Renegade : Uno Jeep italiano ? Si !
Par Marcel PIROTTE
L’histoire est faite d’éternels rebondissements…, qui aurait en effet pu croire, en 1941, lorsque la première Jeep est fabriquée aux States, que cette dernière allait donner naissance 73 ans plus tard à une version non plus assemblée chez l’Oncle Sam, mais bien en Italie… et oui, vous avez bien lu, Jeep made in Italy…, cela vaut la peine d’être raconté mais aussi décortiqué…
Je ne vais pas vous faire l’injure de vous retracer tout le parcours de la célèbre Jeep, ce serait vraiment trop long et fastidieux…, pour faire court, disons que ce petit véhicule, suite à une demande de l’armée américaine qui voulait se doter d’un 4X4 léger et passe-partout, sera produit dès 1941 par la firme Willys, bien vite aidée par Ford qui avait des capacités de production nettement supérieures.
Jusqu’en 1945, un peu moins de 640.000 Jeep MA/MB seront assemblées : un petit 4X4 ouvert 4/5 places de 3,55 m reposant sur un empattement de 2 m et pesant moins de 1100 kg tout en étant facturé 736,74 US Dollars au gouvernement américain…, avec en plus une traction intégrale enclenchable manuellement, une boîte trois vitesses avec réducteur, des pneus spéciaux de 6.00 x 16 ainsi qu’une conception particulièrement simplifiée…, cette Jeep ne pouvait que séduire les GI’S (tout comme les généraux) !
Que ce soit dans la boue, le sable ou la neige, ce mini 4X4 de 60 chevaux qui, de plus, peut tracter une remorque de 250 kg…, fait merveille, rien ne semble l’arrêter… et s’il vient à s’embourber, un câble et de l’huile de bras, parviennent toujours à le sortir de ce mauvais pas …
Le nom de Jeep est largement reconnu, il devient par la suite une marque à part entière qui aura, jusqu’à présent, huit vies bien différentes grâce à huit propriétaires tout aussi différents : Willys, Kaiser, American Motors, Renault, Chrysler, Mercedes qui le revend à perte à…Chrysler, dont Cerberus (société américaine d’investissements spécialisée dans les fonds de placement) détient 80 % de son capital qui le cède à Fiat, l’englobant aussitôt dans le nouveau groupe FCA, Fiat Chrysler Automobiles…, pas mal, vous en conviendrez, mais que de revirements…
Jusqu’à présent, les Jeep, les vraies…, étaient uniquement fabriquées aux States (ne parlons pas des copies et autres joint-venture assemblées à travers le monde), mais ça vient de changer…, désormais, des Jeep seront aussi produites en Russie ainsi qu’en Chine, mais uniquement pour alimenter le marché local.
Et si n’était pas encore suffisant, la nouvelle Renegade, du style compact, sera (dans un premier temps) uniquement fabriquée en Italie, du côté de Melfi, dans la botte italienne au sud de Naples, et ce à destination des acheteurs du monde entier…, tout cela afin de rentabiliser cette usine qui a fait l’objet d’un investissement colossal (1 milliard d’Euros en 2012), afin d’assembler également à ses côtés sa cousine Fiat 500 X, qui reprend sa plate-forme mais avec cependant une carrosserie tout à fait différente et des équipements spécifiques : Uno Jeep italiano, Mamma Mia…
Renegade, ça voud dit quelque chose…, mais bien sûr…, ce nom désignait des versions un peu customisées et mieux équipées de la célèbre Jeep CJ fabriquée au milieu des années ’70 jusqu’en 1976…, un nom aujourd’hui un peu oublié mais réhabilité par Sergio Marchionne, le nouveau patron tout puissant de FCA, qui n’hésite pas à se débarrasser de ses meilleurs éléments (Luca di Montezemolo, cappo de Ferrari en sait quelque chose)…, pour asseoir son immense autorité sans le moindre partage…
Du coup, celui qui a racheté le groupe Chrysler pour une bouchée de pain, veut que Jeep renoue avec le succès, les profits… et c’est bien parti puisque cette année, cette marque célèbre, connue dans le monde entier, espère fabriquer pas loin d’un million de véhicules contre un peu moins de 400.000 en 2009 et 730.000 en 2013…, du coup, la cote de Jeep n’arrête pas de grimper en flèche.
Comment en est-on arrivé à imaginer et à fabriquer cette Mini Jeep ? D’un simple constat qui passe par le succès des SUV (Sport Utility Vehicle) compacts qui en 2015 devrait représenter au bas mot deux millions d’unités…., àce petit jeu-là, les constructeurs européens ont déjà flairé la bonne affaire, d’où le succès des Renault Captur, Peugeot 2008 et autre Nissan Juke, tous des modèles traction avant, mais avec un look de « baroudeur…
Et ça marche…, d’autres constructeurs ont opté pour des versions 4X2 et 4X4 du même véhicule comme l’Opel Mokka ou la Mini Countryman sans oublier celle qui taille des croupières à toute la concurrence : laDacia Duster…, d’autant que c’est la moins chère de la bande, mais qui se défend, aussi bien sur la route que dans la gadoue, où ses quatre roues motrices font merveille.
Jeep se devait de réagir… et à ce sujet, on se demande également pourquoi Land Rover n’a pas non plus investi ce créneau, préférant sans doute des modèles plus grands, plus premium également…, quoi qu’il en soit, ce projet Jeep Renegade/Fiat 500 X a été à la fois concocté des deux côtés de l’Atlantique, dans la grande banlieue de Detroit à Auburn Hills mais également à Turin où des ingénieurs et designers tant américains qu’italiens ont œuvré à ce projet.
Du coup et en partant d’une nouvelle plate-forme (Small-Wide-4X4, qui va également servir à la Fiat 500), la Renegade se profile comme un SUV de 4,23 m de long… 1,80 m de large et 1,69 m de haut, tout en reposant sur un empattement de 2,57 m…, des dimensions bien dans la norme des SUV compacts, avec en prime un coffre modulable d’une capacité tout à fait moyenne : 351L !
Côté look, c’est assurément une Jeep dans son jus : petits phares ronds, calandre à 7 fentes, capot plat et court…, un style très carré taillé à la hache…, mais également un pare-brise très vertical, la visibilité périphérique étant un peu entravée vers l’arrière alors que quelques petits détails confirment son ADN maison…, comme le X Stylisé du fameux Jerrycan que l’on va retrouver un peu partout, jusque dans le dessin des feux arrière, sans oublier l’indication “Since 1941” rappelant les origines de la jeep, située au bas de l’écran central… et, petit clin d’œil, la zone rouge du compte-tours est matérialisée par une éclaboussure de boue.
On aurait pu croire que cette Jeep fabriquée en Italie allait pécher par une finition un peu légère…, c’est l’inverse qui se produit, la Renegade semble nettement mieux assemblée que ses cousines américaines (ce n’est pas encore le niveau allemand mais la qualité de fabrication fait sérieux)…, certes, les plastiques durs envahissent les garnitures de portières et le tunnel de transmission, mais à moins de 20.000 € pour le modèle de base, difficile de faire des miracles.
En revanche, deux bons sièges avant, un peu fermes, mais pas du tout inconfortables et même s’il faut enjamber le seuil de porte, la Renegade ouvre largement ses quatre portières pour faciliter l’accès à bord (ambiance agréable, mais l’habitacle manque un peu de luminosité, quoique cela va nettement mieux avec le toit ouvrant transparent) !
Les commandes sont généralement bien disposées, sauf celle de la molette sélectionnant plusieurs modes de conduite (nous y reviendrons plus loin)…, à noter, la présence également d’une barre de maintien pour le passager avant et espace tout à fait correct pour les deux occupants de la banquette arrière, à trois, ce serait franchement inconfortable.
Par le passé, une Jeep ne serait pas tout à fait une Jeep si elle ne disposait pas de quatre roues motrices…, aujourd’hui, les baroudeurs du dimanche sont prêts à sacrifier la traction intégrale afin de disposer d’une traction avant à prix d’amis mais toujours estampillée Jeep.
Bien évidemment, une vraie Jeep se doit d’être une quatre roues motrices…, le futur acheteur se voit dès lors proposer une transmission intégrale à coupleur central automatique…, avec le moteur disposé transversalement à l’avant, la puissance est normalement transmise aux roues antérieures, mais en cas de perte d’adhérence, une partie du couple est envoyée au pont arrière (avec la boîte classique mécanique 6 rapports et réducteur, on retrouve cette solution, notamment sur les versions Limited).
Quatre modes de conduite figurent au programme : (auto, neige, sable ou boue), le tout commandé par une molette bien mal située dans le bas de la console centrale, pas très accessible (voyez que j’y suis venu à en papoter)…, Jeep aurait dû penser à un trouver un autre emplacement, plus facile et surtout plus logique à utiliser par le conducteur.
A l’instar des 4X4 modernes, les systèmes de retenue en descente ainsi que l’immobilisation en côte tout comme le blocage de différentiel, font partie de la dotation de série, sécurisant, surtout pour les non initiés en off road.
Pour les férus du 4X4 qui veulent absolument passer partout, Jeep propose une version nettement plus casse-cou baptisée, Trailhawk, uniquement entraînée par le deux litres diesel MultiJet de 170 chevaux/350 Nm associée à la toute nouvelle boîte automatique ZF 9 rapports que l’on trouve déjà sur les Jeep Cherokee et Land Rover Evoque…, avec en plus une garde au sol accrue de 20 mm et portée à 22,5 cm, des plaques de protection, des crochets d’attelage et des boucliers rabotés offrant de meilleurs angles d’attaque, sans oublier des teintes flashy…, mais également une position supplémentaire sur la molette de sélection des modes de conduite, Rock…, ça promet.
Et pour nous convaincre de toutes ses possibilités, direction Balocco, entre Milan et Turin, sur la piste d’essais du groupe FCA qui par le passé appartenait à Alfa…, c’est là notamment que j’avais pu essayer et prendre mon pied avec les Giulia Sprint GTA, les 33 Stradale sans oublier la Montréal, une toute autre époque… et pour les amateurs de cinéma, c’est dans les alentours que fut tourné en 1949 le fameux film néoréaliste “Riz amer” de Giuseppe De Santis, révélant au passage deux acteurs de talent, Vittorio Gassman et la toute jeune Silvana Mangano, embauchés comme travailleurs dans les rizières de la plaine du Pô !
C’est là que Jeep nous avait donné rendez-vous…, avec tout d’abord un briefing où l’on retrouvait davantage d’ingénieurs et de techniciens venus de Detroit qui avec leur délicieux accent d’Outre Atlantique, nous ont une nouvelle fois rappelé l’héritage Jeep tout en faisant l’apologie du nouveau modèle.
C’est de bonne guerre, le marketing étant aussi omni présent…, n’empêche qu’il s’agit d’une vraie Jeep de 1400 à 1540 kg (assez lourde), quatre roues indépendantes, capable de tracter des remorques de 1500 kg en 4X4, mais animée par des moteurs italiens… va falloir s’y faire !
Sur le site, marque Jeep oblige, on retrouve même une petite piste off road avec toutes les difficultés que peut rencontrer un 4X4…, mais avant cela, commençons par la version deux roues motrices…, ici, pas question de quitter le bitume, les moteurs, essence et diesel, de 110, 115 chevaux et même 140 chevaux, étant associés à une boîte mécanique 6 vitesses de bonne facture.
Sur route détrempée à la sortie de virages, le couple assez important de certains diesel, 350 Nm dans le meilleur des cas, déclenche très rapidement le contrôle de stabilité afin de remette la Renegade dans le bon chemin… et comme la direction assistée électrique n’est pas un modèle de précision, mieux vaut donc rester sur ses gardes et savoir que l’on roule en traction…
Mais les 4X4 ont surtout retenu mon attention, spécialement le Trailhawk…, avec tous ses attributs et son package intégral très bien fourni, cette version peut vraiment s’aventurer sur n’importe quel terrain, grimper les pentes les plus abruptes, faire étalage de son freinage régulé dans les descentes les plus audacieuses, croiser les ponts, évoluer sur trois roues, traverser des gués de 50 cm tout en accusant des angles de dévers assez impressionnants…, bref, une vraie Jeep.
Mais gageons qu’à 33.000 €, ce ne sera pas le modèle le plus vendu de la gamme…, la version Longitude avec le diesel de 140 chevaux et la solution Active Drive Low (de l’ordre de 26.000 €) semble la plus appropriée, d’autant que ses capacités off road restent dans la pure tradition Jeep… et ce qui ne gâte rien, ce modèle se débrouille plutôt bien sur la route : bonne tenue de cap, pas trop de roulis en virages, suspensions pas inconfortables (mais ça pourrait être un peu moins ferme), excellente boîte auto 9 rapports à recommander vivement, même si elle impose un surplus de 2350 € (c’est de série sur la Trailhawk ), insonorisation assez soignée et bonne maniabilité de l’ensemble.
Grâce à ses dimensions compactes, elle peut vraiment se faufiler dans les ruelles les plus étroites de ces villages typiques du Piémont, j’en ai fait l’expérience…, dommage que la direction ne soit pas un poil plus précise…, quant à l’équipement de série, il est correct sur les versions d’attaque (Sport et Longitude), très bien fourni sur les modèles de haut de gamme (Limited et Trailhawk), mais les prix tirent alors vers le Premium.
Côté personnalisation, aucun problème, le catalogue Jeep est plutôt bien fourni, la Renegade peut également être livrée avec une peinture Kaki et même recevoir la fameuse étoile à cinq branches sur les flancs et le capot (nostalgie, quand tu nous tiens),…mais dans la liste des options, impossible d’avoir la fameuse mitrailleuse Browning .30 ou calibre 7,62 mm…, la M1919 qui faisait la fierté des G’IS des années quarante (à bord de la Jeep MB, elle pouvait être montée sur un trépied) et dont la fabrication fut reprise après la seconde guerre mondiale par la Fabrique Nationale (la FN) de Herstal en Belgique…
Cette Jeep compacte “Made in Italy”, devrait rencontrer un certain succès en Europe mais également au Brésil ainsi qu’en Chine où prochainement, on évoque son assemblage…, elle porte en effet le nom de Jeep… et avec son prénom de Renegade elle n’aura aucun mal à faire oublier les Compass et autres Patriot qui à mes yeux n’ont jamais été de véritables Jeep.
Mais il subsiste une certaine interrogation, un doute ? Je me demande en effet si les acheteurs américains et plus particulièrement ceux du Middle West seront tentés par ce modèle qui pour eux n’a qu’un seul défaut, mais de taille (admirez le jeu de mots pour un véhicule aussi compact), il n’est pas fabriqué aux States…, car la fibre patriotique est dans le pays de l’Oncle Sam, toujours bien présente… et pour la grande majorité des acheteurs US de Jeep, la main sur le cœur, ils vous jureront que rien ne vaut un Cherokee et surtout un Big Grand Cherokee à moteur six cylindres ou V8 sans oublier la célèbre Wrangler pure et dure, la grand’mère de la vénérable jeep des années quarante.
Pour les grands espaces, la New Renegade n’a sans doute pas la taille requise… et les moteurs “qui vont avec”…, mais pour les amateurs de SUV compacts, cette Mini Jeep respecte la tradition, du moins en 4X4…
L’honneur est sauf !
Marcel PIROTTE, pour www.GatsbyOnline.com
http://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=1447&cat=auto