Snob, its’nt ?
Sur les bords de la Mediterrannée, Monaco déroule ses palaces jusqu’à la mer.
Pour égayer les jours paisibles des fortunes alanguies sur les pontons des yachts amarrés, chaque année, les berlines avec chauffeur cèdent leur place aux bolides surchauffés pour quelques circonvolutions endiablées.
Mais le fortuné se faisant âgé, l’Automobile Club de Monaco a eu la belle idée de lutter contre l’Alzheimer des élites richissimes du Rocher en leur proposant quelques exercices de mémoire.
Sous leurs yeux blasés, les reines de la vitesse qui ont un jour foulé le goudron princier, peuvent défiler comme au premier jour, ravivant ainsi les souvenirs des membres des hospices monégasques aux noms évocateurs de : Grand-Hôtel, Hermitage ou encore Hôtel de Paris.
Mon immense réputation me donne, à chaque fois que ce barnum a lieu, le privilège de me joindre aux petits jeux de la haute société…
En approchant, loin des miaulements hystériques des V-8, V-10, V-12 et V-16 informatisés actuels, les sonorités qui emplissent mon canal auditif s’étalent de l’hésitant glougloutement répétitif aux graves vociférations musclées, en passant par des couinement de crécelles stridentes qui sont autant de symboles des réglementations sportives successives.
Au détour d’une résidence, des images d’un autre temps viennent s’ajouter à ces symphonies plurielles.
Alfa Romeo P3 1934, Delage 1500 1927, MG K3 1933, Bugatti 35 1925, Maserati 26M 1930 ou 4CL 1939, Alfa Romeo 12 C 1937…, ces ancêtres viagralement revigorées habituellement figés dans la chimie des photos sépia, s’ébattent comme de jeunes jouvancelles dans les méandres monégasques.
Loin de s’organiser en processions contemplatives, ces grand-mères sont menées à la cravache par des gérontophiles avertis, aux gestes amples mais précis.
Ce sont les mêmes qui, dans un désir inassouvi, vont s’attacher ensuite à dompter des montures de plus en plus jeunes telles que les Maserati 250 F 1954, March 711 1971, Tyrrell P34 1976, BRM P201 1974, Matra MS 120 1971…..
Sans ménager leur peine, ces autos et ces hommes taquinent un chronomètre désormais au millième de seconde dans des hurlements pneumatiques et des effluves caoutchouteuses qui rendent ces joutes historiques d’une trivialité fort plaisante.
Et si jamais les blasés que vous êtes et qui me lisez n’étaient pas repus de mes descriptions, sachez que le Grand Prix de Monaco fut ouvert (en 1952 seulement) aux GT les plus enivrantes qui soient, ce qui donne donc l’occasion d’admirer ces voitures de sport glisser élégamment sur le bitûme princier.
L’orgasme auditif qui prévaut avec les monoplaces cède alors la place à une jouissance visuele devant les formes généreuses façonnées à la main par des artistes de l’aluminium ; Jaguar Type C, Frazer Nash le Mans, Osca MT4, Cisitalia 202 MM, Veritas RS…
Autant de voitures mythiques qui ne laissent personne insensible…, pendant ce temps, les alentours sont peuplés d’incroyables énergumènes et de leurs montures qui se succèdent à un rythme régulier.
Le spectacle en décor naturel tient du merveilleux, presque du magique.
Les pilotes d’occasion empruntent les routes ouvertes à la circulation mais s’évertuent tout de même à offrir des passages “colorés” au gré de leurs capacités et surtout du bon vouloir de leur partenaire à 4 roues.
Ainsi, si quelques dérobades incongrues et inesthétiques peuvent être mises sur le compte d’un manque de pratique, voire d’un oubli manifeste de la définition rustique du train arrière, certains s’ingénient, dans un ondoiement maitrisé de leur destrier, à signer le macadam d’arabesques de gomme brulée, arrachant ainsi des cris d’émerveillement aux badauds présents en nombre.
Entre autres images notables j’ai pu admirer une pachydermique Jaguar MK II enroulant un 180° dans une torsion structurelle presque perceptible, une Jaguar XK 150 d’un blanc pur, presque irréel, se faufilant à travers les arbres dans un silence feutré et une onctuosité toute britannique, ou encore les hurlements suraigus d’une Saab 96 Monte Carlo 3 cylindres multicolore, mais aussi le sortilège auditif lancé à chaque pression sur la pédale des gaz par un V6 Ferrari habillé magistralement par Gandini en Lancia Stratos, puis enfin les dandinements joyeux de quelques roadsters anglais de toutes marques comme s’ils répondaient au même cahier des charges !
Tout cela m’aura permis l’exhumation bienfaitrice de sensations et d’ambiances du passé aux vertues revigorantes pour le dépressif automobile que je suis devenu.
En effet, chacun sait qu’en cas de vague à l’âme trop prononcé, il me suffit de retourner analyser la dynamique des fluides d’un sein, ondulant à un rythme syncopé pour me projeter à nouveau dans un océan de bonheur béat. La vie est ainsi faite.
Ainsi soit il…
Lorsque le jour et le tumulte se taisent sur Monaco, laissant le clapotis d’une Méditerrannée bienveillante se faire à nouveau entendre, dérangeant à peine l’alignement des yachts ammarés, les défilés mécaniques de l’après midi déjà oubliés, les riches vieillards s’émoustillent à l’idée de peut-être obtenir quelques faveurs de leurs jeunes maîtresses lassives, et moi, je quitte à regret la principauté et son manège enchanté, les yeux rougis et pas seulement par les gaz imparfaitement brulés.
Il y a des jours comme ça où l’on se dit que tutoyer les anges est possible…
La vie est parfois cruelle.
Ne vous est-il jamais arrivé de vous retrouver au volant d’un véhicule ne convenant absolument pas à votre rang ?
Vous avez tous connus cette désagréable sensation de ne pas être à votre place, de ne pas avoir le bon comportement, les bons gestes, d’être dans l’impossibilité de faire corps avec cette automobile si hostile, si incongrue …
J’ai réfléchi à cet épineux problème et c’est avec plaisir que je vais vous offrir quelques conseils avisés pour une conduite aisée dans les situations les plus inattendues.
Back to school gentlemen ! Oubliez tous vos appréhensions !
J’ai choisi de débuter par un des cas de figure les plus complexes qui soit : comment conduire une voiture de luxe ?
Il faut tout d’abord assimiler certaines règles de base.
Une voiture de luxe ne se conçoit pas qu’avec une carrosserie noire et un intérieur en cuir beige.
N’oubliez pas ce principe de base : le propriétaire d’une voiture de luxe n’est pas nécessairement, donc pas toujours, un grabataire adipeux suintant l’argent !
Non !
Ce que tout propriétaire de voiture de luxe veut à tout prix, c’est de se faire remarquer de la manière la plus perfidement ostentatoire qui soit !
Qu’il soit jeune ou vieux, même entre deux, et plus encore si “il” est une “elle” !
Notons qu’il y a parfois des exceptions.
Moi par exemple…
Une fois cette règle assimilée, tout devient plus facile.
Etes-vous prêt pour votre première leçon ?
Très bien.
Avant même de démarrer le moteur, pensez à brancher vos phares.
On doit pouvoir vous voir de loin.
N’oubliez pas que votre véhicule de luxe a été choisi pour attirer le regard, la convoitise et la jalousie des autres usagers de la route.
Il convient donc d’adopter un comportement hautain et condescendant à chaque occasion.
Lorsque l’on vous observe, n’oubliez pas de jeter un regard méprisant de biais, la tête légèrement en arrière, avant d’accélérer avec un petit rictus.
OK ?
Facile, non ?
Bien, il est temps de vous rendre sur une autoroute, terrain de prédilection de votre automobile.
N’oubliez pas que tout autre automobiliste est tenu de vous céder la file de gauche.
Dans le cas contraire vous êtes en droit d’exiger le passage en usant comme suit : activez votre clignotant gauche à l’approche de tout véhicule, puis procédez à de brèves impulsions rapides sur la commande de pleins phares, que vous prolongerez au fur et a mesure de votre approche.
Ne ralentissez pas !
Jamais !
Sauf en extrême limite, si le fautif n’a pas cillé, alors vous freinez puissamment afin de vous coller à son pare choc (Un certain entraînement s’impose avant de vous adonner à ce subtil exercice).
Je vous devine frémir à l’évocation de ce cas pratique.
Je vous assure que cela est d’une facilité déconcertante et qu’une fois passée la peur bien compréhensible de la première fois, ce réflexe se muera en seconde nature.
Vous comprendrez aisément ainsi l’importance d’un éclairage puissant.
Situation :
Nous roulons tranquillement sur l’autoroute quant tout à coup un besoin naturel se fait sentir.
Que faire ?
Solution de l’exercice :
Tout d’abord s’assurer que les phares sont bien branchés.
Puis, arriver de façon prompte à la station service et rechercher une place en face de la vitre du bar (là même ou les petites gens boivent leur café d’un air désabusé en contemplant le morne parking).
Le cas échéant attendre qu’une place se libère.
Ne pas sortir de la voiture précipitamment, il s’agit de bien se faire remarquer.
Sortir du véhicule en faisant mine de ne pas la fermer (nous vous rappelons que cela se fait de façon automatique, n’oubliez pas par contre de couper les phares).
Rentrer dans la station et se diriger vers les commodités en passant devant les badauds tout en sifflotant un air a la mode, si possible un revival disco.
Ne pas oublier d’avoir les 2 boutons supérieurs de sa chemise déboutonnés.
Ce qui se passe ensuite est à votre discrétion.
Une fois votre besoin satisfait refaire le chemin inverse de la même façon.
La manière d’entrer dans la voiture est très importante :
Ne pas donner l’air d’avoir verrouillé la voiture, ne pas oublier que l’on est observé, envié et jalousé.
Passer la boite de vitesse automatique en mode sport et tenter de battre un record d’accélération en sortie de station.
Tellement évident n’est-il pas ?
C’est également totalement crétin…
Et n’oubliez pas, d’abord le clignotant, ensuite l’appel de phare !