Porsche 911 Targa : La cinquantaine rayonnante…
Par Marcel PIROTTE
L’essai d’une version Carrera GTS de 430 chevaux m’a permis de renouer avec l’univers de la 911, un modèle avec lequel j’ai grandi…, de telles retrouvailles, c’est toujours un grand moment d’automobile…
En 1965, Volkswagen attirait (déjà) l’attention du monde entier sur le fait que toutes les 8 secondes, une nouvelle VW était assemblée, mettant en exergue l’arrivée du bloc 1500 cm3 toujours refroidi par air…, finie la DKW F102, l’Audi 1700 reprend sa carrosserie mais inaugure un tout nouveau moteur quatre-temps…, Glas étrenne un superbe V8 de 2600 cm3 et 140 chevaux dans son coupé sport…, BMW n’est pas en reste avec la berline 1800 TI/SA de 130 chevaux…, Opel crée la surprise en dévoilant le concept de la future Opel GT, un coupé deux places très aérodynamique…, Mercedes remplace ses berlines de la série W111/112 par des versions de classe supérieure, 250 SE et 300 SE, sans oublier une version allongée…, le coupé Ford GT avec son très gros V8 retient l’attention,… tout comme d’ailleurs la petite Honda S 600, première voiture japonaise à faire ses débuts en Allemagne.
Mais c’était sans compter sur Porsche, le coupé 911 qui fête déjà ses deux ans de commercialisation avec une cinquantaine de voitures fabriquées journellement, se voit épaulé par une version Targa, sorte de cabriolet à toit escamotable qui, selon le constructeur, est le “premier cabriolet le plus sûr du monde”…
Une petite explication s’impose…
Au début des années soixante, la Porsche 356 fait toujours un tabac, surtout les versions open, très prisées aux States.
Avec le nouveau coupé 911, Porsche comprend qu’il faut d’urgence y ajouter une version ouverte, réclamée par les clients américains…, mais c’était sans compter sur un certain Ralph Nader, brillant avocat, qui à l’époque part en guerre contre les voitures “pas sûres du tout”.., avec, en point de mire, une certaine Chevrolet Corvair qui selon lui était une véritable “caricature du danger en roulant”.
Il n’avait pas tort car avec son moteur arrière, sa très mauvaise répartition des poids et ses suspensions rutiques, la Corvair était synonyme de “cercueil roulant”.
En s’attaquant à la principale division de la toute puissante General Motors, cet avocat voulait en fait dénoncer les carences de l’industrie automobile US toute entière en matière de sécurité automobile…, son livre “Unsafe at any speed” fut un succès…, non content de dénoncer en 250 pages les ingénieurs qui préféraient et de loin les avancées techniques à la recherche d’une bien meilleure sécurité tant active que passive ainsi que les stylistes qui dessinaient des carrosseries dont le moindre accident aggravait bien souvent les risques de blessures, l’avocat apportait également des solutions concrètes, comme de meilleurs ancrages pour les ceintures de sécurité, des structures déformables, des appuie-tête, le pare-brise feuilleté et même des coussins gonflables…
Bon nombre de ces mesures furent adoptées dès 1966 par le Gouvernement américain via le “Traffic Safety Act” qui impose à tous les constructeurs des normes de sécurité beaucoup plus draconiennes… et parmi elles, une bien meilleure protection des occupants des cabriolets très en vogue à l’époque en cas de retournement de la voiture.
Porsche répondait ainsi aux exigences des autorités américaines… et de plus, cette structure ouverte risquait de ne plus gonfler en roulant comme c’était le cas des cabrios de l’époque…, ça, c’était pour la théorie mais en pratique, la mise au point du concept présenté en 1965 à Francfort fut nettement plus difficile à réaliser…, c’est pourquoi les premières versions de série ne verront le jour qu’au début 1967 avec dans un premier temps un arceau reprenant le look d’un inox brossé mais également la présence d’une lunette arrière amovible réalisée en plastique…, une solution vite abandonnée au profit d’une structure en verre qui ne pouvait être vandalisée ou rétrécir à l’usage.
Du coup, Porsche se voyait dans l’obligation de repenser complètement sa vision d’une 911 convertible… et de repartir de la structure du coupé 911…, c’est Butzi Porsche, le designer de la maison, qui eut la bonne idée en créant la version Targa, à savoir, une sorte de barre transversale disposée juste derrière les ouvrants, jouant également le rôle d’arceau de sécurité ainsi qu’un toit rigide amovible.
Et je ne vous parle pas des ces “zips” qui bien souvent ont mis les nerfs de certains propriétaires à fleur de peau…, du coup, cette version Targa (rappelant les victoires de Porsche sur les routes très piégeuses de la célèbre course de la Targa Florio en Sicile) allait devenait une nouvelle marque de fabrique de la maison de Zuffenhausen, mais également un modèle à part.
Cette 911 qui fut fabriquée de 1967 à 1993 dans cette version semi découvrable n’a de suite pas rencontré un très grand succès, mais aujourd’hui, retournement de situation, elle est considérée comme une valeur sûre, un collector en quelque sorte.
Cette structure a été reprise par la suite sur la Chevrolet Corvette, la Ferrari Dino, la Fiat X1 9 mais également sur la VW Porsche 914 tellement décriée.
Sur les 850.000 versions 911 produites depuis 1963, la Targa représente quelque 12 % des ventes…, pas mal, vous en conviendrez.
Depuis 1967, la Targa a été mise à toutes les sauces…, elle a adopté différentes motorisations de la 911 Flat Six ( et même de la 912 avec son quatre cylindres ), grimpant de 2 l à 2,2 l, 2,4 l et même à 3 l, le look Targa étant aussi disponible sur certaines 930 turbo dont l’arceau était peint en noir mat…, sans oublier la version 3,2 l alors qu’avec la 964 et son aileron arrière qui se déploie dès 80 km/h, le toit démontable en plastique vit ses derniers instants sur ce modèle qui achève sa vie en 1993.
Il faudra attendre deux ans pour retrouver au catalogue une nouvelle version Targa, mais sacrilège, fini l’arceau de sécurité et ce look si particulier, il s’agit d’un coupé 911 dont le toit panoramique en verre coulisse sous la lunette arrière…, du coup, le concept de la version semi découvrable est abandonné, ce modèle s’éteindra en 2012 avec la série 997 dans l’indifférence presque totale, ayant au passage abandonné le refroidissement par air tout en passant de la propulsion aux quatre roues motrices…, des Targa des générations 993, 996 et 997 qu’il vaut mieux oublier…
Et puis, miracle…, retour aux sources en 2014, Porsche réinvente une nouvelle Targa, reprenant son concept de base mais en l’améliorant fortement, le contraire eut été étonnant.
On retrouve dès lors cet arceau central réalisé en magnésium ainsi qu’une immense bulle arrière sans oublier des ailes un peu plus larges que celles d’une Carrera à propulsion, 44 mm en plus, ça change tout…, effet d’optique assuré, mais le plus beau reste à venir avec notamment une cinématique d’ouverture plutôt inédite : une simple pression sur un bouton et l’imposante verrière bascule vers l’arrière, la capote passe au dessus de l’arceau, tout se referme en vingt secondes mais derrière les deux sièges avant, l’espace devient alors riquiqui.
Evidemment, toute cette manœuvre doit s’effectuer à l’arrêt, tout en ayant veillé à ce qu’il y ait suffisamment de place vers l’arrière lorsque la bulle s’incline.
Très spectaculaire, les badauds n’en reviennent pas, les Smartphones crépitent mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que cette solution impose une prise de poids de plus de 100 kg par rapport au coupé 911 et que pour entraîner cette version découvrable, Porsche a uniquement recours à la transmission intégrale permanente associée au flat six 3,4 l de 350 chevaux ou 3,8 l de 400 chevaux dans la version S.
Beaucoup de sous, beaucoup d’euros, oui c’est vrai… mais nettement moins qu’il faudrait en débourser pour des versions spyder : Lamborghini Huracan, Ferrari 488 GTS, McLaren…, difficilement utilisables au quotidien et surtout moins polyvalentes…
Et pour ceux qui jugent ces puissances un peu justes, Porsche propose depuis peu la Targa 4 GTS forte de 340 chevaux et 440 Nm, tout cela avec le bloc flat six 3,8l revigoré…, avec cette cavalerie ainsi que la boîte robotisée PDK, notre version d’essai se voyait affichée à 145.000 €, sans les options.
GTS, c’est la contraction de Grand Turismo Sport, tout est dit, le look en dit déjà long sur les quelques transformations : caisse abaissée de 10 mm, jantes de 20 pouces, spoiler avant plus imposant, phares au Xénon, intérieur recouvert d’alcantara et présence du “pack sport chrono”…, sans oublier un bloc atmosphérique 3,8 l retravaillé pour délivrer davantage de puissance à haut régime, 430 chevaux, mais toujours 440 Nm de couple : but du jeu, grimper encore plus haut dans les tours.
Tous les Porschistes purs et durs prétendent que la version Targa est la moins sportive des 911, c’est sans doute vrai mais en partie seulement…, je ne connais pas beaucoup de versions découvrables qui procurent de telles sensations dès qu’on libère cette cavalerie toujours aussi envoutante, surtout au-delà de 4000 tr/min et ce jusque près de 8.000 tr/min, surtout en mode sport et encore davantage en “sport plus”, l’échappement sport lui aussi, participant de gaité de cœur à ce concert de déchirements métalliques dont on ne se lasse jamais.
Avec sa belle teinte rouge vif très italien, “notre” Targa GTS ne passe pas inaperçue…, le maniement du toit est déjà un évènement en soi mais cette cinématique plutôt complexe me semble assez fragile et de plus, les masses à déplacer via un système de vérins sont assez conséquentes…, espérons qu’au fil des ans, cette solution “va tenir le coup”, on croise les doigts.
Car en plus d’avoir de la rondeur et du couple dès les plus basses rotations, ce 3,8 l n’est pas avare desensations, les chronos demeurent époustouflants, de 0 à 100 km/h en moins de 5 secondes.
Mais ce qui l’est encore plus, c’est cette incroyable motricité bien difficile à prendre en défaut, du moins sur route ouverte…, s’accrocher au bitume de telle manière relève d’un véritable exploit que seul les ingénieurs Porsche savent sans doute le mieux maitriser, diabolique à souhait et de plus très sécurisant.
Sur circuit, cette GTS dépasse 300 km/h en pointe, les relances s’avèrent plutôt phénoménales surtout avec la boîte robotisée PDK à 7 rapports, parfaitement calibrée et très exploitable grâce aux larges palettes situées derrière le volant…, magique, ultra rapide et efficace à la fois.
Les grandes courbes se prennent le pied à la planche, inutile de soulager l’accélérateur, ça passe tout le temps, ça vire bien à plat, sans correction de la part de cette direction ultra précise…, une succession de virages serrés, la GTS les efface à des vitesses que notre code de la route désapprouve sans la moindre pitié… et pourtant, cette GTS n’est pas un poids plume, 1560 kg au bas mot…, en outre, quelle facilité de conduite et d’adaptation, le moindre kilomètre parcouru ne procure que du bonheur même en se faufilant à une allure de train de sénateur…
Pas tout à fait l’un et l’autre…, si l’on apprécie les suspensions pilotées, le mode confort pourrait se montrer un peu plus conciliant, mais c’est une GTS, plus pointue, plus radicale, ne l’oublions pas… et puis, il y a ce freinage “acier” pratiquement indestructible, bien difficile à mettre à genoux du moins pour ceux qui ne féquentent pas habituellement les circuits.
Alors, est-elle parfaite cette Targa GTS, ou est-ce un merveilleux compromis ?
En outre, brûler 12 l/100 km, c’est tout à fait raisonnable, le budget carburant n’explose pas, mais prière cependant de bien entretenir cette Targa GTS tout comme les autres Porsche d’ailleurs… et là, ça coute évidemment nettement plus cher qu’une VW Golf, on l’aura compris…
Autre déception, cette Targa GTS n’est pas très agréable à rouler, une fois décapotée…, dès 130 km/h, les tourbillons de vent envahissent l’habitacle, au-delà, ça devient franchement dérangeant, insupportable, impossible de converser, ça tourbillonne dans tous les sens…
Tous ces petits détails ne m’empêchent pourtant pas de penser que la 911 demeure la seule voiture de sport utilisable au quotidien, du premier janvier au 31 décembre, les autres sportives ont encore pas mal de chemin à parcourir avant d’atteindre une telle polyvalence.
A ce sujet, la version cabriolet convient sans doute mieux aux amateurs de conduite à ciel ouvert…, mais prière dans ce cas précis de ne pas trop jouer avec le mécanisme qui permet, en roulant jusque 50 km/h, d’ouvrir la capote ou de la refermer…, à la longue, la tension exercée sur les arceaux peut provoquer de sérieuses distorsions pouvant endommager ce mécanisme… et puis, il y a ce coffre à l’avant, pas très accueillant, seulement 125 litres de capacité, prière de voyager léger avec des sacs souples de préférence.
Oui, je sais, vous aurez reconnu un véritable Porschiste dans l’âme… mais dont l’objectivité ne peut être mise en cause…, qui aime bien, châtie bien !
Les ingénieurs Porsche n’arrêtent pourtant pas de nous étonner, de nous bluffer, ils font bel et bien partie des meilleurs…, une nouvelle fois, le miracle 911 va se reproduire, je vais de ce pas remplir un bulletin de Lotto…, avec peut-être là aussi un autre miracle mais pour un coupé 911 à propulsion, suffisant pour créer l’ivresse journalière de la conduite d’une “neuf-onze” et de faire que chaque kilomètre soit vécu de manière très intense… Marcel PIROTTE
Dans un avenir assez proche, la gamme 911 va devoir se convertir au “downsizing” (réduction de la cylindrée) avec des moteurs Flat six de 3 l suralimentés par un double turbo (ils viennent d’être présentés à Francfort pour être montés sur les Carrera à propulsion, coupé ou cabriolet) livrant 370 ou 420 chevaux avec des chiffres de consommation en baisse de plus de 10 % et des rejets polluants qui suivent la même logique mais des performances en hausse.
Marcel Pirotte pour https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=1532&cat=auto