Les voitures de route les plus rapides du monde et les personnes qui les conduisent…
La Zambra est un complexe de golf cinq étoiles près de Malaga, dans le sud de l’Espagne, qui a dernièrement accueilli un jamboree pour une organisation appelée “Supercar Owners Circle”. Lors de l’événement, de riches passionnés de voitures, presque exclusivement des hommes, se sont rassemblés pour montrer leurs véhicules (entre-eux), admirer ceux des autres (entre-eux) et conduire sur les routes montagneuses d’Andalousie plus vite que ce qui était strictement légal (toujours entre-eux)… Le rassemblement, qui s’est déroulé au cours d’une longue fin de semaine, s’est déroulé sur invitation seulement. L’entrée, ainsi que le logement et les repas, coûtaient environ neuf mille dollars : “Seules les Supercars les plus prestigieuses et les plus intransigeantes d’hier et d’aujourd’hui sont éligibles”, avertissait le site Web du club… “La décision finale appartient au comité d’admission, qui se compose à la fois de membres du S.O.C. et de spécialistes automobiles externes”… Que de contraintes à subir pour se regarder “entre riches connards”…
Le jeudi soir où je suis arrivé à La Zambra, dans un Hot-Rod, le parking était déjà à moitié plein. Chaque voiture s’était vu attribuer une place particulière. Je me suis présenté à un trentenaire britannique avec un accent des Midlands, qui se promenait sur le terrain, prenant de temps en temps des photos. Il se faisait appeler Zak, mais préférait ne pas donner son nom de famille. Il était arrivé dans une McLaren 765LT Coupé bleu vif, une voiture de sport à l’allure agressive avec un moteur de quatre litres pour laquelle il avait payé cinq cent soixante-dix mille dollars. “McLaren est ma marque de voiture préférée”, m’a-t-il expliqué, “parce que tout est britannique”... Il aimait aussi “le son et les vibrations” qu’il ressentait au volant du coupé. De nombreux collectionneurs de Supercars sortent rarement leur véhicule de leur garage, mais Zak aimait utiliser le sien pour les tâches quotidiennes ; “Je vais dans les magasins”, m’a-t-il dit : “Je colle ma bagnole dans un parking à plusieurs étages. D’accord, je fais quelques tours avant de trouver une place, mais je l’utilise”…
La plupart des voitures du lot étaient considérablement plus chères et plus rares que la McLaren de Zak… et il a admis qu’il s’estimait chanceux d’avoir été invité. Je lui ai demandé s’il convoitait l’une des autres voitures. Il a pointé du doigt une Bugatti Chiron, avec des panneaux latéraux aux courbes somptueuses et une calandre d’une taille caricaturale. La Chiron coûte au moins trois millions de dollars, et toutes les voitures de sa série limitée à cinq cents exemplaires ont été vendues. : “J’ai vraiment envie d’une Bugatti” , m’a déclaré Zak. Je lui ai demandé ce qu’il faisait comme travail. Il a éludé la question en me disant qu’il se rendait chaque été dans le sud de l’Espagne pour conduire diverses voitures de sport qu’il possède. Les sièges bleus de sa McLaren sont brodés d’une poignée Instagram ; @zakttroy… J’ai vérifié le compte pour obtenir des informations biographiques. Il présentait des photographies de voitures et de restaurants coûteux, décrivait Zak comme un “entrepreneur”, le situant à “Mayfair/Dubaï/Marbella” et énumérait les véhicules qu’il possédait…
Que du banal, une autre McLaren, trois Lamborghini, un SUV Mercedes, deux Ferrari, une Porsche, deux BMW et une Mini. Je l’ai pressé sur la question de l’emploi : “Mon pote, je ne travaille pas vraiment. Je me contente de dépenser un max sans arriver a entamer mes profits sur investissements”, m’a-t-il dit. La résidence d’été de Zak se trouvait près de La Zambra, il s’était donc rendu directement à l’événement avec sa voiture. Cela le plaçait dans la minorité des délégués du S.O.C. Sur la cinquantaine de voitures invitées à La Zambra, la plupart y avaient été envoyées à Malaga sur des camions et déchargées près de l’hôtel, où leurs propriétaires les ont récupérées puis ont roulé quelques centaines de mètres jusqu’à la station d’essence. À l’extérieur de la porte principale, qui était gardée par deux gardes de sécurité, une foule de guetteurs de voitures, pour la plupart jeunes et masculins, s’était rassemblée. Certains étaient des journalistes professionnels avec de lourdes caméras ; d’autres étaient des enfants avec des iPhones.
Chaque voiture qui arrivait était rapidement entourée de photographes et forcée de ralentir. Après qu’une Ferrari se soit faufilée dans la foule, j’ai demandé à l’un des observateurs quelle voiture il avait le plus hâte de voir. Il réfléchit un instant, puis dit qu’il y avait une Regera violette, fabriquée par la société automobile suédoise Koenigsegg, qu’il avait envie de photographier… Le lendemain, pour quelques heures seulement, la Regera violette serait ma voiture. La plupart des voitures du week-end du S.O.C. n’étaient pas de simples Supercars, certaines ont été qualifiées d’Hypercars. Les catégories Supercars et Hypercars, sont toutes deux “glissantes”. Jason Barlow, un ancien animateur de l’émission “Top Gear” de la BBC, m’a dit qu’il n’y avait pas de consensus sur les définitions, m’ observant que : “Patrice, vous pourriez soutenir qu’Alfa Romeo, Bentley, Bugatti, Mercedes et d’autres fabriquaient des Supercars dans les années 1920 , si ce terme signifiait une voiture de sport qui dépassait les paramètres normaux’…
Il m’a personnellement estimé que l’année zéro de la Supercar était 1966, lorsque la Lamborghini Miura a été lancée… “La Miura a changé le paradigme de deux façons principales : elle avait l’air incroyable, et ses créateurs ont déplacé le moteur vers le milieu” m’a-t-il noté, ajoutant : “Cet emplacement permet d’égaliser la répartition du poids, ce qui permet aux quatre roues de maintenir une meilleure traction. A partir de ce moment-là, toute Supercar qui se respecte doit être belle ou scandaleuse, de préférence les deux, et elle doit être à moteur central. De sorte que votre Hot-Rod est incongru”... Selon lui, la première hypercar était la McLaren F1, qui a été lancée en 1992, après quatre ans de conception et de fabrication. “La F1 a atteint une vitesse de pointe de 240,1 milles à l’heure, ce qui constitue alors un record du monde pour une voiture de route. Il y avait tout. Elle était ultra-exclusive, avait un châssis et une carrosserie en fibre de carbone, un moteur V-12 de course, et a été propulsée par la vision d’un individu, en l’occurrence Gordon Murray”…
Ce Sud-Africain britannique avait déjà conçu des voitures de course de Formule 1. Seulement cent six exemplaires ont été fabriqués, et ils sont prisés par les collectionneurs. Le coût en 1992 était de huit cent mille dollars. En 2021, une F1 s’est vendue à plus de vingt millions. Elon Musk en possédait une ; Jay Leno en possède actuellement une ; mais le sultan de Brunei en a sept… C’était inintéressant à mes oreilles, j’ai alors remarqué un loustic bizarre qui examinait le dessous d’une porte ouverte d’une voiture Bugatti, une marque endormie qui avait fabriqué certaines des voitures de sport les plus puissantes du début du XXe siècle, dont la voluptueuse Bugatti Type 57 SC Atlantic, le nec plus ultra du design automobile, une marque qui a été réveillée lorsqu’elle a été rachetée par Volkswagen, en 1998… Je me suis approché, le loustic s’est enfui… Je suis alors tombé sur un érudit qui m’avait reconnu et voulait à toutes forces discutailler avec moi des voitures que je me devais de publier dans GatsbyOnline…
“Monsieur Gatsby, le terme Hypercar est entré dans le lexique dans les années 2000, lorsque d’autres constructeurs automobiles ont suivi McLaren en produisant des modèles en édition limitée absurdement puissants et d’un coût prohibitif. Bien que Porsche, Ferrari et Aston Martin aient fait partie des entreprises établies qui sont entrées sur le marché, plusieurs nouvelles entreprises ont émergé qui ne fabriquaient que des Hypercars. Quatre de ces spécialistes ont été nommés en l’honneur de leurs propriétaires : Hennessey, au Texas ; Pagani, en Italie ; Rimac, en Croatie ; et Koenigsegg, en Suède”… Je lui ai répondu que c’était la définition éculée de toutes les Hypercars qui sont des véhicules dont personne n’a besoin… Mais il m’a répondu : “La plupart ont des vitesses de pointe théoriques approchant ou dépassant les 300 km/h, ce qui est beaucoup plus rapide que les voitures de Formule 1, dont la vitesse de pointe est d’environ 220 km/h. De nombreuses Hypercars accélèrent également plus vite que les voitures de Formule 1. Les hypercars, cependant, sont ostensiblement fabriquées pour la route”…
J’ai répondu, lassé de ces conneries que seulement quelques modèles sont désignés comme étant réservés à la piste : “À l’exception des autoroutes allemandes, qui n’ont pas de limite de vitesse, il y a peu d’autoroutes publiques où l’on peut utiliser plus d’une fraction de la puissance d’une Hypercar. Pour certains passionnés d’automobile, conduire une Hypercar, c’est comme écraser une noix avec une masse incrustée de diamants”.… Je n’aurais rien du répondre, ce dingo m’a répondu : “Ce sont des trophées, des trophées de chasseurs de gros gibier m’a dit récemment Mikey Harvey, rédacteur en chef du magazine automobile The Road Rat”. Tout cela commençait à me fatiguer… J’ai répondu que ces choses n’ont que peu ou pas de valeur technique, ou de valeur esthétique, ou, franchement, de valeur fonctionnelle… Ce à quoi il m’a répondu : “Mais ils sont rares… et ils sont les rois de la colline”.... J’ai rétorqué d’un ton sec : “Et chacun d’entre eux est un peu plus rapide que le précédent. Ils sont tous complètement, incroyablement rapides sur la route, OK… et alors ?”…
Il m’a direct agressé d’un : “Vous devriez être condamné à une longue peine d’emprisonnement. Je vous comprends pas. Je pense juste que c’est attrayant”… J’ai crié, excédé : “Oui, pour les pires d’entre vous qui venez lécher leurs godasses et les pneus de leurs voitures”…. Sur le parking de La Zambra, j’ai partagé le point de vue d’Harvey avec Tim Burton, une star britannique de YouTube, enthousiaste qui diffuse sous le nom de “Shmee150”. Burton a fait autant que quiconque pour promouvoir les Hypercars, sa chaîne YouTube a été visionnée plus d’un milliard de fois. Étonnamment, Burton était d’accord avec une partie de l’analyse de Harvey, bien qu’il soit arrivé à une conclusion différente sur la remarque que les Hypercars étaient ridiculement surdimensionnées ? “Totalement !” a-t-il dit. « “C’est en grande partie le droit de se vanter. Mais je vois une valeur de conception plus profonde dans les Hypercars car c’est un marché fascinant. Les Hypercars, représentent le summum de ce que nous pouvons créer”...
Burton et moi avons regardé trois Koenigsegg sur le terrain, tous appartenant à une famille suisse. La finition de chaque voiture avait été améliorée avec un matériau super-léger exclusif appelé “Koenigsegg Naked Carbon”, ou K.N.C. J’ai découvert que ces trois voitures étaient les seules au monde à être finies avec K.N.C. La mise à niveau avait réduit le poids de chaque voiture de quarante-quatre kilos. Les performances d’une voiture sont grossièrement déterminées par son rapport puissance/poids. La finition spéciale a coûté quatre cent mille dollars pour ces 44 kilos de moins…. Pour ce montant, vous pouvez acheter une Rolls-Royce Ghost ou une maison. Mais, paradoxalement, la famille suisse avait probablement fait un bon investissement. Le prix d’une Koenigsegg d’occasion peut grimper rapidement, et la rareté est un argument de vente. Il y a eu, selon Burton : “Un énorme battage médiatique autour du fabricant suédois. Les Koenigseggs en ce moment sont de l’or”….
Le lendemain matin, j’ai rencontré le propriétaire de la Koenigsegg Regera violette, qui avait accepté de me conduire dans les montagnes. Il n’a pas souhaité être nommé dans cet article, mais il a eu le plaisir de me permettre de le décrire en termes généraux : un homme d’affaires d’une quarantaine d’années qui partageait son temps entre Singapour et la Suisse. Dans la chaleur, il portait un short en lin blanc, un polo de couleur crème, des mocassins et des lunettes de soleil Louis Vuitton. Il s’est avéré être une compagnie sympathique, s’arrêtant parfois de discuter de ses passions, qui comprenaient le design de montres de luxe, pour traîner un stylo à vape rouge. Alors que nous rejoignions un convoi de la S.O.C. qui quittait l’hôtel, il m’a parlé de sa voiture. La Regera violette était l’une des trois Koenigseggs qu’il possédait. Il avait acheté celle-ci, pour trois millions de dollars en 2021. elle valait maintenant environ quatre millions. Les primes d’assurance sur les hypercars sont si élevées qu’il rend les plaques d’immatriculation de ses Koenigseggs pendant la majeure partie de l’année.
Il garde les véhicules dans un garage sécurisé entretenu par un concessionnaire Koenigsegg en Suisse, n’assurant les voitures que pour les quelques jours où il souhaite les conduire. (L’assurance pour S.O.C. Espagne 2023, a-t-il dit, lui avait coûté environ deux mille dollars.) Il reconnaissait que les Hypercars étaient un passe-temps coûteux, mais il était prudent à d’autres égards : il ne prenait jamais de jets privés et il pensait qu’il était absurde de dépenser des millions de dollars pour un yacht : “C’est une question de goût”, m’a-t-il déclaré. “Ce que vous et moi pourrions considérer comme un énorme gaspillage d’argent donne du plaisir aux autres”… Il n’y a que quatre-vingts Regera’s dans le monde, et aucune d’entre-elles n’avait le même extérieur violet que le sien. Il avait nommé la voiture “Loki”, en l’honneur du dieu nordique qui change de forme, et il voulait que la couleur varie en fonction de la lumière. Koenigsegg, avait développé un nouveau type de peinture violette irisée juste pour lui.
L’intérieur de la voiture était, selon ses instructions de propriétaire, décoré de cuir orange vif. Le coloris a suscité des commentaires admiratifs de la part de nombreux autres pilotes de la SOC. (Le schéma violet et orange m’a rappelé une robe que Scarlett porte dans ‘Quatre mariages et un enterrement’ ; le propriétaire de la Regera ne se souvenait pas de cette partie du film)… Le convoi est entré dans les montagnes. La Méditerranée scintillait sous nos pieds. La plupart des routes étaient des autoroutes à deux voies et il y avait peu d’occasions de tester la puissance de la Regera, car les conducteurs réguliers bloquaient le passage. De temps en temps, nous accélérions avec une facilité effrayante pour dépasser une autre voiture. Lors d’un court dépassement en montée, j’ai remarqué que le compteur de vitesse atteignait 220 kilomètres à l’heure… Lors du briefing matinal à La Zambra, un pilote de course espagnol qui avait été embauché comme conseiller pour le week-end a expliqué aux participants à quoi s’attendre de la part de la police de la circulation locale.
Le message implicite était qu’une entente avait été conclue : “Nous n’avons pas de problème, mais ne faites pas de choses folles”… Sur la route du matin, l’accord en place semblait tenir : aucune Hypercar n’a reçu de contravention pour excès de vitesse. Sur une bretelle d’accès, j’ai repéré une Fiat Uno qui avait été arrêtée par une voiture de police. Son propriétaire regardait avec tristesse le convoi de la S.O.C. qui passait en rugissant. J’ai demandé au propriétaire de la Regera s’il savait quelle était la limite de vitesse espagnole. : “Pas de putain d’idée” a-t-il dit… Plus tard ce matin-là, un véhicule de police est apparu peu de temps après que le propriétaire de la Regera ait fait ce que l’on pourrait appeler une chose folle : dépasser une autre voiture sur une route à deux voies, avec un trafic venant de l’autre sens assez rapidement pour que j’oublie momentanément de respirer : “C’était facile”, m’a-t-il rassuré. Puis il m’a demandé si je parlais espagnol, afin que je puisse parler avec aisance aux officiers locaux s’ils nous arrêtaient.
Alors que la Regera avançait, des gens dans d’autres véhicules réalisaient des photos/téléphones. J’ai suggéré que cela devait faire partie de l’attrait de posséder une telle voiture. “En fait, je n’aime pas l’attention qu’elle reçoit” m’a déclaré le propriétaire de la Regera : “J’aime cette voiture parce qu’elle ne ressemble à aucune autre. C’est une expérience de conduite unique”. D’une part, il m’a dit, la voiture n’avait pas de vitesses car Koenigsegg avait mis au point une technologie d’entraînement direct qui rendait inutile le besoin d’une boîte de vitesses mécanique, et le système a été installé pour la première fois dans la Regera. Le moteur de cinq litres de la voiture, ainsi que trois moteurs électriques, ont permis d’obtenir un couple instantané et inflexible, la force de rotation qui se traduit par une accélération. Quand la voiture a accéléré, j’ai eu l’impression d’avoir été aspiré jusqu’au siège par un aspirateur géant. Bien qu’elle n’ait pas de transmission, la voiture disposait d’environ 1700 chevaux.
Plus notre convoi s’éloignait de La Zambra, plus les voitures de notre groupe devenaient audacieuses. Une Ferrari Daytona SP3 bleu ciel nous a contournés. J’ai appris plus tard que la voiture appartenait à un magnat de l’immobilier néerlandais ayant des opinions conservatrices sur la détermination de la peine pénale : “Pour certaines personnes ici, c’est un concours de mesure de bite”, m’a déclaré le propriétaire de la Regera, me précisant qu’il n’avait jamais vu l’attrait de posséder une Ferrari. Les voitures elles-mêmes étaient belles, mais il n’aimait pas l’entreprise, qui obligeait les clients à acheter plusieurs Ferrari de moindre valeur avant même qu’elles ne puissent être considérées pour des modèles plus exclusifs… Pointant du doigt la Daytona SP3, il m’a dit : “Vous auriez besoin d’un historique d’achat de trente millions de dollars pour acheter cette voiture”… Nous nous sommes arrêtés dans un hippodrome privé, qui avait été loué pour quelques heures par le S.O.C. Les organisateurs voulaient que les voitures effectuent un tour de piste tranquille.
Au lieu de cela, tout le monde a foncé à fond… Alors que la Koenigsegg accélérait, je me suis agrippé aux côtés du siège. Après quelques circuits rapides, les organisateurs ont mis un terme à la fête et ont demandé aux pilotes de se garer en rangées pour une photo. La Regera s’est arrêtée à côté d’une Porsche 918 Spyder qui était parée du bloc de couleur rouge, vert et jaune de l’ancienne VW Harlequin. Le propriétaire de la Regera m’avait dit qu’il détestait le schéma criard de la 918. Les deux conducteurs ont baissé leurs vitres… “Belle voiture !”, s’est exclamé le pilote Porsche, avec un accent néerlandais… “Merci !” a répondu le propriétaire de la Regera, sans lui retourner le compliment. Après quelques brèves discussions, les deux pilotes se sont rapprochés sur leurs points de vue sur l’Aston Martin Valkyrie. Une Valkyrie verte était en effet arrivée sur la piste, et son propriétaire avait passé une dizaine de minutes à se préparer à la conduire : Changer la position du siège et la configuration des ceintures de sécurité, et mettre un casque… Grotesque…
J’ai appris plus tard que le développement de la Valkyrie avait causé de graves difficultés financières à Aston Martin. La voiture avait initialement été conçue par les deux directeurs de l’équipe de Formule 1 de Red Bull, Christian Horner et Adrian Newey, qu’Aston Martin avait approchés en 2015 pour construire une voiture de course pour la route. Mais il y a eu d’innombrables problèmes de conception, et le processus de fabrication a été retardé de trois ans, ce qui a conduit certains clients qui avaient déposé des dépôts à exiger le remboursement de leur argent. Plusieurs poursuites judiciaires, dont une réclamation de cent cinquante millions de dollars contre Aston Martin, intentée par des concessionnaires qui avaient souscrit au projet, ont suivi. En 2021, lors du Goodwood Festival of Speed, dans le West Sussex, une Valkyrie est tombée en panne, embarrassant encore plus l’entreprise… Aston Martin continue de construire des Valkyries. Elle prévoit d’en fabriquer un total de cent cinquante, ainsi que quarante versions de piste spécialisées et quatre-vingt-cinq cabrios.
Apparemment, le logiciel de la voiture reste défaillant. Selon un propriétaire, Aston Martin facture des frais de service de trois cent cinquante mille dollars pour les trois premières années de propriété, en plus du prix d’achat de trois millions de dollars… Néanmoins, toutes les voitures ont été vendues. La Valkyrie est certainement frappante : des passages de roue hauts et un cockpit surbaissé lui confèrent un profil léonin. Mais, le propriétaire de Regera, a souligné “Pourquoi quelqu’un voudrait-il conduire une voiture si bruyante que vous êtes obligé de porter des écouteurs antibruit, et qui vous oblige essentiellement à vous attacher comme un pilote de chasse ?”... Le propriétaire de la Porsche était d’accord : “Mon ami en a une, il dit que c’est de la merde. C’est toujours en train de casser”... Les membres du convoi ont quitté l’hippodrome, ont parcouru une courte distance, puis se sont arrêtés pour déjeuner. À l’extérieur du restaurant, j’ai repéré Christian von Koenigsegg, le PDG et fondateur de Koenigsegg, en train de parler avec animation à un groupe de propriétaires de voitures, ravis.
Von Koenigsegg est grand, amical et chauve comme une poignée de porte. En me présentant, je lui ai dit que j’avais adoré être passager de la Regera violette, ce qui était globalement vrai. Un audit tout à fait honnête de mes sentiments aurait noté un certain embarras de mon lectorat GatsbyOnline, d’être conduit dans quelque chose d’aussi tape-à-l’œil, et reflétant une certaine terreur occasionnelle. Il a souri et, ignorant les propriétaires de voitures, a commencé à me parler de l’absence de transmission de la Regera et de la façon dont il avait été inspiré pour concevoir son groupe motopropulseur après avoir conduit une Tesla en 2011, et s’être dit : “Wow ! Cette puissance instantanée ! Ma pensée suivante a été : Comment puis-je faire quelque chose de super coupleux comme ça ?”... L’usine de von Koenigsegg se trouve à Ängelholm, en Suède, à environ une heure de route au nord de Malmö. La société opère à partir de plusieurs hangars sur le site d’une unité de pilotes de chasse dissoute de l’armée de l’air suédoise.
Koenigsegg utilise l’emblème de l’ancienne unité, un fantôme de dessin animé, sur ses voitures. Les essais routiers ont lieu sur un aérodrome adjacent. Près de la porte d’entrée du complexe, les visiteurs sont accueillis par une collection de Koenigsegg : passés, présents et futurs. L’une des voitures exposées est une Gemera, la première hypercar à quatre places au monde. La Gemera, un véhicule électrique hybride rechargeable d’une puissance maximale de 2.300 chevaux, peut accélérer de zéro à soixante en moins de deux secondes. Les premiers modèles devraient être livrés aux clients d’ici la fin de l’année 2024. L’idée d’entasser ses enfants à l’arrière d’une hypercar familiale est amusante et quelque peu horrifiante. Cela animerait certainement un trajet scolaire. À l’invitation de von Koenigsegg, je me suis recroquvillé à l’arrière de la Gemera. C’était raisonnablement inconfortable. J’ai remarqué des porte-gobelets, que les constructeurs traditionnels de voitures de sport considèrent comme hérétiques. La Gemera en a huit : quatre réfrigérées, quatre chauffées.
“Ferrari n’a jamais eu de porte-gobelets, nous avons toujours eu des porte-gobelets”, m’a dit von Koenigsegg. Il m’a raconté les origines de l’entreprise. Quand il était jeune, les plus grands constructeurs automobiles suédois étaient Volvo et Saab. Peu d’enfants ont rêvé de posséder une Volvo ou une Saab. La chambre de von Koenigsegg était décorée d’affiches de Lamborghini. À l’adolescence, il a développé l’ambition de fabriquer une voiture de sport passionnante, et ce désir a perduré jusqu’à l’âge adulte. En 1994, à l’âge de vingt-deux ans, avec l’argent qu’il avait gagné en négociant des actions et des matières premières, il a lancé ce qu’il a appelé alors “le projet Koenigsegg”... Von Koenigsegg m’a déclaré : “Quand je me suis lancé là-dedans, j’ai réalisé que je n’avais pas les ressources nécessaires pour mettre en place une grande usine de production. Mais j’ai les ressources pour construire des choses à la main. Maintenant, c’est beaucoup d’heures par voiture, et c’est très cher. Comment vais-je faire payer beaucoup d’argent à quelqu’un pour l’une des voitures ? “…
Eh bien, il m’a dit qu’il fallait que ce soit quelque chose de vraiment spécial. Il fabriquait donc des hypercars ‘par nécessité’… La seule voie était pour lui de rendre les voitures super excitantes. A ce moment Andy Wallace, l’un des soi-disant pilotes d’essai de Bugatti, s’est aligné dans le rétroviseur depuis l’intérieur de la voiture. Andy Wallace, un ancien pilote de course à la voix douce d’une soixantaine d’années, est aujourd’hui l’un des soi-disant pilotes d’essai de Bugatti. Il conduisait la Bugatti qui atteignait 304,8 km/h. Dès que le convoi s’est à nouveau arrété, j’en ai profité pour aller le saluer… Wallace s’est souvenu m’avoir piloté sur la piste d’essai avec une Murcielago : “Cela semblait dommage de lever l’accélérateur, Monsieur DeBruyne mais ensuite vous voyez le mur arriver et je ne voulais pas prendre de risque avec un éditeur tel que vous”… La société n’a vendu aucune voiture au cours de ses huit premières années, bien qu’elle ait fabriqué un prototype impressionnant en 1996, utilisant un moteur V-8 Audi.
Pas beaucoup de conversation n’étant possible avec Andy Wallace, je suis retourné m’asseoir aux cotés de von Koengsegg… Pendant une grande partie de cette période, sa start-up était basée dans une vieille ferme au toit de chaume, et le simple fait de garder les lumières allumées était une lutte. L’entreprise n’ayant aucun revenu, von Koenigsegg vivait dans des logements rudimentaires près de la ferme et ne recevait aucun salaire, continuant plutôt à négocier des actions pour subvenir à ses besoins et à ceux d’une poignée d’employés, dont sa femme, Halldora. En 1995, son père, Jesko von Koenigsegg, qui avait vendu une petite entreprise d’électricité, a investi la plupart de ses économies dans l’entreprise de son fils et a passé quelque temps à dormir sur le sol du garage de son fils. En 2003, une partie de la ferme a brûlé. L’entreprise a déménagé sur l’aérodrome abandonné. Christian von Koenigsegg, qui a maintenant deux fils, dont l’un travaille pour l’entreprise, m’a dit que, sans le soutien de son père : “nous n’y serions probablement pas arrivés”…
En 2020, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de son père, Christian lui a offert une Koenigsegg portant son nom : la Jesko. 650 personnes travaillent aujourd’hui pour Koenigsegg, et ses voitures se vendent presque dès qu’elles sont annoncées.. Von Koenigsegg a bénéficié d’un changement dans les habitudes des propriétaires. “Lorsque nous avons commencé à livrer des voitures, en 2002, un client avait peut-être une autre belle voiture de sport. Deux ou trois, c’était assez extrême. Aujourd’hui, quarante ou cinquante voitures, ce n’est pas inhabituel. Les hypercars sont devenues une classe d’investissement à part entière, étant donné que les modèles convoités prennent de la valeur. James Banks, un concessionnaire d’hypercars, m’a dit qu’il y avait une solide stratégie de gestion de patrimoine derrière cette tendance. Dans de nombreux pays, mais pas aux États-Unis, les automobiles sont considérées comme un actif gaspilleur, quelle que soit leur rentabilité sur le marché de l’occasion…Les hypercars sont donc une très bonne réserve de richesse, car il n’y a généralement pas d’impôt sur les plus-values lorsque vous vendez”…
La philosophie de la fabrication artisanale prévaut toujours chez Koenigsegg. Contrairement à la plupart des fabricants, qui sous-traitent les pièces de carrosserie à d’autres entreprises, Koenigsegg fabrique presque tout elle-même, des transmissions aux roues. Quand j’ai demandé à von Koenigsegg quelles pièces de ses voitures étaient fabriquées par d’autres fabricants, il a fait une pause, puis a dit en riant : “L’essuie-glace de la Jesko”... Il a également admis que les freins de la Gemera provenaient d’une firme britannique : AP Racing… “Nous avons le moteur le plus puissant au monde”, m’a déclaré von Koenigsegg… “Un moteur de cinq litres de seize cents chevaux”.… C’est dingue. Cela semble fou car Bugatti tire une puissance similaire du moteur de la Chiron, qui est de 8.000cc Pour atteindre des chiffres extraordinaires, von Koenigsegg m’a expliqué avec enthousiasme qu’il avait apporté des centaines d’améliorations à la conception standard d’un moteur à essence…
“C’est la façon dont l’admission est conçue, la façon dont les injecteurs sont positionnés, la résistance du bloc, la solidité des joints et des goujons de culasse. C’est l’orifice, ce sont les profils d’arbre à cames, c’est la forme du dôme du piston, c’est la chambre de combustion dans la culasse, c’est la programmation logicielle, ce sont les bouchons de bobine à détection d’ions”... Von Koenigsegg a continué… Il aimait parler de son travail. Il m’a donné des explications sur les raisons pour lesquelles ses onduleurs électriques, ses installations de test de châssis ou ses mises à jour logicielles en direct étaient supérieures. Ces explications étaient toutes étayées par une série de statistiques. Écouter von Koenigsegg décrire ses voitures, c’était comme se tenir sous une cascade. En tant que designer, il a une curiosité implacable et une volonté de se débarrasser des vieilles idées : “Il n’y a pas d’engrenages dans la Regera et dans la Jesko, il y en a neuf”… Il a parlé de ses lourdes responsabilités en tant que propriétaire d’entreprise et gestionnaire, et de la façon dont cela lui a pris du temps pour créer.
von Koenigsegg a ensuite discuté de la nature exigeante de ses clients, qui demandaient souvent des détails sur mesure. “Le rembourrage d’une voiture avec du cuir d’autruche s’e”st avéré particulièrement coûteux”, m’a-t-il dit, “et pas seulement en raison du coût du matériau. Afin d’être homologué, c’est-à-dire autorisé à être utilisé sur la voie publique, un nouveau matériau doitt être testé contre des capteurs de siège pendant au moins deux mois, une mise à niveau en cuir d’autruche coûte donc quelques centaines de milliers d’euros. Nous aimons que les gens personnalisent, d’une certaine manière, parce que cela rend la voiture plus unique”, a-t-il poursuivi… : “Et c’est en quelque sorte une norme de l’industrie. En même temps, c’est toujours beaucoup de travail pour nous et un tracas. Nous ne sommes donc pas malheureux s’ils ne le font pas, car cela rend notre vie un peu plus vivable. Donc, pour une personnalisation, on met sur le papier un chiffre qui semble très, très élevé. Et c’est le cas”. Les chiffres de performance sont clairement plus importants pour les clients de von Koenigsegg que les chiffres en dollars.
Ses voitures ont battu de nombreux records, y compris, l’été dernier, celui de l’accélération la plus rapide à 400 km/h (environ 250 km/h) suivie d’une décélération à zéro. La Regera l’a fait en 28,81 secondes. Mais le chiffre le plus précieux, m’a-t-il dit, était la vitesse de pointe d’une voiture. Selon la Fédération internationale de l’automobile, basée à Paris, un record de vitesse de pointe est établi en faisant la moyenne de la vitesse la plus élevée qu’une voiture atteint dans deux directions opposées. (La moyenne neutralise l’effet de l’assistance du vent.) En 2017, une Koenigsegg Agera RS est devenue la voiture de route de série la plus rapide au monde, enregistrant une vitesse moyenne dans les deux sens de 277,9 km/h sur un tronçon de route fermé près de Las Vegas. Cela irrite von Koenigsegg que, depuis 2019, Bugatti prétende avoir la voiture de route la plus rapide, après qu’une Bugatti Chiron Super Sport ait atteint 304,8 km/h sur la piste d’essai de Volkswagen à Ehra-Lessien, en Allemagne.
Cette Bugatti était un modèle de pré-production plutôt qu’un modèle de vente au détail, et elle n’était conduite que dans une seule direction. En octobre 2020, il y a également eu un épisode embarrassant dans lequel le constructeur américain d’hypercars SSC a affirmé que son modèle Tuatara avait atteint une moyenne bidirectionnelle de 316,1 km/h. L’entreprise a par la suite admis que l’équipement d’enregistrement de la vitesse qu’elle avait utilisé était défectueux. La vitesse réelle de la Tuatara était considérablement inférieure à 300 milles à l’heure…. “Nous l’avons fait selon les règles de la FIA” m’a déclaré von Koenigsegg. “Selon nous, l’Agera est la voiture de série la plus rapide. Il n’y a pas de règles, je dis simplement quelles sont mes règles. Si vous ne livrez pas cette voiture aux clients, s’agit-il d’une voiture de série ? Il s’agit plus d’une question que d’un commentaire”. Quoi qu’il en soit, von Koenigsegg espérait bientôt rendre ces arguties académiques. Il a déclaré que sa nouvelle voiture, la Jesko Absolut, dont la livraison est prévue au début de 2024, pourrait dépasser les 304 km/h…
Elle pourrait même devenir la première voiture de route à dépasser les 500 km/h… La Jesko Absolut est la voiture la plus rapide qu’il ait jamais fabriquée, et qu’il ne fabriquerait peut-être jamais. De nouvelles règles d’homologation dans le monde pourraient rendre impossible la construction d’une voiture homologuée pour la route toujours plus rapide. Les plans pour une tentative de record du monde commenceraient une fois que l’un de ses quelque quarante clients Jesko Absolut aurait accepté de laisser sa nouvelle voiture être conduite à la limite de ses capacités. Est-ce que battre à nouveau le record de vitesse de pointe rendrait von Koenigsegg heureux ? “Bien sûr, d’une manière mission accomplie” m’a-t-il déclaré : “Cela prouve l’extrême de ce que nous faisons”... Dans la course pour atteindre les 500 km/h, Koenigsegg a de la concurrence, et pas seulement de la part de Bugatti. L’année prochaine, Hennessey, le constructeur texan, tentera de battre son propre record du monde de vitesse, j’ai visité son siège social, et je vous en cause dans la suite dans quelques jours…
2 commentaires
Maitre,
Cette histoire soulève des questions intéressantes sur la nature du prestige et de la désirabilité. Il fut un temps où les performances sur piste des marques contribuaient à forger leur légende, pour vendre ensuite. “Win on Sunday, sell on Monday” souligne l’idée que les victoires en compétition durant le week-end peuvent se traduire par une augmentation des ventes de voitures de la même marque le lundi suivant, en raison de l’exposition médiatique et du prestige associé à la victoire. Ferrari, par exemple, a bâti son image sur ses succès en compétition avant de devenir un symbole de luxe et de performance dans l’automobile. Enzo Ferrari lui-même, avec une pointe d’ironie, a souligné la distinction entre acquérir un véhicule de course et une voiture de sport de haute gamme destinée au grand public. Quelques dizaines d’années plus tard, avec l’expansion de l’économie de marché, où presque tout peut être considéré en termes de valeur monétaire et de potentiel de profit, on compare directement les prix et les chiffres…
Cette immersion fut un calvaire mais j’ai échappé à la cruxi-fiction, quoique la déception fut comme un javelot me transperçant le cœur. Ce fut réellement déplorable… Le niveau intellectuel était au même niveau que les gamins de 10 ans jouant aux billes en cour de récréation… Sauf qu’en 2024 ces “choses” n’ont plus cours dans nos écoles, mais elles perdurent en réunions de désœuvrés pathétiques quoique fortunés…
Vous n’imaginez pas l’ennui qu’il m’a fallu subir… L’aspect psy se situe dans les mœurs de mortes vies de ces gens qui sont restés aux 10 ans… Ce n’est pas qu’ils soient méchants, ils sont simplement odieux et creux…
Personne ne baise, tout le monde se masturbe… et les belles jolies regardent en tentant d’en accrocher un. Ensuite, il y a là-dedans un fort grand nombre de vendeurs de rêves qui viennent appâter les imbéciles. C’est la part consumériste du système qui est un cercle vicieux très codifié sous une apparence de libertaires désœuvrés sans cesse en parade. Cela ressemble à la caricature d’Atias dans la série “d’argent et de sang” qui est passée sur Canal+…
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