2010 Rolls-Royce Phantom EWB
Rolls Royce... Ahhhhhhhhh ! Phantom… Arghhhhhhh ! Extended Wheel Base… Waouwwwww ! Cette voiture sent le luxe et la luxure, la sensualité feutrée d’un lupanar de luxe et le grain raffiné d’une photo porno chic, le numéro de charme débutant avec le célèbre bouchon de radiateur : “Une gracieuse petite déesse qui a choisi le voyage par la route comme plaisir suprême et s’est posée sur la proue d’une Rolls-Royce pour se délecter de la fraîcheur de l’air et du son musical de ses draperies flottantes”, selon les termes de créateur, le sculpteur Charles Sykes.
Certains l’appellent Emily où Emilie, mais il s’agit en réalité de Eleanor Thornton, secrétaire officielle et maîtresse officieuse de Lord Montaigu de Beaulieu que Sykes a pris pour modèle en 1911. Baptisée l’Esprit de l’Extase, elle semble s’enivrer de vitesse, le buste en avant et les gras rejeté en arrière tandis que le vent lui moule avec sensualité sa robe flottante. Ses charmes vaporeux ont fait digresser Serge Gainsbourg en introduction du concept-album Melody Nelson (1971). Sur fond de basse languissante, presque inquiétante, l’artiste susurrait ses paroles alors qu’il s’emportait dans sa rêverie…
“Là-bas, sur le capot de Silver Ghost de dix-neuf cent dix, s’avance en éclaireur la vénus du radiateur dont les voiles légers volent aux avant-postes“… Gainsbourg a commit un petit anachronisme. En effet, en 1910, les Rolls-Royce n’avaient pas encore de mascotte, même si des montages ultérieurs ont pu avoir lieu. De plus, dans le clip rétro-kitsch réalisé par Jean-Christophe Averty, Gainsbourg faisait semblant de conduire sa propre Rolls, non pas la Silver Ghost de 1910 mais une Phantom 1 de 1928, un rêve de gosse qu’il a réalisé en 1970 avec le cachet d’un aimable navet : Slogan, au cours duquel il a rencontré Jane Birkin.
Comme il ne possédait pas de permis de conduire, il a remisé la Rolls dans le garage de sa maison-musée du 5bis rue de Verneuil, dans le quartier latin, à Paris, avant de la revendre quelques années plus tard. Serge n’en conservera que la “Vénus d’argent du radiateur” entre-autres objets-souvenir issus de sa discographie. Dans l’esprit d’Henry Royce, la création de cette mascotte officielle devait dissuader le montage de bouchons de radiateur fantaisistes à l’époque où les Rolls n’avaient pas d’ornementation de proue. Cette précaution n’a pas empêché les esprits fantasques de réaliser de fripons détournements.
On les comprend. La Rolls est un lupanar roulant et la fête des sens se poursuit dans le cocon intimiste de l’habitacle. L’épaisse moquette Wilton invite à quitter ses escarpins voire à conduire pied nu à la grande satisfaction des fétichistes du pied. Le cuir Connolly, chaud de ton et exquis à la caresse, crisse sous les fessiers impudiques. A la place du maître, la tablette pique-nique en ronce de noyer n’attend plus que les flûtes à champagne et son invitée pour de langoureux baisers au goût de Taittinger afin que tout commence sous les meilleurs auspices.
La Rolls-Royce Phantom nouvelle version a été la première à être construite après le rachat de BMW dans la nouvelle usine de Goodwood dans le Sussex. La Phantom devait raviver un grand nom du passé de Rolls-Royce qui avait toujours été synonyme de luxe sans retenue. Conformément à la tradition établie par la précédente Phantom, la nouvelle venue devait être une très grande voiture automobile. Conçue par Ian Cameron elle offrait à qui pouvait les payer, des niveaux inégalés de luxe et de personnalisation, alimentés par un tout nouveau moteur V12 BMW cubant 6,7 litres et produisant 460cv.
L’abondance de puissance était transmise à l’essieu arrière via une boîte de vitesses automatique à six vitesses, tandis que la suspension à ressort d’air et le contrôle automatique du niveau se devaient de ne pas compromettre la qualité de la conduite. De plus, une vitesse de pointe de 149 mph permettait à la nouvelle Phantom de 2 1/2 tonnes de franchir la frontière du monde des Supercar’s. La structure de la carrosserie était sensée représenter le summum de la technologie automobile de luxe. Son “habitus” était toutefois resté tout à fait traditionnel dans le choix des matériaux.
Ceux-ci étaient composés de la plus fine garniture de peau, de véritables tapis en laine et de placages de bois soigneusement sélectionnés. Certaines caractéristiques du tableau de bord étaient rappelées par ceux des modèles antérieurs, tandis qu’il y avait un choix d’hébergement “Lounge” à cinq ou quatre places. Quiconque se frottait alors au grand luxe international dans quelque domaine que ce soit (en ce cas l’automobile destinée “aux riches”) était sans cesse confronté à des différences de pratiques et de représentations coriaces et têtues qualifiées de “culturelles” et rapportées aux différentes “traditions”.
Incontestablement, il existait alors et existent toujours des traditions, c’est-à-dire des pratiques stabilisées et transmises au sein d’institutions et de groupes sociaux tels Rolls Royce, Bentley, Maybach Cadillac. Ces traditions, une fois repérées, permettent aux normes consuméristes de prévoir divers et prévisibles comportements individuels ou de groupe à l’intérieur d’une certaine fourchette de variations, en ce cas de fortune. Elles réduisent l’incertitude, même dans les cas (fréquents) où ces incertitudes sont conflictuelles et font l’objet de contestations parfois excessivement violentes…
La Rolls-Royce Phantom Extended Wheel Base présentée ici à est une “Ex-millionnaire” en son prix de vente au million en 2010, son propriétaire “Old Fashion” étant dans la classe des “Multi-Milliardaires”. Cette Phantom EWB est finie en Diamond Black Metallic avec intérieur en full cuir rouge, et n’a parcouru que 26.478 miles. Cet exemple stupéfiant se vante via Sotheby’s, qui est chargé de la vendre aux enchères, d’une histoire hors norme mêlant le communément nommé “Gratin de la haute (société)” disposant de châteaux, Yachts, avions, chevaux et œuvres d’art, ainsi qu’automobiles dites “de collection”...
Je passe sur les diverses excentricités également fort couteuses incluant des pratiques sexuelles déviantes fort prisées… Réalisée sur commande spéciale pour les clients comme lui, pour lesquels la Rolls-Royce Phantom “normale” n’était ni assez illustre ni assez imposante, la société aux mains de BMW a créé la Phantom Extended Wheel Base, nommée plus simplement Phantom EWB. Plus longue que le modèle “standard”, la plus grande partie de l’espace supplémentaire y est dédié au compartiment des Maîtres pour leur offrir plus d’espace pour allonger leurs jambes dans le confort.
Le niveau de personnalisation disponible était illimité, l’entreprise fournissant un niveau élevé de service (sévices ?) sur mesure pour s’assurer que tous les besoins et caprices éventuels soient satisfaits. La Rolls Royce Phantom EWB présentée ici est peinte en Diamant Black avec “Hotspur” Rouge et tapis noirs. L’espace des Maîtres comporte des sièges individuels chauffants et réfrigérants avec massage incorporé, des armoires de boissons dans la console, un espace vin de luxe à température avec décanteurs, des verres à vin en cristal, un refroidisseur de boisson réversible et des repose-pieds auxiliaires.
Il y a également un climatiseur individuel, des lumines et autres éléments d’hyper luxe “indispensables”… Les touches/boutons sur mesure en Nacre comprennent l’emblème Rolls-Royce, qu’on retrouve cousu en couleur contrastée sur tous les appui-têtes. La mascotte de radiateur Spirit of Ecstasy est éclairée et l’option “Extended Boot Easy” est incluse pour fournir un espace bagages supplémentaire. Remarquablement, ce carrosse est équipé d’une fenêtre de division à commande électrique dans une valance comportant des tablettes pliantes et des écrans de divertissement TV et audio.
Ils sont similaires au disponible dans la fonctionnalité contemporaine Grand Luxe de la Mercedes/Maybach 62. Les fameux parapluies dissimulés à l’intérieur des portes arrière se retrouvent en plus luxueux dans cette automobile avec en sus des casques/écouteurs RR pour le système de divertissement des chics passagers des sièges arrière. Cette Rolls Royce Phantom EWB se classe ainsi parmi les plus impressionnantes automobiles de son genre, l’une des plus entièrement équipées, différente de pratiquement n’importe quelle autre, et très impressionnante concernant son dispositif de protection rapprochée…
Celui-ci inclut des liaisons satellitaires avec les voitures blindées de protection immédiate pouvant accueillir chacune 4 gardes lourdement armés… Tout cela nous apparait surement comme excessivement choquant et remet illico en mémoire la réception du Roi Charles d’Angleterre à Paris, capitale de notre France Républicaine… Étant inscrits dans l’histoire, les rapports sociaux sont sujets à changement, mais dans la mesure où ils connaissent quelques régularités, ils produisent des traditions. Certaines procédures, façons de faire, habitus et normes, font tradition dans la mesure où ils se transmettent…
Cela d’un groupe à des individus et d’une génération à l’autre, jusqu’à ce que l’histoire se charge de les reformuler, souvent sous forme d’une révolution sanglante (comme en France). Toutefois, les traditions stabilisent les normes et les comportements, permettant leur institutionnalisation, soustrayant l’action en société à l’improvisation. Elles cristallisent les règles de conduite. Dans les années 1960, ce trait de permanence et d’inscription dans la longue durée des civilisations semblait incompatible avec une modernité principalement définie par le changement et la recherche systématique de l’innovation.
Ils avaient vu le jour dans l’Europe des Lumières : Démocratie élective et représentative, prégnance des processus d’individuation, et révolution industrielle. À partir du tournant du XIXe siècle, ces courants modernisateurs, soutenus par la deuxième révolution industrielle (celle de l’électricité) et par le projet impérial des pays du pourtour de l’Atlantique Nord, se sont propagés dans le reste du monde, bousculant les structures des sociétés dominées par la tradition. Cette opposition entre tradition et modernité a été peu à peu raffinée par l’analyse critique de ces deux notions et de leur contenu empirique.
Egalement de leur opposition… Du côté de la “modernité”, les analyses ont mis en relief ses traits contradictoires, le fait qu’elle n’avait rien d’un monopole occidental, les crises qui l’ont affectée et ses échecs. Elles ont tenté de dépasser les limites de la notion grâce à d’autres notions telle que la “post-modernité”. Du côté de la “tradition”, le type idéal des sociétés archaïques était censé être structuré hiérarchiquement par la subordination des individus au groupe qui les englobait, par la faiblesse des procédures d’individuation, et par conséquent par l’absence de facteurs (entrepreneur ou opérateur politique).
S’y ajoute l’espace de liberté individuelle qui ont rendu possibles les révolutions démocratiques et industrielles. Les ethnologues et historiens contemporains sont presque unanimes à dire aujourd’hui que tant du point de vue empirique que théorique les humains sont tous et ont toujours été individualistes. Les procédures d’individuation existent dans toutes les sociétés à des degrés divers. La dation du nom, les pratiques religieuses, les rapports de pouvoir ont des effets d’individuation.
Les hiérarchies et la subordination au groupe, comme l’affranchissement des individus par rapport au groupe sont historiquement et politiquement construits et dépendent des circonstances historiques et non de l’essence d’un certain type de société ancienne/hiérarchique versus contemporaine/égalitaire. La “modernité” occidentale valorise des dynamiques présentes dans les “traditions”. Celles-ci sont soumises au changement. En stabilisant certaines normes, la “modernité” produit de nouvelles traditions. C’est sans fin…
Depuis 2000, les traditions communément rapportées au passé des pays, des nations, de groupes sociaux ou ethniques, se prolongent dans le présent. Le principal changement de paradigme qui a eu lieu concerne le rapport des traditions au passé et au présent. Sous l’impulsion de certains historiens, il devient heuristiquement payant, dans chaque cas d’espèce, de se demander si les “traditions” n’ont pas fait l’objet d’une “invention qui trie, rejette, reprend, innove, et reformule des traditions en fonction de contextes historiques spécifiques”.
Actuellement, le contexte pertinent de cette analyse est constitué par le programme de la modernité, le phénomène urbain et la globalisation des flux, ces trois facteurs se conjuguant pour assurer une convergence des traditions/civilisations. Ce n’est pourtant pas ce que l’on constate empiriquement, car la diversité des dynamiques politiques est telle à travers le monde que tout se diffracte de multiples manières en nous poussant à une révolution globale planétaire… qui a déjà débuté…