Pick-Up #2…
Tu me plais je te plais, allons dans un coin nous déplaire à nous mêmes…
Le soleil, par moments, tout comme les nuits incomplètes, tout comme les ambassades d’amour à leur commencement qui séparent de la masse du jour…, éloignent en moi, ne fut-ce qu’un temps, les soupçons de la barbarie mentale humaine, omniprésente sur certains forums, qui relèvent de la rancœur et de la horde, de l’excès de bravade au manque de bravoure.
La connerie inhumaine fait tourner le monde comme un moulin de prière…
J’étais là, las…, et elle aussi…, sans nom, ni prénom…, là et lasse sous un soleil de plomb, plombée…, elle tentait des efforts d’immatérialité… et se laissait aller à me conter ce qui n’étaient que des sornettes de mises en appétit, de mises en bouche aussi… qui clôturent et électrifient, simultanément, quand ce n’est pas la même chose, des pièges variés vécus des aléas.
Pendant que je faisais “Vroum-vroum”, elle me parlait, disant qu’elle n’avait, à part l’école, rien lu d’autre que des petites annonces et des légendes-photos.
Je gardais mes commentaires pour moi, même ceux qui ne consistaient aucunement en un jugement porté… et je restais là, à rouler, jouant avec les boutons du tableau de bord…, avec ses mots aussi…, elle affichait par trop, un penchant morbide à requérir ma présence en réponse à son monologue sans but, ni fin…, débité par à coups, absolument, sans rien jamais exiger de moi à l’instant, prudente que je conduisais…, réservant l’orgie pour après, surement, en un lieu de fin du monde…
Au milieu des silhouettes coupantes qui fusaient derrière les vitres du Pick-Up, alors que je zieutais par inadvertance son décolleté profond, toute cette stupéfiante absurdité basique, désarmait mon ironie.
Sur le siège beige du Pick-Up jaune, sous le bleu du ciel, je m’attardais longuement à rêver de voluptés, la chaleur domptée par l’air conditionné donnant une version précieuse de l’intimité, et je l’écoutais me déclarer qu’elle jouait à Othello….
Je me suis perdu sur le trajet accompli, dans les méandres de sa vie…, là, dans les rues désertes, les rares résidents qui apparaissaient au bénéfice d’une inquiétante étrangeté sur le bord de la route, semblaient débarqués du plateau d’un film de David Lynch ou des frères Coen.
Elle me dit alors : “Je suis persuadée que tu préférais le plaisir de fouiller dans mes dessous plutôt que celui de conduire ce Pick-Up jaune. Allons chez moi…, c’est mille euros“…
A Saint-Tropez beaucoup de jeunes beautés se prénomment “mille euros”…
D’habitude je ne suis pas franchement apte à me rendre à des orgies où je ne connais personne, j’en suis d’une grande, voire totale, indifférence (que certains et certaines peuvent malencontreusement prendre pour de la hauteur) du moins j’ai le souci de ne pas importuner mes prochains, ne serait-ce parce qu’ils sont les prochains de différentes actions, réactions, et que j’ai déjà assez de mal avec le moment présent.
Les amies d’ennuis…, ont souvent des têtes de poupées russes sur des jambes d’allumettes…, des mannequins pas tout à fait mannequins, si l’on y regarde bien, une partie du corps quand même abîmée, bouffie par les efforts du paraître intelligent en toutes circonstances.
Elle était l’une d’entre elles, en tenue lascive et d’une finesse qui sait parfaitement épouser les chaises et les canapés avant de se faire b… sous un aspect “modern life is in my wallet“…, avec un superbe coup de poignet et des doigts aussi agiles que sa langue…, pressée !
J’ai appuyé sur l’accélérateur pour faire un “Burn-out” d’enfer par pur plaisir de réaliser une action stupide…, me disant que c’était une invitation “sexueuse” plutôt que sexuelle un peu prétentieuse…, en fait, je m’en foutais…., comme de tout le monde, de toute la terre entière, même quand elle posait ses yeux sur moi et me chuchotait au creux de l’oreille : “Rien n’existe hors de toi… chéri“…
Je déteste le “chéri”… et puis le solipcisme ça ne mène pas à grand chose, elle disparaîtra après l’amour.
“Savez-vous ce à quoi j’ai été dernièrement victime, très chère”, lui ai-je alors dit suffisamment haut pour l’exciter d’avantage (oui, je vouvoie les femmes, même en leur faisant l’amour, cela ajoute un quelque chose d’indéfinissable… Snob, non ?)…: “Un pauvre hère qui voulait réaliser des photos d’une pauvre fille pâle et vaguement souriante, vaguement consentante, vaguement agacée, qu’il désirait mettre en scène sodomisée par le levier de changement de vitesses de ce Pick-Up, et ce, sous les regards torves de divers péquenots branleurs, zieutant la scène comme la caméra de Paris-Dernière. Pour ce qu’il nommait “une nouvelle série de photos artistiques”, l’artiste inspiré a même osé me demander de poser au volant aux cotés de la belle en sueur…, j’ai refusé en lui rétorquant que la vulgarité était partouze et la misère aussi”…
Elle a répondu : “Waouwww !”… et je me suis aperçu que dans ces chagrins de folies, de plus en plus familiers au point qu’on s’y sent mourir…, quand tout porte à la mélancolie, j’avais alors l’esprit dilaté sans la peur de l’échéance, de la disparition, cette volupté de l’amour impossible comme gage d’une douce et contagieuse immaturité, où l’attraction des uns pour les autres ne prend pas la nécessité d’une consommation directe, immédiate…
“Tu me plais je te plais, allons dans un coin nous déplaire à nous mêmes“… me suis-je susurré en tête…
Il y a le temps long, paisible et sans urgence d’emporter le regard des belles, de détourner leurs fictions, d’opter pour une stratégie raisonnée pour devenir “autre” avant d’être amant…, mais le temps passe…, alors qu’avant il y avait une mélancolie active qui enveloppait les êtres, même dans le non-être, ce qui n’est pas à confondre avec n’être rien…
Maintenant, avec l’accumulation d’histoires…, je sais rire de tout…
Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une “attitude” générale pouvant être théorisée sous une forme philosophique et métaphysique, d’après laquelle il n’y aurait pour le sujet pensant d’autre réalité acquise avec certitude que lui-même.
La question ici ne relève d’abord pas de “l’esprit”, mais d’une constatation que le “soi” (et non pas le “moi”) est la seule manifestation de conscience dont nous ne puissions pas douter.
Seul le soi peut donc être tenu pour assurément existant et le monde extérieur avec ses habitants n’existe dans cette optique que comme une représentation hypothétique et ne peut donc pas être considéré, sans abus de langage, autrement que comme incertain.
Le phénomène de Soi est complètement différent chez différents auteurs, en particulier chez C.G. Jung où il est comparé à l’archétype de la conscience et du Moi.
Il pourrait s’agir seulement d’une position épistémologique “constructiviste”.
Si on l’envisage aussi sur un plan ontologique, on se rapproche alors quelque peu du “pyrrhonisme” (Doctrine de Pyrrhon, qui, entre les dogmatiques prétendant qu’il y a une vérité absolue et les sophistes qui le niaient, préférait que le philosophe s’abstienne)… puisque la connaissance de quoi que ce soit d’extérieur à soi-même ne reste qu’une conjecture incertaine… (Pyrrhon d’Élis était un philosophe sceptique originaire d’Élis, ville provinciale du nord-ouest du Péloponnèse, son activité philosophique se situe vers 320 av. J.-C., avec, pour disciples, Onésicrite, Philon d’Athènes et Timon de Phlionte, un brillant poète-philosophe qui vécut dans sa familiarité pendant vingt ans…., il est considéré par les sceptiques anciens comme le fondateur de ce que l’on a appelé le pyrrhonisme.
Le constructivisme, en épistémologie, est une approche de la connaissance reposant sur l’idée que notre image de la réalité, ou les notions structurant cette image, sont le produit de l’esprit humain en interaction avec cette réalité, et non le reflet exact de la réalité elle-même.
Pour Jean-Michel Besnier, le constructivisme désigne d’abord “la théorie issue de Kant selon laquelle la connaissance des phénomènes résulte d’une construction effectuée par le sujet”. Ensuite il note qu’en un sens voisin “les travaux de Jean Piaget ont mis en lumière les opérations de l’intelligence dont résultent les représentations du monde”.
La conception constructiviste s’oppose à une certaine tradition dite réaliste, comme l’indique Ernst von Glasersfeld, elle marque une rupture avec la notion traditionnelle selon laquelle toute connaissance humaine devrait ou pourrait s’approcher d’une représentation plus ou moins “vraie” d’une réalité indépendante ou “ontologique”.
Au lieu de prétendre que la connaissance puisse représenter un monde au-delà de notre expérience, toute connaissance est considérée comme un outil dans le domaine de l’expérience.
Il existe différents courants de pensée constructivistes, selon les disciplines auxquelles cette approche est appliquée et selon les perspectives envisagées….