Que faire d’une Ferrari en temps de crise ?
“La crise…, il suffit d’ouvrir les yeux, elle est là, partout, bien visible, le centre de Rome est complètement vide, bars, restaurants, magasins… même les parkings”…, soupire Sophia, propriétaire d’un petit bar Romain…, vide…, comme le sont également les magasins de vêtements quelques mètres plus loin : “Peut-être faut-il suivre l’exemple de tant d’autres qui affichent des ventes promotionnelles à 50%. Beaucoup de nos clients se contentent désormais, à midi, d’un simple café et d’un croissant, mais beaucoup d’autres n’ont plus d’argent et ne viennent plus. Deux bars près d’ici ont dû fermer. C’est du jamais vu à Rome. Si maintenant une part de plus en plus importante des gens n’ont même plus d’argent pour un café et un croissant, où va t’on ?”…
Au marché couvert de Piazza Alessandria, les courgettes, brocolis et autres “verdures” de la saison semblent fatigués sur les étals…, dans quelques jours on les jettera dans les poubelles derrière le marché… et là, comme c’est gratuit, ils disparaîtront très vite !
Autour de la place de Porta Pia, même si la célèbre Via Vénéto est toute proche, de nombreux sans-abri, italiens, ont élu domicile dans des passages souterrains remplis de sacs en plastique malodorants…, il y a quelques semaines, la grande manifestation pour le droit au logement où des dizaines de tentes avaient été dressées sur la place, devant le ministère des infrastructures, ne faisait que donner une visibilité un peu plus grande à une situation en réalité endémique.
A quelques encablures de là, sur la Piazza Fiume, entre une banque et un grand magasin chic (la célèbre Rinascente qui fait des soldes pratiquement tous les week-ends), les mendiants se bousculent : “C’est parce que la gare de Termini est proche”…, m’explique une habitante du quartier…, effectivement, à la sortie de la gare, il faut enjamber les corps de clochards endormis !
Val del Corso, l’artère centrale du Centro Storico qui, tous les samedis après-midi est envahie par les Romains venus en métro de la périphérie, est cette fois-ci, étrangement silencieuse, si ce ne sont quelques touristes, désargentés eux-aussi, qui marchent le nez en l’air, ignorant les boutiques qui leur offrent des produits à prix bradés, tandis que les Tramezzini (des demi-tartines) se dessèchent sur les comptoirs des bars.
Dans les Vicoli, les ruelles remplies de petites Trattorie, des serveurs en manque de clients…, agressifs de leur manque d’argent, brandissent des menus improbables : “Et à Rome, ce n’est rien par rapport à ce qui se passe dans le reste du pays. Ici il n’y a pas d’industries, juste des ministères. Les gens sont beaucoup moins touchés par la crise, qu’ailleurs”…, m’explique Roberta qui, employée dans une banque de la capitale, sait de quoi elle parle : “Des collègues m’ont raconté qu’en Vénétie, par exemple, ou tant d’entreprises ont dû fermer, c’est un véritable bain de sang”…
En 4 ans, quelques 400.000 petites entreprises ont disparu en Italie, comment s’étonner dès-lors que les Italiens aient pris d’assaut, depuis deux semaines, les 1.221 salles de cinéma dans lesquelles on peut voir le film “Il sole a catinelle” avec Checco Zalone, une comédie faite sur mesure pour consoler l’Italien moyen, victime d’une crise qui a brisé ses rêves.
Il s’agit de l’histoire d’un jeune père, vendeur d’aspirateurs (un secteur très touché par la crise) qui a promis à son fils de merveilleuses vacances s’il a un bon bulletin…, le père, complètement fauché, devra tenir sa promesse et réussira par miracle à entrainer son fils dans une aventure inoubliable : des vacances chez les riches…
Les propriétaires Italiens de voitures de luxe Italiennes, justement ces “riches” tant décriés qui posaient en Ferrari Via Vénéto, vendent “à la casse” leurs automobiles extraordinaires à de nouveaux riches d’ailleurs qui s’amusent à les pousser jusqu’à l’extrême…, puisque plus rien ne vaut rien, autant s’éclater…