Mustang Boss 302, 351 & 429…
En 1969, au moment ou la flamme des Mustang Shelby GT350 et GT500 s’éteignait, la Mustang Boss est arrivée… et ce, en même temps qu’un homme qui va marquer l’esprit de l’automobile américaine de cette époque : Sermon Knudsen, surnommé par tous “Bunkie“
Après deux années de victoire en trans-am, Ford et sa Mustang se font sévèrement malmener en 1968 où la fameuse Camaro Z/28 rafle tout sur son passage C’est à l’initiative de “Bunkie” que la Chevrolet Camaro fut lancée en course, mais la General Motors n’allait pas garder longtemps cet homme à l’ambition très forte. Se faisant refuser le poste de président de la General Motors, il tourna aussitôt les talons pour se diriger vers Ford où le fauteuil de président l’attendait ! Dès lors, la Camaro n’avait qu’à bien se tenir car la Mustang made in Bunkie allait mettre le feu à la concurrence ! Bunkie se devait de faire mieux que Bunkie… et que Carroll Shelby !
Plusieurs acteurs furent responsables du projet, il y a bien sûr Bunkie qui chapeautait l’ensemble, le responsable du design fut Larry Shinoda, un autre ex de General Motors qui eu un coup de crayon magique afin de styliser cette version très spéciale de la Mustang. Le but était de lancer une bombe à retardement afin de renverser la vapeur et ainsi montrer que la nouvelle reine du bitume serait la Mustang Boss et plus la Camaro Z/28 et la Shelby GT500. Les équipes chargées du développement même de la voiture furent celles de Kar Kraft pour la Boss 429 et Ford Engineering pour la Boss 302. Les prétentions de Bunkie étaient simples : la voiture devait avoir la meilleure tenue de route de toute la production américaine !
Au début du projet, la voiture ne portait pas de nom. Mais pourquoi Boss ? Les dirigeants de Ford voulurent l’appeller “SR-2“, “SR” pour “Sports Racing“, mais Shinoda trouvait ça stupide car se rapprochant trop du “Z/28” de Camaro. Bunkie, lui, avait un autre nom en tête, un nom qui allait bientôt résonner dans toutes les têtes ! Puisque cette voiture se devait être ce qui se fait de mieux, alors pourquoi ne pas l’appeller Boss !
Les patrons de Ford eurent un peu de mal au début à accepter ce nom de Boss, mais l’histoire suivit son cours et la Mustang Boss ne tarda pas à faire se tourner les têtes sur son passage ! Boss en américain signifie patron, chef, un nom qui lui va à merveille, mais chez les jeunes de l’époque, le terme Boss était employé pour désigner quelque chose de magnifique, un must en quelque sorte.
Bunkie voulait la meilleure tenue de route possible, pour cela il lui fallut modifier la suspension en adoptant des amortisseurs plus durs et montés décalés à l’arrière. Qu’est-ce qui distinguait une Mustang d’une Mustang Boss ? Une barre stabilisatrice fut montée sur le train avant tandis que la barre antiroulis prévue pour le train arrière ne fut finalement pas retenue.
Les ailes avant durent d’ailleurs être élargies pour permettre le passage de ces pneus ! Sur le plan des pneumatiques, 4 Goodyear polyglass F60 (qui sont littéralement des pneus slicks avec des rainures juste pour dire qu’l y en a), prirent place sous les ailes avant et arrières. Du côté du freinage on trouvait des freins à disques de 11,3 pouces à l’avant, et les classiques tambours de 10 pouces à l’arrière. Une direction plus directe fut montée de série, mais sans aucune assistance, pas plus que pour les freins !
Au début on voulut employer le 302 “Tunnel port“, un bloc bien connu des trans-am, car employé par les Ford de course en 1968, mais ce dernier ne fut jamais produit en nombre assez grand pour lui permettre d’être homologué par la SCCA. Le moteur, lui, fit l’objet de pas mal de recherches. De plus il ne supportait pas trop les régimes élevés et le prix de ses pièces aurait été bien trop élevées pour une production de série. Alors Hank Lenox eu l’idée de prendre de l’existant afin de construire un bloc qui allierait à la fois performance et prix raisonnable.
Le carter d’huile était compartimenté et la circulation de l’huile se faisait par le biais d’une pompe à huile à haut débit. Il prit pour cela un bloc de 302 “Tunnel Port“, les culasses du tout nouveau 351 Cleveland à poussoirs mécaniques et larges soupapes inclinées, un vilebrequin renforcé en acier forgé (tout comme les bielles et les pistons). Du côté du carburateur, un impressionnant Holley 780 cfm coiffait un collecteur d’admission en aluminium. La horde de poneys était limitée à 6150 tours/minute, mais ce bloc était capable d’atteindre les 7000 tours !
Il s’agissait de la fameuse boîte manuelle Top loader à 4 rapports au choix courts ou longs…et pour passer la puissance aux roues arrières, le pont choisi était un 9 pouces au rapport de 3,50:1. Du côté de la boîte de vitesse, pas beaucoup de choix car une seule était disponible, mais quelle boîte aussi ! D’autres types de rapports de pont étaient disponibles en option, ainsi qu’un différentiel à glissement limité.
Mais ceci était dans le but de ne pas s’attirer des problèmes avec les compagnies d’assurance et de ne pas dissuader les quelques courageux qui se porteraient acquéreurs de ce bolide ! Comme à son habitude, Ford annonça une puissance nettement en deça de la réalité : 290 chevaux ! Sur le plan esthétique, Larry Shinoda partit d’un concept simple : moins il y en a, plus la ligne sera pure ! Exit les fausses prises d’air d’ailes arrières, les persiennes, becquet et logo de custode, la ligne de la Boss 302 devait être épurée au maximum !
Des bandes de décoration en forme de “C” soulignées par un “Boss 302” venant interrompre la branche verticale du “C” étaient apposées sur les flancs de l’auto. La voiture était disponible en 4 coloris, le capot recevait un noir mat du plus bel effet, tout comme les entourages de phare et le panneau arrière.
Un spoiler noir mat faisait également partie de l’équipement de série. Du côté des jantes, la Boss 302 disposait en série de jantes de style en tôle avec un cache écrou central plat, les jantes magnum 500 faisaient partie de la longue liste d’options dont les persiennes de custode arrière et le becquet de coffre.
La Mustang Boss 302 était la plus civilisée des deux versions (302 et 429), elle convenait à une utilisation quotidienne, c’est pourquoi elle a été la plus soignée des deux versions.
La Boss 429 quant à elle était brute, car les ingénieurs de chez Ford devaient trouver une base sur laquelle greffer cet énorme bloc afin de l’homologuer et pouvoir l’introduire en course ! D’ailleurs, il ne sera jamais monté sur une Mustang de course, ce bloc fera carrière dans le compartiment moteur de l’imposante Tasca-Tallageda où il eu ses heures de gloire au sein de l’équipe Ford. Pour cette dernière aussi il a fallu procéder à de profonds remaniements, mais bien plus lourds que pour la Boss 302 !
Mais revenons à la Boss 429 de série ! Le Bloc 429, tellement énorme qu’il ne tenait pas dans le compartiment moteur de la Mustang ! Il a alors fallu y faire quelques modifications : Il fallut déplacer la batterie pour la mettre dans le coffre, et adopter une assistance de freinage plus petite. Déplacement également des chandelles d’amortisseurs afin de gagner de l’espace en largeur pour pouvoir loger les imposantes culasses semi-hémisphériques, elles furent remplacées par des chandelles renforcées maintenues par une épaisse entretoise, les triangles de suspensions furent abaissés et les ailes élargies afin de pouvoir accueillir les fameux wide oval de chez Firestone, en F60.
Contrairement à la Boss 302, les jantes magnum 500 faisaient partie ici de l’équipement de série. A cette occasion les axes de fusées furent renforcés eux aussi afin de résister aux ardeurs de la voiture, tout comme la suspension, reprenant le même schéma que la 302, avec des amortisseurs tarés très durs et décalés à l’arrière afin de mieux contrôler les mouvements de pont. Toutes ces modifications de structure n’étaient pas sans raisons, car ce big-bloc tout droit sorti des ateliers de Kar-Kraft tenait des records toutes catégories ! La base fut un 385 Thin Vall, destiné aux hauts de gamme Ford dont on renforça les paliers avec des fixations à 4 boulons sur 4 des 5 paliers. Les culasses furent réalisées en aluminium après que l’on ai abandonné l’idée d’utiliser la fonte.
Un radiateur d’huile additionnel était disposé devant le radiateur d’eau. Les chambres de combustion avaient une forme bien spécifique, pas complètement sphériques, mais dotées de soupapes énormes (admission = 58 mm, échappement = 48 mm) et inclinées. Il eu plusieurs versions de ce moteur en 1969, les 279 premières reçurent des bielles spécifiques rigidifiées. Les moteurs portaient le code S. Les autres Boss 429 de 1969 troquèrent ces lourdes bielles pour des plus légères (code T). D’autres modifications de mise au point profitèrent à cette nouvelle série, comme un arbre à cames plus pointu ou des pièces en aluminium pour remplacer celles qui étaient en magnésium. Pour alimenter ce moteur, un seul carburateur quadruple corps Holley de 735 cfm coiffait l’imposant collecteur d’admission.
Exit les bandes de décoration ou autres capot et panneau arrière noir, la Boss 429 ressemblait à s’y méprendre à une simple sportsroof standard, toutefois à quelques détails près ! A la différence de la Boss 302 plus grand public, la Boss 429 n’eu pas le droit aux mêmes égards de cosmétique. Les fameuses jantes magnum 500 dont nous parlions plus haut étaient offertes de série, tout comme le spoiler avant.
En fait elle bénéficiait du même équipement que la mach 1 puisque tous les exemplaires de Boss 429 furent préparés sur base de mach 1 de 1969 ! Un discret monogramme Boss 429 ornait les ailes avant et le confort n’était pas laissé au rebut avec une assistance de direction, un intérieur luxury avec sièges baquets à hauts dossiers, volant à 3 branches rim blow et console centrale. Le seul détail qui allait tout changer et faire la différence allait être la prise d’air de capot ! Jamais une prise d’air fonctionnelle n’allait être aussi énorme et béante, il fallait bien ça pour gaver ce 429 plein de bonnes volontés ! Cette prise d’air était peinte de la couleur de la carrosserie.
Tout d’abord le prix. Vous l’aurez compris, autant la Boss 302 fut accueillie avec tout les honneurs, autant la Boss 429 a déçu par plusieurs aspects. Si la Boss 302 n’était déjà pas donnée, s’échangeant contre le supplément de 676 dollars en plus du prix de base d’un sportsroof, la Boss 429 elle, était carrément hors de prix : 1208 dollars de supplément ! Si ce défaut avait été le seul, l’addition plutôt salée serait passée, mais là quelques soucis handicapaient la voiture : les soupapes, si grandes étaient-elles ne parvenaient pas à gaver correctement les cylindres à cause de l’arbre à came pas suffisamment pointu, de toute manière même avec un meilleur remplissage le gain n’aurait pas été flagrant à cause de l’unique carburateur qui faisait goulot d’étranglement faute de sa trop petite taille.
Plus lourde, elle était bien plus difficile à maîtriser et méritait des talents de pilotes pour la dompter, en fait son terrain idéal était les longues lignes droites des courses d’accélérations. Le limiteur de régime entrait en action bien trop rapidement, de toute manière il valait mieux car avec la faible capacité du carter d’huile, c’était la casse assurée. Les fans de ce moteurs le comprirent d’ailleurs assez rapidement, car au prix de quelques changements, ce 429 se libérait complètement.
Encore une fois, ce chiffre en fit sourire plus d’un ! Comme à son habitude et afin de ne pas s’attirer le mécontentement des compagnies d’assurances, la puissance officielle de la Boss 429 fut annoncée pour 375 chevaux ! Du côté de la compétition, la venue de Bunkie au sein de l’équipe Ford ne réussi pas à renverser complètement la vapeur. En dépit d’une saison réussie, la Camaro remporta encore le championnat trans-am de cette année. La victoire allait venir en 1970.
Les seuls changements se constituent d’une prise d’air noir satiné au lieu d’être de la couleur de la carrosserie sur Boss 429 et un nouveau type de moteur 429, le code “A” identique au code “T” mais retravaillé afin de réduire les émissions polluantes ! Peu de changements pour 1970, Ford se contente de poursuivre les deux modèles au sein de la gamme Mustang à nouveau restylée. Rien de nouveau pour ces deux Boss, qui seront produites à un nombre d’exemplaires suffisants afin d’homologuer pour la nouvelle saison les deux moteurs en trans-am.
Ford va profiter de l’effet de sinergie crée par Bunkie pour continuer dans la lancée et ainsi lâcher sur la route leur dernière bombe à retardement avant les tristes réformes et la crise pétrolières qui mettrons fin au règne des muscle car. Cette année marquera le retour du succès pour la Mustang qui s’octroira la première place du championnat, elle marquera aussi le licenciement de Bunkie qui aura fait une visite éclair chez Ford ! La Boss 351 était née ! 1971 annonçait un nouveau restyling de la Mustang, mais cette fois-ci, contrairement au passage plus discret de 1969 à 1970, la Mustang 71 présentait une ligne complètement différente, plus massive et imposante.
Enfin, nouveau en partie, car ce bloc 351 HO avait une pièce commune avec le 302 : ses culasses ! Souvenez-vous du 302 de 69/70, à l’époque constitué d’un bloc 302 “Tunnel Port” et des culasses du 351 Cleveland, ce fameux bloc qui allait faire son apparition en 1970, c’est ce même 351 qui servira de base à la motorisation de la Boss 351. L’idée de poursuivre une série spéciale Boss permettait donc de donner une image racée à cette nouvelle mouture et une fois encore le succès fut au rendez-vous ! Bien entendu ce bloc ne restera pas “stock” : aux orties tout l’équipage mobile ! Vilebrequin fonte, bielles et pistons forgés, nouveaux conduits d’eau pour la culasse et arbre à cames à poussoirs mécaniques super pointu lui donnaient des performances de haut niveau et un taux de compression de 11:1. Pour nourrir la bête un gros carburateur de 750 cfm, un autolite 4V avait été choisi, ainsi qu’un imposant collecteur en alu.
Afin de passer la puissances aux roues arrières, on équipa les Boss d’une boîte de vitesse manuelle à 4 rapports et d’un différentiel à glissement limité.
La puisance annoncée de 330 chevaux ne démentait pas sur les performances torrides de la plus imposante de toutes les Boss produites ! La Boss 351 disposait d’un équipement complet prouvant qu’on pouvait aller vite tout en gardant un certain confort intérieur, aussi le “Mach 1 Sports Interior” était livré de série. Il comprenait des sièges à haut dossiers confortweave, des applications de faux bois sur les contre portes et le tableau de bord, une horloge électrique et des pédales métal.
Du côté du confort de conduite, on disposait de freins à disques assistés à l’avant et d’une direction assistée elle aussi, il fallait au moins ça pour épargner ses bras lors des créneaux en ville ! La Boss étant disponible avec une boîte manuelle 4 rapports… et on choisit le superbe levier de vitesse Hurst pour orner l’habitacle. Du côté du compartiment moteur, on bénéficiait du capot Nasa équipé du dual ram induction (prise d’air ram-air) peint en noir mat ou en argent suivant la couleur de la peinture extérieure.
Une fine bande latérale ainsi que l’inscription Boss 351 Mustang sur les ailes avant et la partie supérieure du panneau arrière complétaient l’équipement.
Pour le reste de la décoration extérieure, la calandre recevait une grille Mach 1 en nid d’abeille équipée de phares longue portée, le panneau arrière était peint lui aussi en noir mat ou argent tout comme les bas de caisse et le spolier avant. On disposait également de deux rétroviseurs sport peints de la couleur de la carrosserie et de jantes à enjoliveurs centraux plats. Au chapitre des options techniques, la Boss 351 était pourvue du très efficace kit “Competition suspension“, comprenant des ressorts plus durs, l’adjonction d’une barre stabilisatrice à l’avant et à l’arrière ainsi que d’amortisseurs décalés à l’arrière.
La sortie de cette Boss déclencha une réaction unanime auprès de la presse automobile de l’époque, qualifiant l’auto de très performante et agressive, sans doute même une des plus performantes Mustang jamais produites ! La fin d’un règne L’histoire s’arrête là. La suite sera composée de dépollution de moteur, crise pétrolière et financière oblige…, sale temps pour les Muscle cars. 1806 exemplaires plus tard, la Boss 351 prend sa retraite et emmène avec elle l’un des plus beau jouet pour adulte de cette fin de règne des muscle cars. L’important après tout est que même presque 40 ans après, ces incroyables voitures nous fassent toujours autant rêver et tourner les têtes lors de leur passage !
Lorsque je trouverai un peu de temps, je reviendrai publier un essai d’une Mustang Boss plus récente… @ pluche !