Street-Rod Lonesome-Loser…
Tex aime prendre son temps, genre détendu : trois Hot-rods à son actif seulement en douze ans.
L’attente suscitée après sa dernière création est à la mesure de ce Street-Rod mat et poisseux, offrant surtout une sorte de challenge esthétique sous-jacent dans un contexte obsessionnel très prononcé : comment renouveler le genre avec des solutions du passé ?
Parce que bon…, le genre, usé jusqu’à la tôle, semble désormais complètement balisé, délimité, jalonné, voire sclérosé, n’ayant plus d’autres repères à offrir que resucée sur resucée.
Sympa !
Arriver après la bataille (qui n’a jamais eu lieu) reviendrait donc soit à singer (bêtement), soit à copier (piteusement), soit à sanctifier (béatement), sans qu’il puisse y avoir d’autres alternatives…
Apparemment. Tex a pourtant assimilé le tout pour en faire une œuvre bizarre, référencée (évidemment) dans le style des Hot-Rods des meilleures années…, avec en sus, autour de “l’oeuvre”, dans divers shows à mourir d’ennui et quelques concentres toujours pareilles…, des bavardages incessants de vieux Rock’n’Rollers au rythme languide, stagnants dans de vieux standards sans éclair de génie brutal…
Mais en même temps, tout est “à part”, totalement absurde (comme conduire le bastringue avec des gants de vaisselle qui servent également à ouvrir le capot pour montrer des choses pas très nettes), en décalage (le style très années ’50), limite expérimental par moments (voir l’incroyable intérieur basique), et catapulté par une bande de copains aux trognes impeccables mixant force tranquille, mythes sadisés et révélations canonisées.
Le Hot-Rod est visuellement bluffant dans une esbroufe gratuite et un plaisir d’en mettre plein la gueule, Tex cherchant davantage à proposer une nouvelle façon de se singulariser dans la masse (Il m’a avoué n’avoir jamais cessé d’y réfléchir tout au long de sa réalisation) qu’à vouloir simplement épater, révolter, écœurer, et énerver la galerie des beaufs ahuris en quête d’idées neuves à re-re-re-re-re-re-copier.
Je vous concède, car vous le devinez sûrement, que j’ai eu des idées d’un meurtre fragmenté, décomposé, éternisé dans sa durée (Hitchcock a bien filmé un meurtre de 45 secondes sous une douche en plus de 70 plans) et même sublimé, entre extase et douleur.
Je suis toutefois revenu sur terre en me disant : Depuis quand, créer une chose sans grand intérêt est-ce devenu une tare, une irrévocable faute de goût alors que la grande majorité (dont je ne fais pas partie) ne trouve rien à redire ?
Pourquoi donc chercher des noises à Tex quand il s’essaie à l’exercice de style qui a du style ?
Quant à cette dimension fortement éculée qui pourrait en gêner quelques-uns, je me dis et vous l’écris qu’il n’est pas sûr qu’on aurait à ce point chipoté si Boyd Coddington maintenant mort et enterré, s’était coltiné la chose…, car on aurait probablement crié au génie dans une mauvaise (très mauvaise) acuité d’analyse balançant plutôt d’une triste constatation d’un monde (monde entier, qu’on soit d’accord : l’Amérique n’a jamais eu l’apanage de la faillite économique, du mensonge capitaliste et de l’individualisme XXL) qui s’écroule comme après un cataclysme…, que d’un message à porter, à développer, à décortiquer éventuellement.
Mais…, quel message y a t-il là dedans ?
Le fait que les différents discours de Tex soient constamment rabâchés (dans les présentations lors de shows, ainsi qu’en interview dans divers magazines inconnus ici…), impose une sorte de litanie hypnotique, de ressac, de bruit de fond permanent… et ses mots mêmes s’annihilent à la fin, à force de répétition et de vaines formules.
Je ne fustige pas, je laisse déblatérer ce lonesome loser dans le vide et préfère laisser parler la poudre…
La mise en perspective de ce qui est vécu (la crise financière principalement qui appelle à d’autres comportements) par rapport à ce qui est vu dans les shows et concentres (des bad boys qui dépriment, pinaillent sur tout et s’entre-tuent verbalement pour des points de détail, comme je l’ai vécu lors de la présentation de mon Hot-Rod Wanderer
http://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=919&cat=auto) : me permet de penser, dire et écrire… que les temps sont durs pour tout le monde !
Parfois avec un peu trop d’insistance, j’observe une société moisie qui ne croit plus en grand-chose (valeurs, justice, respect, morale…), si ce n’est le fric et une misanthropie galopante.
Certes, rien de nouveau sous les ultraviolets du libéralisme planétaire (égalité, mon cul !), mais un constat amer et superbement blasé.
Cynisme du propos que vous pouvez réduire à une ultime punchline qui claque : Now fuckin’ pay me !…, résumant bien cet opportunisme carnassier et tristement ordinaire qui a de beaux jours devant lui, même rendu au fond du puits sans fond de la bêtise humaine… après être passé devant des paysages désolés, des terrains vagues, vivant mal le chaos latent et la misère suintante…