Toyota 2000GT 1967
Si c’est finalement Toyota qui a construit et commercialisé la 2000 GT, c’est pour le compte d’un autre constructeur que ce modèle avait été initialement étudié et développé. C’est en effet Nissan qui avait demandé au designer allemand Albrecht Graf Goertz de lui dessiner un coupé sportif. L’homme n’était alors pas un inconnu, puisque c’était lui qui avait signé le design du spider BMW 507 (il réalisera par la suite différents concept-cars pour Nissan, de même que les Fairlaidy 240Z et 260 Z commercialisées sous la marque Datsun)…
La conception du châssis avait été déléguée à Yamaha qui devait également réaliser le prototype. Mais à la dernière minute, Nissan a fait volte-face, abandonnant ce projet et donnant l’autorisation (et la licence d’usage) à Yamaha chargé de le vendre à qui en voulait. Toyota, alors en quête d’image et de reconnaissance, a repris le projet à son compte en y installant un moteur de son cru. L’engin serait resté inconnu hors Japon s’il n’avait “tapé dans l’oeil” des réalisateurs des films “James Bond” dont le prochain (de cette époque) se déroulerait au Japon.
Le design d’Albrecht Graf Goertz pour cette 2000 GT était très inspiré de certaines réalisations européennes. Il recélait toutefois de nombreux détails qui étaient propres au modèle, lui conférant ainsi “un charme fou” selon la gent féminine amenée à le voir (sic !)… Difficile en effet de ne pas remarquer une ressemblance troublante avec la Jaguar Type E… De loin cependant, car avec seulement 4,18 mètres de long, la Toyota 2000 GT était une toute petite auto ! Si son capot offrait une longueur conséquente (position longitudinale du moteur six en ligne oblige), dès que l’on s’attardait sur les dimensions de l’habitacle et de l’arrière, on devinait immédiatement que le gabarit total de cette Toyota “sportive” était loin des standards des GT européennes de la catégorie.
Une personne de plus d’1m75 et 75kgs ne savait et ne pouvait absolument pas s’y installer ! C’est pour cela que pour le film “James Bond” tourné au Japon où elle apparait, c’est une version unique cabriolet qui permet à Sean Connery de s’y installer assis sur le plancher !!! La voiture du film a immédiatement intrigué et certains ont pris contact avec Toyota pour en avoir une à n’importe quel prix ! Ce “n’importe quel prix” a poussé Toyota à turbiner au maximum afin que la version Coupé soit produite et commercialisée “au plus vite”…
La face avant intégrait des phares rétractables placés au-dessus des phares sous globes en plexiglas positionnés au niveau des pare-chocs. La forme du plexiglas épousait admirablement les lignes de l’auto. De type Fastback, la ligne de toit fuyait donc (sans demander son reste) jusqu’à la malle arrière. L’arrière de la Toyota 2000 GT n’était pas sans rappeler celui de la Ferrari 250 GTO avec ses ailes rebondies et ses quatre feux ronds. Mais toute parenté avec la bête mythique s’arrêtait là, car, côté performances et tarifs, elle ne jouait pas dans la même cours de récré !
Le double échappement central était également très évocateur et très réussis, mais dans les détails plus amusants encore et qui replaçaient l’auto dans son époque, admires les petits rétroviseurs obus qui placés sur les ailes avant. Au passage, leur efficacité était quasi-nulle et il convenait de les apprécier plus pour l’esthétisme que pour leur réel intérêt sécuritaire. Près des roues avant sur les flancs il existait deux trappes. Celle de gauche cachait le filtre à air et celle de droite la batterie ! Cela reprenait un peu le principe des Bristol Blenheim anglaises qui dissimulaient au même endroit leurs 2 roues de secours !
Enfin, comme toute sportive des sixties qui se respectait, la trappe à essence était du type aviation et du plus bel effet sur l’aile arrière. Une fois n’est pas coutume, cette GT des années ’60 n’était pas dotée de roues à rayons. Elle héritait au contraire de roues de 15 pouces en magnésium conçues par Yamaha. Une vraie innovation technologique pour un modèle de série. L’habitacle par contre classieux “à l’Anglaise” se distinguait par deux caractéristiques : son exiguïté et sa finition exemplaire. La batterie de cadrans encastrée dans cette très belle planche de bord en bois précieux était tout simplement bluffante !
La qualité de réalisation ne souffrait pas la critique et prouvait que déjà que fin des années ’60, les constructeurs Japonais étaient (à ce sujet) en pleine maîtrise de leur art… Pour les GT, il y deux types de constructeurs, celui qui est un intégriste total de la voiture de sport et qui a fait le choix délibéré de concevoir et fabriquer tous les éléments de ses productions et d’étudier un moteur spécifique pour son modèle de sport : châssis, moteur, carrosserie. C’était ainsi le cas de Porsche, Ferrari, Lamborghini, BMW et Mercedes-Benz. Et puis, il y a les autres qui souvent étudiaient et fabriquaient châssis et carrosserie.
Mais ils reprenaient des moteurs issus de la grande série : Alpine, Lotus, Pagani, Laraki, PGO… alors que Toyota, pour sa 2000 GT faisait partie de la deuxième catégorie. C’était en effet en puisant dans leur banque d’organes pléthorique, que les ingénieurs Toyota ont trouvé de quoi animer leur GT étendard, le moteur de la placide et bourgeoise Toyota Crown ! Cette vénérable et véritable institution au japon dans le catalogue de Toyota, va servir de base. Ce six cylindres en ligne 2.000cc présente l’avantage d’avoir des cotes très carrées (75 x 75) ce qui peut favoriser les tempéraments sportifs.
Les ingénieurs motoristes vont le retravailler. Très moderne de conception avec son bloc en fonte et sa culasse tout alu, il bénéficiait de chambres de combustion hémisphériques. La distribution était assurée par deux arbres à cames en tête entraînés par chaîne. Pour alimenter les six cylindres en ligne, c’était une équipe de trois carburateurs horizontaux Solex Mikuni de 40 qui emplissaient de leur précieux mélange les chambres de combustion. Avec 150 chevaux à 6.600 tr/mn et 18 mkg de couple à 5 000 tr/mn, ce moteur n’était toutefois pas un monstre ni de puissance, ni de souplesse !
Encore moins pour l’acheteur qui optait pour le pont long… A l’usage, ce moteur était toutefois plus sympathique qu’il n’y paraîssait sur le papier. Sa sonorité était très sportive, et dès qu’on dépassait les 4.000 tr/mn, les carburateurs s’affolaient tous et envoyaient la puissance. Finalement, c’était bien une vraie voiture de sport, puisqu’il fallait aller tirer la quintessence du moteur dans les tours. Pour usage de voiture de collection, cela accroît encore le charme ! On n’imagine mal en effet vouloir faire la course à chaque démarrage de feu tricolore aux côtés d’un mazout tuning !
La boîte à 5 rapports était mécanique et entièrement synchronisée. Mais son maniement nécessitait fermeté et guidage pour bien enclencher les rapports. Selon les rapports de ponts, il fallait moins de 9 secondes pour le 0 à 100 km/h et la bestiole accrochait entre 210 à 220 km/h en vitesse maximale. Largement suffisant pour faire le plein de sensations fortes et ne pas être un boulet sur les routes. Pour le châssis, Yamaha alors concepteur du projet mais pas commanditaire, avait repris ses habitudes et son expérience de la compétition : légèreté et rigidité.
Pour parvenir à un résultat qui leur paraissait suffisamment satisfaisant, ils ont conçu un cadre à caissons avec traverses, dont la partie arrière était allégée par perçage. C’était donc une structure avec châssis séparé qui était ensuite assemblée avec une coque en acier. La Toyota 2000 GT héritait de quatre roues indépendantes avec à l’avant et à l’arrière des solutions encore reprises de la compétition : leviers triangulaires en trapèze transversaux, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques et barres stabilisatrices. Ajoutons à cela les jantes Yamaha en Magnésium qui diminuaient le poids non suspendu.
Son poids contenu de 1,1 tonne parachevait l’œuvre des techniciens japonais, obtenant alors, sur le papier, les conditions optimales pour une tenue de route efficace. Dans la pratique, la tenue de route était en effet diabolique. La Toyota 2000 GT, malgré la largeur antique de ses pneus (du 165 de large !), restait accrochée à la route, et son moteur pointu, ainsi que son châssis faisient merveille. En revanche, les colonnes vertébrale n’appréciaient que modérément d’être autant chahuté, car les amortisseurs étaient tarés durs pour l’efficacité de la tenue de route ! Mais n’est pas sportive qui veut.
La Toyota 2000 GT a eu une carrière particulièrement courte. Elle n’a donc pas connu d’évolutions notables. Ce n’est qu’en mai 1967 qu’a démarre la commercialisation des Toyota 2000 GT. Auparavant, c’est en compétition que des modèles se sont illustrés. En 1970, Toyota commercialisait une version avec moteur à simple arbre à cames en tête, climatisation et boîte automatique. Neuf exemplaires ainsi équipés seront produits. En cours d’année, la production fut arrêtée. Sur les 337 exemplaires produits, deux seulement étaient des convertibles et trois seulement étaient à conduite à droite : le convertible et un coupé destinés au film James Bond, ainsi qu’un autre coupé acheté par un des mannequins les plus célèbres du moment : Twiggy.
CHRONOLOGIE TOYOTA 2000 GT
1965 : Au Salon de Tokyo, présentation du prototype de la Toyota 2000 GT.
1966 : Engagement de la Toyota 2000 GT en compétition : moteur gonflé à 200 chevaux. En juin, doublé à Suzuka. En octobre, la Toyota 2000 GT bat 3 records du monde dans la catégorie 1500/2000 cm3.
1967 : En mai, la Toyota 2000 GT est commercialisée.
1968 : Carroll Shelby dirige un team avec deux Toyota 2000 GT aux couleurs américaines dans le championnat SCCA Américain. Elle ne peut lutter face aux Porsche 911, ses carburateurs Webber n’étant pas homologués.
1970 : Commercialisation d’une version avec moteur à simple arbre à cames en tête, climatisation et boîte automatique. 9 exemplaires ainsi équipés seront produits. En cours d’année, la production est arrêtée.
La Toyota 2000 GT va également participer à la saga James Bond, dans le film “On ne vit que deux fois”, dans une inédite variante cabriolet. Seuls deux cabriolets seront produits. Le premier, blanc, sera celui du film, et un second bleu va servir pour la promotion. Pour la petite histoire, une Targa a été réalisée à la demande du producteur A.R. Broccoli. Quelques mois avant la sortie du coupé 2000 GT, il fait une demande à Toyota de lui fournir deux exemplaires pour le tournage du James Bond “You Only Live Twice” au japon. Toyota n’hésite pas longtemps, conscient du potentiel médiatique que représente le film.
Toutefois, il apparaît que l’habitabilité n’est pas adaptée à la taille de Sean Connery pour filmer des scènes embarquées. Les ingénieurs imaginent alors une version Targa, avec un toit amovible en vinyl, qui faciliterait les prises de vues. Mais l’acteur dépasse du pare-brise et de l’arceau ce qui le rend ridicule ! En conséquence, la 2000 GT Targa devient à la hâte un cabriolet, sans capote, dans laquelle Bond n’apparaitra d’ailleurs qu’en passager, assis (mais on le le voit pas) sur le plancher ! Avec si peu d’exemplaires produits, et dont la plupart sont au Japon ou aux USA, il est évidemment difficile de s’en procurer en France.
Cette absence d’offre régulière sur le marché ne permet donc pas d’établir une cote fixe pour ce modèle. Cela est d’autant plus difficile que les Toyota 2000 GT sont devenues des véritables icônes au Japon, et que bon nombre de collectionneurs nippons sont prêts à toutes les folies pour en posséder une ! L’entretien est évidemment une gageure en France car il faut trouver le spécialiste capable de vous l’entretenir. Les pièces spécifiques sont rares ou introuvables, sans parler de leur coût prohibitif. Heureusement, le moteur est incassable, mais nécessite de fréquents réglages de ses carburateurs.
Il faut également penser à inspecter le châssis, car sur des autos anciennes, il ne faut pas oublier le spectre de la rouille. Si son œuvre destructrice à commencé, les gros frais peuvent alors être engagés. Alors mission impossible de rouler en Toyota 2000 GT en France ? Presque, car après la réussite de la quête du Graal, il faudra l’entretenir et la maintenir en état. Du courage ? Non, de l’abnégation, du budget et surtout une grosse passion, pour cette GT nipponne qui a une cote d’amour exceptionnelle.
PRODUCTION TOYOTA 2000 GT
Coupés BV5 : 326 exemplaires
Coupés BVA : 9 exemplaires
Cabriolets : 2 exemplaires
TOTAL : 337 exemplaires
CONCLUSION
La Toyota 2000 GT pourrait presque être le collector modèle ! Tout en elle respire la performance, la rareté, le style, le panache et la passion. Mais pouvoir en trouver une, et ensuite l’entretenir est comme un long chemin de croix semé d’embûches. Alors petits budgets et gens pressés, s’abstenir, car en bonne ancienne qui se respecte, il faut d’abord faire preuve de patience pour espérer un jour l’apprécier dans son garage. Sacrés Japonais !…
Valeurs en enchères 1.000.000 US$ Cette Toyota 2000GT de 1967 est l’un des 351 exemplaires construits au cours d’une série de production de trois ans et l’un des 84 configurés en conduite à gauche. Le châssis 10193 a été importé en Suisse en janvier 1969 par l’intermédiaire de l’importateur suisse Toyota Emil Frey et livré neuf au concessionnaire genevois Grand Garage des Nations, qui l’a vendu à son premier propriétaire en 1971.
La voiture aurait été achetée par Toyota Switzerland AG au début des années 1980 et utilisée à des fins promotionnelles avant de subir une rénovation en 1993 qui comprenait une repeinture dans sa teinte originale rouge solaire. Il a résidé dans la collection Emil Frey à Safenwil pendant environ 30 ans, subissant une rénovation supplémentaire en 2014 qui comprenait une reconstruction et un suralésage du six cylindres en ligne à DACT de 1 988 cc, un rafraîchissement de l’intérieur en vinyle noir et des révisions des systèmes de freinage et de suspension.
La voiture a été acquise par son propriétaire actuel en 2015 et importée aux États-Unis. L’équipement comprend trois carburateurs Mikuni-Solex, une transmission manuelle à cinq vitesses, un différentiel à glissement limité et des roues en magnésium de 15 pouces. Ce MF10L est maintenant offert en consignation par un concessionnaire au Texas avec une copie de son Swiss Wagenkarte, des factures de service datant des années 1990, des photos de remise à neuf et un titre Arizona propre.