Mazda Cosmo Sport…
L’entreprise Toyo Cork Kogyo Co. Ltd. est fondée le 30 janvier 1920 à Hiroshima pour fabriquer des bouchons en liège utilisés par une industrie vinicole alors en pleine expansion dans l’archipel nippon… mais les débouchés sont moins prometteurs qu’espérés. La société pense alors se diversifier en débutant la fabrication de matériaux d’étanchéité en liège, mais le marché mondial est déjà saturé, tout semble perdu ! Jujiro Matsuda est nommé président de l’entreprise en 1921 pour sauver ce qui peut l’être ! Il modifie l’orientation industrielle de l’entreprise en la repositionnant dans la fabrication de machines-outils… et, lorsque le succès se profile à l’horizon des espoirs, en 1927 il change le nom en Toyo Kogyo Co. Ltd.
En 1931, en plus des machines outil, est créé la Mazda-Go, une voiture à trois roues (un triporteur semblable à un “Rickshaw”) commercialisée en Chine et en Inde. La société adopte officiellement le nom de Mazda en 1934. Il trouve sa double origine dans la prononciation japonaise du patronyme de Jujirō Matsuda, ainsi que dans le nom d’une divinité de la Perse antique : Ahura Mazdâ. La nouvelle société produit simultanément des armes pour l’armée japonaise, ce qui deviendra l’activité principale dès 1940 tout au long de la Seconde Guerre mondiale.
Une chape de plomb couvre les années de guerre jusqu’en 1960 ou la marque lance sa première voiture de tourisme : la R36O tout en changeant de logo, adoptant un M stylisé… Cette entrée dans le marché de la voiture de tourisme fait suite au “People’s Car Plan”, un programme du ministère de l’Industrie encourageant les constructeurs automobiles Japonais à se lancer dans la production de petites voitures. En 1962, Mazda ouvre une usine d’assemblage de ses véhicules en Corée du Sud, puis en 1963, une autre usine d’assemblage en Afrique du Sud.
À la fin des années 1960, Mazda s’intéresse au moteur Wankel dont il a acquis la licence en début de décennie et le propose en 1967 sur son coupé sportif Cosmo… cette technologie, adoptée par des constructeurs tels que Citroën et NSU, sera peu à peu abandonnée, sauf par Mazda qui la proposera encore dans son coupé RX-8 jusqu’en 2011. Mazda a remporté les 24 Heures du Mans en 1991 avec une voiture équipée d’un moteur Wankel quadri-rotors : la Mazda 787B, devenant la première marque japonaise à s’être imposée dans la Sarthe.
En 1979, Ford rachète un quart du capital de Mazda, une joint-venture, “Auto-Alliance” est créée pour coupler leurs plateformes de production… plusieurs modèles sont alors produits par Mazda et commercialisés par Ford, et vice-versa. En 1987, Mazda ouvre une usine de production aux États-Unis, à Flat Rock dans le Michigan. En 1992, Ford rachète 50 % de l’usine. En avril 1996, Ford monte au capital de Mazda en allongeant 486 millions de dollars, totalisant 33,4 % des parts, ce qui lui confère une minorité de blocage et la place de premier actionnaire… Le contrat prévoit que le président de Mazda, Yoshihiro Wada, doit céder sa place à Henry Wallace, un homme de Ford qui a renforcé sa prise de capital alors que la marque japonaise traversait une crise financière aiguë, liée entre autres à sa principale usine : Hofu, dans laquelle la société avait lourdement investi, mais dont les capacités de production manquaient d’adaptabilité.
En 1996, Mazda ne produit plus que 800.000 véhicules, contre 1,4 million en 1990… avec ses propres difficultés financières et sa quasi faillite entre 2008 et 2010, Ford s’est à son tour peu à peu retiré de son partenariat avec Mazda jusqu’à n’avoir plus que 2,1 % d’actions en 2014. Mazda s’inspire alors du Kodo design (forme élancée de l’animal en mouvement) pour dessiner la forme de ses nouvelles voitures et sortir du lot de la production mondiale… et en 2015, tous les concessionnaires européens de la marque signent un nouveau contrat pour restructurer leurs centres de concession selon les nouvelles directives de la maison mère. En août 2017, Toyota annonce un partenariat avec Mazda, par lequel il prend une participation de 5 % dans ce dernier… visant également à construire ensemble deux usines aux États-Unis pour 1,6 milliard de dollars.
J’en reviens plus précisément sur la Mazda Cosmo que vise cet article… C’est donc au printemps 1960 que sort d’une boite la première “vraie” automobile Mazda, le coupé R360 à moteur bicylindres de 356 cm3. Le succès est immédiat et pas moins de 20.000 exemplaires seront produits dans l’année. En 1961, Mazda se lance dans l’aventure du moteur rotatif en signant un accord avec NSU, qui est co-propriétaire du moteur rotatif de Felix Wankel. Pour étrenner cette technologie risquée et encore inconnue, il fallait un modèle atypique et représentatif de ce pari technologique. C’est le rôle dévolu à la Mazda Cosmo Sport.
Pour habiller ce moteur rotatif, Mazda va sortir le grand jeu : à moteur original, ligne originale… certains y voient des influences diverses suivant les parties de la carrosserie… Certes, on peut y déceler un zeste de Jaguar Type E pour la face avant, des flancs d’Alfa Romeo et un arrière d’américaine en miniature. Pour notre part, nous opterions plutôt pour les Turbotraction 1 et 2 des bandes dessinées Spirou et Fantasio.
La Mazda Cosmo Sport se caractérise par une ligne de caisse très rectiligne, ce qui confère à l’auto un bel équilibre, les flancs travaillés donnent du dynamisme tandis que l’habitacle est surmonté d’un pavillon faisant penser à un hard top. La partie arrière de la Mazda Cosmo Sport est sans conteste la partie la plus intéressante et originale de cette GT japonaise, ses feux arrière en forme de tuyères sont traversés par les fins pare-chocs chromés.
La carrosserie regorge de nombreux détails cocasses ou séduisants et les très nombreux chromes rappellent l’âge des artères de la Mazda Cosmo Sport. L’habitacle est presque la seule partie de cette Mazda qui soit conventionnel. Mais, le sport est toujours de mise avec des compteurs en pagaille et une finition sportive : noir et cuir noir. Petits détails cocasses, le lecteur de cartes orientable et le repose pieds pour le passager.
Felix Wankel avait eu l’idée de développer un moteur rotatif. Et c’est dans les années ’50 qu’il réussit à signer un accord de coopération avec le constructeur allemand NSU. De nombreux constructeurs se présentent pour acheter la licence d’exploitation du moteur rotatif, dont les caractéristiques techniques sont très séduisantes sur le papier. Ainsi, Citroën, Mercedes-Benz et Mazda vont être les premiers à s’engager dans la voie de l’exploration du moteur rotatif… mais Mazda sera le seul constructeur à persévérer avec le moteur rotatif que sera chargé d’étrenner et valoriser le coupé Cosmo Sport.
L’idée de départ de Felix Wankel était de supprimer le mouvement alternatif pour un mouvement rotatif, bien plus logique mécaniquement. Un rotor en forme triangulaire (faisant office de piston) tourne sur lui-même et autour de l’arbre moteur, lui transmettant son mouvement de rotation. Ce mouvement s’effectue dans une chambre fixe à forme ovoïdale (le stator) en assurant les cycles classiques du moteur à explosion. Les principaux avantages de ce type de mécanique sont moins de pièces, plus de compacité du bloc, un gain de poids, un gain de prix de revient et moins de frottements. De plus son meilleur équilibrage naturel (moins d’inertie donc des régimes de rotation plus élevés) lui autorise une absence de vibrations et un silence de fonctionnement optimisé.
Alors devant un tel plein technologique et tant d’éloges, pourquoi ne trouve-t-on pas aujourd’hui (2020) des moteurs rotatifs sous tous les capots ? Pour commencer, comme toute technologie totalement nouvelle et inédite, les expérimentations et la fiabilisation prennent du temps et nécessitent de gros investissements. Mazda va en effet présenter la Cosmo Sport au salon de Tokyo de 1964, et elle va nécessiter 3 ans supplémentaires d’essais intensifs et de mises au point pour pouvoir être commercialisée. Enfin, le moteur rotatif va jouer de malchance…
Dans les premières années, tant chez NSU que chez Mazda, des problèmes d’étanchéité moteur vont être monnaie courante souvent autour de 80 à 100.000 km. Or pour un fonctionnement optimal du moteur rotatif, il doit être parfaitement étanche. A l’époque le traitement des surfaces n’était en effet pas encore optimal et suffisamment endurant. Les moteurs rotatifs consommaient beaucoup d’huile et beaucoup d’essence. A l’aube de la première crise pétrolière, des moteurs qui consommaient trop de carburant n’allaient pas connaître les sentiers de la gloire.
Sur la Mazda Cosmo Sport, le moteur alimenté par un carburateur Stromberg 4 corps Hitachi KCA 306-1 développe 110 chevaux SAE à 7000 tr/mn pour 982 cm³… soit un rapport de 112,01 chevaux SAE/litre. Cela sans artifice supplémentaire comme le turbocompresseur. Chapeau ! Quoique à l’époque, on convenait que le couple de 13,3 mkg obtenu à 3500 tr/mn était plutôt une valeur faible dans la catégorie des GT.
A l’usage, le moteur de la Mazda Cosmo Sport affiche une belle santé et surtout un caractère très sportif, puisqu’il faut aller puiser dans les tours toute la puissance disponible. Bien que modérément silencieux, il gratifie le conducteur (et sa passagère), du son caractéristique des moteurs rotatifs, à mi-chemin entre une machine à coudre et un moteur de Vespa, avec en prime une sonorité plus rauque et caverneuse… ce qui s’avére très énervant !
C’est sur la coque autoporteuse en acier que sont fixées les suspensions de la Mazda Cosmo Sport. Si le moteur et la ligne font dans l’excentrique, la Mazda à moteur rotatif avait versé en revanche dans le très conventionnel avec les roues avant indépendantes et un pont arrière rigide de Dion avec ressorts semi-elliptiques et amortisseurs télescopiques. A l’avant, des leviers triangulaires en trapèze transversaux sont montés avec ressorts hélicoïdaux.
Pour freiner cette “soucoupe volante terrestre” Mazda était resté également très conventionnel avec des freins à disques à l’avant et de classiques tambours à l’arrière. Il faudra même attendre 1968 pour voir la pose d’un servofrein.
Ces solutions techniques se ressentent évidemment sur la route avec parfois quelques coups de raquette du train arrière rigide et un freinage peu mordant et peu endurant. Inutile d’espérer de la Mazda Cosmo Sport la grosse attaque dans les petites routes de montagne. Enfin, la direction manque quelque peu de feeling. Elle a beau être précise, elle ne réagit pas de manière instantanée. Bref, c’est une sportscars avant-gardiste des années ’60, sa ligne est futuriste à l’ancienne (sic !), un peu à la mode des roadsters anglais des années ’60… sauf qu’ici, la Cosmo Sport autorise des régimes de rotation très élevé !
Bien que dévoilées au salon de Tokyo en 1964, les Mazda Cosmo Sport nécessiteront près de trois longues années de mise au point et d’essais complémentaires à l’aide d’une soixantaine de modèles de pré-série. Après sa commercialisation en mai 1967, les Mazda Cosmo Sport ne connaîtront qu’une seule évolution majeure en 1968 : l’empattement gagne +15 cm, une nouvelle prise d’air avant est montée, la puissance est portée à 128 chevaux SAE et couple à 14,2 mkg, une boîte 5 remplace celle à 4 rapports et un servofrein bienvenu est monté de série.
En 1972, la Mazda Cosmo Sport tire sa révérence après 1.519 exemplaires produits. La série des Mazda RX-7 va prendre le relais avec un certain succès et en 1991, Mazda réussi même à faire triompher le moteur rotatif aux 24 Heures du Mans avec la 787B Quadri-rotors pilotée par Bertrand Gachot, Johnny Herbert et Volkert Weidler.
CHRONOLOGIE
1964 : Au salon de Tokyo, présentation de la Mazda Cosmo Sport.
1967 : En mai, commercialisation de la Mazda Cosmo Sport.
1968 : En milieu d’année, la Mazda Cosmo Sport est légèrement retouchée : empattement +15 cm, nouvelle prise d’air avant, puissance portée à 128 ch SAE et couple à 14,2 mkg, boîte 5, servofrein.
1972 : Fin de production des Mazda Cosmo Sport.
Il faut, on s’en doute, être totalement piqué des Mazda, et encore plus de la Cosmo Sport pour chercher à en acquérir une. Particulièrement en France. Difficile de donner une cote à une telle rareté qui est plus fonction de l’offre et de la demande et surtout de l’état du modèle proposé.
Une restauration complète est évidemment un véritable sacerdoce tant les pièces sont inexistantes. Il faut très souvent avoir recours à la re-fabrication. Alors ne comptez pas débourser 20.000 euros pour un très bel exemplaire avec origine connue, mais au moins 250.000 euros !
Pour l’entretien du moteur, il faut réussir à trouver “le” spécialiste (ou concessionnaire ?) Mazda qui connaît réellement les moteurs rotatifs anciens et n’est pas un nouveau concessionnaire Mazda (et également Ford, donc sans historique du SAV Mazda).
Attention également à la corrosion qui est fréquente sur les autos des années ’60. Si elle est présente, soit vous fuyez à toute jambes, les pièces de carrosserie spécifiques étant inexistantes, soit vous connaissez la carrosserie et/ou vous êtes prêts à vous délester de plusieurs dizaine de milliers d’euros en connaissance de cause. A n’acheter donc que pour tout passionné fanatique et motivé, tel l’unique modèle jaune des illustrations, qui est une sorte de réinterprétation/reconstruction de la Mazda Cosmo !
PRODUCTION
Cosmo Sport mkI : 343 exemplaires
Cosmo Sport mkII : 1176 exemplaires
TOTAL : 1519 exemplaires
Galerie Photos