Si on n’a pas de Rolex à 50 ans, c’est qu’on a raté sa vie…
Lire ce genre d’imbécilité rend-t-il meilleur et moins égocentrique ? Les rêves des aspirants milliardaires dans le sillage de Jordan Belford et autres dont Bernard Madoff…, seraient des Rolex, des Ferrari, des Rolls, des Yachts, des villas gigantesques et des top-models…, ils signent des deux mains et paraphent avec leur pénis la profession de foi de Jacques Seguela faite sous la présidence française de Nicolas Sarkozy…
On lit parce qu’on est intéressé par le vaste éventail des expériences humaines, parce qu’on veut s’inviter dans l’étroit sanctuaire d’une altérité particulière, pour ressentir la témérité et le désespoir de Quelqu’un ou connaître la forme et le poids de ses obsessions… et par conséquent une parcelle de l’humanité elle-même… surtout si elle comprend : partouzes, fellations professionnelles sadomasochistes, baises crades sur un lit de millions en billets de banque et balades à tombeau ouvert au volant de stupidités hors de prix…
Vous vous octroyez ainsi à vous-même la permission de vous évader des affaires humaines, pour vous abstraire dans des lieux où vous serez à l’abri de l’exigeante présence des autres comme vous (sic !)…, c’est une sorte d’exposition au monde au-delà de votre propre personne !
L’hypothèse selon laquelle la lecture est une activité éthiquement salutaire (gag !) est d’autant plus attirante que l’on y consacre davantage de temps à se masturber les neurones…, il y a au fond quelque chose de rassurant dans l’idée que l’on puisse jouir puis devenir meilleur, pas juste physiquement, mais intellectuellement, moralement aussi…
Mais…, dans les rayons des libraires et des supermarchés de la consommation, les vieux philosophes étudiés durant l’adolescence, du genre vivant dans un tonneau ou enfermé dans un cul de basse-fosse… sont cachés-occultés par des philousophes immoraux qui s’écrivent parler… et par “les nègres” d’escrocs qui tentent d’assurer leur naufrage en contant leur ratage : pouvoir, argent, démesure, sexe et trahisons…, un grand cirque barnum, barjot et barré…, mais en fait de littérature, on se retrouve à lire ce genre de phrase-conseil : “Si tu veux durer dans ce métier et t’en mettre plein les poches, masturbe-toi un max, afin d’être détendu… et, en plus, prends-toi un max de Coke pour avoir le cerveau hyper-rapide”…
Rassurez-vous, je ne vais pas vous assomer avec la philosophie suicidaire des sempiternels Levy, Musso & cie, ni entrer dans le jeu de Jacques Séguela et des politiciens en quète de voix pour assouvir leurs envies…, mais simplement survoler une partie de la réalité de ceux qui achètent les automobiles, avions, yachts, propriétés et femmes… hors de prix et de rêves fantasmés (sic !)…, qui vous font saliver…, au point que vous lisez (parfois) leur littérature… comme si vous achetiez un mode-d’emploi…
Je viens juste de vivre un déménagement dont une partie non négligeable a été consacrée à la manipulation, au tri et au crapahutage de bouquins. En enlevant ces livres des étagères et en les mettant dans des cartons (et puis en les sortant des cartons pour les remettre sur les étagères d’une autre maison) je me suis retrouvé à penser à tout ce que ce temps passé à lire m’avait apporté au final.
J’ai presque tout oublié du contenu d’une grande partie de ces livres ; tout ce qu’il me reste d’Oblomov, par exemple, c’est l’image d’un aristocrate russe potelé en robe de chambre (mais est-il seulement potelé ?)… et au fond mon seul souvenir du Libra de Don DeLillo, c’est que c’est un livre génial qui parle de Lee Harvey Oswald.
Je me suis surpris à essayer de quantifier le reliquat de toutes ces lectures; qu’avaient-elles laissé derrière elles, avaient-elles changé qui j’étais… et dans quelle mesure ? Il devait sûrement y avoir une sorte d’effet cumulatif, un angle sous lequel on pourrait dire que ça m’avait rendu meilleur ou plus sage…, mais tout ce que j’arrivais à me dire c’était : Si toutes ces lectures m’ont rendu meilleur ou plus sage, j’ai peur de penser au monstre que je serais si je n’avais pas lu “les mémoires de Jordan Belfort”… (par lui-même)…
Né dans le Bronx dans une famille de classe moyenne, le petit Jordan se révèle être un génie de la vente dès son adolescence…, il enchaîne les petits boulots pour financer ses études à l’université, où il ne mettra (presque) pas les pieds…, pour faire plaisir à sa mère, il rentre en école de dentiste mais il abandonne dès le premier jour…, des études trop longues pour un salaire trop faible aux yeux de ce jeune ambitieux qui préfère se lancer dans le commerce. Il fait ses débuts comme vendeur de homards et de steaks surgelés en porte-à-porte, avec un bagou qui lui permet de battre les records de vente dès sa première semaine…, Belfort monte ensuite son business de surgelés qui fait rapidement faillite…, les huissiers saisissent sa Porsche, un épisode qui lui arrache une larme…, mais il ne s’apitoie pas longtemps sur son sort…, il a 24 ans, du talent et il a besoin d’argent, Wall Street est la destination toute trouvée.
Jordan Belfort était de ces vendeurs qui entrent par la fenêtre quand on les met à la porte…, sa référence absolue était Gordon Gekko dans Wall Street.
Le trader s’est mis en tête de dépasser le modèle…, il commence sa troisième vie professionnelle le 19 octobre 1987, jour du krach… et finit chômeur le soir…, il trouve un job relativement lucratif quelques jours plus tard dans une société de courtage spécialisée dans les “penny options”, avant de créer sa propre firme : Stratton Oakmont, avec une bande de copains plus nuls les uns que les autres.
Stratton Oakmont devient l’une des plus grosses sociétés de courtage de New York.., sous les ordres de Belfort, une armée de très jeunes traders (jusqu’à un millier à l’apogée de la boîte) est chargée de lever des capitaux pour des entreprises en convaincant des boursicoteurs de devenir actionnaires…, en réalité, Belfort fait grimper artificiellement le cours de ces actions en investissant lui-même dans les sociétés…, une fois que ses clients ont acheté des parts, il revend les siennes à profit, ce qui entraîne la chute du cours et la ruine des autres investisseurs.
Ses employés, formés par ses soins, ont pour ordre de harceler les clients par téléphone pour leur écouler les actions, et de ne jamais raccrocher avant que le client n’achète ou ne meure…, dans les bureaux, il règne un vacarme assourdissant et un sentiment de puissance enivrant qui tourne parfois à l’orgie : “C’était grisant ; c’était séduisant ; c’était libérateur ! Ça nous aidait à atteindre des buts qu’on n’aurait jamais pensé être capable d’approcher. Et ça nous emportait tous, surtout moi”, écrit Belfort.
La fortune lui sourit, cette magouille fonctionne à plein régime pendant près d’une décennie, durant laquelle Belfort empoche jusqu’à 500 millions de dollars chaque année… et, de façon très rock’n’roll il entre en religion en adorant la sainte trinité du système : sexe, drogue, fric…
Grosso modo, sa vie se réduit à une longue orgie…, la psychanalyse liant l’argent à l’analité, il sniffe de la coke dans l’entrefesse (le cul) de prostituées…, le Loup de Wall-Street et ses gremlins sous Viagra se livrent compulsivement à des pantomimes sodomites, tirent à qui mieux mieux des doigts d’honneur…, les toilettes de Stratton Oakmont sont décrétées espace non baiseurs, pictogramme à l’appui…
La seule vue d’une jolie femme lui inspire publiquement des madrigaux délicats, tels : Je la baiserais même si c’était ma sœur…, ou je la laisserais bien me filer le sida... et, au-delà du langage parlé, il se masturbe devant elle au milieu de ses invité(e)s…, même un bonobo a plus de retenue.
Il se paie quelques Ferrari et Lamborghini, une Rolls aussi, le yacht de Coco Chanel, plusieurs bus de blondes et des montres en or… avec une obsession : Ne jamais raccrocher le téléphone avant que le client n’ait acheté ou ne soit décédé…, le magazine Forbes fait de lui le Robin des bois moderne : celui qui vole les riches pour donner… à lui-même !
Jordan qui pouvait parfois gagner 50 millions en 30 secondes, a écrit sa propre morale avec des lignes de coke longues comme des rails sur la prairie, a possédé des putes sur des matelas de billets de trois millions de dollars…, au bureau, ses collaborateurs ont été priés de communier en faisant péter les braguettes et les soutiens-gorge ensemble… et puis le yacht chavire sur les côtes de Sardaigne…
En 1994, la Securities and Exchange Commission (la SEC, l’organisme fédéral chargé de réguler les marchés financiers) épingle Stratton Oakmont pour fraude, mais le procès est vite résolu, l’entreprise verse une amende de 2,5 millions de dollars tandis que Belfort et ses associés s’en tirent pour 100.000 dollars chacun…, aucun n’est reconnu coupable de fraude…, les affaires peuvent reprendre.
Au lieu de disparaître et se la couler douce pour 1.000 ans, Jordan Belfort préfigure la bétise primaire de Bernard Tapie alors qu’il vient de palper près d’un demi-milliard d’euros…, il dépense et continue…
En 1998, c’est le FBI qui se penche sur les affaires pas très nettes de Jordan Belfort, cette fois, il est officiellement inculpé pour fraude et blanchiment…, son avocat Ira Lee Sorkin (qui défendra un autre escroc de légende, Bernard Madoff), le décrit comme un génie de la vente qui s’est laissé emporter par l’hubris…, c’est la chute, la justice condamne le loup de Wall Street à 4 ans de prison, une peine allégée de moitié car il coopère avec le FBI et balance ses anciens employés…
Il intègre la prison de Taft, en Californie, en 2004…, dans sa cellule, sur les conseils de son codétenu, Belfort, qui cite Hunter S. Thompson et Le Bûcher des vanités de Tom Wolfe comme références littéraires, commence à rédiger ses mémoires…, la suite, c’est Hollywood, Jordan a mûri… et la rock-star du New York Stock Exchange regarde les Goonies en boucle…
Le repenti de Wall Street a écrit sa biographie…, Leonardo DiCaprio l’a interprèté en rêvant de l’Oscar et Jordan se refait(un peu) avec les royalties de vos tickets : la vie est belle…
Au début du mois, le journal Science a publié une étude présentant des preuves que les relations sociales gagnent en qualité grâce à la lecture d’œuvres de fiction… et plus particulièrement à la littérature haut de gamme : sans nul doute qu’il ne s’agit pas de Jordan Belfort, mais des Russes du XIXe siècle, des modernistes européens, des noms contemporains les plus prestigieux.
Cette expérience, conduite par les psychologues Emanuele Castano et David Comer Kidd, révèle que les sujets qui lisent des extraits de romans et se soumettent immédiatement après à des tests mesurant le niveau d’empathie, la perception sociale et l’intelligence émotionnelle (où ils regardent des photos d’yeux et doivent deviner quel genre d’émotions ils traduisent), obtiennent de bien meilleurs résultats que d’autres sujets qui lisent des extraits de livres sérieux autres que des romans ou de la littérature de genre.
Leur découverte fondamentale est que lire de la fiction littéraire, et uniquement de la fiction littéraire, renforce temporairement ce qu’on appelle la Théorie de l’esprit…, cette capacité à imaginer et à comprendre l’état mental d’autrui.
La réaction a été considérable et, comme on pouvait s’y attendre, enthousiaste à une écrasante majorité…, Louise Erdrich, dont le roman Dans le silence du vent a été utilisé comme exemple de fiction littéraire dans cette expérience, est citée dans le reportage du New York Times évoquant ces travaux : C’est pour ça que j’adore la science, dit-elle ; les psychologues ont trouvé une manière de prouver la véracité des intangibles bénéfices de la fiction littéraire…
Enfin, la science vient de valider l’une des idées les plus chères au cœur du monde littéraire sur la valeur de la littérature…, même si l’étude n’a fait que mesurer des bénéfices à très court terme de l’exposition à de petites doses de fiction, elle a largement été comprise comme illustrant une vérité plus large sur les effets moralement édifiants de la chose, la notion que lire fait de vous une personne meilleure et plus encline à l’empathie.
De toute évidence, cela n’a rien de nouveau…, si le roman, depuis ses débuts, a souvent fait l’objet d’une sorte d’angoisse auto-ironique sur les dangers d’un investissement excessif dans la fiction (cf Don Quichotte, L’abbaye de Northanger et cette pauvre vieille Emma Bovary pour plus de détails), le consensus prévalant parmi les écrivains est généralement que nous projeter dans des esprits et des vies fictionnelles rehausse nos facultés morales…, pratique qui renforce nos capacités à l’empathie envers les esprits et les vies d’autres humains existant réellement. Notre concept moderne d’empathie vient de l’allemand einfühlung, qui exprime une projection de ses propres émotions chez l’autre, et il est tout à fait logique que nous associions cette qualité aux capacités littéraires de projection affective.
De tout temps, les romanciers ont eu tendance à cultiver l’idée que l’art narratif peut nous extraire de notre suffisance égoïste pour nous plonger dans un sentiment plus profond des expériences et des souffrances d’autrui. George Eliot, dans un essai sur le réalisme allemand, a écrit que : le plus grand bénéfice que nous devions à l’artiste, qu’il soit peintre, poète ou romancier, c’est le prolongement de nos sympathies. Les appels fondés sur des généralisations et des statistiques requièrent une sympathie toute faite, un sentiment moral déjà en activité; mais une image de la vie humaine telle qu’un grand artiste peut la dépeindre surprend même le superficiel et l’égoïste et éveille cette attention pour ce qui est distinct d’eux, que l’on pourrait appeler le matériel brut du sentiment moral.
David Foster Wallace dit quelque chose d’assez comparable, bien que plus pessimiste, sur le degré auquel une authentique connexion est possible : Nous souffrons tous seuls dans le vrai monde. L’empathie réelle est impossible. Mais si une fiction peut nous permettre grâce à notre imagination de nous identifier à la souffrance d’un personnage, alors nous pouvons aussi plus facilement concevoir que d’autres s’identifient à la nôtre. C’est nourrissant, rédempteur; nous devenons moins seuls à l’intérieur. C’est peut-être aussi simple que ça…
Cette recherche est donc, dans un sens, la répétition assez banale d’une chose depuis longtemps considérée comme un article de foi par de nombreuses personnes pour qui la littérature est davantage qu’un simple moyen de fuir la réalité. L’importante différence ici, évidemment, c’est que c’est la science qui nous dit cela de la littérature et pas la littérature elle-même…, par conséquent cette idée paraît davantage, à tort ou à raison, une donnée digne de confiance.
Mais bien que je croie que la littérature est un aspect immense et indispensable de notre humanité…, que les livres sont, comme le dit Susan Sontag, rien moins que «un moyen d’être complètement humain»…, j’ai senti qu’il y avait quelque chose de bizarrement réducteur… et peut-être même d’absurde, dans l’idée de faire ainsi rendre des comptes à la littérature.
À faire asseoir des gens et à leur donner un bout de Tchékhov à avaler, avant de mesurer l’augmentation à court terme de leur capacité à lire les expressions faciales des autres (d’ailleurs la faculté de lire correctement des émotions sur des images de visages se traduit-elle réellement par une vraie empathie ? Je peux reconnaître que vous souffrez sans pour autant sentir cette reconnaissance exercer la moindre force en moi, encore moins me pousser à faire quoi que ce soit pour modifier cet état de chose)…
Se demander si la lecture de fiction littéraire fait vraiment de vous quelqu’un de meilleur me dérange…, pas seulement à cause de la réponse mais simplement parce qu’il n’est peut-être pas pertinent du tout de poser la question…, cela implique une légitimation assez étroite et réductrice de la lecture…, on court le risque quelque part d’instrumentaliser moralement la littérature, en estimant que sa valeur se mesure en termes de capacité à faire de nous des gens meilleurs.
Il y a par exemple une qualité étrangement révélatrice dans le vocabulaire utilisé par le journal Atlantic Wire lors de son reportage sur le même genre de recherche conduite aux Pays-Bas au début de cette année : «Les lecteurs qui se plongent émotionnellement pendant des semaines entières dans des fictions écrites, peuvent aider à augmenter leurs capacités d’empathie… Lorsqu’on mesure les facultés d’empathie et les émotions que les participants déclarent éprouver avant et après ce genre de séances de lecture, on trouve que les lecteurs de fiction ont bénéficié d’un plus grand entraînement émotionnel que les lecteurs de non-fiction»…
Il est peut-être injuste de trop insister sur le choix sémantique d’un seul auteur pour donner un cadre au débat (surtout sur une quatrième de couverture), mais on ne peut manquer l’allusion à une certaine vision de la littérature, implicite dans cette façon d’y réfléchir : la littérature envisagée comme un entraînement sportif intensif pour l’esprit, comme un parcours cardio pour cœurs sensibles.Il me semble que la place de la littérature dans notre monde, l’utilité de lire de la fiction suscitent chez nous une certaine angoisse.
Si nous pouvons répondre à la question : Pourquoi lisons nous ? par l’affirmation empiriquement vérifiable que cela nous rend plus à l’écoute socialement, alors la littérature semble avoir un rôle identifiable, une fonction utile dans nos vies. Peut-être est-ce le cas ; peut-être lire Kafka ou Woolf ou Naipaul fait-il réellement de nous des humains meilleurs et plus empathiques… et pourtant dans ce cas comment situer nos misanthropes littéraires fanatiques, nos Bernhard, nos Houellebecq, nos Céline ?
Mais même si ce n’était pas le cas, même si la lecture faisait de vous quelqu’un de moins bon –si vous étiez tellement captivé par la lecture de Karl Ove Knausgaard que vous en omettiez d’emmener vos pauvres enfants morts d’ennui au parc, la lecture n’en serait pas une activité moins vitale pour autant.
J’ignore si tous ces cartons de livres ont fait de moi quelqu’un de meilleur ; je ne sais pas si je suis grâce à eux plus gentil et plus réceptif, ou s’il m’ont rendu plus introspectif, détaché et égocentrique. C’est plus probablement un ensemble de toutes ces caractéristiques, qui, allez savoir, s’annulent peut-être même entre elles…, mais ce que je sais, c’est que je ne voudrais pas ne pas posséder ces livres ou ne pas les avoir lus… et que l’importance qu’ils revêtent à mes yeux n’a à peu près rien à voir avec leur éventuelle capacité à faire de moi quelqu’un d’attentionné…Toutefois, pour moi (et d’autres) si lre c’est bien, se relire c’est mieux, car cela implique qu’on sait écrire plus que des phrases de mots !
C’est pas simple d’écrire, il faut trouver les mots et les mettre en phrases…, un assemblage de mots qui commence traditionnellement par une majuscule et se termine par un signe de ponctuation fort (point, point d’interrogation, point d’exclamation, points de suspension)…On distingue plusieurs types de phrases en fonction de l’intention du locuteur, même que des fois il y a des phrases qui se font passer pour ce qu’elles ne sont pas, mais c’est une autre histoire… Il y a aussi des phrases simples et des phrases complexes, mais c’est trop simple ou trop complexe pour qu’on en parle ici.
Vous venez d’acheter un signe de ponctuation fort, une majuscule et un certain nombre de mots au supermarché littéraire du coin…, poussé par un enthousiasme débilitant qui fait toutefois plaisir à voir lorsqu’on déprime…, vous décidez de faire une phrase sur le champ (vous pouvez essayer de la faire sur la place du marché, le résultat sera également digne d’intérêt). La question est la suivante : Qu’allez-vous mettre dans votre phrase afin d’éviter les solécismes et pour qu’elle soit syntaxiquement correcte ?
– Est-ce qu’il faut un verbe ? – Pas forcément.
– Un nom ? – Non.
– Un adjectif ? – Non aux adjectifs.
– Un déterminant ? – Si toi y en a parler petit nègre ou latin, toi pas avoir besoin déterminant.
– Un pronom ? – Cet article n’est pas un référendum sur la constitution européenne, ne mélangeons pas les sujets.
– Un adverbe ? – Quelle idée!
– Une conjonction de coordination ? – Laissez Ornicar où il est.
– Une conjonction de subordination ? – Pas de subordination, nous sommes tous égaux.
– Une préposition ? – Pas de préposition non plus.
– Une boîte à choux-fleurs ? Une pince à écrevisse ? Un raton laveur bègue ? Un dictateur biafrogalistanais ? – Non, non, rien de tout cela n’est nécessaire…
En fait, vous mettez absolument ce que vous voulez dans votre phrase, toute la subtilité consiste à ne pas mettre les éléments choisis dans n’importe quel ordre.
La langue française fait en effet partie de la catégorie des langues ordonnées (celles qui rangent correctement leur chambre) et s’oppose en cela au latin qui fait partie de la catégorie des langues bordéliques.
Il faut en effet savoir qu’en latin, vous pouvez mettre n’importe quoi dans n’importe quel ordre…, en atteste cette citation de Quintilien dans son fameux traité de ordine linguae latinae : L’ordre des mots dans la phrase ? On s’en f…, les profs de latin vont tout ranger, ils sont payés pour ça….
C’est d’ailleurs suite à l’agacement profond provoqué par ce désordre que Cicéron décida de créer la langue française…, malheureusement son oeuvre inachevée ne fut découverte qu’au XVIIème siècle par Jean Racine qui fit passer cette innovation comme étant son invention à lui…
Au fait…, j’en reviens à la phrase de Jacques Seguela…, ce n’était pas gratuit, ni une pensée philosophique, c’était une putain de pub destinée à faire le buzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz en faveur de Rolex !