Mercedes-Benz 710 SSK Trossi Roadster
D’étranges rêves aux détails enfuis, effacés, une mémoire vague et accablante, assombrissaient mon esprit sous la forme d’une vision intense… j’avais été touché intimement, de façon vraiment poignante, extrême, par deux beautés irréelles, dont le souvenir avait marqué mon esprit et mon cœur de rêves agités, obsédants, c’était comme si, dans un rêve, j’avais vécu une aventure extraordinairement intense et active qui avait porté au point d’ébullition toute l’activité de mon cerveau.
Colorant puissamment ce sentiment paralysante qui ensorcelait mes heures de veille, était grondement énorme, assourdissant, bouleversant
pour les nerfs, un tumulte grandissant et envoutant superposé à un souvenir visuel qui persistait tout au fond de l’esprit, lié comme une contrainte physique dans mes rêves.
Ma conscience éveillée n’était pas entièrement délivrée de ce qu’elle avait vue : un ciel rouge flamboyant, une automobile noire comme l’enfer accompagnée d’un grondement à fendre l’âme, quasi surnaturel, bouleversant, mais invisible… alors, usant au mieux ma raison, je me suis efforcé de justifier ces rêves attribuant leurs traits essentiels à ma participation au Concorso d’Eleganza Villa d’Este… telle était l’explication nécessaire et évidente de tels songes.
Ils avaient eu sur mon esprit un effet si intense et frappant que sans attacher pourtant au fait aucune signification, il me fallait répéter pour moi-même cette démarche rassurante d’explication banale et matérielle, encore et encore, tout le long d’une journée teintée de l’obsession toujours renaissante, inéluctable de ces rêves nocturnes !
Un peu plus tard, mon attention fut attirée par le claquement d’un volet que la brise faisait battre… agacé, j’ai interrompu mes réflexions avec l’intention de me lever pour attacher le volet… j’entendis soudain un nouveau bruit, exactement comme si une porte insonorisée s’était brusquement ouverte… les détails étaient flous, mais pas au point d’entamer ma certitude que j’entendais un bruit d’incendie, le crépitement et le grondement d’une flamme bouillonnante, dévorante, exubérante, incontrôlable.
Une image mentale me vint aussitôt à l’esprit, l’atmosphère visuelle précise de mes rêves…, une sueur froide, soudain, perlait à mon front… le volet claqua de nouveau contre le chambranle de la fenêtre, ce qui me fit revenir d’un coup dans le cadre familier de ma chambre.
Je me suis levé quelque peu chancelant, j’ai traversé la chambre jusqu’à la salle de bains et dans un bruyant éclaboussement, me suis lavé mes mains tremblantes et mon visage… soudain je me suis arrêté, de nouveau à l’écoute, pressant une serviette entre mes mains frémissantes, mais je n’entendais » plus rien maintenant, rien que le claquement du volet dans la brise fraîche qui entrait par la fenêtre ouverte.
L’heure était trop matinale pour déjeuner, mais il me fallait d’urgence être là, au Concorso d’Eleganza Villa d’Este, reconnu comme le plus prestigieux d’Europe, qui avait été organisé pour la première fois en 1929… à l’époque, la plupart des voitures présentées étaient des voitures neuves de carrossiers variés, comme il était de coutume en ces temps. Moribond après la guerre, il fut oublié pendant une quarantaine d’année et organisé sporadiquement par la suite… depuis une dizaine d’années, le concours a lieu annuellement sous le patronage de BMW sur les magnifiques rivages du lac de Côme, dans les jardins de la Villa d’Este et de la Villa Erba.
Traditionnellement, le concours d’élégance se déroule sur deux jours: samedi a lieu le défilé devant le Jury, dans les jardins du Grand Hôtel Villa d’Este… dimanche est ouvert au public et les festivités se déroulent dans le parc de la Villa Erba.
La participation est ouverte à une cinquantaine d’automobiles classiques des années 20 à 70, réparties en huit catégories, une neuvième catégorie est réservée à une dizaine de concept-cars et prototypes actuels, ce qui n’est en somme pas si différent du Concours à ses débuts.
Classe A – Touring titans of the 20’s-30’s
Classe B – Kings of the road (high performance models of the 20’s-30’s)
Classe C – Streamlined (style and speed)
Classe D – Riviera cruising (postward european cabriolets)
Classe E – Speed & style (Sport cars in italian suits)
Classe F – Thoroughbreds (the golden age of the Granturismo)
Classe G – Italian dreams (show cars by Italian designers)
Classe H – Endurance legends of the 50’s
Si le jury décerne les prix des différentes catégories et le Best of Show, le public n’est pas en reste, puisqu’il décerne le prix le plus traditionnel et le plus prestigieux, la Coppa d’Oro Villa d’Este… en 2008, le verdict populaire a élu la Mercedes 540 K Autobahnkurier 1938 du mexicain Arturo Keller, cette imposante Mercedes 8 cylindres de 5400 cm3, destinée à la vitesse et au luxe est la seule survivante des deux exemplaires produits et Arturo Keller est seulement le second propriétaire depuis 2004, la voiture étant restée auparavant dans la famille du Dr Barraquer qui l’avait achetée neuve.
Depuis 2002, le public est également appelé à voter pour désigner le lauréat du Concorso d’Eleganza Design Award pour les concept cars ou prototypes et tous les modèles doivent être en état de marche puisqu’ils défilent les deux jours devant le public… le professionnalisme de l’organisation, des voitures exceptionnelles, un cadre idyllique… voilà qui donne envie !
Je me suis approché de la Mercedes-Benz 710 SSK Trossi Roadster en frissonnant d’excitation et j’ai timidement passé la main le long de la carrosserie noire, lisse et brillante… je la trouvais massive et racée, avec ses ailes arrondies et son pare-brise/saute-vent… j’ai examiné la superbe calandre, les deux gros phares chromés et les sorties d’échappement rutilantes qui émergeaient du capot avant pour descendre sous le moteur… puis j’ai fait le tour pour la regarder sous tous les angles, l’habitacle, équipé d’une banquette en cuir noir ne laissait de place que pour deux passagers… l’arrière, profilé comme une fusée, était encore plus impressionnant… cette voiture respirait la puissance !
La réalité historique ; Comme la plupart des grands constructeurs automobiles, Mercedes est engagé, dès ses débuts, dans la compétition. En 1914 Mercedes gagne le Grand prix de France. La guerre vient malheureusement interrompre ses performances sur circuits mais elle permet aussi à l’entreprise de développer des technologies nouvelles adaptées aux moteurs d’avions qui vont lui ouvrir de nouvelles portes… par exemple, à partir de 1922, les véhicules de compétition sont tous équipés d’une suralimentation de type Roots Supercharger.
L’arrivée dans l’entreprise de Ferdinand Porsche, va porter Mercedes vers le succès. En 1924 c’est la victoire lors de la course prestigieuse de la Targa Florio. Ferdinand Porsche développe alors deux moteurs de 6 cylindres de 4 et 6.3 litres de cylindrée équipés tous les deux du fameux Supercharger. Après la fusion avec Benz en 1926, un nouveau châssis est développé pour la course le K, la cylindrée du moteur est portée à 6.7 litres puis à 7069cc pour la saison 1928. Le modèle construit sur cette base reçoit le nom de SS et remporte de nombreux succès en course. Dans la même année une version plus courte reçoit l’appellation SSK. Ce véhicule va dominer la compétition automobile pendant plusieurs années. Son plus grand succès est la victoire aux Mille Miglia de 1931. C’est la première fois qu’un non-italien remporte cette course prestigieuse.
Une nouvelle fois c’est la crise qui contraint Mercedes Benz à s’éloigner des circuits à la fin de l’année 1931. Un des châssis SSK construit à la fin de 1928 n’a pas été vendu. Il est équipé du moteur le plus perfectionné un 6 cylindres en ligne de 7069 cc de cylindrée, implanté longitudinalement, suralimenté et qui développe une puissance maxi de 300 chevaux à 3400 T/mn. Commence alors pour ce châssis un grand périple : il est expédié au japon au printemps 1930, puis revient en Europe quelques mois plus tard pour y être vendu au jeune comte Carlo Felice Trossi, propriétaire d’un empire textile, amateur d’avions et de voitures mais aussi président d’une firme nouvellement crée la Scuderia Ferrari. Le châssis est finalement carrossé par un jeune anglais Willy White qui en fait un roadster 2 places très élégant qui n’a plus rien à voir avec le véhicule de course. Le véhicule fini pèse 1980 kg mais peut atteindre une vitesse maxi de 235 km/h. Le comte l’utilise pour ses déplacements, il fait également quelques courses puis le vend avant de le racheter.
Ce n’est qu’après sa mort en 1949 que le véhicule réapparait. La famille du comte le vend à un argentin qui ne parviendra pas à l’importer dans son pays. La Mercedes Benz Trossi roadster, c’est ainsi qu’on l’appelle maintenant, est achetée par un admirateur de Mercedes aux Etats Unis. Le prestigieux roadster passera encore dans quelques mains avant de rejoindre la collection Tom Perkins en 1983. En 1988 Perkins le vend au couturier Ralph Lauren, grand amateur de véhicules classiques qui le confie à un spécialiste pour une restauration complète. Depuis cette date on ne compte plus les Concours d’Elégance remporté par ce magnifique véhicule, extrêmement rare, qui fait sensation à chaque fois qu’il est présenté.
Comme à mon habitude fouinant dans les recoins des Topics oubliés à la recherche d’une info ou de rien, pour le simple plaisir de “chiner” ou de tuer le temps, je suis tombé sur la photo intrigante de cet homme au regard sombre, mais plus que le visage de cet homme, c’est son nom qui m’a interpellé : Comte Carlo Felice Trossi
Trossi ??? scratch scratch Trossi !!! mais c’est bien sûr le propriétaire de la fabuleuse Mercedes SSK du même nom… je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin. Qui était cet homme ? Google est mon ami, son traducteur beaucoup moins, mais on se démerde et voici le résultat de mes recherches qui vont vous amuser à n’en point douter :
Le Comte Carlo Felice Trossi (Né le 27 avril 1908… décédé le 5 mai 1949) était un aristocrate et pilote de course italien, il peut être considéré comme un représentant typique de ce que l’on nommait alors les gentlemen-drivers, qui se sont consacrés aux courses non professionnellement mais comme un passe-temps passionnant. Néanmoins, il y a démontré un grand talent, supérieur à la majorité de ses collègues aristocrates.
En 1931 à vingt-trois ans, il court pour la première fois avec une Mercedes-Benz dans une course de côte, la Biella-Oropa, l’année suivante, il achète une Alfa Romeo 2300… et à son volant en 1933, il remporte une course à Florence… et puisque les équipes Allemandes, Mercedes et Auto Union ne vendent pas à cette époque de voiture de course, Carlo Felice se concentre sur les courses de côte de classe “Voiturette”, dans lesquelles il remporte d’innombrables victoires… passionné de mécanique, il participe également à des courses motonautiques… et en 1944,lorsque l’usine Piaggio s’installe à Biella, en vue d’échapper aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale, il travaille avec les ingénieurs sur le prototype Piaggio MP5 dont les tests ont également été fait dans son château de famille à Gaglianico.
Après la guerre, il est engagé par l’équipe de course Alfa Romeo (dirigée par Enzo Ferrari) la meilleure équipe de ces années d’après-guerre. Avec elle, il remporte le Grand Prix d’Italie en 1947 et le Grand Prix de Suisse en 1948 … à ce moment là, le comte Trossi souffre déjà d’un cancer qui l’emportera en 1949 à tout juste 41 ans (peut-être la raison du visage sombre de la photo). Nul doute que sans cette fin prématurée, il aurait joué un rôle majeur dans le Championnat de Formule 1 qui devrait débuter en 1950… voila vous en savez maintenant autant que moi sur cet illustre personnage, sur la voiture et sur ma méthode de “travail”... reste à vous causer pas vraiment de la belle qui illumine les photos illustrant cet article mais plutôt du Gonzo-journalisme…
Pratique irrévérencieuse, le journalisme Gonzo rejette le métadiscours sur l’œuvre, c’est-à-dire la critique argumentée et surplombant l’objet, au profit d’une critique subjective, totale, entière et radicale… non seulement le rédacteur Gonzo que je suis se mouille jusqu’au cou dans son “papier” mais peut aller plus loin en intégrant par exemple la réalité du sujet qu’il traite… son dada, ce sont les anecdotes graveleuses, les excès “sex and drugs”, bref, tous les éléments qui neutraliseront le consensus mou.
Il n’y a pas de place dans le monde du “politiquement-correct” de la presse, un univers plein de suffisance pour tout homme comme moi méprisant la médiocrité qui ne permet à personne de se mettre en travers de la vérité… le monde de la grande presse est une plaisanterie débile, le cimetière ultime des marchands de ragots et de ballots prétentieux, un monde qui se casse la gueule actuellement aidé par la pandémie du Coronavirus, 90% de tirages en moins, 90% de lecteurs en moins, 90% de pubs en moins… et certains osent me téléphoner pour me demander la recette de GatsbyOnline… ce à quoi je réponds : “La presse n’est fait que d’une bande de tantouzes brutales… le journalisme n’est ni une profession, ni un métier… ce n’est qu’un attrape-connards et un attrape-imbéciles à deux sous…une fausse porte donnant sur les prétendues dessous de la vie, une misérable et écœurante fosse à pisse condamnée par les services de reconstruction, juste assez profonde pour qu’un poivrot s’y terre au niveau du trottoir pour s’y masturber comme un chimpanzé dans une cage de zoo” !
Bref, je vais clôturer car j’en ai marre d’écrire à 4h du mat’ ! Dans une langue travaillée mais limpide, presque adolescente, Sofiane de Clermagnon m’a déclaré son métier de “poseuse-mannequin-de-luxe” tout en expliquant pourquoi, point par point, les codes de cette profession… les yeux rivés sur elle, j’observe son corps, ses gestes, ses regards… elle semble se préparer, comme avant d’entrer en scène… respiration amplifiée. Ça y est, elle y va… s’avance, pose… et clic-clic-clic… c’est dans l’appareil photo numérique… C’est du théâtre… Progressivement son corps prend son indépendance, tête haute… C’est du théâtre, c’est l’instinct, la pulsion de vie, du sexe “chic”... C’est du théâtre. Je me fais happer par le jeu qui mène aux images… et tombe le mythe d’authenticité qui auréole la star-attitude, la pulsion, le corps débordant, l’énergie…
Galerie photos :