Mercedes AMG GTS : L’étoile a bien failli vaciller…
Par Marcel PIROTTE
L’essai d’un coupé Mercedes AMG GTS de 510 chevaux, ça ne se refuse pas…, je me suis donc inscrit sur la liste des “journalistes prétendants à pouvoir conduire pendant trois jours” ce petit bijou de technologie, tout en ayant durant plusieurs semaines attendu patiemment mon tour.
Ca se passe comme ça… et c’est très bien ainsi…, sauf que mon essai ne s’est vraiment pas déroulé comme prévu, mettant en exergue un élément capital : le service après-vente défaillant… et là, j’en ai des choses à raconter…
“Gardant toujours notre rôle de pionnier à l’esprit, nous ne pouvons ni ne voulons nous borner à répondre simplement à vos attentes. Nous voulons au contraire dépasser vos attentes. En un mot, vous surprendre”…, belle déclaration d’intention ! Selon Mercedes, un client est satisfait si ses attentes sont satisfaites…, c’est sans doute la plus simple définition de la satisfaction client…, nombre d’entreprises s’en contentent mais Mercedes-Benz entend aller encore plus loin :
C’était un vendredi de juin, il faisait vraiment très chaud ce jour-là (plus de 34° C), j’avais donc la chance de pouvoir prendre à l’essai chez l’importateur en Belgique une Mercedes à porte papillon “nouvelle génération”… je m’y installe… et là j’ai été surpris, agacé, déçu… tout d’abord parce que je croyais pouvoir essayer ce coupé-papillon-rouge et… je n’en suis toujours pas revenu… on m’a prié d’en descendre et d’attendre l’arrivée de la BONNE Mercedes… un très beau coupé AMG GTS gris métal, 510 chevaux, 16.000 km au compteur, 180.000 € avec quelques options…
Dès les premiers kilomètres, tout se passe bien, j’assimile les principales commandes et autres interrupteurs… pour un coupé aussi puissant, cette AMG se conduit un peu comme une voiture diesel… et puis alors que j’emprunte le grand “ring” de la capitale belge (à Paris, on parlerait du périphérique) afin de me rendre en France, un claquement assez sec se fait entendre… je vérifie aussitôt les instruments de bord, rien de spécial à détecter sauf que la température à l’intérieur de l’habitacle commence sérieusement à grimper… en quelques minutes, ça devient un véritable four.
Je réfléchis et me dit que sur mon trajet, je vais croiser à l’ouest de Bruxelles un important distributeur Mercedes, une filiale directe de l’importateur…, je repars… et après avoir roulé durant 32 km comme un pain en cuisson (c’est probablement l’essai le plus court que j’ai réalisé), j’arrête mon très beau coupé argenté sur le parking de cette filiale… une véritable cathédrale, impeccable, le gazon bien tondu, imposant… je coupe la clim, essaie de la remettre en fonction, rien n’y fait, elle semble bloquée sur la température la plus élevée… et pas moyen de revenir en “mode manuel“.
On me renseigne l’accueil “atelier”, un préposé plus tout jeune tapote sur le clavier d’un ordinateur… à première vue, il a de l’expérience, c’est bon signe… je m’installe… et comme on me l’a appris dès l’école primaire, je dis bien évidemment “bonjour” pour détendre l’atmosphère et lui faire comprendre que je suis un client “francophone” (en Belgique, nous avons trois langues officiellement reconnues)… aucune réponse de l’intéressé, il ne m’a toujours pas regardé, fixant intensément l’écran de son ordinateur…
Et puis sans doute se rendant compte d’une présence, il me demande tout de go : “C’est pourquoi ?”… je lui aurais bien répondu que c’était pour la barbe ainsi qu’une coupe de cheveux… mais dans une concession Mercedes, mieux vaut rester sérieux : “Ma voiture a un problème d’air conditionné”…. et là, surprise : “Avez-vous pris rendez-vous ?”… il ne m’a toujours pas regardé, passionné par son écran d’ordinateur…“Bien sûr que non, ça vient de m’arriver”… et lui de me demander : “Quelle voiture avez-vous ?”… et je réponds : “Un coupé AMG GTS”…
Cela a eu le même effet que si je lui avais annoncé que je venais pour la révision d’une Mercedes à pédales…, il n’a toujours pas bronché, ne sait toujours pas à quoi je ressemble et il me lâche : “On ne va pas savoir faire grand-chose”…
Une réponse pareille, énoncée sans le moindre diagnostic, ça rassure vraiment le client ! Et là, j’ai vraiment explosé, je suis là devant lui avec une bagnole à l’étoile de plus de 180.000 €, on me traite pire qu’un vulgaire “péquenot “… chez Dacia, j’ai été reçu beaucoup mieux pour un problème moindre sur une simple Sandero à 12.000 €.
Comme par magie et en quelques secondes, le ton a changé, on m’a littéralement déroulé le tapis rouge, comprenant enfin que c’était du sérieux…, on a bien voulu examiner cette AMG, mais entre temps, j’avais déjà pris contact avec le responsable des relations presse de l’importateur qui lui avait bien compris le problème, d’autant que ce n’était pas la première fois que ce coupé d’essai faisait l’objet de plusieurs petites interventions…
Et là, les choses se sont précipitées, j’ai repris mes clefs, lui disant que j’allais aller voir ailleurs et que de toute manière, il allait entendre parler de moi à travers mon statut de “journaliste automobile”…
Comme je le pressentais et après deux heures d’attente, on m’a annoncé que l’atelier ne pouvait rien faire dans un délai aussi court (!) et que la voiture devait être prise en charge par le service après-vente de la marque…, heureusement, le team des relations presse a lui fait un remarquable boulot, m’a trouvé une voiture de remplacement au pied levé… la même auto, le même type de moteur; le même gris métal, mais avec un intérieur rouge et gris !
J’ai donc pu continuer ma route vers le Nord de la France, voilà au moins une équipe qui a fait son travail, merci Eric, merci Céline, vous êtes des pros…, à l’inverse de certains de vos collègues à l’étoile qui se prennent la grosse tête parce qu’ils ont une étoile à trois branches sur leur veste (en Belgique, dans le jargon bruxellois, on appelle cela des “dikke nek”, traduisez par “gros cou”)… et là, Mercedes devrait s’en inspirer, car être “reçu” de cette manière pour une voiture qui coûte une petite fortune, c’est tout simplement scandaleux, comment cela se déroule-t’il avec le propriétaire d’une petite Smart ?
Cet incident soulève un tas de questions…, l’accueil tout d’abord…, pas normal, que dans une firme comme Mercedes, on soit traité de cette manière, indigne de la marque à l’étoile, je conseille d’ailleurs aux vendeurs et réceptionnistes de visionner une partie du film de Claude Lelouch “Itinéraire d’un enfant gâté”…, durant une scène d’anthologie qui se prolonge pendant près de dix minutes, Jean-Paul Belmondo explique à Richard Anconina “comment il faut dire bonjour”…, tout simplement exceptionnel, intense, instructif au possible, un très grand moment de cinéma à reproduire dans la vie…
J’ose bien évidemment espérer que ce réceptionniste est un cas à part et que dans l’ensemble du réseau, cela se passe nettement mieux…, sinon, ce serait à en pleurer… Tous les clients doivent être traités de la même manière, il faut s’occuper de leur problème et tenter d’apporter une solution, les réceptionnistes sont payés pour faire ce job, sinon, ils en cherchent un autre ayant au passage complètement dénigré l’image d’une marque plus que centenaire… Anormal qu’une voiture soit à l’atelier pendant trois semaines afin de devoir remplacer certaines pièces… et de se mettre à la place du propriétaire, celui a payé ce coupé, il y a de quoi râler, grimper aux murs et surtout ne plus croire dans une certaine étoile…
Côté technique, chaque voiture peut avoir un incident, rencontrer un problème, ça, je le comprends très facilement…, mais ce que je ne peux imaginer, c’est qu’une voiture de ce prix soit immobilisée pour une panne aussi stupide…, le système d’air conditionné installé à bord de ce coupé ne doit pas être fondamentalement différent de celui qui équipe les Mercedes de haut de gamme, à savoir, les classe E, S et autres CLS… Et bien non, ce coupé était réglé comme un Coucou suisse, l’air conditionné ne m’a pas lâché, j’ai donc été (un peu) réconcilié avec l’étoile… j’étais donc rassuré, mais quand même un peu inquiet, est-ce que de nouvelles aventures m’attendaient au tournant ?
Petit coup d’œil dans le rétro : pendant quatre ans, de 2010 à 2014, la division AMG de Mercedes va produire une super car bien dans la tradition de la 300 SL Gull Wing des années cinquante, son nom : AMG coupé SLS, V8 6,2 l de 571 chevaux/650 nm, qui lui aussi déploie ses ailes ou plutôt ses portes “papillon” comme sa vénérable aïeule.
Quoi qu’on en pense, il fallait également proposer une super car plus abordable (c’est relatif !), dès lors en fixant à 120.000 € le prix de base d’une version GT de 460 chevaux et à 140.000 € pour la GTS de 510 chevaux (ma GTS d’essai bien équipée frisait la barre des 180.000 €, le prix d’un bel appartement)…, Mercedes rentrait un peu dans le rang.
Après une production largement supérieure à 5.000 unités, Mercedes n’a jamais communiqué les chiffres officiels, de quoi faire grimper artificiellement la cote de ces voitures culte, ces SLS ont donc quitté la scène, n’étant pas assez pratiques au quotidien, trop chères également, plus de 200.000 €, pour se faire une place au soleil… et surtout pour rivaliser avec une voiture de sport mythique qui chaque jour donne de l’urticaire aux dirigeants AMG, l’indémodable Porsche 911.
En comparant le prix des super cars utilisables au quotidien, ne parlons pas des exotiques qui ne savent tourner en rond que sur un circuit et qui tombent en panne de manière récurrente (gag !), cette GTS est cependant moins chère qu’une Porsche 911 turbo de 520 chevaux (170.000 €), mais sans le moindre supplément. Et pour ceux qui veulent vraiment faire de bonnes affaires (sic !), il reste bien évidemment la Jaguar F Type R de 525 chevaux (110.000 €), ou à faire les yeux doux à la Corvette de 466 chevaux (moins de 80.000 €, oui, vous avez bien lu, un prix imbattable).
L’AMG GTS, quelle gueule…, c’est une “muscle car” un peu dans la grande tradition américaine…, elle me fait penser à une ancienne Viper, capot démesurément long, habitacle reporté vers l’arrière, 4,55 m de la proue à la poupe, utilisation intensive d’aluminium afin de réduire le poids, un peu moins de 1700 kg ainsi qu’une architecture du genre classique : V8 avant largement reculé, presqu’en position centrale, propulsion et boîte robotisée 7 rapports (à double embrayage) accolée au pont arrière (une Transaxle en quelque sorte comme l’ancienne et vénérable Alfetta GTV des années ’70), de quoi obtenir une répartition des masses de 47/53, pas mal.
L’accès à bord est enfin facilité par des portières classiques s’ouvrant très largement, certes, on descend toujours en voiture… mais c’est nettement plus simple qu’avec la SLS…, un véritable cockpit d’avion, pilote et copilote étant séparé par une imposante console centrale regroupant les commandes essentielles. Côté design, la partie arrière rappelle étrangement celle de la 911 mais pour le reste, cette GTS ne manque ni de personnalité ni de sex-appeal, on se retourne sur son passage alors qu’une 911 même turbo ne suscite plus le même engouement. Et ça ne s’arrête pas là, car si l’on peut faire l’impasse du pack “Dynamic Plus” (à 2.300 €) regroupant une suspension pilotée (trop) raffermie ainsi qu’une direction un rien plus directe, en revanche, les freins carbone céramique, puissants, indestructibles, devraient être montés en série et non pas exiger un supplément de près de 8.600 €… il y va de la sécurité, Mercedes n’arrête pas de nous le répéter…
Le coffre d’une capacité de 350 L accessible via le hayon arrière est toutefois suffisant pour emmener les bagages d’une virée à deux…, mais prière de bien les arrimer car au moindre freinage un peu trop violent, ils risquent de vous tomber sur la tête… En plus d’une présentation remarquable (à ce prix-là, le contraire aurait été plutôt choquant) et de sièges très accueillants et bien dessinés, ce coupé ne propose que deux places (pas de minis strapontins arrière comme une 911). Contact, le V8 gavé par deux turbos se réveille, pas de doute, c’est bel et bien un bloc AMG, du caractère, de la voix et surtout un incroyable tempérament… et pourtant, il ne s’agit ici que d’un petit V8 de 4 l (un small bloc comme diraient les ricains) mais qui a de la ressource, 510 chevaux à 6.250 tr/min, mais surtout 650 Nm de couple disponibles à partir de 1750 jusque 4750 tr/min…, ça doit pousser tout le temps.
On ne se lasse pas de rétrograder les rapports rien que pour la pétarade…, un V8 teuton qui n’a rien à envier aux V8 italiens, ici, c’est plutôt du genre bestial, du Beethoven, du grave, d’autant que ce V8 de style baryton peut aussi envoyer les grandes orgues et vous propulser à des vitesses que notre code réprouve sans la moindre pitié (attention au retrait de permis)… Pour encore mieux m’en rendre compte, je me suis farci quelques tronçons autoroutiers non limités en Allemagne : de la dynamite, de 0 à 100 km/h en 4 secondes, des reprises tout simplement époustouflantes, dépassements éclairs, je me suis retrouvé plusieurs fois à 250 km/h comme dans un mouchoir… et il y avait encore de la marge, ce coupé étant capable de pointer à 310 km/h…, avec en prime, un bruit qui ne laisse aucun mélomane indifférent ! N’empêche que ce coupé qui, piloté sportivement, engloutit allégrement plus de 15 l/100 km, s’avère pourtant utilisable au quotidien et ce malgré une insonorisation assez décevante, il y a moyen de faire mieux.
Pour véritablement exploiter tout le potentiel de cet engin, seul un circuit est sans doute capable de vous faire approcher les limites de ce coupé hyper sportif qui efface les virages et les grandes courbes à une allure de grand prix… mais dont les suspensions trop fermes du pack “Dynamic plus” gâchent un peu le plaisir de conduite sur route (les bruits de roulement étant aussi un peu trop présents). Descendre en effet à la Cote d’Azur via les départementales et la célèbre route Napoléon, voilà un programme qui ne m’a déplu du tout…, certes, il faut un peu s’habituer à ce très long capot, aussi long que le pont d’envol d’un porte-avions…, à ce diamètre de braquage assez imposant… et surtout ne pas tenir compte de la curiosité de nombreux autres automobilistes qui prennent un malin plaisir à vous coller au train afin de voir ce que ce coupé a dans le ventre…, un comportement qui dépasse l’entendement grace à la boite robotisée à 7 rapports ultra rapide presque parfaite (fabriquée par Getrag) qui se commande bien évidemment via des palettes au volant, une direction précise et bien calibrée, ainsi que des freins carbone céramique impossibles à mettre à genoux, ce coupé est aussi capable d’effectuer de très longues étapes sans devoir vous faire masser à l’arrivée (censuré !) et de vous reposer durant quelques jours.
Dernière petite précision quant à cette voiture : j’ai été le dernier journaliste à l’essayer… et dès sa rentrée chez l’importateur, elle a aussitôt été vendue…, son nouveau propriétaire ne connaît sans doute pas toutes les (més)aventures qu’elle a vécues, mais avec le dernier “check up” qui a duré trois semaines, il semble assuré d’avoir mis la main sur un exemplaire en pleine forme qui devrait lui procurer pas mal de sensations hors normes… et de plaisir de pilotage…, du moins, je l’espère, c’est tout le mal que je lui souhaite…
Pour le reste, Mercedes n’a pas raté son entrée dans ce club vraiment très fermé des super cars pouvant être utilisées quotidiennement et non pas parader à l’occasion de l’une ou l’autre manifestation où l’important est surtout d’être vu…, ça aussi, ce coupé AMG GTS sait aussi très bien faire, mais il y a surtout le reste que d’autres super cars sont incapables de réaliser…
Marcel PIROTTE