Amérique chérie…, à Detroit, à chaque fin de journée, les hommes se cachent et les chiens se taisent…, derrière chaque mur, il y a une famille de maudits qui crève d’angoisse en attendant une délivrance, mais ne restent que des ombres.
Quand les fantômes passent, les gens du petit peuple prient en silence pour qu’ils ne s’arrêtent pas devant leur porte, ils hantent un ciel sans lune, des rues sans éclairage, un air épais et noir comme de l’encre…, ils dansent dans le halo des phares qui découpent des grilles de fer aux fenêtres closes où se dressent dans les volutes mourantes de la fumée des montagnes d’ordures qui se consument.
Hier, quelques ouvriers ont réussi à entrer dans le Hall 17, la ligne d’assemblage… elle était arrêtée, personne ne peut dire pourquoi “ils” ont fait ça…, ce week-end, on a découvert huit carcasses, certaines simplement criblés de balles et jetées dans le fossé…, d’autres découpées en morceaux et mises en évidence, reconstituées avec soin.
Inutile de chercher, il n’y aura jamais d’enquête…, on ne fonce pas à tombeau ouvert après les ombres de la nuit…, on roule au pas, piégé par un asphalte défoncé qui ouvre ses abîmes à chaque tour de roue.
La veille, dans l’avenue, à l’heure du marché, une vieille Ford limousine s’est arrêté en crachant un grand jet de fumée noirâtre, lourde et huileuse…, puis a chargé deux personnes, au milieu d’un égout à ciel ouvert…, l’eau puante dessinait des vagues qui venaient clapoter au pied de ses pneus, tandis qu’une femme enceinte traversait la rue en gravissant une montagne d’ordures d’un pas mécanique.
Quand la limousine est repartie, la femme enceinte a tracé sur un mur, une inscription peinte en lettres majuscules, qui disait une chose terrible : “La chaîne des Mustang est en sursis“…
Surgie de la nuit, une main géante aveugle soudain la lumière de mes phares, le silence explose, ma vue se brouille : il pleut des trombes d’eau, un mur liquide…, les faubourgs aiment ces heures de déluge qui ont le pouvoir de chasser les fantômes.
Il est temps pour moi de grimper le raidillon qui mène vers un ilot de lumière, un hôtel blanc, avec des tourelles de fer dentelé, avec, au dedans, un piano à queue, deux anges de métal et des serveurs noirs aux cheveux d’argent qui glissent sur un parquet en ruine, souriants et silencieux, comme portés par les souffles lents des ventilateurs de bois.
Sur la terrasse, appuyée contre la rambarde qui donne sur le jardin, la tête enfouie dans ses longues mains, la peau de son cou tendue, la poitrine gonflée de trop de tristesse, une femme sanglote, inconsolable, ce matin, un garde armé l’a repoussée de l’usine.
Elle a expliqué qu’elle y travaillait.., elle a insisté, montré ses papiers, il a commencé à la tripoter, elle l’a repoussé , il l’a molestée, humiliée…, peu importe son statut, y a plus de travail !
Devant la porte du palace, elle pleure de rage, elle sait que ce molosse est sans doute un des milliers d’auxiliaires aux ordres du redoutable chef…, des “attachés de direction ” aux ordres de la Ford Motor Co, des brutes épaisses, des petits voyous, des indicateurs, des militants et des paumés issus des faubourgs qu’ils terrorisent.
Les “attachés de direction ” disposent d’une carte officielle, d’un talkie-walkie, assez pour exiger la soumission et jouir d’une parcelle de pouvoir, assez pour tuer les rêves de toute la population…, ce qu’ils font avec application.
Avec la crise, en sus, plus de vrais partis, plus de syndicats, plus d’associations de quartier, plus de discussions politiques qui enflammaient la bouche des employés et des ouvriers, “on” a écrasé, un à un, tous les foyers résistants de la pensée, ne reste que le silence…, mais ce jour là, les beaufs ont soulevé le couvercle de leur cercueil et ont osé jeter un œil politique sur le monde.
Un an plus tôt, la populace a oser se révolter, jeter des barrages en travers des routes et faire tomber “Le Chef “, tyranneau obèse et chancelant, qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Le putsch a refermé brutalement la boîte de Pandore, le peuple est retourné à sa nuit d’esclave originel, vers son “éternel ” fait de peur, de violence, de mensonge, de dénuement et de désespoir fondamental…, assez de mysticisme, assez de martyrs, assez de morts.
Entre le silence et la mise en sursis du grand rêve, il faudra bien trouver une voie…, en attendant, le peuple n’a plus la force de la révolte, exsangue, il laisse son sort lui échapper, s’en remettant, à des sorciers, à Dieu, à la magie blanche de la communauté internationale.
Au début, Washington n’a pas bronché, l’œil de Washington n’a pas cillé devant cette injustice…, devant la montée en puissance des ouvriers, le choix de la Maison Blanche a été rapide, plus tard, quand les scandales de la corruption et les tâches de sperme des orgies directoriales ont par trop sali la copie des bons élèves, l’ONU et le nouveau président ont changé d’avis et décidé d’un kit en dix points pour un glissement progressif de l’horreur de la dictature vers le plaisir de la démocratie.
D’abord, le coup de peigne : trêve politique, le retour à la légalité parlementaire, la désignation d’experts ; ensuite, on rassure : amnistie pour les putschistes ; enfin, le vide par la force…, un modèle de construction diplomatique…, en finale une relance avec l’aide de l’US-Air-Force…, patronner des séries spéciales sur le thème de la puissance de la Nation avec ses armes militaires… le pouvoir devait rester à Washington…. et les usines devaient à nouveau tourner au max…
Dilemme : fallait-il laisser le pays s’enfoncer et voir, comme pour General-Motors, des millions de damnés échouer…, ou devait-on envoyer les “boys” rétablir manu militari ce qui était stoppé, au risque de s’engluer et de perdre des vies humaines, américaines ?
L’Amérique était préoccupée…, moins par la souffrance du pays que par les conséquences du drame automobile…, les Mustang ne se vendaient plus !.
En quelques jours, les putschistes avaient su faire monter les enchères : “l’Amérique roule des épaules mais elle a le ventre mou ” disait un sympathisant des militaires de l’USAF, éduqué aux Etats-Unis…, “Et puis il vaut mieux l’intervention de l’armée et de l’Etat que l’abandon de nos rêves “…, mais quand un train spécial a voulu débarquer deux cents techniciens à la gare de la cité maudite, il a trouvé le quai occupé par des milliers d’ouvriers brandissant des calicots…, cela a suffit pour provoquer un départ précipité du train et de ses techniciens…
Et les autres pays restaient silencieux et sans grande importance : il suffisait de regarder les “netsworks” pour comprendre que le problème était traité comme une affaire intérieure américaine, seuls quelques amateurs de voitures américaines déploraient sur les réseaux sociaux, que “les gens” n’achetaient plus de Mustang…
A la tribune du congrès, un républicain, a crié bien haut, avec le cynisme des gens gavés, que “tout cela ne vaut pas la vie d’un seul soldat américain ! “…, tout était dit, car la politique aux USA, c’est celle du révolver, de la peur aux tripes, des dessous de table, des trafics…
Alors, une bonne proposition politique examinée en commission avec des arguments techniques…, on s’en moquait…, ce n’étaient que les manœuvres dilatoires de gens qui voulaient gagner du temps…, alors retour à la stratégie de l’asphyxie qui ressemblait à une arme propre, d’un peu plus près, qui désorganisait les marchés, génèrait une nouvelle race de fous, faisait flamber les prix, les yeux agrandis par le manque.
Survivre…, voilà ce que criait le paradis…, surtout, ne pas tomber malade, sans antibiotiques, sans pansements, sans seringues, sans fil de suture, c’était la mort assurée !
Survivre, hurlaient en écho diverses petites gens : cette vieille femme qui s’est jetée devant mon pare-choc pour vendre quelques pommes pourries… : cette gamine rongée par le Sida, qui roulait des hanches maigres pour une passe à cinq dollars… : ce gosse qui dormait à côté de ma voiture pour un paquet de cigarettes… : cet inconnu qui a crevé un de mes pneus pour pouvoir le réparer…
Les chirurgiens de l’hôpital n’opéraient plus que les grosses urgences, l’opération, bien menée, réussissait souvent, mais le malade mourait des suites de l’intervention : “Ne vous appuyez pas sur le mur, il est trop sale “…, prévenait-on gentiment les familles dans le couloir de l’hôpital central ou la peinture verte cloquait, ou le sol n’était plus lavé faute de détergent et ou des infirmières tendaient leurs mains vides à toute la misère : “On voit arriver ici des hommes avec leur cœur qui défaille, comme si on leur avait planté un pieu dans la poitrine ou enfoncé des clés dans le crane“ m’a dit un chirurgien…, “que faire quand ils n’ont pas les moyens de se payer leurs propres médicaments ? Sinon une chirurgie de guerre. Choisir ceux qu’on va laisser mourir. Et ceux qu’on va tuer sur la table d’opération. Parfois, je n’ai même pas de papier pour rédiger un rapport d’autopsie “…
Il avait l’expérience et les compétences d’un praticien formé dans les meilleurs hôpitaux ; il savait manier un bistouri, un échographe et un scanner… et il était pourtant condamné à travailler dans ce mouroir : “Chirurgien, ici ? Non. Boucher. je suis devenu un boucher “…
Dehors, il pleuvait trop souvent, l’eau roulait, sale, bouillonnante, éparpillant les ordures dans toute la ville…, j’ai vu, à genoux dans le caniveau, une femme ramasser avec un gobelet de plastique l’eau qui coulait et charriait la maladie et la mort…, à la radio, on entendait les dernières informations sur les derniers obstacles protocolaires aux dernières négociations : “Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Eternel, mais l’Eternel est en vacances pour très longtemps, soyez patients, un miracle va survenir, Dieu est du coté de l’Amérique“…
N’essayez pas de retenir vos larmes, la ville de Détroit était noire comme la nuit, noire comme son désespoir…, la chaine d’assemblage des Mustang’s était en sursis…, adieu monde cruel…
Il y avait alors 79 usines Ford dans le monde, ou travaillaient 92.752 personnes…, et dans l’une d’elle étaient construites les Mustang’s qui ne se vendaient plus…
Puis, miracle industriel et marketing consumériste…, le monde entier a été contraint de vivre avec l’annonce d’un nouveau miracle, l’arrivée du nouveau Messie sous la forme d’une nouvelle Ford Mustang…, présentée officiellement des 2 côtés de l’Atlantique, pré-vendue et même déjà essayée aux USA par quelques magazines…. avec en finale l’annonce de l’ouverture en 2014 d’une nouvelle usine située à Flat Rock dans le Michigan : “La nouvelle Ford Mustang de sixième génération est pour la première fois de son histoire destinée à être vendue sur l’ensemble de la planète, 120 pays pour être exact. L’auto a déjà été présentée un peu partout mais jusqu’ici, la production n’avait pas encore débutée officiellement. C’est aujourd’hui chose faite, la Mustang sort désormais des chaînes de l’usine de Flat Rock dans le Michigan où est déjà produite la Ford Fusion (Mondeo). Après 50 ans d’existence et plus de 9 millions d’exemplaires vendus, la nouvelle Mustang sera fabriquée pour la première fois en conduite à droite et à gauche, ce qui lui ouvre les portes de 25 nouveaux marchés dans le monde. Au lancement, elle peut adopter 3 moteurs qui ne seront pas proposés sur tous les marchés (en Europe, ce sera 4 cyl et V8) : le 4 cylindres 2,3l EcoBoost de 310 chevaux, le V6 de 300 chevaux et le V8 de 435 chevaux en attendant l’arrivée de la Shelby GT350. Aux USA, le prix de la version de base est de 24 425$, l’ambition affichée des responsables de la marque est de reprendre le leadership des ventes de sportives à la rivale de Chevrolet, la Camaro. La capacité de production de 220.000 unités annuelles pourra être portée à 300.000 si le succès est plus important qu’attendu”.
Ce qui avait irrité la population à l’avait poussé se révolter, ce n’était pas le virus “A” de la grippe porcine, mais la mise en stand-by de la ligne d’assemblage de la Mustang…, alors, pour créer le miracle en parallèle avec la création d’une nouvelle usine Mustang, …, plus tôt dans l’année, la Ford Motor Company avait créé une Ford Mustang GT 2014 spéciale Air Force Thunderbirds Edition…, une voiture conçue par Ford et une équipe d’ingénierie pour les EAA Young Eagles (Experimental Aircraft Association)… qui devait donner aux patriotes l’espoir d’un renouveau…
Cette “première” allait engendrer cinq autres voitures-éditions créées avec l’inspiration de divers avions de l’Armée de l’Air des Etats-Unis et plus tard mis aux enchères.
Le programme EAA Young Eagles a fourni des vols d’introduction à plus de 1,6 million de personnes, a joué un rôle essentiel pour inspirer la prochaine génération d’aviateurs… et a généré des commandes massives de Mustang…
Cette 2014 Ford Mustang GT Air Force Thunderbirds Edition a été modifiée avec des couleurs similaires à celles du F-16 Falcon tandis que les panneaux de carrosserie avant et arrière ont été fabriqués par TS Designs.
Les jantes sont des Forgiato de 22 pouces et l’intérieur a été inspiré par le F-16 Falcon…,