Mes aventures en Géorgie… #1
Il voudrait être Jean-Paul Sartre jouant à Tintin reporter…
Au moindre conflit régional, Bernard-Henry Lévy prend son sac et part écrire un article-fleuve.
Reportage ou “romenquête”, comme il avait lui-même qualifié son livre sur le meurtre de Daniel Pearl ?
Aujourd’hui, je tiens à mettre une nouvelle fois en cause les informations et impressions rapportées par cet intellectuel de pacotille dans ses articles sur le conflit en Géorgie publiés dans divers quotidiens en août 2008…
Il n’est jamais trop tard pour bien refaire le monde !
Règlement de compte franco-français, complot germanopratin contre une personnalité qui fait des jaloux ?
Certains ont même osé dire et écrire que critiquer et/ou remettre en cause Bernard Henry Levy serait un acte antisémite !
Les spécialistes de la situation dans le Caucase ont jugé de la véracité des accusations à charge de Bernard Henry Levy : “BHL est un journaleux, menteur et manipulateur” !
Cette polémique me rappelle un entrefilet paru dans “The Independent”, sous la plume d’un journaliste britannique qui, à coup sûr, n’avait que faire des querelles parisiennes : “Les Américains ont envoyé des couvertures et les Estoniens des médecins, mais à coup sûr, ce sont les Français qui sont venus au secours des Ossètes du sud, en proposant d’envoyer le nouveau philosophe (en français dans le texte) Bernard-Henry Lévy”, ironisait ce quotidien.
Et ce n’est pas fini… : “Ce cuistre de BHL”, rapportait l’article, “a fait impression au Marriott de Tbilissi, où il était bien installé avec un entourage composé d’un cameraman personnel, d’un photographe, d’un attaché de presse et d’un garde du corps… Par la bouche d’un autre client de l’hôtel, on a appris que le philosophe-reporter et sa suite n’étaient pas difficile à repérer. Ils ne sont jamais allé “couvrir” les faits de guerre, ils sont restés confortablement dans leur hôtel et traînaient tous dans le hall, à faire des ronds de fumée et gesticuler. BHL était particulièrement dans son élément, à se promener dans sa chemise blanche froissée, sa coiffure comme s’il sortait d’un tunnel aérodynamique et empestant le parfum. BHL est une boursouflure du système médiatique et mondain. Son rôle ? Camoufler la vérité en diffusant ses affabulations par tous les circuits des médias : presse éditions, radios etc.”….
A cette suite, ou je me devais de venger le déshonneur de la profession… et après avoir réalisé divers reportages sur les Marussia (2010 Marussia B1…, 2010 Marussia B2…, 2010 Marussia B3…, 2010 Marussia B4…), ainsi que sur la firme Cardi (Cardi-Body & Cardi-Curara…), l’idée m’est venue, sans nul doute autosuggérée…, de me rendre en Géorgie ou avait lieu un meeting “International” de VW Cox…, profitant qu’étant encore à Moscou (suite à ces reportages), ce devait être simple de me rendre direct en Géorgie pour y poser la question cruciale que tout le monde se pose : Bernard Henry Levy a-t-il couvert les évènements de guerre en allant sur le front au péril de sa vie…, ou est-il resté dans son hôtel à papoter et retranscrire les “News” diffusées via Internet et les médias locaux ?
C’était samedi, je suis parti le cœur vaillant me balader une dernière fois dans Moscou ou j’ai acheté des billets pour le concert du soir au conservatoire, avant de faire diverses emplettes à Gorbouchka, le grand marché moscovite de CD et DVD pirates, où j’ai fait provision de fagots de vieux films soviétiques pour les longues soirées d’hiver.
Retour ensuite chez Macha, l’amie qui m’hébergeait, thé et beignets de crevettes sur le pouce avant de se diriger vers la petite salle du Conservatoire de Moscou, sixième rang, places 4 et 5, pour assister au concert de Sergueï Petruchansky, professeur et soliste de l’orchestre de Moscou…, et le Conservatoire de Moscou, qui porte le nom de Tchaikovsky, ça n’est pas rien.
Ce soir-là on jouait Mendelssohn, Schubert, Stravinsky et Prokofiev, mais ce qui comptait c’était le cérémonial vibrant d’émotion qui entourait “la chose”.
Ce fut encore mieux qu’à l’église.
Tout d’abord la salle d’attente, était parée des noms des lauréats de la médaille d’or depuis la création du conservatoire, gravés dans le marbre : Rachmaninov, Rostropovich, Richter, Khatchaturian, parmi d’autres illustres inconnus…
Puis une fois installés dans la vieille salle aux banquettes de velours, une vieille dame maquillée qui se tenaitt droite comme un “i”, vint annoncer l’entrée en scène du maestro, en récitant fidèlement le programme du concert : “Schouberte, Sonata N°5, lia minor… lia bémoli major” (avec l’accent)…
Puis le soliste se présenta, en habit queue de pie, salua profondément le public, s’installa… et après deux ou trois tours de manche fit pleuvoir un déluge de notes sur les spectateurs ravis.
A l’entracte, des grand-mères très maquillées ont apporté des bouquets de fleurs à l’artiste, une larme d’émotion coulant sur leur joue.
Le professeur, très digne, repartit les bras chargés de roses…, voilà…, moi je n’ai pas besoin de croire en Dieu, il me suffit d’aller au Conservatoire de Moscou pour être rassuré sur le sort du genre humain…
La suite de la soirée se passa au restaurant, où j’avais invité Macha et sa famille pour les remercier de leur accueil.
L’endroit s’appellait “Rioumka”, le petit nom que les Russes donnent affectueusement au verre qui sert à boire la vodka.
Et donc, entre le civet de lièvre et la soupe de poisson, nous avons bu une “lokot” (coudée) de vodka, après quoi nous sommes repartis chez Macha, tout à fait gais.
Et, pour noyer mon dépit de ne pas aller au sauna faire une partouze, car Pacha et Babouscka, un couple ami de Moscou, avaient eu un contretemps…, j’ai fini la vodka ukrainienne au piment (certains sauront de quoi je veux parler) que Macha gardait “au chaud” dans son congélateur.
Dimanche… gueule de bois.
Impossible de me lever avant cinq heures de l’après-midi… et donc adieu l’après-midi shopping à Ismaïlovo.
Mais que voulez-vous, ce sont aussi les aléas des week-ends moscovites.
Et pour rattraper le coup, Lida, la fille aînée de Macha, a débarqué pour préparer sa spécialité, des blinis… que nous avons englouti en cinq secs avec de la crème et de la confiture.
Pacha est ensuite venue avec sa copine Babouscka pour se faire pardonner, la soirée s’est terminée doucement en partouze autour d’un énième film porno allemand mal doublé en russe.
Et voilà, il était temps de dormir pour prendre l’avion le lendemain matin…
L’ambiance des aéroports me détend toujours considérablement.
J’ai acheté cinq énormes barres triangulaires de Toblerone au point presse, adorant mettre en pratique toute sorte de clichés.
J’avais tout : la panoplie coloniale, casque inclus, toujours mon fidèle crabe de terre et les pellicules qui vont avec, des provisions alimentaires, parce que là-bas ils mangent des trucs assez moches… et un fusil-harpon, (ça peut toujours servir et ça me rappellerait ce que mon ami m’avait conté de Beyrouth Patrick Henderickx en conférence à Bruxelles : Beyrouth 2006… ).
Je tenais à les prendre à bord mais mes friandises devaient passer au contrôle.
J’ai posé les barres l’une derrière l’autre sur le tapis roulant, dans le but de présenter un très long chocolat dans la gueule de l’appareil : personne avant moi n’avait jamais suggéré une fellation avec autant d’ingéniosité.
J’ai ponctué chaque étape de la construction en me retournant pour saisir l’impact de ma créativité : le regard des passagers était réprobateur, certains paraissant même un peu agacés.
J’en suis arrivé à l’avant-dernière… quand l’un deux, qui s’était probablement auto désigné comme porte-parole des insensibles, s’est jeté à l’eau :
– Vous le faîtes exprès ? (Je traduis direct du Russe en Français pour vous aider à comprendre directement)
– Oui…
– Bon, ça suffit maintenant, posez vos Toblerones et avancez. On n’est pas là pour s’amuser, nous.
– Ecoute garçon, soit je termine ma structure postmoderne que tu es incapable de percevoir avec d’autres yeux que ceux de n’importe quel crétin pragmatique, soit je dis au gros chef avec le flingue que je t’ai vu échanger une petite boîte métallique avec un moyen-oriental dans le parking souterrain. T’es sûr que tu veux le prendre cet avion ou tu préfères te faire fouiller l’anus dans une pièce sans fenêtres ?
– Pauvre type…
Mon image vis-à-vis des compagnies aériennes est devenue déplorable après le sale coup que je leur ai fait, j’en avais parfaitement conscience et il était directement trop tard pour y remédier.
L’atmosphère dans l’habitacle sentait déjà la Géorgie, mélangée à une forte odeur de textile qu’on aurait plongée dans des barriques de pus.
J’attendais le décollage et la proximité de l’heure de la collation pour me diriger vers les toilettes.
Comme prévu, les hôtesses piaillaient leurs petites anecdotes juste à côté, en sortant les plateaux.
Le plus difficile fut de rentrer sans être vu ; j’ai profité d’un angle mort pour pousser un petit rire mutin et claquer la porte derrière moi.
Je me mis à faire du bruit avec la boucle de ma ceinture sur le lavabo en aluminium, à froisser mes vêtements énergiquement, entrecoupant le tout de souffles rauques et, avec parcimonie, de “Ouaaaaaaaaais” haletants.
Quelques coups de genoux dans les cloisons et c’était presque bon.
J’ai lâché un double “Aa ah !” sur des tons différents et un peu d’eau sur la figure finalisa la supercherie.
Dernier obstacle : les salopes fixaient sûrement la porte pour voir qui allait en sortir, j’avais besoin d’une diversion et l’annonce du pilote fit mon affaire d’autant plus que j’entendais des pas s’approcher, synonyme de couverture visuelle.
J’ai ouvert à la volée en balançant tout de suite ma chemise à terre pour feindre de la ramasser en trébuchant : “Fanny ! non !”… les yeux rivés vers le couloir.
Je me suis retrouvé à essayer de me rhabiller en remettant les manches à l’endroit le plus vite possible, l’air atrocement gêné, réajustant mon Jean’s… et avec une chaussure à la main.
– Désolé, c’est une fille mutine… elle me fait souvent le coup….
– Hihi !, c’est pas la première fois qu’on voit ça, vous savez…, m’a sorti celle qui ressemblait bien à la page d’accueil de Bonnes&matures.com !
Les deux plus jeunes ne réussirent pas à contenir un fou rire… et une autre n’aurait sûrement pas dit non si nous avions été seuls dans l’appareil et que j’avais un cran d’arrêt sous sa gorge….
J’étais devenu un dangereux schizophrène pour les rangées A B C de 45 à 70 mais…, c’était bon quand même.
De retour à ma place, j’ai piqué un somme bien mérité dans lequel j’ai rêvé que l’avion s’écrasait contre un pont…
On a beau se les geler… et j’ai beau voir des choses pas toujours rigolotes en ce moment, je dois quand même dire merci aux Russes et à leur sale tête de bois (pas gueule de bois, je m’explique), parce que c’est quand même grâce à eux que l’affaire entre l’Ossétie et la Géorgie n’a pas dégénéré en conflit planétaire en cause des manœuvres Américano-israéliennes, visant à couper le pipe-line et le gazoduc, artères financières de premier plan pour la Russie !
Ben oui…
Du même coup, les prétentions des pays regroupés sous la bannière du Nouvel Ordre Mondial ont diminué, ce qui a sans nul doute sauvé l’Ancien Ordre Mondial : le nôtre !
Merci donc, les Russes qui n’acceptent pas que des Géorgiens, certes un peu “grandes gueules” mais pas vraiment dangereux, essaient de temps en temps de faire leur révolution, certes à chaque fois très chatoyante mais pas vraiment “bouleversifiante”…
Merci Gazpoutine, comme certains gentils Géorgiens l’appellent ici !
Natacha Spermliakov a voulu symboliser la situation via une mise en scène photo (ci-dessus), en montrant que la soldatesque d’ici se fait peur à elle-même !
Un truc quand même, c’est que, pas bêtes, les Géorgiens : le bois peut être trop cher, l’électricité et le gaz peuvent venir à manquer…, le cul, le vin et la vodka sont toujours disponibles à profusion (appréciez en passant l’extraordinaire chute de rein de Natacha Spermliakov) !
J’en ai fait moi-même l’expérience un matin à Borjomi, où alors que je sodomisais Natacha… j’ai dû avaler, cul sec, trois verres de cognac à huit heures du mat’ sans rien dans le ventre…
Car comme ils le disent si bien : “Il peut faire froid dehors, mais il suffit que nous nous réunissions entre Géorgiens pour qu’il fasse chaud !”…
Ben voyons…
Ayant assisté à une soirée Sado-Maso géorgienne très “Hot”, ou un participant jouait à l’esclave venu d’Ossétie, j’ai de suite deviné qu’il existait toujours un certain ressentiment…
Je vous signale que c’était une mise en scène, le brave Ossète n’est pas mort pendu…
On l’a retrouvé éventré le lendemain dans une ancienne fabrique de paté pour chats, de l’autre coté de la ville…
Enfin bon.
Tout cela m’a forcé à plonger sans transition dans la misère de la société géorgienne… et c’est pas toujours très joli…
J’espère quand même qu’ils vont refoutre le gaz, ces cons.
Après, s’ils veulent toujours s’assassiner entre chefs d’Etat, faire batifoler des commandos dans la montagne, enfin tout ce qu’ils peuvent trouver pour épargner ceux qui se prennent toujours tout sur la tronche.
Je suis ensuite tombé Tbilissi… et pas ailleurs.
Il n’y a pas d’autres mots pour décrire ma situation, une semaine durant, dans cette ville déroutante, qui fait songer tour à tour à Athènes, Istanbul, Naples ou Moscou, mais possède finalement une identité propre qui échappe à l’analyse et que personne n’arrive pas à saisir.
Impossible de savoir où l’on se trouve quand on rentre dans un métro tout soviétique, où l’on peut parler en russe à la caissière… et où des babouchkas vendent journaux et fruits à la sauvette, pour se retrouver sur un quai où l’on ne comprend rien car tout est écrit en géorgien.
Quand on croit croquer dans une tomate et que l’on sent le goût sucré et doux du “karaliok”…., ou quand l’on se trouve dans un cybercafé tout à fait moderne sur l’avenue Rustaveli (les Champs-Elysées Tbilissiens)… et que le gérant, comme tous les autres commerçants du coin, est contraint de faire vrombir son groupe électrogène Honda dans la rue car le courant vient de sauter…, on se dit que tout ici est définitivement oriental, même si les drapeaux européens fleurissent sur les façades et si l’on vous répond parfois en anglais à une question posée en russe.
Les palmiers, les balcons finement ouvragés, les escaliers extérieurs et les vieux mastiquant des graines de tournesol sur le pas de leur porte vous en convainquent rapidement.
En gros, voilà, j’étais paumé.
Mais tout en Géorgie est aussi soviétique, comme vous le prouvent les passants désagréables, les constructions démesurées, ou les larges avenues et les Marshrutkas qui les parcourent.
Mais tellement à l’aise dans ce pays si accueillant.
Car je me suis rendu compte petit à petit que la vraie solution est celle que m’assènaient à tour de bras, depuis bien avant mon départ, expatriés et autochtones : “Tout à Tbilissi est géorgien”… et il fallait m’y faire.
Géorgien, comme ce type avec qui j’ai partagé par hasard un taxi à trois heures du mat’ et qui a reconnu en moi le touriste paumé qui lui avait demandé deux jours auparavant la direction de la rue Paliachvili.
Géorgien, comme le taxi qui a essayé de m’arnaquer à l’aéroport… et comme l’hôtelier qui m’a accueilli le soir de mon arrivée à grands coups de toasts au vin blanc et de spécialités culinaires toutes plus délicieuses les unes que les autres…, mais toutes de trop pour mon estomac.
Géorgien, comme les expatriés hypnotisés qui, selon le rite des banquets très codifiés ici, ne peuvent s’empêcher, même en l’absence de vrais Géorgiens, de porter un toast à la santé de leur pays d’adoption : Sakartvelos Gaumardjos !
Voilà.
C’est promis, c’est le premier et le dernier message grandiloquent que j’écris à propos de Tbilissi et des Géorgiens.
Mais j’avais l’impression que ce pays c’était un peu un passage obligé… et je sentais que je ne résisterais pas longtemps.
Bientôt moi aussi je serais foutu et transformé en nouveau thuriféraire de l’armée des VRP de la belle et douce Colchide.
Après la minute nécessaire de brillante analyse géopolitique, voici la minute tout aussi nécessaire d’autosatisfaction onaniste.
Car mes chers amis, et je suis fier de vous l’annoncer, j’ai, dans ces conditions dantesques, pu rédiger, mon premier essai vérité sur le premier rassemblement “international” de VW Cox Géorgien, ou ne participaient que des VW Géorgiennes… et cela en situation locale à 100%…
En réalité, il n’y avait là que des bouseux locaux aimant les VW Coccinelles…
Alors que je crapahutais dans la rue, la langue pendante et les babines retroussées, à la rencontre de l’hypothétique leader d’un non moins improbable mouvement anti-Soros, afin de prouver au monde ma haute valeur journalistique, je suis tombé, enfin, sur la manifestation “internationale” de VW Cox…
Et pas une petite manifestation…, hein…, ils étaient au moins une dizaine !
Et donc ni une ni deux, j’ai enfourché mon stylo, le carnet entre les dents… et “j’ai’interviouvé” tout ce qui ressemblait à un “VWétiste” ou un leader du mouvement du Flat-Four arrière (c’était facile, ils étaient tous jeunes et souvent cons).
Après une parenthèse géorgienne de quelques heures pendant laquelle les amateurs de la voiture du peuple d’Adolphe Hitler et de son pote Ferdinand Porsche débattaient rageusement…, alors qu’un espèce de type dégueulasse avec des chicots, mais qui avait eu l’heureuse initiative de me traduire en russe ce que les chercheurs racontaient en géorgien…, m’a tanné avec des histoires bizarres de complot judéo-maçonnique au départ des “Protocoles des Sages de Sion”…, et…, après cette parenthèse donc…, je suis parvenu à obtenir l’assurance d’une balade en VW Coccinelle au fin-fond de la Géorgie profonde…
L’article allait surement être tout pourri, ne représentant, de plus, pas le quart de la réalité, mais voilà, le first contact a ainsi été établi et c’est tout ce qui comptait alors, la route de la gloire s’ouvrait sous mes pas.
“Albert Londres, me voilà !” ais-je crié”…
Ben oui.
Je croyais savoir à quoi m’attendre mais infernal comme ça, non, je pensais pas.
Vivre toute l’année dans le coin sans se balader en permanence la bite à l’air entre les rayons frais des supermarchés, ça tient de la performance.
Les glaçons valent de l’or mais généralement ça ne m’empêche pas d’en acheter deux gros sacs et de m’en verser partout dans les fringues et je pars ensuite, au mépris du danger.
Vivre dans une bulle à 55 degrés tout en restant assuré de pouvoir se faire cuire un œuf sur le capot…, ce fut typiquement le genre de sensation géorgienne qui m’a fait oublier le temps et l’espace.
Et c’est sans doute ce qui s’est produit puisque j’ai débouché dans un secteur où même les animaux refusaient de vivre…, en plus certains n’avaient même pas de voitures, c’était complètement ridicule.
Le terrain était très plat jusqu’à perte de vue et pourtant on ne le voyait même pas.
Tout d’un coup, un petit groupe de jeunes-femmes demi-nues m’a remarqué alors que j’avais fait un détour pour me garer à bonne distance et prendre tranquillement quelques clichés.
Quelques-unes se sont mises à sauter en l’air en agitant les bras : j’ai compris qu’elles désiraient passer à un autre divertissement…
J’ai couru jusqu’à la Cox du chef en leur lançant des petits pains au lait et des bouteilles d’eau quasiment vides…
– “Maintenant on change, c’est moi qui fais le loup”…, que je leur ai crié en mettant le contact.
Au lieu de courir au-devant en m’envoyant quelque chose à leur tour, elles ont tenté de monter dans le véhicule en s’agrippant aux portières, j’ai du les punir à la lacrymo à cause des traces de doigts qu’elles foutaient partout sur la carrosserie.
L’une d’elles était plus forte que les autres : elle réussit à tenir en équilibre sur le marchepied malgré tout… et s’est mise à tambouriner sur le toit en gueulant.
Devant un tel manque de fair-play, je n’ai pas tergiversé et j’ai sacrifié le rétro gauche en passant au plus près d’un arbre pour me débarrasser de cette furie.
Elle a été surprise… et j’ai réajusté mon casque colonial pour éviter de rentrer dans un tas d’autres femmes demi-nues qui voulaient me lancer leur soutien-gorge.
J’ai ensuite longé la migration en mettant la musique à fond…
Et puis, ça m’a lassé.
Je serais mort d’ennui si je n’avais pas eu l’occasion de narguer le convoi des 10 VW Coccinelles qui continuait sa route…
Puisqu’à chaque jour suffit sa peine, j’ai décidé de rentrer à l’hôtel, d’autant plus que j’avais facilement trois heures de piste pour rallier la capitale et le minibar pied au plancher.
Ce qui m’a réveillé surtout, c’est l’envie de vomir au moment de les doubler : ça sentait la maladie même avec les vitres montées.
Putain, ils avaient embarqué des morceaux de bidoche avec eux, c’était pas possible.
Ou alors c’était carrément les gars qui pourrissaient de l’intérieur, j’en sais rien.
Arrivé au niveau de la VW de tête, j’ai lancé un : “Hello, c’est encore loin pour faire les photos ?” au conducteur tout transpirant qui faisait prendre l’air à son coude : “Vas-y, mec, n’hésite pas à bomber tout le monde ; vous êtes des gros pourris quand même”…
Vraiment dégueulasse, ce pays.
– C’est une farce de bienvenue de me trimballer à 55 km/h depuis des heures ?
– Malheureusement, la situation locale ne nous permet pas de…
– Oui bien sûr.
– Non mais c’est de ma faute, j’aurais dû prévoir.
– Et au diable l’avarice pour l’excédent de bagages, hum ?
– Je suis désolé.
– Non, ce n’est pas vrai ça.
– Votre harpon fait peur aux filles, Monsieur.
– Elles ont raison.
– Mais parfaitement.
– Non, j’ai pas fini, pourquoi les gens ne savent pas jouer au loup ici ?
– Je ne vois pas ce…
– Aucune importance, j’aviserai.
– OK !
– Ahhhh ! Au fait, connaissez-vous un certain Bernard Henry Levy ?
– Non, qui est-ce ?
– Un philosophe français qui a prétendu avoir couvert la guerre Georgio-Ossète en 2008…
– Non, personne ne le connait !
Ma mission était remplie !
La preuve était faite…, personne ne connaissait Bernard Henry Levy en Géorgie…
Au lieu de partir à l’aveuglette en pays inconnu pour me retrouver à faire n’importe quoi, j’avais donc élaboré les grandes lignes d’un plan machiavélique et détaillé toutes les étapes intermédiaires qui devaient conduire à la réalisation d’un super reportage…
J’ai relu mes notes, tout était là, à se demander pourquoi personne n’y avait pensé… ou plutôt à quoi ils pouvaient bien penser !
“Par amour de l’automobile”, le dernier slogan de Volkswagen n’aura à mes yeux jamais dépassé les plus basses altitudes de la démagogie tant il en est de l’amour dans l’industrie automobile comme de l’amitié dans les OPA.
Des clous !
Par appât du gain sinon par crainte de perdre ses billes, Volkswagen fabrique des automobiles fruits d’une équation savante de coûts maîtrisés, le tout dégageant une marge bénéficiaire dont l’entreprise et ses actionnaires tirent leur excès de cholestérol une fois les bouches en trop sacrifiées sur l’autel de la rentabilité.
Voilà qui nous emmène assez loin, convenons-en, des plus ardentes passions amoureuses.
D’autant que les tubercules produits par Volkswagen sont véritablement un summum en matière de tue-l’amour.
Je tiens cette réflexion loin de tout temple de la consommation où les consommateurs se consument la cervelle lorsque les plus triviaux instincts de survie les poussent vers les parkings à caddies.
Davantage porté sur l’automobile que sur les torchons à carreau par le déterminisme d’obscurs instincts, je regardais la vie se dérouler sous mes roues, toujours dans l’attente que cette caravane de VW Coccinelles s’arrête pour que je puisse prendre notes et photos…, lorsque deux jeunes et jolies (toujours demi nues comme le veut sans nul doute la tradition locale) se sont retrouvées aux prises avec le président du club Volkswagen local.
Malgré un pouvoir de persuasion à faire passer Cuba pour le paradis de la presse d’opinion, le frétillant freluquet a tenté de leur arracher des manifestations sous-jacentes de désir alors que la patate tuméfiée dans laquelle il tentait de les engloutir semblait aussi émoustillante qu’un séjour dans les geôles de l’ex-KGB.
Du coup, cet âne-bâté s’est arrêté pour faire le joli…, leurs réticences s’épuisant finalement en raison des stratagèmes du président du club VW.
Horreur.
Dans le vide intersidéral de ce texticule consternant de platitudes, des mots tels que “passion” ou “désir” n’en paraissaient que plus creux.
Réprimant un mouvement de panique incontrôlé, j’ai fusé au dehors dans l’espoir d’apercevoir un vrai sein non encore factice afin de le palper avec avidité…
(J’encourage vivement toute âme sensée à reproduire ce geste de salubrité publique. Par amour de l’automobile)…
Autant vous le dire de suite : je hais les VW Cox, géorgiennes et autres…
Je les trouve moches, répétitives, quelconques, pauvres.
D’ailleurs, si on n’en fabrique plus, c’est parce que le produit était un tantinet trop suranné pour être encore vendu en neuf, mais pas assez pour rallier les inconditionnels du look rétro.
Je ne vous dis pas l’horreur de ce reportage “à-la-con” : une journée à rouler sur des routes plates…, pour en finale copuler avec deux jeunes femmes couleur locale…
Je crois que je serais presqu’arrivé plus vite à l’hôtel ou il y a en permanence une douzaine de plantureuses jeunes dames quasi nues… (coutume locale)…
Le plat : voilà ce qui convient à cette cage de VW Cox.
Elle consomme 12 à 13 L/100 km.
C’est beaucoup pour un 1200 dégonflé.
La VW est restée un insondable mystère pour moi.
Nous sommes finalement arrivé en un point secret ou tronait une invraisemblable mitraillette géante, abandonnée là par l’armée russe…
– Ton prix sera le mien…, m’a dit un type aussi bizarre qu’étrange !
– Que voulez-vous que j’en fasse ?
– C’est pas mon problème…
– Je passe, ça ne sera pas accepté comme bagage à main dans un avion…
– En Géorgie, tout est possible, on peut la livrer partout dans le monde, net de douane…
– Ca me tente…
– Combien tu donnes ?
– Je vais réfléchir, je vous recontacte…
Une fois revenu à Tbilissi, mon esprit a repris une nature infâme et plus du tout métaphysique ; envolés les sentiments d’invulnérabilité, les discours déterministes et les mutations diverses : plus rien.
Que dalle.
Je pense que vous parler de la fin désastreuse de mon aventure géorgienne va enfin pouvoir faire ressusciter mon amour passé pour les VW Coccinelles…, ou au moins me spermettre de supporter le menu du soir.
Mais non.
Zéro catharsis, zéro effet.
Tout m’intime de rester sagement à ma place parce que soi-disant j’affole les autres clients ; n’importe quoi.
La situation est problématique : il me faut rebondir avec un effet lifté pour oublier tout ce merdier et repartir sur des bases saines.
On va me traquer à mort jusqu’aux antipodes pour me faire payer le crime de ne plus aimer les VW Coccinelles.
J’ai même plus envie de jouer avec mon cure-dents.
Je repense à ce reportage…
Bien sûr, peu de gens sur cette Terre vont comprendre et admettre mon raisonnement mais c’est peut-être l’erreur nécessaire qui va entraîner une bonification future, comme arrêter d’enculer des gens stupidement par exemple.
Ou comme boucler des dossiers à l’aide d’un travail de terrain soutenu.
En fait, j’ai participé activement à un mouvement visant à me rendre immédiatement perfectible… et ça, c’est un constat qui mérite réflexion.
J’attendrai, je crois, un météore, une idée, un évènement, des flics de la section d’assaut, un championnat télévisé de bilboquet, la fin du monde…
La semaine qui va suivre, c’est bien simple, je ne ferai strictement rien.
Il est bon de noter que cette période d’inactivité risque également de resserrer plus intimement encore les liens qui m’unissent à l’alcoolisme inconsidéré…, ce qui, de mon point de vue, représente un signe de rémission.
Et effectivement, très vite, je me sentirai mieux.
Au bout de quelques jours, je re-tenterai timidement quelques pas chassés sur le carrelage de la cuisine en brandissant un Mojito tel un oscar cannois.
J’aurai eu le temps d’établir un débriefing pragmatique sur mon épopée géorgienne et tout s’équilibrera : l’initiative est louable, le déploiement organisé, le côté ludique largement atteint, l’aspect investigation en est à ses premiers pas mais je suis quand même parvenu à accéder à certaines informations.
Reste la brigade anti-liberté-de-penser…, elle va finalement signaler ma position et sonner l’état d’alerte.
Le radar du site internet GatsbyOnline.com est formel : défection temporaire du système de relais satellite.
Quoiqu’il en soit, ce n’est plus de mon ressort.
J’ai œuvré dans les meilleures intentions, c’est tout ce qui compte.
Mes conclusions s’arrêtent là… car mon Mojito commence à présenter un niveau préoccupant.
La suite :
Mes aventures en Géorgie… #1
Mes aventures en Géorgie… #2
Mes aventures en Géorgie… #3