Sexualités mécaniques et mécanique du sexe…
Dans le cliché du fantasme de l’adepte d’automobiles , belle voiture et belle compagnie vont en paire. Si longtemps on a acheté des automobiles pour inviter les dames à danser (achètes la caisse, tu feras tomber la belle), les dames sont peu à peu devenues des faire-valoir décoratifs dans les publicités automobiles. Mais depuis quelques années émerge un phénomène surprenant. Sous des atours de mordus des beaux moteurs, ils s’appellent fétichistes du “Reviving, cranking” ou du “Pedal pumping”. Les plus extrêmes sont les “Mécaphiles” et se revendiquent de “l’Objectùm-sexualité”… Ils se sont détournés de la chair pour s’exciter de l’automobile…
My car is my lover 1 http://www.youtube.com/watch?v=mjeqlmb7Ri8
Rarement dans l’histoire une société aura produit quotidiennement autant d’injonctions à la reproduction sexuée que la notre : affiches, publicités, mode, cinéma, racolage par les réseaux sociaux… Internet, bien sûr, contribue largement à répercuter l’obsession lubrique qui (dés)habille notre quotidien.
“Pedal pumping” et “Mécaphilie” sont des pratiques sexuelles de niche dérivée des références-clichés de la mode bling-bling américaine actuelle : grosses voitures (le matériel), grosses poitrines (la femme cliché) et pas d’économies de carburant (jouir de la profusion et de l’incontinence). Mais le cul éclabousse, se répand et toute chose se trouve peu à peu sexualisée. Il suffit pour le constater de parcourir quelques magazines “Grand public”.
Ils n’hésitent pas à exploiter une imagerie à connotation sexuelle, tout comme les magasines branchés-sexy pour ados du genre “Addict”. Les Bikinis bien remplis y côtoient les consoles de jeux, les Kalachnikov et bien sûr les grosses voitures ! Le sexe et l’objet s’épousent, la pin-up est elle-même reléguée au rang d’accessoire. Ces associations de genres font fureur depuis longtemps aux États Unis, et ont donné naissance à un grand nombre de fétichismes. Mais la pratique commence à se faire une place en France.
My car is my lover 2 http://www.youtube.com/watch?v=QwKJsPF7LNE&feature=related
Pour s’en convaincre, rien de tel que glaner la confidence sur l’un des (désormais célèbres) “forums sexualité” du site Doctissimo : “En fait, j’adore les moteurs puissants et assez anciens, qui sont bruyants et crachent beaucoup de fumée. Ils ont une inertie plus importante, et pour peu qu’ils soient mal réglés, ils génèrent des ratés, des explosions intempestives et calent souvent. Faire pétarader ce genre de moteur est un bonheur absolu pour quelqu’un qui aime accélérer. Et voir un moteur tourner parfaitement après qu’une fille ait passé une demi heure à accélérer sans arrêt avant d’arriver à le dominer et à l’asservir, consacre le triomphe de la femme sur la mécanique. Ce genre de situation est pour moi très très intense”..., explique RPMX1000.
Trottleman confie pour sa part : “Je ne suis pas un adepte, mais lorsque l’impétrante au plaisirs commence à passer une vitesse et à débrayer en puissance, puis accélère délicatement… Ahhhh! Mon truc c’est le DRriving en précision : technicité, force, douceur, et puissance. Si en plus elles essayent de gravir une côte, de se désembourber ou de jouer dans la boue ou la neige comme de vraies pilotes, mais avec des petites mules à semelles bois ou liège très rigides qui se détachent de leurs délicats et très volontaires petits pieds ! Je vais mourir”…
Incontestablement torride ! Le sexe vraiment bizarre se trouve sur Youtube… On l’ignore la plupart du temps, l’habitude, la pudeur ou la naïveté nous empêche de le réaliser, mais la suggestion sexuelle est désormais omniprésente. On tombe facilement sur ce genre de vidéos hébergées sur Youtube ou sur Dailymotion. A première vue, elles ressemblent à un film de vacances raté. On y voit par exemple des pieds en gros plan qui marchent dans l’herbe.
Puis arrive une voiture. Les pieds se défont de leurs chaussures et s’ensuit une langoureuse séance de masturbation pédestre de l’embrayage. Passé la première vague d’étonnement, un rapide coup d’œil à la colonne des vidéos similaires permet de constater qu’elles sont légion et que chacune a été vue plusieurs dizaines de milliers de fois. En farfouillant encore, on trouve des sites spécialisés, en accès libre ou payant. La référence sexuelle y est, bien sûr, plus directement explicite.
My car is my lover 3 http://www.youtube.com/watch?v=z7pDFqV_-ik&feature=related
La sexologue de référence pour la chaine HBO, Susan Block, interviewée pour le Daily Beast, explique à ce sujet : “Le mouvement cinétique est d’essence masturbatoire : les muscles se contractent et se relâchent, tandis que le pied frotte continuellement un symbole phallique : l’accélérateur. L’homme s’identifie à la voiture, et le bruit du moteur renvoie à sa propre libido que la femme fait vrombir”. La spécialiste, affirme que la plupart des adeptes du “Pedal- pumping” qu’elle a pu rencontrer aux USA étaient des républicains conservateur de classe moyenne : “Ces hommes sont plus portés sur les grosses voitures, sans compter qu’ils ne sont pas toujours très heureux de l’émancipation de leurs compagnes. Il restent donc sensibles au fantasme de la demoiselle en détresse : une figure centrale dans ce type de fétichisme. Elles y sont seules et vulnérables, dépassées par la puissance de la mécanique”... Selon S. Block on trouve aussi des “Pedal-pumpeuses” épanouies, d’autres très excitées, en fonction des innombrables variantes et déclinaisons. On entre dans le “Pedal- pumping” par le fétichisme du pied classique. Mais cette version est particulièrement pratique pour les adeptes, car ces vidéos sont faciles à obtenir, souvent gratuites et moins gênantes à regarder en public que du fétichisme hard, qui implique souvent la nudité. En l’état, si elle peut interpeller ou faire sourire, cette tendance encore marginale ne semble pas menacer grand chose d’autre que l’intégrité mécanique de pauvres voitures et l’équilibre de divers couples.
Il n’en reste pas moins inquiétant d’imaginer la représentation de la femme idéale que se font les adeptes de ce genre d’esthétique. Elle est “Objetisée”, lustrée, docile, bien équipée si ce n’est customisée, chère à la pompe assurément, entretenue, jamais en panne et surtout convoitée par les congénères. On trouve d’ailleurs ces images mariant pin-up et grosses cylindrées classifiées sous l’étiquette “Tuning babes”. : Des femmes infantilisées, soumises, vulnérables, malléables, propres à satisfaire la volonté de puissance comme à libérer des frustrations quotidiennes des rapports de domination. A l’heure de l’émancipation féminine, ces messieurs se sentiraient-ils déstabilisés dans la hiérarchie sociale, comme le suggère le Dr Block ? En tout cas la voiture semble un rassurant refuge. La chose devient tout de suite plus inquiétante quand l’élément féminin disparaît totalement pour ne laisser place qu’au sexe, directement avec la voiture.
My car is my lover 4 http://www.youtube.com/watch?v=WiUpXjJj1yU&feature=related
C’est le cas du désormais célèbre Edward Smith, 57 ans. Cet américain originaire de Washington, se vante à qui veux l’entendre d’avoir conclu plus de 1000 relations sexuelles depuis l’âge de 15 ans, mais avec des voitures… et pas seulement les siennes ! Il avoue sans détours avoir convolé avec celles de ses voisins, et même avec certains modèles lors de salons automobiles. L’homme se plaint d’avoir brisé maintes idylles, humaines, celles-ci, pour se consacrer à la mécanique, de cette façon peu académique. Voici 12 ans qu’il n’a plus touché une femme : “Je suis romantique”... proclame t-il. Il confesse écrire des poèmes et chanter pour ses amantes mécaniques toujours consentantes. Il partage aujourd’hui sa vie avec la Coccinelle Vanilla. Il se sont mis en ménage après la rupture d’Edward avec Victoria, une auto en détresse qu’il avait tirée des griffes des témoins de Jéhovah. Mais le septième ciel, le mécaphile l’a touché du doigt dans les années ’80, au cours d’une folle aventure avec un hélicoptère. Et ce n’est pas un cas isolé, puisqu’ Edward a rejoint une communauté de près de 500 Méchaphiles, dispersés aux USA. “Je ne suis pas malade, je ne fais de mal à personne, je penche seulement pour les voitures… Il y a des moments, au milieu de nulle part, où je vois une petite voiture stationnée et je sais qu’elle a besoin d’être aimée. Certaines voitures m’ont attiré tant que j’attendais la nuit pour m’approcher d’elles, les étreindre et les embrasser. Pour ce qui est des femmes, elles ne m’ont jamais vraiment intéressé. Et je ne suis pas gay”, confie le fétichiste. M. Smith assume jusqu’au bout du pot d’échappement son penchant matérialiste, sans prétendre indisposer ni stéréotyper ces dames. Lui au moins, pourra s’acheter à crédit, l’amour de sa vie s’il le souhaite. Reste néanmoins que le transfert psychologique fait froid dans le dos, et traduit l’aspiration à de la “relation sociale” déshumanisée, sans retour ni refus possible, maîtrisée par l’achat et la consommation. Contrairement à d’autres formes de fétichismes, qui transfigurent souvent l’érotisme au travers d’un objet précis, manié ou utilisé par une autre personne, il n’y a ici plus aucune place pour un partenaire humain. Pire encore, la tendance renvoie à une projection du “moi” sur le partenaire sexuel qui procède d’une auto réduction à l’état de produit. “Je veux le produit, j’aime le produit, je voudrais être le produit, je me reproduis avec le produit”…, pour faire de petits produits ? Il serait, pour conclure, inutile de s’étendre indéfiniment sur les scabreuses paraboles concernant les grosses voitures et leurs effets sur une partie de la gent masculine. “My car is my lover”, est un savoureux documentaire qui en dit long sur le rapport du sexe à l’objet. En attendant, vous saurez maintenant que tout le monde ne regarde pas votre voiture comme vous.
My car is my lover 5 http://www.youtube.com/watch?v=GqtgWw141ro&feature=related
Pour certains, la Mécaphilie dépasse le stade de simple fétichisme et tend à s’inscrire dans un le cadre d’un nouvelle orientation sexuelle : l’Objectùm-sexualité. Il s’agit d’une propension à s’unir exclusivement aux objets inanimés, concept qui entend s’inviter dans la ronde déjà confuse des hétérosexuels, homosexuels, bisexuels… et autres asexuels. Une des pionnières célèbres de ce penchant né en Suède, Eija-Riitta Eklöf Berliner-Mauer, épousa en juin 1979 l’objet de son vrai désir, le Mur de Berlin… et changea son nom de famille pour celui de Berliner-Mauer. Dix ans plus tard, Eija-Riita, jeune veuve, entreprit alors de se remarier avec une barrière rouge, logo actuel de la communauté des “Objectùm-sexuels”. Par son coming-out maintes fois médiatisé, cette égérie incarne depuis bientôt 30 ans, l’espoir de reconnaissance des adeptes de l’objet…