Spohn-Asylum…
Je déambulais sur la pelouse de Pebble-Beach, alors que la fatigue semblait suinter de mes pores comme de la mélasse, tout en pensant : “J’espère que cette comédie va bientôt se terminer”… et paf…, je tombe sur une chose dont je ne peux pas détourner le regard : “C’est vraiment très laid, surtout de”l’avant”…, que je me dis… Puis j’en fais le tour quatre ou cinq fois, riant de plus en plus fort, tout en ayant envie de pleurer… et par hasard je vois un logo : Spohn… Cela à, en moi, ravivé des souvenirs… La première fois que j’ai entendu parler d’une Spohn, c’était il y a 30 ans…
C’était lors d’une discussion concernant les automobiles improbables, qui se déroulait dans un bar à putes d’Anvers (c’est en Belgique), il a d’ailleurs pas mal changé depuis, ça ne s’adressait pas vraiment à moi ni aux consommateurs en quête de bons plans sexuels, mais le tôlier possédait une VW Cox customisée par Spohn et cherchait à la vendre, en parlant à tout le monde… A moi aussi… Son idée était de la refiler prioritairement à un client de ses protégées qui “montaient” pour pas grand chose, ce qui contribuait à la déconfiture de ce “commerce” qui battait de l’aile depuis six mois malgré ses spectacles pornos…
C’était un bon moyen d’avoir des réductions, mais c’était surtout utile pour découvrir des aventures sexuelles bizarres qui n’auraient jamais dû naître dans des esprits sains… Dans ce bar malfamé, ou je m’attendais bien entendu à devoir supporter des trucs pourris, je m’étais assis parmi des “nerds” en sueur bloqués sur leurs chaises, applaudissant poliment de temps à autre une performance banale… et aidant à pourrir un peu plus le spectacle (qui l’était déjà) en disant assez fort que c’était horrible. Ils étaient débilitants, on s’en faisait une opinion sans même sans les voir, condamnés à l’échec car ils annonçaient la couleur sale des dessous, tandis que les nananas semblaient crier : “S’il vous plaît, lâchez-nous un peu de blé, on est prêtes à accepter n’importe quelle somme !”…
L’ambiance glauque parvint à merveille à me faire prendre conscience de ce fait gênant : je glandais grâââââââve à voir un spectacle mal joué par des péripatétitiennes hypersexualisées… Le taulier est venu près de moi pour me dire : “Écoute, Patrice, je suis désolé. Je me ferai pardonner, je te promets. Achète ma VW Spohn et tu auras en prime gratuitement une de mes putes chaque soir durant un mois”… Un arc-en-ciel de nananas nues suivaient sa phrase… La seule chose que j’avais en tête, c’était les vannes que je pourrais faire sur la taille des seins de celle qui avait le premier rôle…
Le taulier s’appellait Jeff’ke Van Yperzelle et il dégageait assez d’énergie pour recharger les batteries de cinquante voitures. Il me soulait un peu au début, mais j’ai commencé à m’attacher à ce bon vieux Grozyeux, peut-être parce qu’il était vraiment à fond dans son personnage de proxénète graveleux qu’il incarnait avec ferveur, peut-être aussi que Jeff’ke s’accrochait vraiment à l’espoir de revendre un jour, pour de vrai, son horrible VW Spohn. Vers la fin du cinquième Mojito, j’étais déjà dedans, prêt à suivre n’importe quelle nanana dans le terrier du lapin blanc avec l’optimisme solaire d’un lunatique éclairé.
J’ai repéré plusieurs explications qui devaient être foireuses…, ça aurait pu mal se passer, c’est la p’tite seconde de silence en plus, celle où on se demande ce qui se passe, qui a fait toute la magie du truc : “Bordel… de… merde, Pat…, putain…, achète-là moi”…, a fini par lâcher Jeff’ke… Et bim…, j’ai acheté la Spohn VW pour 10.000 francs belges d’il y a 30 ans (l’équivalent de 250 euros actuels)… et j’ai pu me “taper” une nanana chaque soir durant une semaine. Après le bar fut fermé pour cause de disparition du taulier vers l’Amérique du sud ! J’ai vendu la Spohn quelques mois plus tard à un allemand fanatique…
Il m’en a donné beaucoup plus (les faits sont prescrits, mais je reste méfiant, les fiscards lisent mes mémoires et notent absolument tout)… J’en reviens à la Spohn qui m’a frappée à Pebble-Beach… A force de tourner autour (d’elle), son propriétaire intrigué par mon attitude, est venu me dire qu’elle avait été construite en 1957, que c’était une décapotable Spohn, l’une des dernières construites (c’est une bonne chose à mon avis), que Spohn était un génie de la carrosserie qui vivait et œuvrait à Ravensburg en Allemagne ou il avait créé quelques carrosseries pour Maybach avant la dernière guerre !
Intarissable, il m’a expliqué qu’après la guerre, Spohn avait acheté énormément d’anciennes voitures de l’armée pour en utiliser les châssis, qu’il carrossait en voitures exceptionnelles : “Chaque voiture construite par Spohn l’a été selon les spécifications des acheteurs. Moins de 200 Spohn’s ont été fabriquées et aucune d’elles ne se ressemblent”… m’a-t-il expliqué ! (c’est également une bonne chose qu’il n’y a pas une autre laideur comme celle-ci)…“Cette Spohn très particulière est considérée comme une Spohn 1957, année ou elle fut construite, mais elle était basée sur un châssis de Ford 1939 avec un moteur V8 d’une Cadillac 331ci 1953″…
Il a ajouté : “Je ne vais pas dévoiler les noms des précédents propriétaires, mais l’un d’eux est la star d’une émission très populaire aux USA qui collectionne les voitures classiques. Ah ! Au fait si un jour vous trouvez une VW Cox-Beetle Spohn, je suis acquéreur, je suis prèt à la payer 1 million de dollars”… J’ai cru m’évanouir. Jai titubé… Je me sentais mal… Je lui ai dit que c’était la fatigue et la chaleur, je n’aurais jamais osé lui causer que j’avais été (brièvement) propriétaire d’une VW Spohn acquise pour 10.000 FB ( 250 euros) en ce compris le bénéfice de me faire masturber une semaine par les péripatéticiennes du bar “Chez Jeff’ke”…
Tout est dans les petits détails… et le propriétaire de la Spohn de Pebble-Beach s’est mis à rouler des yeux de façon démoniaque, devinant que j’en savais plus… “Vas-y ! Finis-le !” a soudain braillé son copain… “Il doit en savoir plus qu’il ne veut bien en dire” a-t-il crié, ce qui a provoqué chez moi une forme de rire qui hante jusqu’au lendemain ! La clé, c’est l’équilibre, on peut s’empêtrer sans problème dans des blagues provoc’ de temps en temps, mais trop d’excès tue l’excès. Quand le bonhomme a lâché un soupir exaspéré (avec un sens de la nuance parfait) et qu’il s’est écrié : “Shit !”, l’ambiance est passée en DEFCOM-5.
C’était à la limite de la surpression incontrôlable. Ne pas avouer, aurait été pour moi un pas de trop dans le genre “conflit USA/Europe”, et la magie bienséante de cet instant unique aurait été perdue à tout jamais, j’ai donc dit la vérité… Il m’a écouté… Puis m’a regardé durant 3 minutes, sans bouger, sans rien dire… ensuite il s’est tourné vers le public et s’est lancé dans un monologue quasi shakespearien récapitulant ses pensées. J’ai aimé son attitude et je l’aurais trouvée amusante si elle faisait partie d’un show télé… Tout s’est alors envenimé…
Mais le public n’appréciait pas que j’avais possédé une VW Spohn rarrissime et que j’avais vendue pour trois fois rien à “un nazi”…, alors que j’aurais pu en avoir un million de dollars en la cédant à “un bon américain”… À mon avis, le changement d’attitude du public était si abrupt que mon humour s’est perdu en chemin… Le bon côté, c’est que je n’ai pas été lynché… Il y a pire dans le monde… J’ai déduit de tout cela que les vieilles bagnoles rarissimes et hyper laides sont devenues incroyablement populaires aux USA… et des fois on a l’impression que c’est une simple excuse.
Une partie de moi n’en veut pas aux gens qui les ont créées, vu la galère que c’est de survivre à Pebble-Beach. L’approche authentique, ça c’est de la bombe… Sortir des histoires de découvertes et de restaurations complexes avec beaucoup d’aisance et jouer le milliardaire avec une désinvolture sophistiquée qui ne résulte que d’un travail quotidien acharné, ne sont pas des exploits faciles. Quoique je n’en ai rien à f… J’espère (c’est une politesse), que vous avez apprécié ma narration de cette histoire-spectacle… et je vous demande vivement d’en recommander la lecture autour de vous, y compris via Facebook !
C’est destiné à ceux qui sont chauds pour une soirée remplie d’un dynamisme difficile à trouver dans cette culture sarcastique et cynique à laquelle nous nous droguons tous… Ça me rappelle une leçon que j’ai apprise : “Si tu y crois assez, tu peux tout faire”… Bref, si vous voulez en savoir plus, j’ai publié quatre articles ou je cause de Spohn, allez lire :
1950 BMW-VERITAS SP90 SPOHN ROADSTER – Gatsby Online
La caverne d’Ali Baba de Lee Roy Hartung… – Gatsby Online