Sex-Rodding-Psychodélirium…
Bruce Meyer, un antiquaire de Santa Barbara, en Californie, voulait posséder “LE” Roadster Ford ’32 que Doane Spencer s’était construit, un Hot-Rod considéré au fil du temps de quelques années, comme l’Ultime Deuce. Il a passé des années à essayer de l’acheter, mais Doane Spencer n’était pas pressé, c’est lui-même qui déciderait que le moment était venu, c’était un Hot-Rod Royal, d’une qualité de fabrication hors normes !
Il avait été présenté sur la couverture et 8 pages du magazine Rod & Custom d’avril 1993 ! De plus ce Hot-Rod avait réussi un exploit normalement réservé aux anciennes automobiles de luxe, rares, chères et 100% originales, une performance qu’aucun autre Hot-Rod n’avait jamais accompli : être exposé au Concours d’Élégance de Pebble Beach et obtenir la victoire dans sa catégorie !
L’hommage et le prix obtenu à Pebble Beach, célébraient simultanément les meilleurs artisans en restauration et construction d’automobiles “de collection” qui avaient œuvrés sur ce Hot-Rod, le who’s-who de la scène Hot-Rod Californienne, des légendes telles Pete Eastwood, Allen Jennings, Steve Davis, Ron Covell et Don Thelen qui n’ont pas hésité à contrecarrer les tendances de l’époque des années ’70, construisant un Hot-Rod Old-School avant même que le terme n’entre dans la langue vernaculaire… (Une langue “vernaculaire” est la langue locale communément parlée au sein d’une communauté. Ce terme s’emploie souvent en opposition avec les termes de langue “véhiculaire”, standard, classique ou liturgique.)
Alors que les Hot-Rodders de l’époque adoptaient les nouvelles technologies en moteurs, l’équipe a opté pour un “bon-vieux” Small-Block Ford 302 V-8 avec des pièces Gurney-Weslake et quatre Webers ! C’était essentiellement le même moteur que celui de la Ford GT40 qui avait remporté les 24h du Mans ! La boite étant une Ford Toploader manuelle à quatre vitesses, délivrant toute sa puissance à des roues knock-off en magnésium Halibrand de 15 pouces fabriquées à l’origine en petites quantités pour que les Thunderbirds ’57 fonctionnent “à-donf” sur le lac salé de Bonneville.
Le pare-brise est l’un des détails les plus intrigants de la voiture. Il a été fabriqué sur mesure en laiton pour imiter le pare-brise “DuVall” monté sur la mythique ’31 Ford Phaeton qui a été détruite lors d’une course ! Mais l’élément le plus frappant est le placage en Nickel, plutôt que du chrome. Le “nickelage” donne un aspect éthéré, contrairement aux reflets “durs” du chrome, le nickel brossé semble briller de la lumière d’une autre époque ! Il n’est pas étonnant que la voiture soit connue sous le nom de “Nickel Roadster”.
Une peinture impeccable souligne la pureté de la forme du “Nickel Roadster”, mais la simplicité apparente de la voiture est trompeuse, car il y a tout autant de beauté à admirer dans ses détails. Les pédales, poignées et tout l’accastillage, le bouchon de remplissage de carburant et même les charnières des portes et du coffre ont été fabriqués “à la main” et exquisement détaillés ! De nombreuses pièces ont été perforées pour le look sous le faux prétexte de la légèreté et ce qui n’est pas digne d’admiration a été caché telles les conduites de carburant, les tuyauteries hydrauliques et électriques.
Pat Ganahl, l’éditeur du magazine américain Rod & Custom qui avait décidé de présenter ce Hot-Rod en couverture, a comparé le “Nickel Roadster” à un œuf Fabergé ! Le Hot-Rod fait maintenant partie de la collection de Bruce Meyer après que l’acteur et comédien Tim Allen a bonimenté Doane Spencer… Mais il a ensuite découvert sa faille fatale le “Nickel-Roadster” avait été construit principalement comme une pièce maîtresse de collection statique !
En fait, Doane Spencer ne pouvait pas se résoudre à le conduire et était même mal à l’aise que son Hot-Rod soit exposé à la vue du public. En conséquence, le moteur n’avait jamais été correctement réglé, il tournait trop haut au ralenti pour une utilisation dans les rues et les suspensions avaient été mises en place pour obtenir “un look” et pas pour une quelconque maniabilité.
Bruce Meyers à peine avait-il acheté le “Nickel Roadster”, a tenté une balade dans River City lors du “Reliability Run”, et il a découvert à quel point il était inconfortable et déconcertant de conduire le Hot-Rod. Déçu et peut-être même un peu dégoûté, il a garé la voiture dans son garage, où elle est restée pendant une décennie. Finalement, Bruce Meyers a décidé qu’il était temps d’en finir avec le Deuce, car il était invité au Los Angeles Roadster Club de Pomona. “En finir” signifiait que Bruce Myers avait décidé d’effectuer les travaux necessaires pour qu’il fonctionne à la perfection !
Il a demandé à Ed Pink, le gourou des moteurs de Los Angeles, de préparer le V8 bien au-delà d’une simple mise au point pour le faire fonctionner correctement. Ensuite le Hot-Rod a été pris en charge par Bruce Canepa qui a réajusté les suspensions. Meyer a de son côté apporté quelques modifications cosmétiques qui, selon lui, ont amélioré l’esthétique de la voiture : il a échangé les roues arrière de 15 pouces pour des 17…
Bruce Meyer a terminé le travail laissé inachevé. Le “Nickel Roadster” est maintenant un monstre de 500 chevaux qui se comporte “au-poil” et roule assez confortablement. Voici les artisans émérites – Henry Castellano : Peinture – Ron Covell : Modifications de la carrosserie et du réservoir de carburant – Steve Davis : Capot, coffre, panneaux intérieurs et dessus de “décollage” (tous en aluminium) – Pete Eastwood : Modification du chassis, de la direction et conception et fabrication de la suspension- Allen Jennings : Fabrication de la quincaillerie (y compris le pare-brise, l’ensemble des pédales, le bouchon et la goulotte de remplissage de carburant, les éléments de direction et de suspension – Ron Mangus : Garnissages – DonThelen : Carrosserie, assemblage final.
1.000 kilomètres de masturbations réciproques en Californie !
Hot-Rod’s, cuir, sexe, luxe et vomi… Du m’as-tu vu, des kilos de coke déversés sur des culs-de-pute, du glamour, des fleuves de conneries toujours aussi indécentes… Et la plèbe qui se pâme devant tout ce bordel. Paty, amie de longue date, amie de Bruce Meyers, félée comme lui de Hot-Rod’s et spécialiste de drogues psychédéliques, m’a proposé de participer, avec le “Nickel Roadster”, a une des randonnées mensuelles de son club, si pas à toutes ou presque si affinités…
En effet, tous les mois, sous couvert de balades en Hot-Rod’s nommées “Sex-Rodding-Psychodélirium”, Paty organise des sortes de pèlerinages “hystérico-sexuels” au cours desquels chacun/chacune y participant, en plus de rouler quelques 1.000 kilomètres en quatre jours en se masturbant réciproquement, suit une thérapie à base de plantes, de méditations et de dopes douces.
Plus occupé à d’autres choses, j’ai eu vite fait d’oublier son invitation et l’ai casée loin dans les synapses de mon cerveau parmi les trucs à faire un jour ou l’autre… Ou jamais… Mais plus tard, quelques éléments de ma vie avaient changé et je n’avais plus grand-chose à f… si ce n’est regarder les paquets de chips paprika vides s’accumuler sur mon canapé. En conséquence, j’ai révisé mon jugement sur les randonnées évoquées par Paty et je me suis inscrit à celle de début novembre.
Dans la journée, j’ai reçu par mail quelques recommandations techniques, puis me suis rendu à BlackWater Falls, là ou demeurait Paty, un village de 1000 habitants situé dans le sud Est. Aux alentours de 18h30, je rejoignais Paty. Elle était ravie, tout sourire, et m’a appris que le calendrier Sioux plaçait cette édition sous les meilleurs auspices. “Cette période coïncide à la fois avec la mort de l’année et l’ouverture des esprits”, m’a-t-elle dit alors que nous venions de retrouver d’autres participants et participantes devant le Secret Knight, le seul bar-restaurant à des kilomètres à la ronde.
John Wichigaw, un habitué des randonnées organisées par Paty, plus connu sous le surnom de Lapin agile, a eu, après 8 Mojitos, ce qu’il a décrit comme une révélation : il a lié la randonnée qui débutait le lendemain matin, à son expérience psychédélique Texane d’il y a 3 ans : “Il s’agissait d’une initiation indienne de 72 heures. C’est une sorte de coma ouvrant les portes de l’Autre Monde, celui de l’âme et de l’esprit, dans lequel on m’a proposé de recevoir l’enseignement du Grand Sachem. Celui-ci me laissait à mon tour le droit d’administrer la plante iboga à des fins thérapeutiques seulement, pas sur le plan mystique”…
Alors qu’il continuait ses divagations, je me suis aperçu que sa copine Wanda, plus connue sous le surnom de Papillon de lune, avait conscience de la forte teneur new-âge de la démarche de John, mais bien que reconnaissant sa relative érudition, j’ai eu du mal à éloigner un sentiment de scepticisme qui ne m’a pas quitté de tout le voyage. Le lendemain, nous avons débuté notre périple par ce que Paty nous a vendu comme une mise en branle : “Voici le début d’un nouveau voyage initiatique qui rappellera à nos corps, des mécanismes oubliés”…
Paty m’a convié à m’installer près d’elle qui piloterait le “Nickel Roadster” de Bruce Meyers… et… en fin de journée, arrivé à Londlay-farm, une communauté d’anciens hippies dans laquelle nous allions dormir, j’étais hyper fatigué d’avoir été branlé quasi sans cesse… Devant des images de Jésus et plusieurs messages de bonne tenue destinés à donner le change aux autorités policières, j’ai découvert que mon sexe n’était plus le même. Ce premier arrêt m’a également permis de m’acclimater à la vibration bio-anale et aux médecines alternatives du groupe.
Remarquant ma démarche de cow-boy blessé, Valy, une ancienne commerciale ayant tout plaqué pour s’initier à l’ayahuasca en Équateur, m’a proposé un massage des coucougnettes. Elle était badass : elle portait le sweat-shirt d’un groupe de grindcore, mais ses massages étaient aussi doux qu’une couverture en polaire. Je fus surpris par la qualité du logis, je m’attendais à dormir dans des cabanes en pierre au milieu des bois et je me retrouvais avec des matelas et de l’air réfrigéré à 20 degrés.
Valy a ensuite profité de la soirée pour me livrer son interprétation du pèlerinage dans lequel nous venions de nous lancer. Elle m’a fait part de ses diverses croyances qu’elle saupoudrait de psychédélisme. Cela écrit, je l’ai sentie beaucoup plus sérieuse quand elle m’a fait part des spécificités géographiques du parcours : “La route horizontale que nous avons arpentée se doublera demain d’une montée verticale qui élèvera notre âme, suivant le même cheminement que va subir notre corps lors des jours à venir”... C’était beaucoup plus clair que prévu… D’ailleurs, quand je me suis couché, j’ai découvert que j’avais oublié mes paires de chaussettes de rechange.
La deuxième journée fut consacrée à l’ascension de nos âmes… Dans la pratique, cela s’est traduit par une partouze jubilatoire les yeux bandés (pas que les yeux, bandés), qui aboutit sur une longue montée de jouissances diverses. Partis à 8h30, et malgré quelques arrêts réguliers dans des décors remarquables, vers 17 heures j’ai commencé à fatiguer. Deux heures plus tard, nous n’étions toujours pas arrivés, la seule pensée qui m’animait était de ne pas perdre la tête.
J’ai sympathisé avec un grand blondinet nommé Christophe qui montait des start-up dans les années 1990, il m’a expliqué qu’il y a quelques années, il avait eu une sorte de révélation et avait tout plaqué pour se lancer dans le “vivre autrement”… Il avait, depuis, écrit un bouquin sur ses expériences, qui n’a jamais été édité… Il vivait feng shui, mangeait bio et donnait des colloques à propos de l’alter-vivium et s’est retrouvé en couple guidé par une jolie rousse : Valda, qui organisait des dîners-rencontres sur le thème de la joie d’être.
Valda est devenue accroc aux randonnées du club de Paty et, armée d’un pendule elle s’est mise à y dispenser ses soins à qui en éprouvait le besoin… Son magnétisme semblait faire ses preuves, chaque personne passée entre ses mains expertes avait l’air d’avoir partagé avec elle une promiscuité sexuelle des plus intenses. Mais comme elle ressemblait à ma tante qui avait sexuellement abusé de mon innocence alors que je n’avais que 12 ans, je n’ai pas regretté d’être passé à côté. Je lui ai glissé un regard de franche camaraderie, l’air consterné que je recevais son injonction débile qui était tout sauf une blague. Je n’ai plus eu qu’à sourire intérieurement.
J’avais donc pris un peu de large pour l’éviter, mais je me suis retrouvé dans un sous-bois boueux, j’ai dû marcher dans les ronces et quand j’en ai eu marre de me faire accrocher le jean, j’ai remarché dans la boue, et là, j’ai glissé. Quand j’ai fini par rejoindre le groupe et que j’ai manifesté une certaine colère contre la boue, une voix s’est élevée, celle d’un barbu nommé David, pour dire des trucs comme : Ce n’est pas la boue qui génère cette colère, mais toi-même. Néanmoins, quand il a remarqué au réveil qu’il avait des aigreurs d’estomac liées à son intolérance au gluten, j’ai juste eu envie de lui filer un coup de pompe en lui signalant que son ulcère naissant était probablement dû à son régime végétalien extrême.
Depuis le début, ce mec m’intriguait avec ses petits rituels autant qu’il m’irritait avec le bruit de son réveil imitant le cri d’un coq. Il avait fait le choix de suivre jusqu’au bout la voie du shivaïsme cachemirien, un dérivé du tantrisme, j’avais du mal à voir en lui autre chose qu’un accro aux huiles essentielles, au jus de tabac et à la guayusa, une tisane ultra-caféinée qu’il refusait catégoriquement que quiconque puisse y goûter. Il se moquait de vivre dans une communauté aux rituels étrangers aux siens (des gens qui pourraient, par exemple, dormir le matin), mais il n’était pas méchant pour autant.
Au troisième jour, nous avons attaqué une route plate, droite, en direction du lointain… Durant la nuit, j’ai été violé par Betty, la meilleure amie de Paty, elle était à fond dans le yoga et sa volonté de transcendance se traduisait pleinement dans son sourire. Durant les moments de détresse extrême qui ont égratigné mon parcours, le sourire de Betty m’est toujours apparu comme revigorant, quoique à force de me tirer le gland dans des fellations sans fin, tout cela s’est avéré assez chiant en soi. Paty nous avait prévenus que si l’on ne se trouvait pas une compagnie pour la route, on risquait de s’emmerder, par chance, elle avait de grandes capacités.
J’avais presque l’impression de vivre mes derniers instants sur les cinq derniers kilomètres de la journée, au moment d’apercevoir un motel. J’ai profité de mon arrivée en parfaite synchronisation avec ma sixième éjaculation pour discuter le bout de gras. Comme je le pressentais, Betty semblait guidée par une lumière plus sombre que celle des autres participantes. Lors du barbecue de fin de journée, elle s’était plainte à Paty : affirmant que j’avais laissé des gouttes de sperme au goût de menthe poivrée dans le bouchon de sa bouteille d’eau. Même si c’était comique, Paty n’avait pas ri, préférant m’inciter à une sodomie en trio.
Dans la science des plantes qui entoure ce genre de pèlerinage sexuel, le tabac, le vrai, reste la plante la plus sacrée de toutes (sauf pour moi qui ne fume que la moquette), les divers usages psychédéliques en découlant pouvant ouvrir l’esprit comme aucune autre : “Je dois la vie à ma mère, à mon père et aux plantes”, m’a dit Betty. Délivrée de son addiction à l’héroïne après une initiation à l’iboga et de son alcoolisme grâce à l’ayahuasca, Betty avait tiré de son expérience une foi inébranlable dans les plantes, elle s’était aussi imprégnée d’une colère palpable qu’elle semblait réprimer par sa communication régulière avec les champignons hallucinogènes et le DMT. Quand elle a eu le malheur de tirer sur sa clope avant de cracher ses poumons, je lui ai rétorqué : Je savais que ça ne passerait pas…
Il faisait terriblement froid et cette nuit s’annonçait une nouvelle fois rude, je devais éviter qu’on s’en prenne une fois de trop à ma masculinité dévoyée…. Comme si ça n’était pas suffisant, la poudre aphrodisiaque que m’avait filé Paty avant que je couche avec elle et que j’ai sniffé à la manière d’un trait de poivre, m’a plongé dans un demi-sommeil peuplé de rêves fiévreux. Mes coucougnettes me semblaient avoir quadruplé de volume, je grelottais, j’ai dormi à peine deux heures…
Lorsque le coq de David s’est mis à hurler, j’ai réalisé que je n’étais nulle part d’autre qu’à mi-route dans une voie sans issue… et qu’une nouvelle fois, mon petit-déjeuner se résumerait à deux tartines de confiture. Cette journée annonçait la lutte finale, l’ultime bain de sperme. En fin de matinée, quand nous sommes arrivés devant le panneau nous certifiant notre entrée dans Hallelouia-Bay, j’ai eu envie de le fracasser. Les branlettes ne m’amusaient plus, depuis trois jours, je me demandais ce que je f… ici… Je regrettais la pollution, le marasme, la haine de la foule.
Les participants et participantes au pèlerinage avaient beau être relativement sympathiques et sexuellement actifs, je n’ai trouvé de sens nulle part dans cette aventure, si ce n’est dans mes coucougnettes en forme de boules de bowling qui désormais, se refroidissaient douloureusement à la moindre pause. J’ai eu envie de tout péter, mais, vu l’accueil plutôt chaleureux que le groupe réservait à ma colère, je me suis dit que je ne n’étais pas le seul dans cet état ; c’était juste qu’eux et elles arrivaient mieux à le dissimuler.
Un sandwich au pâté de bison et un doux massage général, suffirent à me faire aborder la dernière étape, qui s’est résumée à rouler six heures jusqu’au point de non-retour, de manière sereine, c’est à dire de rentrer vers Los Angeles à BlackWater Falls… Tant mieux ! Lorsque la maison de Paty est apparue enfin, ce n’était en réalité que le début de mes souffrances : le coucher de soleil, le décor féerique ne m’aidaient pas non plus ; la dernière ligne droite semblait ne jamais finir…, jamais ! J’ai mis en lecture une playlist des Beach Boys qui, l’avant-veille, m’avait permis d’oublier le temps. Effectivement, le temps avait l’air de s’écouler un peu, à nouveau.
Au moment où je suis arrivé, je me sentais très con mais j’avais l’impression d’être en communion totale avec le monde, au point que lorsque je me dis que j’avais simplement vagabondé en Hot-Rod sur le sentier des humains, une route abordable au tout-venant, ce qu’il me restait à faire, était à portée d’homme. Bref, tout mon être était devenu cheesy et j’ai pu re-jouir pleinement de cet enthousiasme procuré par l’épuisement sexuel… Je crois même qu’en réalité, c’est la pensée de cette pensée qui m’avait ému.
Arrivé dans la chambre de Paty, je n’ai pas osé lui faire un câlin, bien que ce ne soit pas l’envie qui m’en manquait, Betty s’en est chargée pour moi… J’ai profité du dîner pour faire la connaissance de Gilda, à la mine perpétuellement ravie, elle m’a appris ensuite qu’elle était masseuse spécialisée dans le breathing et que c’était sa sixième randonnée en Hot-Rod ! Elle a ajouté que régulièrement, elle partageait des trips d’ayahuasca avec sa grand-mère !
Le lendemain, j’ai suivi le groupe pour écouter des chants gothiques. Il y avait de l’encens et une intimité propre au recueillement sexuel… Au deuxième gong, un coq s’est mis à chanter… Synchro le coq… Mais celui-ci semblait bel et bien présent avec nous et j’ai compris que David n’avait pas été foutu d’éteindre son réveil. Il a fini par réagir, mais peinard, après tout on n’était pas dans un lieu sacré…
Lors du dernier repas, Paty a organisé un cercle de parole où chacun devait faire un point sur l’expérience de ces quatre derniers jours. De loin, ça ressemblait à une réunion des alcooliques anonymes, mais j’ai compris le besoin de passer par ce palier de décompression, moi aussi je le ressentais. Chaque mec a posé ses coucougnettes sur la table… J’ai profité de cette exposition de boules pour dévoiler simultanément mes doutes et mes interrogations, relatant mon expérience du Hot-Rodding et les réponses que j’y avais trouvées. Mon scepticisme initial avait été vaincu, cependant, je savais que le pouvoir du Hot-Rodding était grand et qu’il n’était pas impossible que je redevienne bientôt l’être infâme que j’avais toujours été.
En effet, à peine parti, tout rejaillit… Les profils et sentiments que j’avais rencontré au cours de ce pèlerinage héroïque se sont fait charcler par la force des voitures banales, du métal et du goudron. En un quart d’heure, les quatre jours, que je venais d’assimiler à une expérience sacrée, se sont ternis l’un après l’autre. Je n’avais même plus l’impression d’avoir roulé 1000 kms en Hot-Rod en Californie du sud. Cet exploit qui faisait ma fierté il y a à peine quelques heures, me semblait bien médiocre avec le peu de recul que j’en avais en tête. De même, les visages des protagonistes se drapaient d’une aura néfaste : Valda, la tante de la honte… Paty, la célibataire qui me faisait jouir tout en riant… David, le psychopathe en puissance… Valy et son tatouage dessiné près du pubis… Je ne m’excluais pas de cette vue d’ensemble, moi, écrivain-journaliste et éditeur cynique. C’est grâce à ce lourd bilan que j’ai pu entrevoir l’une des vérités de l’épisode que je venais de vivre : ces heures de spiritualités sexuelles et de sueur partagées avec des inconnues, c’était plus ou moins le Breakfast Club de John Hughes, mais dans ma propre vie.
J’avais donc passé quatre jours avec des gens à qui, en temps normal, mis à part Paty, je n’aurais jamais adressé la parole, ni mis mon doigt dans leur anus… Des inconnues que j’avais pourtant b… durant quatre jours… et que j’avais laissé tripoter mes bijoux de famille ! Bientôt, j’allais probablement oublier, mais tout resterait à jamais en moi, plusieurs souvenirs, des bribes de discussion et des images d’une pureté absolue. Celles-ci ne se terniront pas.
En parlant de ce voyage, une semaine plus tard avec Bruce Meyer, je lui ai exprimé ma déception de ne pas avoir pu mélanger mon expérience du Hot-Rodding avec l’expérience psychédélique des champignons hallucinogènes… Il m’a proposé de participer en compagnie de quelques-unes de ses copines, à une partouze sous jurema (une préparation d’ayahuasca plus corsée), un truc violent qui me permettrait de comparer ! J’ai dit : “OK, je suis toujours partant pour ce genre de conneries, mais je sais qu’au final, le résultat sera semblable à ce que j’ai vécu durant ces quatre jours de détérioration et de renaissance relative”.
Ouaisssssssss ! Mais je ne savais pas d’avance que je ne ressortirais pas de là avec la fierté qui m’emplit quand je me dis : “Bravo, t’es un putain de Hot-Rodder”… J’ai eu la chance qu’il se laisse aller à me raconter sa vie ! @ plus…