SEMA Show à Las Vegas :
La foire des gros seins siliconés, entre Fast & Furious et American Graffiti…
Mon exil se terminait, ras-le-bol du Nevada, de Las Vegas, des custom-cars et autres bastringues…, envie de revenir au calme, au soleil de France face à “la Grande Bleue”… et/ou même sous une pluie torrentielle dans le nord d’en haut…, avec mes aventures, j’avais de quoi écrire…, je comptais glandouiller tout l’après-midi au bord de l’eau du casino qui avait recréé Venise sous la Tour Eiffel, en me remémorant un tas de souvenirs de dragues et baiseries fructueuses… et il me faut l’avouer, foireuses à certains moments…
Aujourd’hui, c’était foireux, pas de bonnes vibrations ni de feeling… et pour cause, la moitié des engins qui sur-peuplaient le monde du custom-ricain a disparu…, terminé la grande époque, le temps a transformé les rebelles en suiveurs d’un système grotesque, il est vrai que le rêve américain se révèle de plus en plus un cauchemar, les libertés sont des illusions protégées par des amendements qu’un “Nouvel Ordre Mondial Américain” (le NOMA), tape à la pelle dans la tête des beaufs de plus en plus abrutis…
Parfois ça rend l’air irrespirable…, en campagne profonde, les bouseux armés peuvent revendiquer le droit de s’être défendu préventivement si vous leur demandez la route de Memphis avec un air terroriste…, en ville, il y a des flics surarmés et des caméras de surveillance partout…, le délit de sale-gueule étrangère est respecté…, les dérives sont nombreuses…, les camps FEMA sont en stand-by en cas d’émeutes…, croire en Dieu est plus qu’un acte de foi, c’est une obligation…, à se demander comment les jeunes ont pu être Hippies, porter la barbe et chanter l’amour plutôt que la guerre…
Maintenant c’est la mort plutôt que l’amour…, d’ailleurs les USA sont devenus un Etat mystique ou le religieux occidental (Jésus) est presque devenu une obligation légale, on ne copule plus pour le plaisir… et s’il est question d’enculades, c’est financier avant tout…, pisser contre un arbre, même dans une forêt, est maintenant un crime fédéral avec inscription dans la fiche judiciaire…, au même titre qu’un pédophile le prédateur sexuel est direct condamné grââââve : Ne plus approcher un arbre à moins de 3 km…
Et pour les mecs qui osent demander du feu à une femme : double peine, agression sexuelle ET fumeur dans les lieux publics (dégradation de la nature)…, de plus, la pollution nocturne (masturbation) est considérée comme une déviance… et être verbalisé deux fois dans sa vie pour un même type de délit, c’est un an de prison ferme…, trois fois c’est la prison à vie…, uriner trois fois dans sa vie sur un arbre au milieu d’une forêt, peut entrainer la peine de mort si une dame a vu une partie du sexe… et si c’est un ou une mineure d’âge, à mon avis le pisseur (la pisseuse aussi) risque d’être torturé à Guantanamo avant d’être tué à petit feu…, si vous ne me croyez pas, allez vous soulager contre un arbre aux USA…
Le vice du système fait que si vous vous promenez en rue les mains dans les poches et que vous croisez une femme…, la police peut contrôler si vous n’êtes pas un pervers-sexuel-masturbateur en contrôlant l’état de vos poches…, s’il y a un trou qui permet de toucher le pénis avec deux doigts, c’est pareil que pisser sur un arbre dans la forêt alors qu’une femme regarde les animaux avec des jumelles et tombe visuellement sur votre jet…
C’est tout ça qui constitue partie des valeurs américaines… et j’en ai ras-le-bol…, j’ai de plus crainte que nos gouvernements européens, arrivent au même résultat…, sauf si uriner contre un arbre est revendiqué comme une liberté d’expression…, ce qui serait contré sous l’angle du terrorisme : Agression d’un arbre en forêt à main armée (le pénis) !
Il est temps, grand temps, de se réfugier au sec, à sec…, fuir ce bordel général, les fous, les demeurés et les lobotomisés-heureux qui aiment répéter les conneries télévisées et les discours politiques (Manuel Valls fait franchement peur en se déguisant en psychopathe, on croit en l’écoutant, revenir au temps de la Terreur en suite de la Révolution Française)…
Enfiler quelques verres en attendant une hypothétique éclaircie n’est plus de mise, parler librement peut nuire à votre santé pire qu’une cigarette…, on est sur le point de ne plus pouvoir manger ce qu’on veut… et des amendes (salées) tombent si on refuse de consommer des OGM ou de copuler la journée…, j’ai cru à un certain moment que si on refusait de se taire durant une minute et qu’on n’achetait pas Charlie-Hebdo, on était terroriste…, jusqu’ou va la liberté, je n’ose pas vous le demander, je risque d’être fiché…, mais aux USA, ils y sont déjà, il faut croire VRAIMENT en Dieu pour être admis dans l’armée américaine…, au niveau mondial, si vous contestez les dollars sur lesquels il est écrit que vous croyez en Dieu, c’est la guerre totale…, un monde comme ça, c’est revenir à la fin des années trente, j’aime pas…
La pluie est alors arrivée, c’est rare au Nevada…, je pensais trop, sûrement…, tête posée sur les mains, je me suis mis à observer l’eau s’abattre sur la verdure, le regard poursuivant les gouttes de haut en bas…, toute cette pluie m’a replongé des années en arrière, lorsque mon père ma mère et moi étions partis en Normandie (j’avais 7 ans), dans le camping nous avions constamment les pieds dans la boue…
J’ai souvenir de ce jour où nous cherchions une carte, dans un charmant bled ultra paumé, ça faisait déjà une semaine qu’on parcourait les routes, il nous restait encore quelques jours à crapahuter avant de retourner “à-la-maison” dans le nord, notre itinéraire était le fruit de différents hasards que la nature nous offrait : Un endroit sympa ? On y mangeait… Une rivière ? On y mettait les pieds… Le soir ? C’était au milieu de nulle part…
Et puis on a fait les plages du débarquements, papa m’a dit que les Américains étaient venu nous sauver…, j’y ai cru…, il marmonnait des trucs incompréhensibles, le dos collé contre la portière de la VW Cox verdâche (une “split’ de 1949) garée sur le bas-côté…, je me suis approché de lui, il a fermé sa carte bourrée d’annotations et de surlignages, il a esquissé un sourire en ma direction et s’est approché doucement d’un blockhaus qui nous avait interpellés et poussés à couper le moteur…, il devait contrôler l’accès au village devant lequel nous nous trouvions…
A côté, papa s’est gratté le menton et croisé les bras de temps à autre pour mieux réfléchir…, après avoir expiré une dernière bouffée de fumée, il m’a rejoint : “Je pense qu’on s’est trompé”…, mon père préférait éviter les emmerdes et il avait sans doute raison…, une chose que j’appréciais considérablement chez lui : une montagne de choses le rendaient hors de lui, parmi elles : posséder un nombre incalculable de gadgets à la con…, utiliser des outils qui fonctionnent deux fois… et plein d’autres trucs du genre…
Le fameux SEMA-Show, n’est théoriquement pas ouvert au grand public, mais réservé aux professionnels de l’automobile et à la presse…, chaque année, à l’automne, la planète auto a les yeux braqués sur ce salon bien particulier : un show à l’américaine se tenant dans l’étincelante Las Vegas, entre casinos et hôtels de luxe, où se retrouvent tous les amateurs de préparation automobile…, pendant quatre jours, Sin City vit au rythme des V8 suralimentés, fleure l’odeur d’huile de ricin, se drape dans les couleurs flashy des modèles les plus inattendus… et fait revivre les hot-rods, low-riders et autres monster-trucks, objets emblématiques de la culture automobile US.
Entre Fast & Furious et American Graffiti, le SEMA Show en offre pour tous les goûts et constitue une parenthèse décalée entre les très sérieux salons de Paris et Los Angeles…, il attire quelque 60.000 visiteurs et exposants, le SEMA Show est devenu un rendez-vous important du calendrier, y compris pour les constructeurs qui y dévoilent des créations souvent aussi déjantées que le salon lui-même…, un jeu auquel même les marques asiatiques comme Kia, Toyota ou Lexus se plient bien volontiers !
Le SEMA Show attire aussi quelques personnalités du sport automobile d’hier et d’aujourd’hui…
“N’y allez pas !”…, m’avait lancé Jeff Mulighan quelques jours auparavant, jusqu’en 2012, ce type avait pris l’habitude d’y planter son stand de films et photos érotico-beaufs… et selon lui, le prix de l’emplacement coûtait un bras et il trouvait ça scandaleux…, il avait raison sur un point : le prix fait fuir !
Une fois sur place, j’ai croisé un jeune couple sur le point de partir…, ils avaient l’air déçu, je leur ai demandé pourquoi et la fille m’a répondu : “Bof, si t’as pas la passion des bagnoles transformées, ça ne sert à rien de venir ici”…, j’ai médité sur la remarque et constaté plus tard qu’elle avait vu juste…, je me suis toutefois laissé dériver tranquillement au milieu d’une foule hyper-dense, une majorité d’hommes et un nombre incalculable de bagnoles.
Il faut bien vous douter qu’en restant des heures le cul vissé sur une chaise les exposants n’allaient pas tourner à l’eau de source, donc, tentez d’imaginer le nombre astronomique de cannettes de bière et Coke dans les stands…, pas de risque de marée basse, ils sont équipés et enquillent pépouze.
Après enquête effectuée sur la pratique bourbonienne, on m’a pondu une réponse ou plutôt une excuse : “Non mais en fait c’est une tradition ici, c’est le whisky qui nous attend après le travail”…, faut les comprendre…, moi aussi j’avais les crocs quand il m’arrivait de participer comme exposant dans des shows…, pour apaiser cette pulsion réciproque, j’ai passé mon temps à contempler les jolies nananas faisant de la figuration “poterie” pour la promotion de toutes sortes de choses, y compris des bagnoles filant l’eau à la bouche…, l’attirance sexuelle était toutefois trop forte !
En revanche, les prix de ces “toutes sortes de choses” étaient beaucoup moins sexy’s… et je me suis demandé s’il ne vaudrait pas mieux pencher pour un après-midi relax dans une piscine…, avant de finalement cocher dans ma tête, la case : la promenade reprend…
Des automobiles en veux-tu en voilà, rangées ou disposées sur des présentoirs, elles faisaient les fières… et avec les filles sexy’s, ça montait en direct live dans chaque coin du salon…, j’ai d’ailleurs fait une fixette sur un stand qui produisait du rêve éveillé…, bien que le site Internet de cette société puisse concourir aisément au concours du pire web-site planétaire et y gagner la médaille d’Or grâce à un design épileptique, le webzine donnant accès pour dix dollars par mois à une montagne de fiches de montages et de conseils pas avisés qu’on trouve gratos et mieux présentés ailleurs sur le web.
Les nananas-poteries valaient vraiment le coup d’œil…., j’ai donc échangé quelques infos utiles (des numéros de tél avec quelques mentions pratiques : prix, disponibilité et savoir-faire)… avec la cheffe du team, avec en prime quelques paroles (promesses) sympathiques, qui m’ont amené à réaliser quelques photos “au cas ou“… de cette boite remplie de nymphettes.
La voix hésitante de Georges viendra couvrir le tumulte pour annoncer la venue d’une compétition de je ne sais quoi, faisant partie des animations du salon…, les visiteurs s’en foutant, comme des chocolats…, prenant plaisir à mater la gamine s’adonner à des lancers précis en direction du public…, applaudissements…, j’ai continué la visite continue en passant par un stand qui exposait des vraies-fausses-vraies Batmobile, un stand sans décoration où plusieurs personnes s’agglutinaient…., une gamine de 20 ans et quelques excitait tout les mâles agglutinés en distribuant des minis-chocolats tout en effectuant un faux striptease avec une agilité déconcertante, sous l’œil stupéfait des visiteurs et n’hésitait pas à se dandiner en singeant les étapes d’usage d’un outil particulier.
Tout se fait dans la décence typiquement américaine, mais le challenge est là, ça score un max…, c’est moins compliqué d’attirer ainsi du monde…, il suffit de ferrer…, bref, les animations de salon c’est pas Europa Park je m’en était douté d’avance…, quoique je n’aurais pas craché sur une petite touche d’originalité et de surprise comme un concours de Tee-shirt mouillé ou un balltrap de filles dénudées avec les tableaux de certains exposants-peintres égarés au milieu d’un style érotico-beauf…
En flânant, j’ai croisé du matos à tout va et notamment des faux objets de collection : vieux moteurs en table de salon, vieux bouquins automobiles, vieilles pompes à essence, vieux objets bizarres…, plein de trucs vieux et vintage qui rendraient dingue tout grand-père hipster…, pas mal d’ovnis aussi avec des Tee-shirts au style douteux, mention spéciale pour celui de California-Kid façon Steam-punk qui a quand même failli me faire claquer 100 dollars…, sans oublier le stand soudure qui assurait un succès garanti pour tous les métaux…, à titre d’exemple, on pouvait y apprécier des petites sculptures soudées comme un vélo, la lampe d’Aladin ou encore la tour Eiffel équipée d’un moteur V8 à compresseur, ainsi qu’un lit créé façon benne de Pick-Up des années ’50…et d’autres choses plus expérimentales… et c’est à ce moment précis de la visite, que j’ai senti que ça devenait n’importe quoi… et que je me suis dit que c’en est trop et qu’il fallait en finir avec ce salon.
En repartant vers l’entrée qui est aussi la sortie (sic !), trois kids m’ont stoppé net…, des jeunes ne dépassant pas la quinzaine qui étaient en train d’essayer de démonter un volant…, sans plus attendre, un bonhomme leur a demandé ce qu’ils foutaient là…, celui à la casquette s’appellait Steve et il s’est mis à râler…, il a rameuté ses potes…, ça apportait un vent de fraicheur à cette visite : ici c’était donc pareil que dans les show’s en France…
En finissant ma visite de ce bazar, je me suis aperçu qu’il s’agissait en réalité d’une supérette géante aux murs couverts d’autocollants de sponsors, c’était d’assez mauvais goût…, de plus, en baragouinant le sabir local, je n’y ai obtenu que des mines patibulaires (en employant un langage plus gestuel, c’était mieux)…, la traversée de l’allée centrale s’est ensuite effectuée pour moi dans une démarche et une orchestration identiques à celles des Beatles sur Abbey Road.
J’ai rejoint la sortie qui était à coté de l’entrée d’une salle en annexe réservée aux journaleux : un vieux pilier de comptoir, proche de la phase d’hibernation, abimé par le temps, semblait attendre de l’audience en même temps que sa remontée à la surface du monde…, son imposante silhouette, sa chevelure ébouriffée et ses rides laissaient présager une approche nettement plus délicate…, même assis, il arrivait difficilement à garder son équilibre, ses bras gesticulaient dans tous les sens, parvenant à une stabilité à faire pâlir Newton…, la loi gravitationnelle c’était bullshit…
J’ai senti le scoop et décidé de tenter le coup en me positionnant dans son champ de vision, les pupilles du vieil homme se sont alors mise, soudain, à faire leur apparition après plusieurs faux départs…, le signe non négligeable d’un désir communicationnel…, mais très vite, les suffocations et autres spasmes violents le firent chanceler, j’étais attentif à chacune de ses réactions… et lui m’exprimait un sentiment de reconnaissance reflété par un sourire…
Quelques nouveaux arrivants sont venus le saluer en lui glissant une petite phrase qui le faisait réagir par de discrets mouvements de cils…, le vieux portait une grande barbe grise accueillant la totalité des cendres de sa pipe, régulièrement, il la tapotait compulsivement sur le dos de sa main tout en crachant ses poumons, il a fini par poser l’engin en bois sur son ventre puis s’est raclé la gorge dans un vacarme raisonnant aux quatre coins de la salle.
Un lourd silence a emplit toute la salle, le temps s’est figé, paralysant tout le monde, un calme pesant avant la foudroyante tempête de rire qui s’est abattue aussitôt…, visiblement, le pauvre vieux était inquiet de toute cette excitation et il a ouvert soudainement la bouche pendant que son auditoire se taisait pour mieux boire ses paroles…, là, j’ai retenu ma respiration, comme si le vieux s’apprêtait à partager sa dernière confession…
Une première onomatopée annonça son intervention brisant le silence : “AH !”…, il a fait claquer sa langue contre son palais avant de redresser son dos, j’assistais alors à la réunification de tous ses efforts, avant de sortir ses premières syllabes : “Qu’est-ce que j’en ai à foutre d’être ici !”…, sa voix rauque et graveleuse avait retentit dans toute la salle, laissant échapper des postillons…, il poussa un dernier cri préoccupant la foule et s’écroula dans les bras de Morphée…, tout le monde fut soulagé et une musique traditionnelle du folklore cow-boy se remit à jaillir des enceintes…., je ne savais pas comment réagir ni quoi penser…
Après tout cet acharnement, j’ai conclu qu’il valait mieux se fourrer les doigts dans le cul jusqu’à l’intestin grêle et filer vers l’aéroport…, ce que j’ai fait sans plus attendre…, ma visite du SEMA show s’est ainsi avérée, finalement, méga foireuse…, de plus je n’ai jamais su qui était ce vieux débris qui tétanisait la foule…, il avait la gueule d’un ancien coureur automobile du Nascar.
Ma conclusion est qu’au-delà de tous les produits qu’on pouvait trouver sur place, ce show avait cette force de représenter un réseau loin d’être négligeable de marques… et en même temps, il y a ce paradoxe où l’individualisme se faisait sentir :
Soit vous connaissez du monde et vous pourrez goûter au whisky de certains stands tout en serrant des paluches en parlant réducs, soit vous êtes perdus au milieu du courant à chercher désespérément la raison pour laquelle vous avez foutu les pieds ici…
Il était 23 heures, le ciel était magnifique et les étoiles brillaient partout, il n’y avait pas un seul nuage…, je me mis à siffler l’hymne révolutionnaire républicain, comme prévu, j’allais quitter Las Vegas, le surlendemain à huit heures du matin…, j’ai alors remarqué une jeune femme d’une sveltesse radieuse, vêtue d’un imperméable en cuir rouge et portant des chaussures rouges à talons hauts du genre “viens me baiser”.., elle attendait quelqu’un, peut-être…, en se balançant au rythme de la musique de son walkman.
J’ai regagné ma Ford Mustang Rouge de location, m’y suis installé, j’ai enclenché la première et me suis engagé sur la route menant à mon hôtel, j’ai passé la seconde en appuyant doucement sur l’accélérateur, faisant avancer la voiture à allure régulière, tout en écoutant un vieux Jethro Tull…, c’était presque suffisant, un fortifiant contre toute la bêtise humaine vécue dans les show’s…, ce que j’admirais, là, chez ce groupe mythique des années ’70, c’était cette capacité de parler des instants qui passent, de transcrire les moments joyeux en musique… et par la même occasion, nous transformer en de meilleurs extraterrestres.
Quiconque a passé un certain temps à voyager sans but, sait qu’aux States, l’illusion est celle de la liberté, cette merveilleuse liberté de cow-boy, le vagabond à cheval, l’homme aux colts, tous ces héros dégingandés, échappés de nos lectures de livres d’aventures…, quelque part, là-bas, des chevaux magnifiques attendent d’être dressés, mais jamais domptés ; dans un endroit où l’on cesse de regretter le passé…, on l’a oublié…, on vit au jour le jour sans mémoire, comme les enfants qui vivent au jour le jour sans projets…, on éprouve un mélange d’émerveillement et d’intimidation de l’habitant des plaines devant l’immensité de ces montagnes, tout simplement…, mais… il y avait là aussi, cette chose qui me manquait depuis toujours…, tous les gars ont une histoire d’auto-stoppeuse à raconter…, on ne peut pas entrer dans un bar, où que ce soit sans en entendre une demi-douzaine…, tout le monde a son histoire, sauf moi à vrai dire, comme si j’étais le seul type à n’avoir jamais succombé au charme des aventures passagères, des bars au bord des routes et des drogues fortes…
Par contre, quand vous êtes enfermé à l’intérieur de votre voiture, avec seulement des kilomètres et des kilomètres de montagnes, des kilomètres de route droite devant vous…, vous ne pouvez pas vous empêcher de croire que vous êtes redevenu un homme libre et meilleur…, tout ce qui vous attend, vous pouvez le laisser derrière vous, derrière ce ruban d’asphalte droit devant, qui vous caresse le visage comme un vent de promesse…, mais, il y a, toujours, cette autre chose qui manque : l’expérience d’une auto-stoppeuse !…
Au moment où je me demandais à quoi ressemblait la vie sexuelle de l’auto-stoppeuse lambda…, quand on parle du loup… voilà que je la voyais au bord de la route, l’imperméable rouge sur l’épaule gauche, pousse droit levé…, elle faisait du stop…, nom d’une pipe française…, elle faisait du stop…, j’ai ralenti la vitesse, me suis arrêté à quelques mètres devant, juste pour le plaisir de la mater dans le rétroviseur…, elle avait la démarche associée au corps, c’est si rare…, lente lame qui fendait la route…., jambes lisses et dorées… et puis l’imperméable qui ne couvrait qu’une épaule.
D’un accent à vous agenouiller à ses pieds, elle m’a demandé : “Pourriez-vous me déposer non loin d’ici ?”…, j’ai arboré un sourire Aquafresh et lui ai répondu “À vos ordres Mademoiselle !”… mon accent l’a amusée et moi, j’étais subjugué, ébloui par sa beauté…, un visage ovale, un joli petit nez…, un front parfait…, une bouche pulpeuse, des dents éclatantes… et enfin les cheveux…, un châtain un peu blond qui brillait…
Elle habitait à une quinzaine de kilomètres…, elle m’a invité à prendre un verre…, au quatrième, je regardais le reflet de la lune, les collines s’étaient couvertes d’or…, l’apprentie ange exterminateur a foncé sur moi à grandes enjambées, ses vêtements dans une main, une boîte de préservatifs et une pilule de viagra dans l’autre… et elle a déposé le tout sur mes genoux… et quand j’ai refait surface à ses pieds, elle a souri et m’a demandé si j’avais déjà avalé la pilule…, embarrassé de tant de sollicitude, j’ai pu à peine lui répondre que c’était dangereux d’avaler du viagra avec le vin et que je pouvais encore me défendre sans la pilule bleue…
Et me voilà au lit avec elle…, pour ce qui était de la valse des patineurs, elle en connaissait les principales figures…, elle aimait qu’on la bouscule le verso…, elle a eu ce sourire étrange de la musicienne qui a trouvé son rythme, cet écho subtil d’un son suraigu qui prend au plexus et que la plupart des gens n’entendent jamais…, il se trouve bien haut sur quelques sommets intimes, à un point tel qu’elle m’a susurré : “Oh, mon dieu ! C’est une fusée qui explose”…
C’est ainsi que je me suis faite ma première auto-stoppeuse, deux heures d’affilée…, cette jeune tigresse était le résultat d’un travail individuel : le sien…, bien élevée et qui sait penser délicieusement mal…, une pure déesse, sur laquelle un ange exterminateur aguerri ne pouvait que monter…, je ne savais pas trop quoi en penser, sincèrement, mais quelque chose en moi me disait que je la reverrais jamais… et que, pour le moment, je devais vite quitter les lieux.
Oh, je savais que j’avais fait ce qu’il fallait…, mais mon cœur était lourd de tristesse et l’ange la plus curieuse et la plus indisciplinée qu’ait jamais dardée mon chibre me manquait déjà…, je la regardais comme on regarde un bonbon quand le sucre vous est interdit…, elle se déplaçait avec une grâce magique, comme s’il y avait de l’air sous ses pieds nus…
J’ai repris la route pour rentrer, considérant cette aventure avec l’auto-stoppeuse comme la fin (provisoire) de mon périple dans la zone de Las Vegas…, le ciel était comme une grande mer renversée…, les maisons semblaient s’être couchées sur le côté, pour mieux s’endormir…
Il y a des voyages dont on ne revient jamais…, par exemple, avez-vous vu les yeux de celui qui débarque d’un tour du monde dans la furie des océans… et du vent… et du soleil… et des jours de gris… et des jours de coup de mou ou de grains ? Avez-vous vu ses yeux comme ils restent accrochés, ailleurs ? Avez-vous vu les yeux de celui qui revient d’un long périple indien, le même regard, la même démarche ? Des pas sur une route où les pavés se soulèvent…, le même sentiment que quelque chose d’irrémédiable s’est produit…, expédition intemporelle d’un vagabondage de pâté de tête enrobé de chaussettes et de godasses en cuir : il y a trois sortes d’humains, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer…
C’est beau on dirait du veau mais c’est bon…, putain j’ai fait les trois, j’ai de la chance, une veine de cocu dirait mon voisin qui surveille mon facteur, je suis revenu des océans, d’ailleurs… et maintenant du Nevada…, je suis endraillé, comme un foc, accroché à ses mousquetons, à l’avant du bateau qui revient les soutes pleines de poivre, de curcuma, de cardamone, de curry…
“Il est fou”…, vous allez dire fou à lier…, je suis fou d’étoiles, amoureux comme jamais d’avoir revu leur sexe briller… et c’est comme çà que c’est bon d’avoir la gueule dans les étoiles, le nez dans la voute céleste, allongé sur l’herbe dans la nuit à la croisée des chemins, dans un temps qui n’a plus d’heure, avec mal partout sauf au cœur, vivre jusqu’à plus soif, jusqu’à l’usure des yeux comme un vieux pirate qu’on a laissé avec un tonneau de poudre et trois bouteilles de rhum…
Et je suis saoul… et je suis ivre avant de rejoindre à la prochaine étape vers nulle part d’un autre monde, celui des vivants, là bas au fond des vallées où se mélangent aussi les morts…, ici ou même les squelettes marchent et que la mort n’effraie pas…