Luigi Colani est décédé…, c’est un drame pour l’humanité, mais elle ne le sait pas encore…
Le designer industriel allemand Lutz Colani, dit Luigi Colani né le 2 août 1928 à Berlin, est décédé à Karlsruhe (ouest de l’Allemagne) le lundi 16 septembre 2019 à l’âge de 91 ans.
Les formes rondes organiques étaient sa marque de fabrique, il les appliquait sur des voitures (surtout de course), mais également sur des meubles, des lunettes, des caméras, des télévisions et des vêtements : “Mon monde est rond”, disait encore le designer, juste avant son décès !
Durant sa carrière, Colani a créé en Allemagne, en Italie, au Mexique, aux États-Unis, en Russie, au Japon et en Chine…, un de ses plus grands succès est la caméra T90 de chez Canon, dont les angles pointus avaient été remplacés par des courbes lisses…
Grace à ses nombreux succès dans les années 1970 et 1980, Luigi Colani a commercialisé des produits sous son propre nom, il a estimé avoir réalisé environ 4.000 designs, dont la plupart ont terminé comme des esquisses dans un tiroir.
En hommage au génie de Luigi Colani voici une œuvre de poids et de taille…, mais ne vous laissez pas abuser par son nom : EleMMent Palazzo…, ni par la personnalité de son réalisateur maintenant défunt : Luigi Colani…, ni par la société qui a construit cet engin : Marchi Mobile…, car c’est une véritable bénédiction, une authentique, sincère et jouissive œuvre comme on n’en avait pas vu depuis des temps immémoriaux…, c’est (de loin) la plus gigantesque folie roulante à ce jour.
L’avènement d’un poids lourd politiquement incorrect, est la preuve que l’irrespect frondeur ainsi que le politiquement-incorrect sont plus que jamais nécessaires dans un paysage automobile mondial balisé dans ses écarts… et, cerise sur le gâteau, c’est le témoignage vibrant et quasi final des progrès accomplis par Luigi Colani en termes de création déjantée.
Diverses cruelles vérités émergent toutefois au fin fond du comment et du pourquoi de cet engin, qui, dans l’esprit de Luigi Colani, devait envahir les routes et autoroutes du monde entier…
C’était le nouveau parangon d’un goût irrévérencieux assumé, dont les réfractaires usuels de l’idée d’indépendance totale qu’il impliquait, ne retiendront malheureusement que les travers stylistiques…, ce serait nier la grande force humoristique d’un homme qui s’appuyait sur plusieurs énergies à la fois, sans pour autant brouiller son appréciation.
Avec un coût ridicule (quoique tout est relatif) de 2.450.000 euros, malgré une multitude de bénévoles venus mettre la main à la pâte des quatre coins du monde (Luigi Colani n’osait pas avancer le chiffre des personnes venues contribuer à la réalisation de l’EleMMent Palazzo) dans des conditions salariales à faire rougir les pontes du MEDEF…, cet engin absurde offrait des graines de déraison à moudre aux fans d’extrêmes…
Sur cette trame extraordinaire à en pleurer, GatsbyOnline s’est une nouvelle fois laissé subjuguer par cette inventivité ahurissante en termes de délire, en fonction d’une logique de la surenchère, alors que Luigi Colani multipliait ses créations qui fesaient se shooter tous les irréductibles (ingestion de cocaïne directement dans le crane, conduite extrême en position couchée, mutilation volontaire à l’aide d’un gaufrier high-tech, saillies diverses sous les acclamations des badauds…) !
Il va à présent devoir justifier tous les possibles et imaginables devant l’éternel s’il existe…, ce qui devrait s’avérer bien pratique en termes narratifs… et me permet ici en hommage, de me livrer à une relecture ouvertement gonzo de son EleMMent Palazzo…, selon un credo tout ce qu’il y a de plus basique.
N’ayant à me soucier que d’un seul impératif dramatique (recharger mon énergie), je vais me laisser aller, donnant libre cours aux aspects les plus foutraques.
Autant j’ai cru vraiment que Luigi Colani était un designer hors-pair, respectant au minimum un fil conducteur, autant maintenant que ce génie est décédé, je vois ce camion en totale roue libre, en une application littérale des techniques du style gonzo, tel qu’il a été dévoyé : une plongée sans recul au cœur de la folie autoroutière, avec un bonheur irresponsable.
Si la réalisation peine sous certains angles, à se mettre au diapason de son rythme hystérique, elle verse dans le plus pur free-style, qui pourrait passer pour du baroque si on n’était pas dans un tel génie, assumé, certes, mais tout de même bien au delà des normes.
Malgré quelques défauts, EleMMent Palazzo se pose comme une intelligente aberration fièrement revendiquée par son créateur, qui semble ne rien tant aimer que repousser les limites, pour le plaisir pervers de ses admirateurs en mal d’œuvres si ce n’est subversives, du moins frondeuses dans leurs excès.
La frontière est infime pour qualifier ce véhicule original de 12 m de long mis en chantier par Marchi Mobile, un constructeur autrichien spécialisé dans les projets fous de grand luxe…, le EleMMent Palazzo devait, en fonction des clients, être un véhicule de promotion, ou une navette VIP ou plus classiquement un camping-car…, mais quel que soit l’usage de ce EleMMent Palazzo, chacun de ses hypothétiques acquéreurs était certain d’avoir une longueur d’avance.
Ce pur chef d’œuvre, dans sa version camping-car, comprend deux étages, mesure plus de 12 mètres de long et 4 mètres de haut.., il dispose d’une cabine de pilotage des plus confortables, d’une chambre hyper spacieuse, d’un salon équipé d’un écran 40 pouces et d’une cuisine super-équipée transformable en bar!
Cet énorme bijou de technologie, à la croisée du Nautilus et du TGV, avoisine les 40m2 d’espace (l’habitacle est extensible sur rails), pèse 20 tonnes, est motorisé par un V8 ou un V12 Mercedes de plus de 500 chevaux… et, pour le posséder, il fallait débourser la modique somme d’environ 2,5 millions d’euros, ce qui en faisait le camping-car le plus cher du monde.
Au niveau des équipements, c’était également le top du top, puisque les futurs hypothétiques-heureux propriétaires-acquéreurs (sic !) pouvaient bénéficier entre autre, d’Internet, d’une TV satellite et de caméras de surveillance.
Luigi Colani était un type formidable pour tout le monde ; son entourage ne faisait qu’encenser des qualités fondamentales auxquelles il ne demeurait pas insensible., pour créer, il avait recours à un stratagème qu’il n’employait que trop peu souvent : le soliloque.
Après avoir longuement soliloqué sur les troubles métaphysiques d’une telle situation, parfois en présence de son chien (son confident privilégié), il partait à la rencontre de lui-même…, se livrant ainsi à de récurrentes auto-psychanalyses et autres divagations souvent non-sensiques, qui assuraient à elles seules un bon quota de son potentiel hallucinatoire.
Né le 2 août 1928 à Berlin Lutz Colani était d’ascendance italienne par son père et polonaise par sa mère…, après des études de sculpture et peinture aux Beaux-arts de Berlin, Luigi Colani a étudié l’aérodynamique à la Sorbonne à Paris de 1949 à 1952.
Il a créé en aviation pour des constructeurs tels que Rokwell et Boeing en sculptant des avions polymorphes équipés d’hélices expérimentales…, il a également repensé l’aérodynamique des automobiles pour des constructeurs comme Fiat, Alfa Romeo, Lancia, Volkswagen, Ferrari, Lada, BMW etc.
En 1968/1969, Lutz Colani est designer pour Kusch+Co, il crèe des sièges dont le caractère unique de leurs formes organiques suscite autant de fascination de nos jours qu’à l’époque… et, dans les années 1970, il élargit son action dans plusieurs domaines comme des stylos, des trains, des aéronefs, des coques de télévision, des camions et des cuisines complètes (Poggenpohl).
Il a également recréé l’idée même du piano à queue, à la demande de l’entreprise Schimmel…, il est aussi l’inventeur du bio-design, et connu surtout pour avoir réalisé l’appareil photo Canon modèle T-90, premier appareil réellement ergonomique et conçu autour de l’interface homme-objet.
L’étendue de sa créativité et de son art, l’a fait qualifier de “Léonard de Vinci du XXe siècle” au Japon…, son travail s’orientait autour de l’homme et de son rapport optimal et efficace à l’objet et à son interaction avec son environnement, les formes étant inspirées de la perfection de la nature elle-même et étaient loin d’un effet de style, c’est de conception utile dont son œuvre faisait preuve.
Conservant son aspect prospectif, le design de Colani rejettait la dimension post-industrielle pour se concentrer sur l’unique progression de la forme : c’était le “design voltairien” tel que défini par l’essayiste français Philippe Pernodet (Philippe Pernodet et Bruce Mehly : Luigi Colani. Dis voir, 2000, ISBN 2-906571-96-2).
En 1971, il avvait abandonné son prénom de Lutz et utilisé celui de Luigi…
Pour en savoir plus :
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