MORGAN : Passion, Amour, Folie…
C’était il y a longtemps, j’étais tout jeunot, 20 ans et quelques poussières, je m’étais payé une Morgan 4/4 Compétition…, une appellation mensongère car en fait de “compétition” le bestiau était mû (meuuuuuhhh) par un 4 cylindres Ford Cortina GT qui lui permettait d’atteindre 145km/h à fond…, de plus, elle n’avait pas de sièges, juste deux galettes en faux cuir posées sur des planchettes hâtivement peintes en noir et clouées sur le plancher…
Rien n’a changé avec le temps passant, sauf les finitions cuir, les “zolis” tapis, la capote en mohair et les jantes plus larges, qui, à la réflexion, n’apportent strictement rien de plus à la base de la voiture, qui prend toujours autant d’eau qu’un hydravion anti-incendie en charge au remplissage de ses réservoir d’eau… qui se conduit (se pilote est un gag) de même façon…, et dans laquelle on se tortille en entrant et en descendant, parfois en arrachant la poche arrière du pantalon et en détricotant le pull-over…
Les suspensions d’avant étaient des “pogo-stick” qui faisaient voler la voiture de bosses en bosses… et on pouvait voir le pont arrière en soulevant une planche qui recouvrait maladroitement l’espace derrière les sièges… il n’y avait pas de tapis, pas de chauffage sauf deux résistances électriques fixées à l’intérieur du pare-brise par deux ventouses ce qui permettait de désembuer 5 cms de haut…
Snob, isn’t… grande époque, que ma jeunesse…, j’ai voulu acheter la Morgan +6 d’un ex-ami, c’était mieux, quoique pareil, mais en pire mieux que l’inverse…, lui aussi, début des années 70, admirais les fausses vieilles choses, au point de collectionner des aventures sexuelles avec les mères de mes petites amie…, il était pervers et l’est resté…
Alors qu’un quart de siècle est passé, que ses enfants ont terminé leurs études, que son adorable épouse vit passionnement avec ses “équidés” plutôt qu’avec lui…, il s’est acheté une Morgan Roadster bleue d’occazzzzz qui, dit-il à titre de baratin basique pour enrober la vente qu’il espère, l’attend dans son garage, chaque matin, avec impatience, pour diverses promenades “en amoureux”…, pareil que moi avec mon Cocker Blacky…
Intarissable car effrayé à l’idée de ne pas arriver à la revendre (à peine l’avait-il payée il y a quelques années, qu’il regrettait déjà sa Bentley), il m’a assommé à coups (violents) de mots et phrases toutes faites reprises dans des magazines indigestes : “Véhicule passion blablabla… la Morgan est faite pour rouler décapotée blablabla… sous le soleil de préférence blablabla…, les puristes inconditionnels allant même jusqu’à rouler sous la pluie battante blablabla…, la tête au vent blablabla”…
– Réginald, il te faut admettre que capotée, cette anglaise pure souche n’est pas agréable : il faut d’abord s’y installer et, pour se faire, il faut être “contorsionniste”...
– Tu te demandes, Patrice, comment te glisser au volant sans être ridicule ?
– Il y a de ça, Réginald, mais en sortir l’est tout autant… De plus, de mémoire avec “ma mienne d’il y a presque 50 ans”, au-dessus de 80 km/h, le bruit devenait “infernal”…, à 120 km/h les fenêtres en carton recouvertes de toile “Canvas” et de faux-cuir s’écartaient vers l’extérieur, je pouvais passer la main entre celles-ci et la capote qui gonflait de l’intérieur comme une baudruche… et à 160 km/h maximum, mon poing et mon bras passaient au complet pour saluer la foule déchainée…
– Par contre, Patrice, j’avoue que l’eau qui s’infiltre partout, inonde plus ou moins rapidement l’intérieur, faisant pateauger mes “church” dans l’eau, mais, à la longue, j’ai fini par m’y faire et j’en rit ! Décapotée, ma Morgan est un plaisir ! En cas de pluie, j’ai toujours une petite peau de chamois à portée de main pour essuyer l’eau qui s’égoutte le long du pare-brise chauffant (une révolution pour la marque), un vrai luxe catalogué comme option…, mais au moins il n’y a plus de buée.
– Pour entrer et descendre de la bête, as-tu un truc cher Réginald ?
– Pour entrer, plus besoin de se contorsionner pour s’infiltrer dans l’habitacle, Patrice, j’ouvre la minuscule portière, je me place debout, les talons calés sur la traverse en aluminium (apparent) du châssis et je me laisse glisser à ma place.
– Avec la capote en place c’est impossible, Réginald, tu me racontes des bobards !
– Que soit, Patrice… Contact, le V6 Ford tourne sans grands bruits, première, seconde, troisième, il faut faire chauffer le moteur… Eau et huile à température, je peux alors m’amuser et augmenter le rythme.
– Il y a un coté kitch dans cette chose…
– Mais, Patrice…, elle n’est pas non plus ridicule au Grand-Prix des feux rouges, que ta Smart à coté d’autres automobiles moins exotiques car plus efficaces, telles les Porsche, BMW, Ferrari et Maserati…, les 226 CV du V6 Ford sont épaulés par une boite de vitesses douce, précise et rapide, propulsant ce poids plume (de 980 à 1100 kgs suivant équipements), cette “beauté” issue des années ’30, au rang de reine du 400 m départ arrêté !
– J’en suis tout “Paf” Réginald…
– Patrice, ma Morgan Roadster +6 est une voiture extraordinaire malgré ses défauts qui proviennent de son architecture d’avant-guerre, elle est à son aise jusque 120 km/h sur les petites routes de campagne…, c’est suffisant compte-tenu de mon âge avancé… Première, deuxième au rupteur (6700 RPM), on est à 100 km/h en 5 secondes…
– Et puis, ça explose ?
– Troisième, quatrième, cinquième, ça pousse toujours jusqu’à 220 km/h, vitesse atteinte après 1 km environ. Sur autoroute, à 120 km/h, le moteur tourne à un peu plus de 3.000 RPM, la consommation ne dépasse pas les 8 litres de super 98… Patrice, achète là moi, tu en seras rââââââvi !
– Et toi aussi vieille canaille… La direction n’est pas assistée et très directe, ce qui est quelque peu effrayant, La Morgan se pilote comme nos grands parents conduisaient avant-guerre, près du volant, bras pliés, il faut boire un flacon de Whiskey pour garder le cap !.
– Je n’aime que les bons vins, Patrice… et en conséquence je ne vois en effet pas pourquoi je ne donnerais pas un bon carburant à ma compagne automobile…, d’autant plus qu’elle est moins gourmande qu’avec la 95. La tenue de route est très bonne, avec de l’expérience et de la dextérité.
– Réginald, c’est une toupie, en courbes prises rapidement, il ne faut pas oublier de “redresser” en sortie car il n’y a aucun rappel de la direction, cela ne se fait donc pas tout seul et il vaut mieux tenir le volant avec les deux mains ….
– Une fois habitué au volant, les petites routes sinueuses sont le terrain de prédilection de la Morgan qui ne dédaigne pas pour autant les autoroutes…
– La garde au sol est quasi nulle, Réginald : dix centimètres sur papier, moins en réalité.
– Pour peu que le revêtement routier soit en bon état, la conduite est un plaisir ininterrompu !
– Réginald, cesse de me baratiner, les revêtements en bon état, les routes comme des tapis de billard sont des choses devenues de plus en plus rares de nos jours, d’autant plus que nos “politicards” en rajoutent : après les trous, ornières et autres, on se retrouve partout devant ces affreux “gendarmes couchés” que sont les ralentisseurs, mortels pour la belle. Le carter frôle le sol et embrasse tout objet trainant sur la chaussée.
– La distraction n’est pas de mise, Patrice, sauf si on désire se retrouver sur le bord de la route, carter éclaté.
– L’usine Morgan ne prévoit pas en couteuse option cet accessoire indispensable qu’est un protège-carter ? Les pots d’échappement frottent également très facilement sur toutes les dénivellations… Ca fait peur et craindre des réparations continuelles et des couts exorbitants !
– Attention donc, Patrice ! De plus avec ma Morgan +6, tu vas enfin retrouver une voiture sans électronique à part ta cervelle. Ma Morgan me donne envie d’en rajouter à chaque virage, elle glisse à souhait suivant ma demande, se place au millimètre, l’autobloquant travaille à merveille.
Elle patine bien aussi, jusqu’à fond de troisième, bien en ligne, avec un petit mouvement du derrière.
– Pas d’ABS non plus, disques à l’avant, et tambours (oui, vous avez bien lu) à l’arrière, comme au bon vieux temps. Réginald, c’est désuet !
– Et ça freine quand même, assez bien, Patrice, aidé par les pneus 205/55/16. Quand je pars en week-end, pas de problèmes, j’ai fait installer un splendide porte-bagage en inox, ou je fixe une valise “sur mesure” et “tout alu”, y attachée par deux splendides “ceintures en cuir”… Elles sont comprises dans mon prix de vente !et le tour est joué, sauf que par temps de pluie !
– Surement que l’eau s’infiltre dans la “spendide” valise et tout se qui s’y trouve est gorgé d’eau !.
– Ce qui est curieux, si je puis te concéder un minuscule point négatif, c’est qu’avec le couvre-tonneau, des remous d’air et bruits gâchent le plaisir de rouler tête au vent, alors qu’avec le simple couvre-capote, on peux rouler en toute tranquillité jusqu’à 180 km/h, sans tourbillons d’air agacants et iritants à la longue… Le plaisir de rouler en Morgan se partage avec les autres usagers de la route, ravis de voir ou revoir cette “guimbarde” des années ’30 qui semble si alerte…
– Réginald…, derrière les sièges, se trouve un mini-espace qui sert à déposer : les vitres latérales protégées par une housse, le couvre-tonneau bien plié et le couvre-capote (option nécessaire) qui sert à recouvrir la capote lorsqu’elle est pliée derrière les sièges… Donc le porte-valise est indispensable…
– On retrouve le fair-play, les sourires, les petits signes “gentils” de la population “d’avant” et les enfants tout “fous”, en deux mots, avec la Morgan tu vas revivre un renouveau de ce que devrait être ta vie en société, Patrice, car tu es un ours ! Je descends dans le sud, 1.200 kms en une étape sans fatigue. L’instrumentation est complète, j’ai pour ma part demandé la montre en option. Acheter ma Morgan te seraun plaisir fou !
– C’est un double sens, Réginald, en réalité, on devient fou dans cette chose !
– Patrice, ma mienne est disponible, si tu désires une Morgan neuve demain, pas de chance, les délais de livraison dépassent trois ans et demi, seule alternative : prendre la mienne ! Morgan fabrique annuellement entre 500 et 650 véhicules par an, tous modèles confondus.
– Tout est en option : c’est miracle que les roues et pneus sont compris dans le prix de base…, en modèle standard, pas de poignées de portes, pas de poches de rangements dans les portes, pas de roues à rayons….
– Bref, Patrice, c’est la voiture à la carte suivant les désirs et folies de chacun/chacune, avec un choix de couleurs à l’infini, qui fait qu’on est rarement en face d’un sosie. On ne parlera donc pas de prix entre-nous, quoique 55.000 euros sont justifiés !
– Mais Réginald, pour une Morgan Roadster +6 bien équipée, on peut avoir une Z4M, une Cayman S, une Corvette roadster et quantités d’autres…
– Possible, Patrice, mais tu n’auras pas un véhicule avec autant de charme. Je l’adore ! Je vais la garder, tu ne la mérites pas ! L’esprit de camaraderie existe encore chez Morgan, quelque soit la langue, on se parle, on se débrouille sans complexe, sans propos vexatoires. Une vraie famille.
Et puis, on entre dans un monde à part, on adhère au club Morgan si on le désire et on y rencontre des gens charmants, aussi fous que moi, on se balade en groupe doucement sur des routes inconnues, mais quels paysages merveilleux à voir, on peux déjeuner ensemble de façon sympathique et on oublie pour un moment le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui., pour tout cela, merci Monsieur Morgan.
Invité par un autre connaisseur de belles carrosseries, j’ouvre la porte ou se repose la ‘belle’ !
Le désir d’enfin pouvoir la toucher fait bander tout les muscles de mon corps, au point d’en être figé au garde à vous…, puis, avec un doigté de fin connaisseur, je frôle sensuellement l’arrière de cette ‘belle’ qui s’expose sans pudeur à mon regard rempli de convoitise…
Ses courbes sont un chef-d’œuvre de sensualité mettant en valeur une félinité sauvage…, elle semble agressive et presque indomptable, ce qui a pour effet d’encore plus exciter mes sens…, malgré son état, l’envie de la ‘posséder’ reste réel…, son cuir ressemble tellement à de la soie, que l’envie soudaine de me dévêtir pour mettre en contact nos deux peaux, devient plus forte que le raisonnable.
Mon excitation est telle que la température de mon corps augmente verticalement, ce qui me fait sensuellement transpirer, doucement mais inexorablement mes gestes deviennent érotiques et de mes deux mains je la palpe en fermant les yeux pour mieux apprécier ce moment d’intimité… Soudain, venu de nulle-part, un murmure brise ce silence érotique : Hhhhuuummmm…, j’ouvre les yeux et découvre un regard de bonheur…, ma belle semble plus excitée que moi, ce que me fait exploser de jouissance…., mais ce moment que l’on veut interminable disparaît très vite et la réalité reprend alors le dessus…
A nouveau la voix se fait entendre mais cette fois plus sensuelle : “Encore ! STP n’arrête pas”…
C’est ainsi que j’ai fini la nuit avec une ‘Morgane’ devant mon téléviseur…