ville de Leningrad et a participé au développement du chassis tubulaire pour la voiture de course KVN-2500S. Les coureurs F. Kosenkov et A. Silantyev ont remporté les titres de champions soviétiques grace à cette voiture”. (l’atelier de conception qui a produit ces voitures de course était situé dans le parc de taxis de Leningrad et était une division de cette société).
Un autre message concernant cette “voiture de sport Leningrad” et son concepteur A. Babich a été découvert dans une ancienne chronique cinématographique soviétique. Des photos de très mauvaise qualité illustrent une courte histoire de la voiture et une déclaration intrigante que cette voiture de course “a volé” à une vitesse de plus de 180 km/h… C’est vraiment dommage de devoir subir tant d’exagérations et de faussetés mélangées à des bribes de vrais, mais au fil des ans, on ne trouve aucune autre information sur cette voiture et son concepteur ! Bien qu’au début des années 1990, la Leningra1953 a été mentionnée dans la presse. Une publicité est apparue dans l’un des journaux de Saint-Pétersbourg (anciennement Leningrad), dans lequel un certain Vladimir Spirin essayait de vendre la Leningrad-1953. La voiture de course a effectivement été découverte dans l’état des photos jointes… Un “plus” satisfaisant, cependant, elle n’était pas en état de fonctionnement et déjà équipée d’un autre moteur provenant d’un camion GAZ 51 ! Il n’est pas très différent de l’ancien moteur de l’originale GAZ 12 ZIM, mais les acheteurs des années 1990 ont été dissuadés non pas par cela et non pas par des éléments manquants de la décoration ou par la rouille, mais par le prix exorbitant demandé pour la voiture qui après quelques semaines a de nouveau disparu !
En 2014, (24 ans plus tard si on décompte bien, malgré la fatigue de lire cet article sans fin), une annonce concernant la vente de la Leningrad-1953 a de nouveau été publiée sur un portail Internet. La voiture en vente était en très mauvais état : le chassis tubulaire et la carrosserie étaient gravement endommagés par la rouille, les panneaux de carrosserie en acier étaient pourris, de nombreuses parties de la carrosserie et des unités mécaniques étaient manquantes. Les garnitures intérieures et extérieures ainsi que le moteur manquaient, la peinture partait en lambeaux ! Malgré tout cela, cette voiture légendaire a été achetée la même année par le fumeux racontar de bobards et aussi restaurateur-garagiste d’automobiles anciennes : Alexander Obymacha, un passionné de véhicules anciens de Vilnius, qui a ensuite prétendu l’avoir découverte et transportée en Lettonie. Pourquoi pas en Lituanie puisque Vilnius y est située ? Selon le propriétaire de la voiture, cela a été fait uniquement en raison du régime douanier plus souple de l’État letton…
La restauration de la voiture achetée pour une croute de pain… et non découverte dans un garage abandonné (Alexander Obymacha n’étant pas un maffieux dans l’immobilier de Léningrad/Saint-Peterbourg) a rapidement commencé. La restauration a été réalisée simultanément (sic !) dans trois pays : la Lettonie, la Lituanie et la République Tchèque, c’est-à-dire dans les pays où se trouvent les succursales des ateliers de restauration d’A. Obymacha qui est un restaurateur et collectionneur d’automobiles anciennes de collection. La résurrection de la Leningrad-1953 pour une nouvelle vie a pris beaucoup de temps (six ans). D’abord parce que ce n’était pas le projet principal des ateliers de restauration d’A.Obymacha, et d’autre part, parce que les travaux étaient entravés par un manque d’informations techniques. Tous les moyens disponibles ont été utilisés afin de recueillir toutes les informations techniques et historiques de la voiture.
Même les photographies historiques ont contribué à cet objectif. L’une d’elles, une photo de la Leningrad-1953 prise par le touriste américain John H. Schultz en 1958, a été utilisée pour récupérer la palette de couleurs originale de la carrosserie de la voiture. Le 1er août 2020, “l’Antique and Classic Car Show Timeless Classic 2020 à Biržai” a été marqué par la première ré-apparition de la légendaire voiture Leningrad-1953, qui y a remporté le Grand Prix de l’événement et le prix de la plus belle voiture à la gloire de son propriétaire ; Alexander Obymacha. Le 22 août, cette voiture et son propriétaire ont triomphé lors de l’événement automobile antique “Riga Retro 2020″ remportant le titre de la plus belle voiture de cette manifestation et pas “du monde” !.. Ainsi a commencé non seulement la renaissance de cette Leningrad-1953 historiquement peu appréciée, mais aussi sa marche vers les expositions européennes de voitures anciennes…
Merci à Egidijus Einoris Documents et photos proviennent en partie des archives d’A.Obymacha. Diverses Photos sont de Dainius Nagelė