Maastricht autoshow, le miroir des vanités perdues…
Maastricht, MECC, Inter Classics & Top Mobiel 2009…, vendredi 9, samedi 10 et dimanche 11 janvier 2008…
C’est le grand vide !
Et quand j’écris “vide“, c’est réellement vide, tel que vous le voyez sur les photos. Alors que les années précédentes les halls étaient pleins à craquer d’automobiles et de public, cette édition de janvier 2009 est vide, pas comme un verre à moitié vide que les optimistes imaginent encore à moitié plein…, mais vide exepté un fond pour une dernière gorgée au goût de trop peu… Ca fait 15 ans que je visite chaque année ce show emblématique, très chic et choc, high-class… ou j’ai même exposé, il y a 15 ans, diverses automobiles sur des stands loués hors de prix… Je n’ai jamais rien vendu à Maastricht, je ne connais personne “non-Hollandaise” qui a vendu d’automobiles à Maastricht… et sans être aussi arroguante que la clientèle allemande du show d’Essen, (vendeurs inclus), celle de Maastricht est aussi du style à vous f… le blues pour des semaines…
Tout ce que les Hollandais vendent est hors de prix, tout ce que les non-Hollandais tentent d’y vendre est non-considéré, non-considérable… Dès-lors, dans ce domaine si particulier des ventes d’automobiles de collection, les difficultés qu’éprouvent certains à maintenir les prix exagérés auxquels elles s’échangeaient il y a six mois encore sont assez salutaires pour ceux qui ont encore l’envie d’acheter. Le moment était donc venu d’acheter à Maastricht, avec discernement toutefois ! On ne le répétera jamais assez, il ne faut acheter une automobile ancienne que si elle procure du plaisir, ne fut-ce qu’esthétique. S’intéresser au marché des automobiles anciennes uniquement dans un but spéculatif n’a jamais enrichi personne, à moins bien entendu d’être professionnel ou amateur averti. Sachez quand même que les pièces majeures, quant à elles, ne montrent pas de signe de faiblesse. Les collectionneurs restent à l’affût des œuvres rares et de grande qualité. C’est donc dans le segment des biens de qualité moyenne, mais de qualité tout de même, que les affaires sont à faire. La chasse est ouverte !
Il y a 3 et 4 ans, Coys a investi le show de Maastricht pour y organiser des ventes aux enchères.
Une bien meilleure occasion de vendre que devoir passer trois jours dans les courants-d’air à attendre le client miraculeux tout en répondant aux questions souvent stupides de curieux, dont certains en sabots (authentiquement vrai !)…
La première vente fut un succès, la seconde fut un fiasco… et comme des automobiles non vendues, non seulement ne rapportent rien à la compagnie de ventes, mais lui coûte de l’argent, les vendeurs récupérant leurs biens sans payer de frais, alors que ceux-ci sont néanmoins bien réels (frais de manutention, de catalogue, etc.), il n’y eut pas de troisième vente en 2008, remplaçée “au pied levé par l’organisateur du show de Maastricht, par une exposition de Ferrari…, mais au moins y avait-il du public !
Pour l’édition 2009, pas de ventes aux enchères, pas de Ferrari racoleuses comme des putes multicolores avec leurs cortèges de maqueraux libidineux décorés de bagues et chainettes bling-bling…, mais une exposition de beautés américaines… Belles beautés (sic !) en effet, mais le peu de participation a disséminé les engins dans un hall qui en paraissait (et il l’était vraiment)… vide…, un vide abyssal accentué par une diminution considérable du public… C’était plutôt une exposition “musée” ou rien n’était à vendre, les propriétaires des belles préférant : “faire comme si la crise ne les atteignait pas en ne s’abaissant pas à vendre“… Pour sentir “le marché” il fallait se rabattre sur les halls commerciaux… Depuis le mois d’octobre, les vendeurs se montrent de plus en plus prudents dans leurs estimations, préférant en effet estimer : “à la tête du client“… de manière “attractive“…, c’est-à-dire dans leur propre intérêt, de manière à éviter “d’en rater un“… Bref, vendeurs (et intermédiaires) n’ont pas intérêt à se montrer trop gourmands, ils se montrent plus conciliants pour faire tourner leurs “marchandises“. Toute offre inférieure au prix espéré est donc prise avec considération, pour autant bien entendu qu’elle reste raisonnable, car il ne faut pas noircir le tableau : le marché de l’automobile ancienne (dite de collection) n’est pas en crise, il souffre momentanément : “de la baisse de confiance généralisée“. C’est donc aux acheteurs potentiels de profiter de ce manque de prise de risque pour acquérir à prix “doux“.
Comme toujours, ces conseils sont à prendre avec des pincettes. Si le moment est venu d’acheter, il ne s’agit pas d’acheter n’importe quoi à n’importe quel prix ! Si, de manière générale, les prix sont tirés vers le bas, il reste des exceptions et elles sont nombreuses. Ainsi, certaines automobiles continuent d’être proposées à des niveaux de prix trop élevés. Certains n’ont pas encore compris que les temps ne sont pas à l’optimisme et continuent à ignorer (ou à feindre d’ignorer) le contexte actuel. A moins qu’ils espèrent chasser le pigeon, ce qui malheureusement est une pratique encore en vigueur dans la profession ! D’autre part, les candidats acheteurs ne doivent jamais oublier qu’une automobile vendue à vil prix n’a aucun potentiel à prendre de la valeur si elle n’est pas en bon état.
Plus les goûts portent vers ce que la plupart de nos contemporains délaissent, plus encore ont peut se faire plaisir à meilleur marché. Ainsi, dans le domaine de l’automobile, si l’on veut bien s’écarter des sempiternelles Ferrari, certes fort intéressantes, mais toujours très (et trop) chères eut égard à leurs piètres réalités, la plupart des automobiles anciennes ont rarement été aussi attirantes. Outre quelques originalités des années cinquante et soixante, les automobiles d’avant-guerre, jadis considérées comme “traditionnelles“, sont aujourd’hui de plus en plus sublimées et c’est paradoxalement faire preuve d’originalité que de s’y intéresser. Bref, à vous d’explorer toutes les potentialités que recèle le marché actuel !
C’est qu’il leur a fallu un peu de temps pour l’admettre, mais les automobiles qui faisaient rêver les masses, Ferrari et Maserati en tête ne se vendent plus, sauf si elles s’avèrent être de véritables raretés quasi uniques dans une gamme de prix dépassant le million d’euros…: “La Crise financière commence toutefois à affecter la marche de leurs affaires… et les perspectives pour 2009 sont, dans certains cas, alarmantes, l’effondrement des places financières fait désormais sentir ses effets sur l’économie réelle. En une année, des groupes pourtant très solides comme Ferrari et même Porsche, ont perdu près de 40% de leur valeur tandis que General-Motors sombrait de 95%“…, constate Caroline Reyl, spécialiste du marché du luxe auprès de la banque Pictet…, “il s’agit de baisses extraordinaires pour de telles firmes. Nous n’avions jamais vu ça. Le dernier trimestre 2008, particulièrement sinistre, a renforcé le sentiment d’inquiétude et engendré des prévisions pessimistes. Selon divers gestionnaires de fonds, la croissance sur le marché des automobiles de luxe neuves sera globalement nulle en 2009 aux Etats-Unis et en Europe“…
Un raisonnement somme toute logique si l’on considère que les ultrariches restent en progression sur terre et que le yo-yo de la bourse n’a qu’une incidence relative sur leur pouvoir d’achat. C’est ce que semblent indiquer les résultats des récentes ventes aux enchères de maisons prestigieuses, telles que Coys et Bonhams, où les véhicules les plus onéreux trouvent preneurs, malgré un résultat global très décevant: “La vente de Sotheby’s le 4 novembre à New York, a rapporté 197 millions de dollars, un chiffre de 42% en dessous des attentes“, constate Nathalie Longuet de LODH…, “un tiers des articles n’a pas été vendu, le pire taux depuis mai 2001“. Néanmoins, ce fut pire chez Bonhams lors de leur vente de Ferrari à Gstaad en Suisse, seules 17 Ferrari sur 40 ont été vendues, dont 7 après la vacation, ce qui suppose des ventes négociées bien en dessous des prix de réserve et avec des taux de fee minimum… Le très très haut de gamme semble donc plus à l’abri des turbulences, quoique…, dans le neuf, chez Porsche, qui évolue sur un segment moins exclusif que Ferrari, la crise financière a des conséquences plus immédiates : le responsable communication de la firme de Zuffenhausen, Michael Baumann, m’a en effet livré un chiffre saisissant : “En septembre aux Etats-Unis, les ventes ont chuté de 44% par rapport à la même période en 2007 ; le recul est plus sensible sur les modèles d’entrée de gamme, comme le Boxster ou le Cayman que sur la 911 Turbo, preuve encore que le très très haut de gamme n’est pas touché“..., ou du moins… moins… moins… moins… (sic !) lui ais-je rétorqué en pensée !
Quid du marché des conneries du style de l’abomination ci-dessus (un mini yatch sur base d’un élévateur) ?
De l’avis des garagistes, il tient plutôt bien le choc : “Ca ne valait déjà pas grand chose avant la crise, alors la baisse n’est pas excessive“…, observe Dominique Franssen…: “les ventes ont diminué d’environ 50%, mais la clientèle traditionnelle des amateurs de conneries roulantes est toujours là. En revanche, l’acte d’achat spontané du boursicoteur minable et triomphant se fait très rare ces derniers temps“…
Auprès de quelques amis anglais dont l’un exposait une fausse Mercedes 300 SL Gullwing, réellement en plastique construite en 2006 avec des documents belges de 1950…, proposée pour l’invraissemblable mais réel prix de 129.990 euros !!! (j’en ai encore le souffle coupé !!!)…, le ton se veut encore plus optimiste : “Nous ne ressentons rien pour l’instant et le show de Maastricht se situe dans nos objectifs…“, me lance David, le fondateur et propriétaire de Straight Eight…, ajoutant : “je n’ai pas le sentiment que les gens soient paniqués. Rien à voir avec la situation en Espagne, où le secteur automobile dans son ensemble a enregistré une baisse de 40 %“…
Sur le front de l’automobile américaine des fifties, sexties et seventies…, les grandes manoeuvres ont commencé pour tenter de maintenir le cap : “Etant donné que les produits classiques devraient mieux résister, j’ai décidé d’accélérer le rythme“…, m’a confié Alan Carrington, un ami britannique pince sans rire et propriétaire d’un gagage dans le sud de l’Angleterre… “Je consacre davantage de moyens à la recherche de clients et au développement d’idées nouvelles, car la créativité permet de surmonter les crises”..., m’a, de son coté, expliqué Franck Kennis le patron d’un important garage en Hollande… Encore faut-il disposer d’une assise financière suffisamment solide, mais par bonheur, les énormes profits dégagés par divers garages, spéculateurs et pseudo-collectionneurs en automobiles “de collection” au cours des quatre dernières années, permettent de voir venir… “Certains garages spécialisés en automobiles anciennes n’ont pas de dettes, c’est une situation assez incroyable“, m’a expliqué Caroline Reyl de chez Pictet…, ajoutant : “de telles entreprisee qui affichent un bilan et un cash-flow hors normes, peuvent endurer une baisse de la consommation. Sans changer complètement leur stratégie, ces garages peuvent actionner certains leviers… et de nombreux garages vont se polariser sur le très haut de gamme“... Analyse partagée par Nathalie Longuet de LODH : “Certains garages qui n’ont pas suffisamment travaillé leur entrée de gamme avant la crise pourraient se trouver davantage affectés et pourraient se retrouver en risque vis-à-vis d’une partie de leur clientèle“
Et si la Crise avait aussi du bon ?
Pour les fervents de Bugatti, régulièrement placés sur liste d’attente dans divers garages et collectionneurs… et qui patientent plusieurs années avant de pouvoir acquérir une Bugatti type 35…, le ralentissement économique aura comme incidence de raccourcir les délais.
La crise a le mérite immédiat de gommer toute attitude arrogante chez certains vendeurs…
Autre conséquence, celle d’un recentrage du luxe sur des valeurs d’élégance et de quête du faux essentiel de la vie !
C’est la thèse de Bart Holland, propriétaire de la carrosserie BartHolland : “Nous nous concentrons sur ce qui constitue, à nos yeux, l’essence du luxe. Dans le cas la restauration d’automobiles de très grand luxe : l’atmosphère, l’ambiance, l’âme, davantage que les gadgets ou la sophistication à outrance“…
Une manière à peine déguisée de dénoncer la vacuité de certains ? “Il faudra faire preuve de plus d’originalité et de retenue“, m’affirme-t-il…: “le luxe devrait s’orienter vers des offres mieux réfléchies“…
Un de ses clients, un américain bon teint, a renchérit : “Le gouvernement fédéral octroie à chacun de nous, vrais américains, 600$ par l’intermédiaire de son plan de sauvetage… Si nous dépensons ce montant au Wal-Mart, l’argent ira en Chine… Si nous le dépensons pour mettre de l’essence, l’argent ira aux Arabes… Si nous achetons un ordinateur, l’argent ira en Inde… Si nous décidons de l’utiliser pour acheter des fruits et légumes, l’argent ira au Honduras ou au Guatemala… Si nous achetons une bonne voiture, l’argent ira en Allemagne… Si nous nous procurons quelques usefull crap, l’argent ira à Taïwan… Si nous buvons de la bière, l’argent ira en Belgique chez Inbev… Si nous dépensons de l’argent avec des prostituées, il ira au Mexique… Et si, comme moi, nous faisons restaurer une voiture européenne chez mon ami Bart, l’argent ira en Hollande… Ce qui reste en impôts partira en aides à Israël… La seule façon de garder notre argent aux Etats-Unis, c’est de le dépenser en bouffant des steaks Texans“…