Rods et Kustoms + Grease & co…
Je ne sais pas vous…, mais moi…, il est des choses qu’on aime, mais dont le fond, la base, le style réel est revendiqué par une horde de pisse-froid qui fait regretter qu’on est tombé en amour…
Je ne vous cause pas de l’amour avec un grand “A”, celui qui rend sourd et aveugle comme un trop de masturbation…, mais un style de vie qui vous plaît et dont on s’aperçoit, alors qu’on s’y est investi, qu’il est squatté depuis longtemps par une faune d’abrutis qui s’en sont auto-proclamés Maîtres…
Cela m’est arrivé pour quantités de choses…
La F1 en tête, qui m’a (heureusement fait regretter les heures passées devant la télé à regarder des bagnoles comme des ovnis, tourner en rond, pour des millions d’euros qui ne profitent qu’à divers escrocs qui méprisent le reste du monde…
L’arrivée de Jacky Ickx dans ma vie d’éditeur à l’époque de mes magazines Chromes&Flammes et AutoChromes m’a vite appris à cerner le et les personnages ainsi que les dessous pas affriolants du tout des courses automobiles…
Il existe quantité d’autres exemples qui ont chamboulé ma vie, mais le dernier en date, qui me fait écrire tout ceci, c’est le monde du Hot-Rodding…
Donc…, pas en ce qui concerne les voitures de cette catégorie de folies roulantes, dont je publie en illustration quelques photos en noir & blanc, mais des lobotomisés qui se croient investis d’une mission sacrée par la foi en divers magazines commerciaux, qui squattent les meetings et concentrations du genre, ainsi que les quelques forums ou on “cause” des Hot-Rods et Kustom-Cars…
Tout a commencé en fait, avec mes magazines Chromes&Flammes qui étaient au coeur, si pas à la base, en 1980, du Hot-Rodding et du Customizing en Europe continentale…
Alors que tout aurait du baigner dans l’huile pure et fraîche, soudainement, en cause de mon concurrent Nitro, tout s’est mis à baigner dans l’huile de vidange, parce que ses dirigeants voulaient la mainmise sur tout… un tout qui a capoté lors de la concentration d’Arcachon mi des années ’80, alors que je présentais le Hot-Rod Hi-Boy Citroën qui pouvait être acheté en kit à monter sur une Citroën Traction Avant (après diverses transformations)…
Tel qu’indiqué dans des émails échangés avec un journaliste d’une revue dédiée aux Citroën (que vous pouvez lire ICI : http://antimythes.com/main.aspx?page=text&id=300&cat=auto), tout a foiré par bêtise…
Mes magazines ont alors évolué alors que j’étais profondément dégoûté des clubs de “customeux” et de l’inertie des Hot-Rodders en herbe face aux difficultés d’immatriculer ce genre de véhicule.
Il aurait fallu une véritable fédération qui, comme son nom l’indique, aurait fédéré (sic !) ses membres pour obtenir des pouvoirs publics nationaux et européens, des aménagements légaux permettant aux particuliers de construire ce qu’on pourrait nommer des Kit-Cars et des voitures personnelles, soit créées de toutes pièces, soit reconstruites de bases existantes.
Les magazines concurrents et les clubs, étant très occupés à déblatérer sur mes magazines et sur moi pour occuper le terrain, rien n’a été fait… et le Hot-Rodding tout comme le Customizing sont restés des engins en marge de tout…
Dommage…
Les plus jeunes ont alors continué sur des bases de voitures modernes, c’est devenu le Tuning, plus simple à maîtriser…, qui finalement a été plus ou moins accepté dans les contrôles techniques…
Les Occidentaux connaissent bien le syndrome indien, magnifiquement décrit dans un livre (Fous de l’Inde), écrit par le psychiatre de l’ambassade de France à Bombay.
Ce mal mystérieux toucherait 10 % des voyageurs occidentaux qui s’aventurent sur les plaines du Gange.
Vacillement de l’identité, perte de contact avec la réalité, sentiment océanique, hallucinations, délire psychotiques…, un certain nombre de jeunes adultes sans antécédent psychiatrique sont parfois retrouvés errant nus dans les rues, sans papiers d’identité, prononçant des propos incohérents.
Une fois rentrés dans leur pays, le souvenir de ce délire s’efface et ils reprennent rapidement pied dans leur réalité.
Moins de gens savent que ce syndrome a son corollaire : le syndrome des Concentrations de Hot-Rods, de Kustom-Cars, de Kit-Cars et/ou de Tuning-Cars…, qui frappe les visiteurs dans ces lieux de perdition.
GatsbyOnline, sous ma plume (en réalité via mon clavier d’ordinateur), consacre cette semaine un article au phénomène… et précise que cet été, comme tous les étés, un demi-millier d’innocents ont été foudroyés par ce mal mystérieux, sur le millier qui ont visité ou participé à diverses concentrations.
Une cinquantaine d’entre eux (et elles) ont même dû être hospitalisés.
Expliqué rapidement, il s’agit d’un ensemble de symptômes physiques et psychologiques dont font l’expérience les voyageurs qui visitent les concentrations de Hot-Rods, Kustoms-Cars, Kit-Cars et Tuning-Cars pour la première fois… et réalisent que ce n’est pas tout à fait comme ils se l’imaginaient.
Une vision sublimée d’Otsushiwa Tsasegawana, un Japonais installé à Paris, le seul Hot-Rodder-Tuneur en devenir à donner des leçons de conduite dans une auto-école, s’est fait l’écho de ce phénomène : “Pour les visiteurs de ces types de manifestations auxquelles force m’est d’y ajouter des shows commerciaux comme Automédon près du Bourget, les automobiles extraordinaires sont la réalisation de rêves pittoresques avec des femmes quasi-nues qui posent lascivement devant les calandres”…
Et les visiteurs naïfs, les pommes à tête de poires, appelés “les canards” par les propriétaires des véhicules, sont les premières victimes de cette image décalée, car ce sont eux qui ont la vision la plus étroite et sublimée, celle que leur renvoient divers médias : un monde parfait ou tout est lisse, harmonieux, à l’image de l’alignement parfait des tentes de camping plantées entre les voitures !
Mais les journaleux oublient trop souvent de filmer le linge qui pend et les barbecues qui enfument toute l’atmosphère déjà rendue irrespirable par les “burnout” : des pseudo-concours d’accélération sur-place destinés à faire patiner les pneus !
A quoi il faut ajouter que certains éprouvent de réelles difficultés à s’adapter au mode de vie des Hot-Rodders, Kustomeux et Tuneurs… et ont tendance à culpabiliser leur regard glacial !
Les jeunes filles sont les premières touchées, elles ont entre 18 et 25 ans, étudient l’histoire de l’art plutôt que les sciences… et s’imaginent ces manifestations plein d’esthètes et de gens délicats, alors que c’est souvent la fête de la bière et des boudins.
L’ampleur du choc les culpabilisent d’être venues se perdre là, alors que les plaisanteries grivoises finissent par les traumatiser…
De fait, tout s’oppose : la discrétion naturelle au franc-parler légendaire, le respect poussé à l’extrême à l’humour second degré, la constance aux humeurs changeantes, la célérité des sévices à la lenteur des services ou encore l’esprit de groupe à l’individualisme exacerbé.
Bref, l’harmonie au désordre.
Une étudiante en littérature à Paris, m’a raconté ses débuts difficiles dans cet univers : “Si vous ne comprenez pas leur jargon, leurs termes technique et leur humour, ils font comme si vous n’existiez pas. On part avec l’idée d’un style automobile idéal, avec en tête des films comme Grease, Américan Graffiti… et l’on se retrouve dans un trou noir, face au regard glacial des beaufs”.
Le Guide du Hot-Rodder, qui a interrogé pour l’occasion un psychiatre Hindou de l’hôpital Sainte-Anne, privilégie lui aussi la piste du choc des cultures : “Les visiteurs de ces manifestations, atteints par ce syndrome, ont beaucoup de mal à se faire aux mœurs particulières de la Kulture-Kustom, au point de se sentir incompris, ridicules ou mal-aimés. L’individualisme, l’impatience et l’humour gaulois sont en effet en totale contradiction avec l’esprit de groupe, la timidité, la politesse et le sérieux des gens normaux. Ces gens rendent assez mal aux visiteurs l’affection qu’ils portent à leurs véhicules”…
La vie et les amours, les passions, ne s’arrêtent pas du jour au lendemain et le Hot-Rodding et le Customizing ont continué d’intéresser une poignée de fanatiques, dont moi…
D’abord, quelques précisions à destination de ceux qui ont moins de quarante ans, qui avaient une dizaine d’année à l’époque de Chromes&Flammes…, les films qui baignent dans ce monde, tels que Kalifornia Kid, Américan Graffiti et surtout Grease…, sont certes, des films médiocres, mais particulièrement pour Grease, ce navet sympathique détient en France le record de spectateurs pour une comédie musicale, soit 5,7 millions de spectateurs…, dont moi.
J’entends déjà les mauvais esprits, ceux qui ne sont pas solidement campés dans leurs Santiag’s, lancer leurs sarcasmes prévisibles : “Je t’avais bien dit qu’il avait des goûts de chiottes”…, “Ben, et pourquoi pas célébrer Bienvenue chez les Ch’tis si on en est à compter le nombre d’entrées ?”…
À ceux-là et aux autres qui attendent, la pupille humide et les lèvres sèches (ou l’inverse), la suite de ma chronique, je dirai que Grease est un grand film médiocre, pour paraphraser Truffaut et ses “grands films malades”.
En effet, tout est mauvais dans ce film…, ou plutôt, rien n’est bon !
En premier lieu, le scénario est anémique, même s’il singe ce qui se déroule dans quantité de concentrations Hot-Rods et Kustoms…
On suit vaguement des couples se former entre un groupe de garçons (les T-Birds) et un groupe de filles (les Pink Ladies)…. et puis l’année est finie, tout le monde s’en va.
Voilà !
Là-dessus se greffe un zoom sur la paire Travolta/Newton-John (Danny/Sandy) qui a flirté l’été dernier en tout bien tout honneur.
À la rentrée, au moment des retrouvailles, lui se la joue mauvais garçon distant, elle porte des robes roses et des tennis blancs, les deux sont encore très amoureux.
Il y a aussi la bad girl qui couche et tombera plus ou moins enceinte…, le méchant dont le Hot-Rod émet des pets enflammés comme sa peinture et que Danny écrabouillera lors d’une course de voiture pitoyable menée à 2 miles à l’heure… et quelques autres diversions toutes plus affligeantes les unes que les autres.
Ce film, les autres films semblables, tout comme les concentrations du genre Hot-Rods et Kustoms…, sont tellement nuls, qu’une lecture au second degré est presque impossible.
J’ai tenté de le faire (une lecture au second degré), pour la dernière concentration de Rods à Tournai (à lire ICI : http://antimythes.com/main.aspx?page=text&id=839&cat=auto)…, je vous promets, j’ai essayé, mais les réactions de ce milieu furent effroyables et effrayantes…
J’éprouve pourtant une sorte de plaisir masochiste à voir ce genre de réunions, tout comme de regarder de nouveau Grease aujourd’hui.
Parce que c’est aussi nul que moi et que vous…., enfin que moi, si vous voulez.
Les personnages qui y gravitent n’ont, en effet, strictement rien de remarquable.
À bien y regarder, Olivia Newton-John est même moche : son visage est trop allongé, ses yeux trop rapprochés et on dirait qu’elle louche.
Ils ne vivent aucune péripétie marquante…, le film présente même une collection de degré zéro en matière de péripéties, par exemple sauter des haies puis tomber, ou fermer une porte de voiture en l’envoyant dans les testicules de son boyfriend.
Dans une scène irréelle, un ange gardien raconte à une des jeunes filles combien elle est nulle : “Être raté avant 20 ans”, chantonne cet énergumène alors que la pucelle s’extasie.
Les décors sont tristes à mourir, mais nous les avons tous fréquenté : il s’agit de restaurants glauques, de fêtes foraines à trois sous et d’une déco de fête (en papier hygiénique) qui s’écroule.
Les répliques des personnages n’arrivent même pas à être drôles, la plus “amusante” du lot étant : “On ne part pas à pied d’un drive in”...
Les sentiments sont pris dans leur gangue, tout le monde est effroyablement maladroit et, finalement, la plupart des discussions commencent ou se terminent autour du sexe, dans une profusion effarante d’allusions ou d’illustrations directes.
Citons des danses plus qu’explicites, des jupes soulevées, les mouvements de bassin de Travolta, des jambes écartées, une capote endommagée, des fesses montrées à la caméra pendant la chanson Blue moon (!), des bananes symboliques brandies lors de la fête de fin d’année, etc.
Ma théorie est donc la suivante : j’aime ce film parce qu’il est aussi nul que la vraie vie peut l’être.
D’ailleurs, par une sorte de prolongement vertigineux, on pourra constater que ses artisans ont tous eu une vie médiocre.
Olivia Newton-John n’a jamais vraiment percé…, John Travolta a entamé une longue traversée du désert dont il sortira scientologue et pulpé par Tarantino… et on n’entendra jamais plus parler du réalisateur dont j’ai même oublié le nom.
Voilà la jolie parabole qu’offre le film : après The misfits, les trois acteurs principaux (Marylin, Montgomery, Gable), des monstres sacrés, disparaissent dans de tragiques conditions.
Les protagonistes de Grease, eux, continuent à être nuls après le film, dans la vraie vie, comme le commun des mortels.
Pourquoi ce premier degré absolu serait-il plus vrai que le cinéma des Dardenne…, allez-vous enfin me demander ?
Parce qu’il est kitsch.
Eh oui…, dans notre tête à tous, nous sommes kitsch !
Le premier cinéma du monde, le cinéma indien, l’a bien compris, il vous suffit de visionner Devdas pour le vérifier…, Jacques Demy aussi, voyez les couleurs kitschissimes de Peau d’âne.
Nous rêvons d’une scène d’amour aussi bête que celle qui ouvre le film…, nous avons envie de monter dans de grosses voitures puissantes (pour les mecs)… et de nous envoler dans les cieux comme dans le dernier plan du film (pour les filles).
Notre univers mental, outre le fait qu’il soit imbibé de sexe, est, n’en déplaise à Freud, également paré des multiples couleurs que fait romantiquement scintiller le film : des roses, des bleus, des verts et des jaunes, francs et massifs.
À ce stade, il est inutile de résister à la sourde nostalgie qui m’envahit.
Nous étions jeunes et innocents, nos corps s’agitaient tels des pantins désarticulés et épileptiques… et nos esprits étaient pleins de turpitudes imaginaires et de tendresses inavouées….
Nous étions jeunes… nous regardions Grease et rêvions de Hot-Rods, de Kustoms et de Kit-Cars (les Tuning-Cars viendront plus tard) !
Des Guignols de l’info aux navets franchouillards en passant par les sites de Jacky-mobile, les Kustoms lourds et massifs ainsi que les Tuning-cars demeurent les archétypes des déplaçoirs de beaufs.
Difficile en effet d’imaginer ces autos sans le couvre-volant en skaï, le chien qui opine sur la plage arrière et une cassette de musique assourdissante…, d’ailleurs ils en font même des concours….
Tout cela inspire la sympathie émue des trentenaires adolescents qui expliquent brillamment pourquoi, dans Goldorak, le siège d’Actarus effectue un demi-tour lors de la phase de transfert… et fait sensation chez les fans des années ’80 qui repassent en boucle l’hallucinante Bamba triste du non moins halluciné Pierre Billon (regardez sur Google)…
Toutefois, en dehors des nostalgies bienveillantes, point de salut !
Tout cela mérite-t-il autre chose que le sarcasme ou la compassion ?
Sans à-priori, il n’y a pas matière à acharnement, certains osent une silhouette à contre-courant sinon avant-gardiste si l’on en juge le développement du bio-design.
Dans la première moitié des années ’80, le style passait avant les performances (et la surconsommation !) pour des gens soucieux de se démarquer du commun des mortels.
D’abord l’apparence !
Mais, appeler Hot-Rod une auto dont la mécanique ne pète pas des flammes, cela ne fait guère sérieux.
C’est même incompréhensible !
Pourtant, c’était le cas avec les fumeuses Peugeot 203 à cul relevé qui conservaient leur moteur d’origine, de même que les tristes Simca 8 et Fiat Ballila équipées d’anorexiques 4 cylindres de 1200cc…
Sans motorisation de pointe arrivée à temps pour tirer ces mouvements vers le haut, il ne restait plus aux autos du genre que des noms ridicules et de rustiques dessous.
Là-dessus, les vendeurs de kit de carrosserie douteux faisant réclame dans les divers magazines spécialisés, tout heureux que j’étais parti dans une autre direction…, ont eu tôt fait de décrédibiliser ce qui restait.
L’aventure s’est arrêtée prématurément à la mi-85.
Les Customs style 203, rebaptisés alors Hot-Rods, ne se sont jamais départis de leur image de voitures franchouillardes qui pètent plus haut que leur cul relevé, un rôle caricatural où les anti-héros de sévices les considèrent comme des “voitures de collection de prestige”.
Cependant, la France n’a pas le monopole de tout cela.
Les Allemands aussi ont leurs beaufs, ils en ont fait une mine de blagues récurrentes, les Kustom-Witze. Par exemple, savez-vous ce qui reste quand une voiture customisée brûle ?
Une gourmette et une coiffeuse en pleurs.
Tout n’est pourtant pas perdu pour les cas désespérés en ces temps incertains où l’on se plaît tant à se réfugier dans un “nostalgisme” à la guimauve.
Pour la plus grande joie des nouveaux collectionneurs, quelques fabricants de miniatures se sont spécialisés dans la reproduction au 1/18e des populaires françaises oubliées ou en voie de réhabilitation. Vendus exclusivement en ligne, les exemplaires en résine ont été épuisés en quelques jours seulement.
On avait rarement vu pareille fièvre dans l’automobile depuis la mort d’Enzo Ferrari !
Alors, quel sort réserver à tout ce bazar ?
A vous de voir… et d’assumer.
Peut-être aussi parce que ce qui paraît ringard quelque part paraît toujours intéressant ailleurs dans le monde.