Scorpion Thunderbolt IV (Camaro-Gallardo)…
La Scorpion Thunderbolt IV dont tout esthète saluera l’esprit de synthèse et l’incomparable puissance argumentative de son design, est un exemple malheureusement trop rare d’automobile dénaturée qui, en s’efforçant de rationaliser toute la richesse thématique d’une œuvre, pré-mâche efficacement ma critique.
Merci à toi, Johnny Lambert, valeureux concepteur de la Scorpion Thunderbolt, hardi travailleur de l’ombre, noble héros anonyme décomplexé, d’avoir créé ce pur bijou qui nous rappelle, avec un foudroyant sens de l’à-propos, une des raisons d’être de ce site-web : porter à l’auguste lumière de la connaissance universelle, les automobiles ayant sombré dans les noirs précipices de l’oubli.
Pourtant, les créations les plus misérables sont souvent celles qui sont claironnées bruyamment pour racoler les gogos… et, comme c’est souvent le cas de toute non-histoire, celle-ci est à la fois fort simple et fort compliquée.
Sur ce canevas grossier comme une semelle d’espadrille, il me faut greffer tant bien que mal, un commentaire…, tout est question d’ambiance…, volontiers arrosée de gros rouge qui tache !
Bon, là soyons francs : seuls les beaufs et quelques crétins pourront frissonner de bonheur devant une telle auto…, pour les autres, les réactions oscilleront entre l’ennui poli, la pure consternation et la franche rigolade, on pourrait difficilement tomber plus bas.
Afin de cerner au maximum tous les points important à ne pas retenir, j’ai pris soin de structurer ma chronique en différentes parties bien distinctes…, ainsi, selon un schéma très scolaire, nous allons d’abord nous pencher sur les motivations de Johnny, puis sur la mise en route de son projet, les moyens utilisés et enfin, le message qui doit accompagner l’ensemble.
– Quelles ont été vos motivations ?
– J’ai voulu créer une esthétique Mad-maxienne avec des éléments de Lamborghini Gallardo sur base d’une Camaro.
– C’est un peu comme un type qui serait habillé avec des tongs, des chaussettes trouées, un slip de bain et un t-shirt délavé et qui voudrait frimer comme s’il était habillé d’un complet Giorgio Armani. Un moteur de solex dans une réplique foireuse d’une carrosserie de Lamborghini…
– Pas vraiment, quoique…
– Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur votre parcours ?
– Je suis né à Douai, dans le nord de la France, j’ai bossé sur des chantiers de construction avec un ami, à St-Nazaire. Je venais juste de boucler des études de soudeur et je faisais un peu d’intérim. Je consacrais la plupart de mon temps libre faire du kung-fu. Ma mère était travailleuse sociale. Je restais chez elle quand je n’avais pas d’appartement moi-même. Généralement je vivais au jour le jour, mais dans l’ensemble ça allait plutôt bien. J’ai décidé de tenter ma chance en Amérique et j’ai trouvé un job dans une carrosserie à Manhattan.
– Qu’est-ce qui vous a amené à créer une telle automobile ?
– A un moment donné, j’ai découvert la customisation et j’ai voulu mêler le style américain et le design italien dans une voiture bien à moi.
– Précisez-moi…
– A vrai dire, je ne me souviens pas suffisamment pour en dire grand chose. Il m’a semblé que c’était plutôt sympa. En fait, je ne me rappelle plus grand chose, à part que j’ai passé un sacré bon moment dans le milieu des custom-cars. Les noms des gens que j’ai connu ne me rappellent rien, mais je pense que, si je les rencontrais à nouveau, des choses me reviendraient en mémoire. Après avoir fabriqué cette voiture, je suis parti avec elle en Californie. D’abord, je voulais me rapprocher d’Hollywwod. Et puis j’avais aussi l’impression d’avoir fait le tour de Manhattan, et j’avais du mal à supporter la pollution de la ville. Aujourd’hui, je suis designer-traducteur français/anglais mais je livre également des pizzas le soir. Je vis à Venice avec une clientèle française et étrangère. Je garde un excellent souvenir de ma vie à Manhattan et des gens que j’ai rencontrés là-bas.
– Il faut que vous soyez plus précis, j’ai préparé 30 questions concernant votre Scorpion Thunderbolt IV…
– J’avoue que je suis un peu long pour répondre mais j’ai mes raisons : la vie c’est ce qui nous arrive quand on est occupé à essayer de faire autre chose. Je vous remercie pour votre patience. Je vais tenter de répondre à la plupart de vos trente questions par un résumé de mon parcours, et d’approfondir certains points d’intérêt en cours de route.
– Votre voiture, là…
– Oui…
– Que pouvez-vous m’en dire ?
– Je n’ai jamais eu, à quelque moment que ce soit, le moindre doute à ce sujet. Je savais que ce serait dur, je ne réalisais pas à quel point mais je ne me posais pas trop de questions non plus, je me contentais de foncer. Vous savez, à Manhattan, j’ai commencé tout en bas de l’échelle, à battre le pavé tous les jours en quête d’un moyen de percer. J’ai appris sur le tas, je me suis adapté, peu à peu, sans perdre de vue mon objectif. Je ne me sentais pas toujours au top, il y a des moments où j’ai eu le sentiment de ne pas être au niveau !
– Et ?
– Bien sûr j’ai aussi eu quelques moments difficiles, à ne pas savoir où dormir, à avoir faim, mais quand on est jeune on ne pense pas trop à ce genre de choses. Si je devais à nouveau dormir dans ma voiture, je craquerais bien plus vite aujourd’hui. A l’époque je dormais partout où je pouvais, dans des laveries automatiques, des garages, chez de jolies filles, des moches aussi… ou chez des amis. Si on m’expulsait de mon appartement, j’y retournais la nuit, pénétrais par effraction et dormais à même le sol, jusqu’à ce qu’il soit à nouveau loué. Tout ça me paraît fou quand j’y repense aujourd’hui. J’ai fait des boulots dingues, collecté de l’argent et protégé des personnages louches et leur business douteux. Et ce n’est qu’un mince aperçu de ce que j’ai pu faire d’autre !
– Comment viviez-vous cette vie paradoxale ?
– S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est de ne pas regarder en arrière, parce qu’on ne peut pas revenir en arrière. Tout ce qu’on peut faire c’est tirer les leçons de ses expériences et aller de l’avant, progresser pour rendre son existence meilleure et plus intéressante. Plus on avance en âge, plus on devient mature !
– Et votre Scorpion Thunderbolt IV ?
– Elle avait du potentiel mais quelque chose a foiré en cours de route.
– Quoi ?
– Je ne sais pas…
– Mais encore ?
– Et bien ce que je peux vous dire c’est que je poursuis mon petit bonhomme de chemin et qu’avec tout ce que je sais, tout ce que j’ai appris, je suis aujourd’hui quelqu’un de meilleur, et que je reste concentré sur les moyens de franchir un palier supplémentaire. Avec mon expérience actuelle, si cette voiture était à refaire, il y a bien des choses que je ferais différemment aujourd’hui et pourtant il n’y a pas de secret ! Mais étrangement je me sens aujourd’hui plus motivé que jamais, j’ai plus de force et d’énergie en moi que quand j’avais 26 ans, je travaille ma technique, dans les limites du bon goût bien entendu.
– Oui, bien entendu…
– C’est ça !
– Edifiant !
– Vous trouvez ?
– Oui…
– Que puis-je encore pour vous ?
– Rien, c’est bon…
– C’était sympa, vous pouvez me donner les 100 dollars maintenant ?