MG-TA-TB-TC-TF…
William Morris avait coutume de dire que s’il n’était pas l’inventeur de l’automobile, il avait créé la voiture de sport la plus aimée au monde.
Ce n’est pas faux.
Avec la MG série T, il a même imaginé un nouveau concept, le roadster capable de rouler au quotidien : look suranné, petit moteur volontaire délivrant suffisamment de bruit pour faire oublier ses origines roturières, châssis séparé vif et dynamique…, surtout depuis l’arrivée de la TD en 1949, une version qui se dotait de roues AV indépendantes, de roues de 15 pouces et d’une finition en hausse.
Une manière de développer l’idée de machine à donner du plaisir au quotidien jusque dans son embourgeoisement le plus poussé.
Pari réussi au-delà de toutes les espérances !
Comment vais-je pouvoir loger mon 1,92 m et surtout caser mon 45 fillette sur un pédalier aussi ramassé ?
Il y a à peine la place pour la tranche d’une semelle entre le rouleau de l’accélérateur et le frein, dressé à la verticale.
Et l’embrayage a même été carrément implanté à l’oblique pour éviter d’écraser le frein par erreur.
Mais bon, j’ouvre la portière d’avant en arrière, dans la plus pure tradition des portes suicide.
Je jette un œil aux deux assises séparées mais au dossier unique… et je tente de glisser mes jambes sous le large cerceau sans me blesser ou attraper un tour de reins.
A l’évidence, il faut que je travaille ma ceinture abdominale !
J’y suis, je suis à bord d’une MG T, la petite MG surnommée Midget outre-Manche (Midget signifie minuscule ou nain)… et je n’en suis pas peu fier de ce cabriolet so british !
L’octogone MG rappele les origines de la marque, le Morris Garages créé en 1924 ou 1925 (les versions divergent, certains évoquant 1922 et Old Number One, une voiture dessinée par Kimber pour son usage personnel) par William Richard Morris, passionné de courses automobiles et longtemps cantonné dans la distribution des Humber, Wolseley et autres Singer avant de voler de ses propres ailes… et ce dès… 1913.
Vous devez vous demander si je n’ai pas fumé la pipe d’Harold Wilberforce Clifton, le héros de BD de Raymond Macherot roulant comme moi en TD, car je vous ai situé la naissance de la marque dans les années 20.
Patience, j’y arrive.
Morris a commencé par des voiturettes dotées de mécaniques empruntées à d’autres, White & Poppe pour la Morris-Oxford de 1914 ou Continental pour la Morris Cowley de 1914.
Il a même utilisé une base de moteur Hotchkiss qui, comme chacun sait, est français.
C’était après la Première Guerre mondiale et mon petit doigt me dit qu’il s’agissait de faire tomber des royalties dans l’escarcelle frenchie avec la bénédiction et l’aide de l’Etat.
Je vous passe les péripéties suivantes.
Je saute directement en 1921 et à l’arrivée de Cecil Kimber à la tête de Morris Garages avec pour mission très claire de développer une voiture au look sportif, mais reprenant essentiellement le châssis et les mécaniques des Morris.
Le concept est alors novateur : vendre une auto 50 % plus cher alors qu’elle offre à peine 10 à 15 % de performances supplémentaires, le tout sous un bel habillage faisant oublier la supercherie.
Et ça marche.
Au-delà des espérances, à tel point que pour ne pas concurrencer sa propre production, les Morris Cowley ou Oxford Bullnose, Morris estime plus raisonnable de créer une nouvelle marque, Morris Garages, en abrégé MG.
L’octogone apparaît en 1924.
La légende dit que c’est le comptable Ted Lee qui en est à l’origine.
Une chose est sûre, Kimber est l’homme fort de la nouvelle MG Company Limited et ses réalisations alternent véhicules de compétition, à l’image de la Magnette K3 ou des premières Midget M, et autos de série résolument typées sport.
A voir leurs mécaniques, on ne peut en douter : on y joue de distributions à arbre à cames en tête sur 4 ou 6 cylindres avec ou sans compresseur, dans une gamme de cylindrées étonnamment petites (de 750 à 1.000 cm3).
Comme quoi on peut briller sans faire appel à de gros bousins pétaradant plus haut que leurs performances.
La suite des événements est moins flatteuse, crise oblige.
Il faut revenir au métier de base et ça se fait dans la douleur.
MG intègre le groupe Nuffield aux côtés des Morris, Wolseley et Riley et le département compétition est purement et simplement dissous.
Kimber, électron trop libre aux goûts des nouveaux dirigeants, est poussé vers la sortie et l’usine d’Abingdon abandonne ses rêves d’excellence technique, mais en lançant en 1936 un modèle inédit, la TA : l’archétype du roadster anglais reprenant l’idée défendue par Morris : fabriquer une voiture de sport incorporant un maximum d’éléments de grande série.
Exit les moteurs à arbre à cames en tête et autres compresseurs, c’est la mécanique de la Morris Ten avec ses 1.292 cm3 culbutés qui débarque, associée à deux carbus SU et à une boîte quatre rapports.
Elle est suivie en mai 1939 par la TB.
Look semblable, mais moteur 1.250 cm3 plus sophistiqué, embrayage monodisque à sec remplaçant le système à bain d’huile…
Puis par la TC, la plus célèbre de la gamme, née juste après guerre et qui constitue le fer de lance de la nouvelle politique de la maison : exporter l’essentiel de la production aux Etats-Unis.
Depuis la première Midget type M 8/33 de 1928, toutes les petites MG étaient motorisées par des mécaniques à arbre à cames en tête.
Il s’agissait de voitures pointues à la diffusion confidentielle et destinées à des amateurs avertis.
Avec la génération T, inaugurée par la TA en 1936, la marque entre dans une ère nouvelle, celle de modèles sportifs équipés de moteurs issus de la grande série.
De la TA à la TF, tous les modèles de la génération T seront baptisés Midget, une appellation qui disparaîtra avec la MGA avant d’être reprise sur le modèle de 1961 dérivé de l’Austin-Healey Sprite.
Par ailleurs, il convient de noter que toutes les T possèdent le même empattement de 2,39 mètres.
En 1936, le lancement d’une nouvelle Midget suit de peu la définition de la nouvelle stratégie du groupe Nuffield.
Désormais, les MG seront des voitures dérivées des berlines Morris et Wolseley, ce qui signifie l’abandon des moteurs à arbre à cames en tête.
Pour autant et malgré le handicap d’une mécanique prosaïque, la nouvelle Midget devra entretenir la renommée sportive de la marque.
La TA reçoit un moteur culbuté de 1,3 litre issu de la Morris Ten, dont la cylindrée et la puissance (50 chevaux) s’avèrent toutefois supérieures à celles de la Midget précédente, la PB (939 cm3 et 43 chevaux).
Si la TA est construite sur le même châssis que sa devancière, elle bénéficie de freins hydrauliques (Lockheed) en lieu et place de ceux à câbles de la PB.
Un progrès important !
Evolution majeure de la TA, la TB apparaît en avril 1939.
Le changement principal se trouve sous le capot où prend place un nouveau quatre cylindres de 1250 cm2.
Bien que de cylindrée légèrement inférieure, ce moteur (appellation XPAG) se révèle plus puissant (54 chevaux) grâce à un régime supérieur (5200 tr/mn) rendu possible par une course réduite (90 millimètres au lieu de 102 millimètres).
Il se veut également plus robuste.
La TB reçoit par ailleurs un embrayage à sec et sa carrosserie est élargie.
La carrière de la voiture sera interrompue par la guerre et sa production se limitera à 379 exemplaires.
La TB sera aussi la dernière MG construite du temps de Cecil Kimber, qui disparaîtra en 1945.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie automobile britannique se lance dans la chasse aux dollars.
Pour MG, la TC, lancée en octobre 1945, sera la première voiture exportée en quantités significatives.
Et c’est avec elle que s’ouvriront à partir de 1947 les portes du marché d’outre-Atlantique, lequel deviendra au cours des années suivantes le principal débouché de la marque.
Au total, 10.000 TC seront produites jusqu’en 1949, dont plus de 1.800 vendues aux Etats-Unis.
Un succès qui, dans le contexte américain, peut paraître insolite compte tenu du caractère archaïque du modèle.
Car la TC n’est qu’une TB ayant gagné une lettre dans l’alphabet : même moteur entraînant la voiture à 120 km/h, essieu avant rigide, direction à droite, absence de chauffage, etc.
C’est précisément ce caractère marqué, celui du roadster britannique sans concession, qui a valu à la TC la faveur des acheteurs américains.
De la TC à la TD, il n’y a qu’un pas.
Je le franchis avec d’autant plus d’allégresse qu’il s’agit là d’une évolution majeure.
Pas au niveau de son bloc, toujours dérivé de celui de la TB, mais parce qu’elle emprunte à la berline Type Y sortie en 1947 son châssis, ou plus justement son principe, l’empattement ayant été réduit de 13 cm.
Bien plus rigide, il est constitué de deux larges longerons et de quatre traverses, la partie AR s’élançant au-dessus de l’essieu rigide et de son pont hypoïde issu des Morris et Wolseley, une grosse traverse AV autorisant l’adoption d’une suspension à roues indépendantes dessinée par Alec Issigonis pour le groupe Nuffield (on le retrouve décidément partout le père de la Mini !).
C’est une grande première pour MG, la double triangulation étant réalisée par deux bras reliés à l’amortisseur monté au-dessus de la traverse et à la partie inférieure par deux tirants articulés sur silentblocs.
Un ressort hélicoïdal travaillant à la verticale complète cette cinématique.
Ça améliore la tenue de route et ça se ressent…
Visuellement, les grandes roues à rayons de 19 pouces laissent place à de plus classiques jantes ajourées de 15 pouces (à rayons en option), pour que l’accouplement avec la crémaillère et les moyeux de la Type Y puisse être possible sans modification.
On appelle ça de la rationalisation, mais j’ai cru comprendre que les amoureux de la marque ont tiqué, dans un premier temps, en les découvrant…
La TD, quant à elle, n’a pas rechigné sur les concessions.
Prenant la suite en 1949, elle subit une cure de modernité au grand dam des traditionalistes de la marque, qui accusent MG d’avoir vendu son âme aux Américains.
La nouvelle Midget bénéficie en effet de nombreuses modifications : suspension avant indépendante, présence de pare-chocs à l’avant comme à l’arrière.
La TD est réalisée sur le châssis de la berline type Y, lancée en 1947, dont l’empattement a été raccourci de treize centimètres.
Elle reçoit donc la suspension avant à roues indépendantes conçue avant la guerre par un jeune ingénieur nommé Alec Issigonis…
Un progrès qui s’avérait indispensable !
Plus rigide, mieux suspendue, la TD gagne en tenue de route, confort et fiabilité.
Tout en conservant le moteur et le look de la TC, elle jouit ainsi d’une technique actualisée.
Construite jusqu’en 1953, la TD sera produite à plus de 30.000 exemplaires, dont 80% exportés outre-Atlantique.
Lifting de la TD réalisé en attendant le lancement de la MGA…, la TF est mal accueillie lors de sa présentation en 1953.
Elle reprend à sa devancière l’ensemble de son châssis et de sa mécanique (le 1250 cm2 XPAG).
La ligne modernisée offre un capot abaissé et des phares semi-intégrés à la caisse entourant une calandre inclinée comme les Morgan.
Avec 57 chevaux et 120 km/h, la TF est dépassée par la concurrence des Triumph TR 2 et Austin-Healey, dont les performances (160 km/h) la surclassent pour un prix sensiblement équivalent.
Pour trouver les chevaux qui manquent, MG réalèse le moteur à 66,5 millimètres.
Avec 1466 cm3 et 63 chevaux, le niveau est nettement amélioré (140 km/h).
Mais on est encore loin des modèles concurrents.
Reconnaissable à la mention TF 1500 sur le capot, la voiture est construite à partir de juillet 1954 (3.400 exemplaires seulement) jusqu’à l’apparition de la MGA.
Modèle de circonstance très décrié au moment de son lancement, la TF n’en demeure pas moins une voiture très élégante, de préférence équipée de roues à rayons.
Mais à mes yeux, la TD est plus “vraie”, plus “authentique”, plus “séduisante” que la TF.
Mais là, c’est une affaire de goût…